MOTS-CLES: terrorisme, Iran, Irak, Venezuela, Bush, Blair, guerre
globale, médias, religion, démocratie, info alternative, Internet...
A Londres, la guerre contre l'Iran a commencé
Il s'appelait Jack. Ou Robert. Ou Hassan. Il était contre la guerre et
il détestait Bush et Blair. Comme beaucoup de ces Londoniens qui se
rendaient au boulot ce jeudi 7 juillet. Il ne savait pas que c'était
son dernier voyage...
La majorité des Londoniens sont opposés à l'occupation de l'Irak et
avaient voté pour un maire qui s'y opposait aussi. Et beaucoup
d'autres victimes, influencées par leurs médias, n'avaient tout
simplement pas compris la nature économique de cette guerre.
En condamnant l'acte barbare commis à Londres, il s'agit de défendre
la mémoire de ces victimes. Car Blair et Bush vont essayer d'utiliser
leur mort pour imposer encore plus d'agressions et plus de
souffrances. Là-bas et ici. Le jour même, Bush s'en est pris à l'Iran.
Victimes du terrorisme ? Oui. Mais surtout du grand terrorisme d'Etat.
Le terrorisme des plus forts qui, pour le rester, bombardent et
torturent un peuple. Dont l'unique faute est de vouloir rester maître
de son pétrole, de sa vie, de l'avenir de ses enfants.
Et pendant ce temps, à Bagdad, c'est King's Cross tous les jours. A
cause de Blair.
Questions troublantes
Dans ces moments d'intense émotion, et de manipulation
politico-médiatique de l'émotion, il importe de garder la tête froide
pour se poser deux questions : 1. Que nous cache-t-on ? 2. A qui
profite le crime ?
. Que nous cache-t-on ? Vendredi, un haut responsable de la police
londonienne déclarait : « Aucun signe avant-coureur ne permettait de
dire ce qui allait se passer » (Reuters, 8 juillet). Vraiment ? Le
monde entier savait qu'après New York et Madrid, viendrait Londres.
Depuis des mois, on annoncait la tenue en Grande-Bretagne du G-8,
moment évidemment propice. Or, bizarrement, en juin, les services de
renseignement britanniques avaient abaissé le « niveau de menace » de
« grave, général » à « important ».
Après le 11 septembre aussi, les services de renseignements US avaient
tout de suite affirmé qu'ils n'avaient rien vu venir. Mais diverses
enquêtes ont démontré qu'ils savaient beaucoup de choses et s'étaient
montré curieusement négligents, pour ne pas dire plus. (voir notamment
« 11 septembre, pourquoi ils ont laissé faire les pirates de l'air »,
Peter Franssen, éd www.epo.be , 2002)
A qui ça profite ?
Les attentats de Londres surviennent au bon moment pour les
va-t-en-guerre. Bush était de plus en plus en difficulté à cause de
son échec flagrant en Irak. Dans son propre parti, des voix
s'élevaient pour un retrait. Son dernier discours sur « un monde plus
sûr et plus de liberté » n'avait convaincu personne. Et Blair était
isolé en Europe.
La solution ? « Pour nous unir, nous avons besoin d'un ennemi commun
», disait récemment Condoleeeza Rice. Et comment y arriver ? Voici la
réponse de David Rockefeller, (dirigeant d'Esso, de la Chase Manhattan
Bank, mais aussi du tout puissant Council for Foreign Relations où le
gratin des industriels et politiciens de la planète élabore la
stratégie générale pour diriger le monde) : « Nous sommes à la veille
d'une transformation globale. Tout ce dont nous avons besoin est la
bonne crise majeure, et les nations vont accepter le Nouvel Ordre
Mondial. »
Bush et Blair ont besoin du terrorisme, ils ont besoin que les
populations se sentent en danger. Pour faire passer leur guerre
globale, pour cacher qu'elle sert uniquement les multinationales, il
faut flanquer la trouille aux citoyens afin qu'ils soutiennent la
politique violente de leurs gouvernants, comme l'a bien montré Michael
Moore dans son film Bowling for Columbine.
Les attentats de Londres sont nuisibles pour la paix. Leurs auteurs
n'ont rien de commun avec la véritable résistance qui s'en prend à des
militaires ou à des collabos, pas à des civils. Assassiner des civils
innocents aide Blair et Bush à ressouder les rangs derrière eux, à
provoquer une fausse identification « Nous sommes tous en danger »
alors qu'en réalité leur guerre se tourne aussi contre la population
des USA et de Grande-Bretagne. Nous y reviendrons.
Après le 11 septembre 2001, en une semaine, Bush a réussi à faire
passer son programme de guerre en Afghanistan et en Irak, préparé
depuis longtemps. Et, au pas de charge, sa loi « Patriot Act »,
offensive générale contre les libertés aux USA mêmes. Un paquet de loi
si imposant et complexe qu'il avait fallu au moins un an pour le
préparer. N'oublions pas que, le soir même du 11 septembre, Rumsfeld,
ministre de l'Armée US, déclarait : « Ce qui s'est passé aujourd'hui
suffit-il à vous convaincre que ce pays doit, de toute urgence,
accroître ses dépenses pour la Défense et que l'argent pour financer
ces dépenses militaires doit être prélevé, si nécessaire, dans les
caisses de la Sécurité sociale ? » Des plans préparés de longue date
donc par le complexe militaro-industriel.
Après le 7 juillet 2005, la presse US de droite se réjouit : « Ceci
écarte les problèmes de crédibilité du président. Le soutien populaire
de Bush va se redresser... », prédit Fox News, (7/7) Et «Les attaques
de Londres comme celles de Madrid ont requis un haut degré de
coordination, indiquant un complot préparé longtemps. Et dire que nous
discutaillons s'il faut démanteler des dispositions-clés du Patriot
Act ! » (Washington Post, 8/7)
Voilà qui répond à la question « A qui profite le crime ? ». Demain, à
coup sûr, Blair, mais aussi d'autres comme Sarkozy viendront à nouveau
nous expliquer que « pour notre sécurité », il faut « prélever dans la
Sécurité sociale pour augmenter les dépenses militaires » et répressives.
En fait, braquer les projecteurs sur le terrorisme sert à détourner
l'attention de la faillite des prétendues « politiques anti-pauvreté » ...
Qui est responsable de la pauvreté ?
Après les attentats, nous avons vu Bush sortir du château de
Glenneagles et s'adresser aux caméras, avec des trémolos dans la voix,
pour vanter « des gens qui ici (au G-8), cherchent comment résoudre la
pauvreté en Afrique ».
En vérité, si un enfant meurt de pauvreté toutes les trois secondes,
c'est à cause de Bush et des multinationales.
La pauvreté du tiers monde ne tombe pas du ciel. Elle est la
conséquence de cinq siècles de pillage brutal des matières premières
et, aujourd'hui encore, des relations économiques imposées aux
colonies, ce mot reste valable. Par ces relations injustes, les
multinationales continuent à sucer les richesses du tiers monde et à
creuser l'écart de façon toujours plus dramatique.
Et quand un pays souhaite assurer son développement dans l'
indépendance, qu'il veut simplement tirer profit lui-même de son
pétrole, de ses richesses naturelles ou de sa main d'oeuvre, comment
réagissent les grandes puissances? D'abord, elles essayent de le
soumettre par le chantage du FMI et de la Banque Mondiale afin qu'il
abandonne ses industries, ses services publics envers la population et
qu'il devienne un docile pion des multinationales. Si ça ne suffit
pas, on passe à l'embargo économique, aux guerres civiles, alimentées
ou importées, et finalement aux bombardements ou aux coups d'Etat de
la CIA.
La guerre de Cent Ans
A la Chute du Mur, le capitalisme triomphant nous avait promis un
nouvel ordre mondial fait de démocratie et de paix durable. Mais le
premier droit de l'homme, celui de manger à sa faim, est toujours
refusé à une grande partie de l'humanité. Et les guerres US, directes
ou indirectes, se sont multipliées : Irak, Yougoslavie, Afghanistan,
Congo... Et les cibles de demain ont déjà été désignées par Washington
: Iran, Syrie, Corée, Cuba, Venezuela, Zimbabwe, etc...
En réalité, après la chute de l'URSS et le bouleversement des rapports
de force internationaux, les USA se sont lancés dans une guerre de
Cent Ans, dont chacune de ces guerres partielles est une étape. Cette
guerre globale poursuit trois objectifs, étroitement liés :
1. Contrôler les matières premières, surtout l'énergie, et pouvoir en
priver les rivaux.
2. Briser tout Etat du tiers monde trop indépendant.
3. Subordonner les autres grandes puissances : Europe, Japon, Russie...
Cette guerre de Cent Ans pour recoloniser la planète, cette
militarisation des relations internationales est en fait la seule «
solution » que les multinationales US voient pour échapper à la crise
qu'elles ont elles-mêmes créée. Comment ont-elles provoqué cette crise
? En appauvrissant leurs propres travailleurs d'une part, et ceux du
tiers monde colonisé, d'autre part. Ce qui a pour conséquence
d'aggraver l'écart des richesses et de ruiner ceux qui seraient censés
acheter leurs marchandises. Cercle vicieux.
Cette crise économique structurelle est insoluble parce que c'est une
crise due au fossé riches-pauvres, c'est la crise inévitable d'un
système injuste. Et la guerre n'est pas due au caractère de Bush ou de
son équipe, non, elle est une stratégie pour « sortir de la crise » en
renforçant la domination sur le monde et ses richesses. La guerre
militaire est la conséquence des lois de la guerre économique.
Contrôler les matières premières vise à s'assurer un avantage décisif
dans la concurrence exacerbée entre multinationales. Qui ne prend pas
cet avantage ne survivra pas à la guerre économique. Et les moyens de
gagner n'étant limités par aucune morale, la guerre fait partie de ces
moyens.
Pourquoi attaquer l'Iran ?
Pourquoi l'Iran est-elle la prochaine cible ? Parce que ce pays
possède des réserves pétrolières importantes, parce que c'est la
principale puissance de la région refusant de se soumettre à Israël,
parce que les récents efforts pour faire capituler Téhéran ont échoué.
Attaquer l'Iran vise en réalité à contrôler l'ensemble du pétrole du
Moyen-Orient, comme de la planète d'ailleurs. Pour permettre aux USA
d'exercer un chantage sur l'approvisionnement pétrolier des rivaux :
Europe, Japon, Chine. Qui veut dominer le monde, doit contrôler toutes
ses sources d'énergie.
Mais il s'agit aussi d'empêcher la constitution en Asie d'une alliance
entre puissances résistantes. Dans La guerre globale a commencé, juste
après le 11 septembre, nous écrivions : "Bien sûr, le grand principe
de toute politique impérialiste reste «Diviser pour régner». Sur ce
continent asiatique, voici que les Etats-Unis craignent par dessus
tout, explique encore Brzezinski : «La Chine pourrait être le pilier
d'une alliance anti-hégémonique Chine - Russie - Iran.» "
Celle-ci étant bien évidemment la cible ultime de la guerre globale.
Puisque c'est le plus grand marché d'avenir et le plus puissant des
pays indépendants. En fait, les Etats-Unis, pour rester la seule
superpuissance, ont d'ores et déjà décidé que la Chine était leur
ennemi n° 1. Tout ce qu'ils opèrent sur le continent asiatique est à
comprendre dans cette perspective. Surtout l'encerclement de la Chine
qui s'est accéléré avec l'installation de bases militaires en
Afghanistan et qui va se poursuivre à travers chaque épisode de la
guerre globale.
Chaque guerre est aussi contre nous tous
Bush et Blair veulent nous faire croire qu'en menant ces guerres, ils
défendraient aussi notre niveau de vie, en Europe et aux USA. Que nous
aurions les mêmes intérêts qu'eux face aux pays « voyous ».
Faux. Attaquer l'Irak n'a profité qu'aux multinationales du pétrole,
des armements, du bâtiment et de la finance. De même, attaquer la
Yougoslavie, si on va au-delà des multiples médiamensonges, n'était
pas un acte humanitaire, mais une privatisation par les bombes. Le
véritable but des grandes puissances - leurs propres documents
stratégiques en attestent - était de prendre le contrôle d'une
économie restée indépendante des multinationales et d'une main
d'oeuvre qui voulait conserver les droits sociaux de l'autogestion.
En brisant ces rêves d'indépendance, on lançait un avertissement très
frappant à l'Europe de l'Est et à la Russie : abandonnez tout rêve
d'échapper aux multinationales ! Ce faisant, on prenait possession de
la main d'oeuvre de l'Est (privée de ses protections sociales). Soit
pour y délocaliser des usines, soit pour en importer des quantités de
plombiers polonais, mis en concurrence avec les travailleurs d'ici
afin d'abaisser les salaires et d'augmenter les bénéfices.
C'est pourquoi globalisation et guerre sont deux faces de la même
médaille. La globalisation vise à placer tous les pays du monde sous
une pression maximum des multinationales, sous un chantage généralisé,
notamment quant aux conditions de travail. Et la guerre, c'est la
matraque lorsqu'un peuple refuse ce chantage.
Tout ceci montre qu'une guerre d'agression de Bush et Blair (ou,
demain peut-être, une guerre menée par l'U.E. ?), ne sert pas les
intérêts des travailleurs US ou européens. Au contraire, ce sont eux
qui la paient. D'abord, en fournissant les victimes, soit comme
soldats soit comme cibles des attentats, mais aussi et surtout en se
retrouvant tous victimes d'un chantage anti-social qui les plongera
dans le chômage ou dans l'hyper-précarité du travail.
Bref, la guerre de Bush et Blair, c'est la guerre des riches contre
les pauvres. C'est une guerre contre l'avenir de l'humanité. Mettre
fin à la pauvreté, mettre fin à la guerre, c'est combattre Bush et
Blair. Il n'y a pas de milieu.
Next Stop Teheran
Après les attentats de Londres, Bush s'est empressé de dénoncer la «
menace iranienne ». Mais, en fait, il prépare depuis longtemps sa
guerre contre ce pays. Car les guerres ne commencent pas par des
bombes. Il faut d'abord une préparation :
- Militaire : préparer la logistique et les bases d'appui de l'assaut
(nous y reviendrons).
- Médiatique : préparer l'opinion en diabolisant le pays visé.
Cette préparation médiatique consiste en une propagande de guerre
jouant sur le conscient et l'inconscient.
Thème n° 1. Les armes de destruction massive. Yes, again ! Depuis des
mois, les grands médiaux occidentaux braquent les projecteurs - comme
Bush - sur « la menace nucléaire iranienne ». Alors qu'Israël possède
déjà deux cent têtes nucléaires clandestines, et qu'il a déjà agressé
tous ses voisins, le seul danger qu'on veut nous faire craindre, c'est
Téhéran.
Les armes nucléaires sont certes un fléau à éliminer, mais pourquoi
devrions-nous faire davantage confiance à celles de Bush et de Sharon
? Comment peut-on nier le droit d'un pays à se défendre contre une
agression ? On sait pourtant que Bagdad et Belgrade ont été attaquées
impunément, justement parce que elles n'avaient pas de quoi se
défendre un tout petit peu !
Thème n° 2. Le « terrorisme islamiste ». Le thème des armes ayant
ridiculisé Bush dans le cas de l'Irak, on ajoute « le terrorisme
islamiste ». Bien agité, ce thème a l'avantage de nous faire peur «
chez nous ». Demain, sans doute, de pseudo-révélations des services US
ou britanniques, complaisamment relayées, essayeront de nous
convaincre que Téhéran était derrière les attentats. Tout comme Bush
avait essayé de lier Saddam et Al-Qaida.
Thème n° 3. La démocratie. Vu l'échec du thème 2 dans le cas irakien,
les rédacteurs des discours de Bush nous vendent à présent la guerre
avec un autre argument de marketing : la démocratie. Il s'agirait de
gagner tous ces nombreux pays attaqués à « la liberté ». Cocasse quand
on sait que la famille Bush a construit sa fortune en collaborant avec
Hitler, puis avec Ben Laden. Et que George Bush père, quand il était à
la tête de la CIA, a protégé les pires dictateurs d'Amérique latine et
d'ailleurs. Mais si les médias n'insistent pas trop sur ce noir passé,
le thème de la démocratie peut encore marcher.
Sur le plan des libertés, chacun pense ce qu'il veut des gouvernants
iraniens, mais une chose est sûre : la question n'est pas là. Ce n'est
pas pour les beaux yeux de la démocratie que Bush cherche à faire main
basse sur ce pays, c'est juste pour son or noir.
D'ailleurs, les Etats-Unis sont-ils crédibles en prétendant importer
la démocratie en Iran ? En 1953, un coup d'Etat organisé par leur CIA
a renversé le premier ministre Mossadegh, trop indépendant sur la
question du pétrole. Ensuite, six présidents successifs des Etats-Unis
ont imposé au peuple iranien la dictature fasciste du Chah Pahlevi et
des terribles tortionnaires de la Savak : 300.000 torturés en vingt
ans. Un peu amnésiques, les donneurs de leçons !
Arrêtons le bla-bla du « Ni, ni » et de la « guerre pour la démocratie » !
« Ni Bush, ni les ayatollahs » ? Verra-t-on bientôt resurgir ce piteux
mot d'ordre très répandu dans une certaine gauche molle, bien qu'il
ait fait tant de mal à propos de l'Irak ou de la Yougoslavie ?
En 2001, nous dénoncions l'effet néfaste des slogans « Ni Bush, ni
Saddam », « Ni l'Otan, ni Milosevic », « Ni Sharon, ni Arafat » : «
Depuis douze ans, cette position dominante dans la gauche
intellectuelle européenne condamne le mouvement anti-guerre à la
passivité. Parce qu'elle met sur le même pied l'agresseur et
l'agressé. Si tous sont également mauvais, on n'a pas de raison de
tout faire pour arrêter l'agression.
Le « Ni, ni », c'est le cancer du mouvement anti-guerre. Il faut y
mettre fin. Ce n'est pas Saddam ou Milosevic qui menace le monde
entier, c'est Bush. Ce ne sont pas la Yougoslavie ou l'Irak qui,
chaque jour, condamnent à la mort 35.000 enfants du tiers monde, ce
sont les multinationales.
Les Etats-Unis menacent la paix partout dans le monde. En mettant en
avant les reproches, exacts ou non, aux Etats qui leur résistent, on
fait seulement le jeu de l'agression. Ce n'est pas aux gouvernements
occidentaux de décider qui doit diriger tel ou tel pays du tiers monde
et selon quels intérêts. C'est à ces peuples eux-mêmes qu'il revient
d'en décider. Mais si on laisse Washington occuper ces régions, aucune
lutte sociale ou démocratique n'en deviendra plus facile, bien au
contraire. Seules les multinationales y gagnent. " Fin de citation.
(Où en est la Yougoslavie:
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2002-11-01%2017:05:32&log=articles
On en a maintenant une preuve de plus avec l'occupation de l'Irak.
A-t-elle résolu un seul des problèmes du pays ou les a-t-elle au
contraire dramatiquement aggravés ? Espérons qu'on n'entendra plus
cette démobilisante litanie du « Ni, ni » !
Le contre-exemple du Venezuela
Peut-on encore accorder un gramme de crédit à « la guerre pour la
démocratie » ? Pour en avoir le coeur net, examinons l'exemple du
Venezuela. Vous avez là un président, Hugo Chavez, qui vient de gagner
neuf élections en six ans, en augmentant ses voix. Que fait Bush ? Il
verse plusieurs dizaines de millions de dollars à la CIA (selon les
propres documents US) pour renverser ce président démocratiquement
élu. Par tous les moyens possibles... 2002 : tentative de coup d'Etat.
Echec. 2003 : sabotage de l'industrie pétrolière. Echec. 2004 :
campagne d'intox à budgets énormes, pour tenter de l'évincer par un
référendum sous pression. Echec.
2005 ou 2006 ? Furieux, Bush meurt d'envie d'envahir lui-même le
Venezuela. Sous n'importe quel prétexte. Par exemple en y « découvrant
» des terroristes ou en décrétant que la Colombie voisine est «
menacée ». Mais il ne peut le faire tant qu'il est empêtré en Irak.
Pas moyen de mener deux grandes guerres de front. En fait, la
résistance actuelle du peuple irakien sauve les autres pays menacés.
Ce que Bush reproche à Chavez, ce n'est pas le manque de démocratie
(il faut se rendre là-bas pour mesurer à quel point les simples gens
se mobilisent sur tous les problèmes de leur vie et de leur avenir).
Non, ce que Bush reproche à Chavez, c'est que les revenus du pétrole
du Vénézuela soient « détournés » pour financer des projets
d'alphabétisation, de lutte contre la misère et de soins de santé pour
tous. Au lieu de servir, comme ailleurs, à enrichir Esso et Shell. A
bas Chavez, donc, le rebelle, le « populiste » qui donne le mauvais
exemple en faisant croire que le pétrole appartient à son peuple !
Cet exemple du Venezuela prouve, s'il le fallait, que les guerres des
Etats-Unis n'ont absolument pas pour objectif la liberté ou la
démocratie, mais seulement l'or noir et la domination du monde.
Supposons que demain les dirigeants de Téhéran se soumettent aux
volontés d'Esso et Shell, comme le font les régimes arabes « amis » du
Koweït ou des Emirats... Croit-on qu'on entendrait encore toutes ces
campagnes de critiques sur leurs armements ou sur leur conception de
la femme ?
Diviser par la religion ?
Bref, où qu'on se tourne, aucun des thèmes de l'actuelle propagande de
guerre - nucléaire, terrorisme, dictature - ne résiste à une analyse
objective. C'est pourquoi la propagande de guerre vise surtout
l'inconscient...
Quand on parle de « terrorisme islamiste », on manipule le public. On
lui fait croire qu'une religion particulière est dangereuse. Même si
en paroles, bien sûr, on affirme solennellement que les musulmans sont
des gens très bien, et cetera... mais l'expression même qui lie le
terrorisme à une religion est un piège.
Imaginons. Vu que les actes d'agression commis par Bush et Blair
violent systématiquement le droit international et qu'ils peuvent,
juridiquement, être qualifiés de terreur d'Etat, que dirions-nous si
la presse des pays musulmans venait à parler de « terrorisme chrétien
» ? Nous répondrions évidemment que la grande majorité des chrétiens
du monde condamnent Bush, et que l'explication est donc ailleurs.
En effet, la guerre globale n'est pas une guerre de religion, mais une
guerre économique. Ce sont Bush et Blair qui ont intérêt à diviser
leurs opposants en diabolisant une religion. Si le terrorisme est «
islamiste », alors chaque musulman devient un suspect potentiel, dans
l'avion, le métro ou la mosquée. Pas besoin d'en rajouter beaucoup.
Des siècles de mépris colonial, des dizaines d'années sur le thème de
l'Arabe qui vient nous prendre notre travail (alors que c'est nous qui
lui avons pris ses richesses), tout cela constitue une rampe de
lancement toute prête pour diaboliser les musulmans. Comme on a
diabolisé les juifs dans les années 30.
Le thème de la « religion dangereuse » sert à diviser les peuples du
monde, à attirer l'attention sur tel phénomène particulier pour cacher
la nature générale de la guerre globale. Mais le Vénézuela, un pays
très chrétien, est aussi la cible de Bush. Alors ?
La guerre contre l'Iran a déjà démarré
Demain, Bush et Blair vont peut-être « découvrir » des preuves de
l'implication de Téhéran dans les attentats. Ils prétendront agir « en
représailles ». Mais ça, ce sera juste la campagne psychologique
envers l'opinion selon les règles classiques de la propagande de
guerre. En réalité, la guerre contre l'Iran a déjà commencé, comme le
montre l'ex-officier US Scott Ritter, devenu analyste militaire :
« Le 16 octobre 2002, le président Bush déclarait au peuple américain
: « Je n'ai pas ordonné l'usage de la force contre l'Irak. J'espère
que ce ne sera pas nécessaire. » Nous savons maintenant que cette
déclaration était un mensonge. En fait, fin août 2002, le président
avait signé un ordre autorisant les militaires US à commencer des
opérations militaires actives à l'intérieur de l'Irak. En septembre
2002, l'US Air Force, assisté par la British Royal Air Force,
commençait à bombarder des cibles à l'intérieur de l'Irak pour
affaiblir les capacité de défense anti-aérienne et de commandement. Au
printemps 2002, le président Bush avait signé un ordre secret
autorisant la CIA et les forces spéciales à déployer des unités
clandestines en Irak même. »
En est-il de même aujourd'hui pour l'Iran ? Oui, indique Ritter : « Au
moment où nous parlons, des survols US de l'espace aérien iranien ont
lieu, à l'aide d'avions sans pilotes et d'autres équipements plus
sophistiqués. Violer l'espace aérien est déjà un acte de guerre. Au
nord, dans l'Azerbaïdjan voisin, l'armée US prépare la base
d'opérations pour une présence militaire massive qui annonce une
campagne terrestre majeure afin de s'emparer de Téhéran. L'aviation
US, opérant à partir de ses bases en Azerbaïdjan, a beaucoup raccourci
la distance à parcourir pour frapper des cibles à Téhéran. En fait,
une fois les hostilités commencées, elle serait capable de maintenir
une présence quasiment 24 heures sur 24 heures dans l'espace aérien
iranien. » (Publié sur le site Al-Jazeera).
Stratégiquement, l'Iran se trouve à présent encerclé de bases
militaires US disposées sur ses trois flancs : 1. Afghanistan. 2.
Irak. 3. Azerbaïdjan. Est. Ouest. Nord. Intéressant : l'implantation
en Azerbaïdjan a commencé il y a longtemps. En 2000, au lendemain de
la guerre contre la Yougoslavie, nous écrivions : « Un secrétaire
adjoint aux affaires étrangères US ne s'occupe que du Caucase. Une
visite solennelle de Javier Solana démontre que l'Otan s'intéresse
énormément à cette région stratégique. L'Otan s'étend dans le Caucase
pour en chasser la Russie. La principale tête de pont US dans le
Caucase, c'est l'Azerbaïdjan. Washington ne peut s'y installer
militairement de façon trop voyante (mais) confie à la Turquie le soin
de s'occuper de former l'armée de l'Azerbaïdjan. » (Michel Collon,
Monopoly, p. 114-116, http://www.michelcollon.info/monopoly.php
Cinq ans plus tard, on voit que l'installation de bases militaires US
et la transformation de l'Azerbaïjan en une sorte d'Israël du Caucase
visait certes la Russie, mais peut-être plus encore l'Iran. Les
stratèges US calculent à long terme et préparent plusieurs coups d'avance.
Les guerres commencent toujours avant la date officielle
Ritter a raison : une guerre de Washington commence bien avant qu'elle
soit officiellement déclarée. Il importe d'analyser, au-delà des
discours officiels et médiatiques les antécédents et les dessous des
dernières guerres.
Premier exemple. Officiellement, la première guerre contre l'Irak
commence en août 90 quand Saddam Hussein occupe le Koweït. En réalité,
un an plus tôt, le Congrès US avait décrété contre l'Irak un embargo
(acte de guerre qui ne dit pas son nom). En fait, la décision de
guerre résulta d'un discours de Saddam qui appelait tous les pays du
Golfe à s'unir pour être plus indépendants des Etats-Unis. Le
Moyen-Orient risquait d'échapper à ceux-ci. La suite ne fut qu'une
préparation militaire et médiatique.
Deuxième exemple. Officiellement, les Etats-Unis et l'Otan s'engagent
contre les Serbes en 1995, ayant attendu quatre ans après le début des
combats locaux. En réalité, dès 1979, l'Allemagne avait envoyé ses
agents secrets pour faire éclater la Yougoslavie et contrôler les
Balkans. Quant aux Etats-Unis, ils adoptèrent des sanctions contre la
Yougoslavie dès 1990 !
Troisième exemple. Officiellement, Bush décida d'attaquer l'Aghanistan
après le 11 septembre 2001. En réalité, un an plus tôt déjà, les
stratèges du Pentagone avaient indiqué qu'il était nécessaire de «
changer de régime » à Kaboul, car les talibans refusaient de signer
l'accord pour un pipeline US stratégique vers l'Asie du Sud.
La guerre contre l'Iran aussi a commencé bien avant le jour où on nous
l'annoncera.
Les médias aident-ils Bush ?
Chaque guerre est liée à une guerre de l'information, dont le rôle est
décisif. Il s'agit d'amener, par tous les moyens, les citoyens à
soutenir la politique de leurs gouvernements. Une des méthodes
consiste à traiter différemment les victimes...
Pour les grands médias, les morts n'ont pas le même poids. L'employé
londonien frappé par une bombe en se rendant à son bureau pèse mille
fois plus que le boulanger bagdadi tué par un missile US alors qu'il
cuisait son pain...
Le 1er juillet dernier, un bombardier US B-52 lançait des missiles
téléguidés sur un bloc de maisons dans la province de Kunar en
Afghanistan, tuant au moins 17 personnes, notamment des femmes et des
enfants. Quels dirigeants européens ont protesté contre cette barbarie
? Quels médias ont donné à la souffrance des Afghans la même valeur
qu'à celle des Londoniens ?
C'est une loi journalistique incontournable, répondront les médias. La
fameuse «loi du mort kilomètre ». Vous êtes censé vous intéresser
davantage à un mort dans votre rue qu'à dix morts dans la ville
voisine ou mille morts sur un autre continent. Mais ce qu'on oublie de
dire, c'est que beaucoup dépend de la valeur accordée à ces morts par
le média qui vous les présente... Si on vous montre une image
touchante de la victime, si un proche décrit de façon concrète sa vie
et sa mort, si la souffrance de sa famille est vraiment prise en
compte, alors une victime lointaine peut vous devenir proche. Un
exemple...
Quand les médias occidentaux ont décidé, en 1991, qu'il fallait nous
faire pleurer sur les « victimes de Saddam », ils nous ont abondamment
ressassé les pleurs de cette jeune infirmière koweïtienne qui
racontait comment les soldats irakiens avaient volé des centaines de
couveuses à Koweit-City, assassinant ainsi des bébés, et nous avons
tous pleuré. Bien que ce fut lointain.
Mais ensuite nous avons appris que la jeune fille n'était pas
infirmière, n'avait jamais été à cette maternité et qu'elle mentait
entièrement dans une mise en scène Hollywood, car jamais ces couveuses
n'avaient été volées. Ce médiamensonge, largement relayé, a eu un
impact énorme, permettant à Bush père de faire approuver sa guerre par
l'opinion internationale. Cela prouve que l'essentiel n'est pas le
nombre de kilomètres. Mais bien la décision médiatique de trouver
certaines victimes importantes, et d'autres pas.
Dans les périodes de guerre, chaude ou froide, nos « amis » morts
pèsent mille fois que plus que nos « ennemis », ceux qui résistent à
nos multinationales. Ce « deux poids, deux mesures » est en réalité la
conséquence d'une éducation ethnocentrique. Qui fait de l'Europe et
des USA le centre du monde, chargé d'apporter la démocratie et la
civilisation aux pays plus arriérés et qui doivent nous rattraper. Ce
schéma dissimule le colonialisme et notre domination impériale sur ce
monde.
Nous ne développons pas davantage le thème, certes important, du rôle
guerrier des médias. Nous renvoyons à notre texte sur les principes de
la propagande de guerre : Le droit à l'information, un combat.
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2004-01-01%2020:34:14&log=articles
Il n'y a pas de fatalité
C'est un fait. Nous n'avons réussi à empêcher ni la guerre contre
l'Irak, ni celle contre la Yougoslavie, ni celle contre l'Afghanistan,
sans parler de la Palestine ou du Congo. Sommes-nous, en tant que
mouvement pour la paix, condamnés à toujours perdre ?
Non, il n'y a pas de fatalité. En 2003, les manifestations
anti-guerre, organisées dans le monde entier, ont rassemblé plus de
gens que jamais auparavant. Et dans chaque pays où nous allons, nous
constatons que Bush inquiète de plus en plus, que l'hypocrisie des
prétextes se démasque de plus en plus, que la colère monte. Assez de
guerres !
Bien sûr, chacun se demande : à qui vont profiter les attentats de
Londres ? Et ceux qui risquent de survenir à Rome, Copenhague ou
Amsterdam ? Ainsi qu'à Bruxelles, si nous laissons l'Otan s'engager de
plus en plus dans la complicité avec Bush en Irak.
A qui ces attentats profiteront-ils ? A Bush et Blair qui en
profiteront pour ressouder les rangs et engager d'autres guerres à
l'infini ? Ou bien aux forces de paix qui pourront encore mieux
montrer qu'il y a eu assez de morts, à Londres comme à Bagdad, et que
l'occupation pour le pétrole doit prendre fin car la terreur engendre
la terreur, et que sans justice, le monde ne sera jamais en paix.
Qui sera plus fort ? Leurs médias ou les nôtres ?
L'agressivité de Bush et Blair ne doit pas tromper. Elle est un signe
de faiblesse. Leur seule chance de continuer la guerre est de diviser
les peuples. Leur « force » repose sur l'info tronquée, les
médiamensonges de diabolisation, la dissimulation des intérêts
économiques... Donc, c'est aussi leur faiblesse si nous nous lançons
tous dans la bataille de la contre-information. La construction d'une
info alternative par Internet, par le travail de discussion autour de
soi, patient, concret, argumenté, appliqué à grande échelle et de
façon coordonnée, voilà l'antidote à la propagande de guerre. A nous
de construire la propagande pour la paix !
Cette contre-info est indispensable pour sauver des vies. Car les
morts de Londres sont victimes des guerres perpétrées en leur nom. Et
du fait que les populations occidentales n'ont pas encore suffisamment
compris la nature criminelle de cette occupation-pillage de l'Irak. Le
jour où la prise de conscience sera plus forte encore, elle arrêtera
cette guerre comme elle arrêta celle du Vietnam.
Sont-ils trop forts « en face » ? Trois exemples récents montrent que non.
1. Aznar a essayé de tricher aux élections espagnoles de 2004 en
diabolisant l'ETA pour les attentats de Madrid. Il a été mis en échec
par l'information populaire à la base : Internet et les SMS.
2. Lors du coup d'Etat anti-Chavez de 2002, les médias pro-US, quasi
monopolistiques, ont soutenu les putschistes en cachant au pays la
résistance massive du peuple de Caracas. Mais l'info a quand même
circulé grâce aussi à Internet, aux SMS, aux motards roulant de
quartier en quartier, etc...
3. Tous les médias français ont appuyé le « Oui » au référendum sur la
Constitution en violant scandaleusement les principes du débat
démocratique et de la déontologie journalistique. Mais ils ont été
battus par une large mobilisation à la base et sur Internet.
Ces exemples récents montrent que les médias du système ne sont pas
invincibles. L'information du peuple peut être plus forte qu'eux.
Dans ce sens, le mouvement belge Stop USA, auquel je participe à
Bruxelles, vient de lancer des cartes-pétitions adressées au premier
ministre belge. Avec un remarquable dessin de Matiz sur l'occupation
de l'Irak. Son texte : « Je désapprouve les guerres de Bush, pour le
pétrole ou pour dominer le monde. Je refuse d'en être complice. Par le
silence ou la participation, même indirecte, de la Belgique. »
En les faisant signer un peu partout, avec les groupes de base de Stop
USA, nous constatons un très bon accueil. Mais aussi que les gens sont
encore sous-informés. Très peu savent que la Belgique prête le port
d'Anvers à Bush pour le transit de ses armes vers l'Irak, très peu
savent que des armes nucléaires US stationnent clandestinement sur
notre territoire et que l'envoi de nos troupes en Afghanistan sert à
libérer des forces US pour agresser l'Irak.
Mais quand on les informe, on constate une volonté générale de devenir
plus actifs contre les guerres de Bush. D'où notre responsabilité à
tous. Ici, en Europe, il faut absolument augmenter la pression pour
isoler Bush et Blair.
Le peuple espagnol a su imposer le retrait de ses troupes. Il faut
aller plus loin, par le travail d'information, discussion et pétition.
Concrètement : que plus aucun gouvernement européen n'aide la guerre
en Irak, même de façon indirecte et limitée ! Une campagne « Je ne
veux pas être complice » devrait être organisée à l'échelle européenne.
Si ensemble nous nous engageons ainsi, alors la mort de Jack, Robert
ou Hassan n'aura pas été vaine.
Michel Collon
Bruxelles, 11 juillet 2005
PS. Pour contacter cette campagne de Stop USA, pour voir le dessin de
Matiz, vous informer ou vous procurer ces cartes :
http://www.stopusa.be/home/index.php?langue=1 ou info@s...
Sur les médiamensonges des précédentes guerres :
http://www.michelcollon.info/archives_testm.php
VOIR AUSSI : Ramadani - L'occupation n'est pas la solution, mais le
problème
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2005-07-08%2020:13:29&log=invites
globale, médias, religion, démocratie, info alternative, Internet...
A Londres, la guerre contre l'Iran a commencé
Il s'appelait Jack. Ou Robert. Ou Hassan. Il était contre la guerre et
il détestait Bush et Blair. Comme beaucoup de ces Londoniens qui se
rendaient au boulot ce jeudi 7 juillet. Il ne savait pas que c'était
son dernier voyage...
La majorité des Londoniens sont opposés à l'occupation de l'Irak et
avaient voté pour un maire qui s'y opposait aussi. Et beaucoup
d'autres victimes, influencées par leurs médias, n'avaient tout
simplement pas compris la nature économique de cette guerre.
En condamnant l'acte barbare commis à Londres, il s'agit de défendre
la mémoire de ces victimes. Car Blair et Bush vont essayer d'utiliser
leur mort pour imposer encore plus d'agressions et plus de
souffrances. Là-bas et ici. Le jour même, Bush s'en est pris à l'Iran.
Victimes du terrorisme ? Oui. Mais surtout du grand terrorisme d'Etat.
Le terrorisme des plus forts qui, pour le rester, bombardent et
torturent un peuple. Dont l'unique faute est de vouloir rester maître
de son pétrole, de sa vie, de l'avenir de ses enfants.
Et pendant ce temps, à Bagdad, c'est King's Cross tous les jours. A
cause de Blair.
Questions troublantes
Dans ces moments d'intense émotion, et de manipulation
politico-médiatique de l'émotion, il importe de garder la tête froide
pour se poser deux questions : 1. Que nous cache-t-on ? 2. A qui
profite le crime ?
. Que nous cache-t-on ? Vendredi, un haut responsable de la police
londonienne déclarait : « Aucun signe avant-coureur ne permettait de
dire ce qui allait se passer » (Reuters, 8 juillet). Vraiment ? Le
monde entier savait qu'après New York et Madrid, viendrait Londres.
Depuis des mois, on annoncait la tenue en Grande-Bretagne du G-8,
moment évidemment propice. Or, bizarrement, en juin, les services de
renseignement britanniques avaient abaissé le « niveau de menace » de
« grave, général » à « important ».
Après le 11 septembre aussi, les services de renseignements US avaient
tout de suite affirmé qu'ils n'avaient rien vu venir. Mais diverses
enquêtes ont démontré qu'ils savaient beaucoup de choses et s'étaient
montré curieusement négligents, pour ne pas dire plus. (voir notamment
« 11 septembre, pourquoi ils ont laissé faire les pirates de l'air »,
Peter Franssen, éd www.epo.be , 2002)
A qui ça profite ?
Les attentats de Londres surviennent au bon moment pour les
va-t-en-guerre. Bush était de plus en plus en difficulté à cause de
son échec flagrant en Irak. Dans son propre parti, des voix
s'élevaient pour un retrait. Son dernier discours sur « un monde plus
sûr et plus de liberté » n'avait convaincu personne. Et Blair était
isolé en Europe.
La solution ? « Pour nous unir, nous avons besoin d'un ennemi commun
», disait récemment Condoleeeza Rice. Et comment y arriver ? Voici la
réponse de David Rockefeller, (dirigeant d'Esso, de la Chase Manhattan
Bank, mais aussi du tout puissant Council for Foreign Relations où le
gratin des industriels et politiciens de la planète élabore la
stratégie générale pour diriger le monde) : « Nous sommes à la veille
d'une transformation globale. Tout ce dont nous avons besoin est la
bonne crise majeure, et les nations vont accepter le Nouvel Ordre
Mondial. »
Bush et Blair ont besoin du terrorisme, ils ont besoin que les
populations se sentent en danger. Pour faire passer leur guerre
globale, pour cacher qu'elle sert uniquement les multinationales, il
faut flanquer la trouille aux citoyens afin qu'ils soutiennent la
politique violente de leurs gouvernants, comme l'a bien montré Michael
Moore dans son film Bowling for Columbine.
Les attentats de Londres sont nuisibles pour la paix. Leurs auteurs
n'ont rien de commun avec la véritable résistance qui s'en prend à des
militaires ou à des collabos, pas à des civils. Assassiner des civils
innocents aide Blair et Bush à ressouder les rangs derrière eux, à
provoquer une fausse identification « Nous sommes tous en danger »
alors qu'en réalité leur guerre se tourne aussi contre la population
des USA et de Grande-Bretagne. Nous y reviendrons.
Après le 11 septembre 2001, en une semaine, Bush a réussi à faire
passer son programme de guerre en Afghanistan et en Irak, préparé
depuis longtemps. Et, au pas de charge, sa loi « Patriot Act »,
offensive générale contre les libertés aux USA mêmes. Un paquet de loi
si imposant et complexe qu'il avait fallu au moins un an pour le
préparer. N'oublions pas que, le soir même du 11 septembre, Rumsfeld,
ministre de l'Armée US, déclarait : « Ce qui s'est passé aujourd'hui
suffit-il à vous convaincre que ce pays doit, de toute urgence,
accroître ses dépenses pour la Défense et que l'argent pour financer
ces dépenses militaires doit être prélevé, si nécessaire, dans les
caisses de la Sécurité sociale ? » Des plans préparés de longue date
donc par le complexe militaro-industriel.
Après le 7 juillet 2005, la presse US de droite se réjouit : « Ceci
écarte les problèmes de crédibilité du président. Le soutien populaire
de Bush va se redresser... », prédit Fox News, (7/7) Et «Les attaques
de Londres comme celles de Madrid ont requis un haut degré de
coordination, indiquant un complot préparé longtemps. Et dire que nous
discutaillons s'il faut démanteler des dispositions-clés du Patriot
Act ! » (Washington Post, 8/7)
Voilà qui répond à la question « A qui profite le crime ? ». Demain, à
coup sûr, Blair, mais aussi d'autres comme Sarkozy viendront à nouveau
nous expliquer que « pour notre sécurité », il faut « prélever dans la
Sécurité sociale pour augmenter les dépenses militaires » et répressives.
En fait, braquer les projecteurs sur le terrorisme sert à détourner
l'attention de la faillite des prétendues « politiques anti-pauvreté » ...
Qui est responsable de la pauvreté ?
Après les attentats, nous avons vu Bush sortir du château de
Glenneagles et s'adresser aux caméras, avec des trémolos dans la voix,
pour vanter « des gens qui ici (au G-8), cherchent comment résoudre la
pauvreté en Afrique ».
En vérité, si un enfant meurt de pauvreté toutes les trois secondes,
c'est à cause de Bush et des multinationales.
La pauvreté du tiers monde ne tombe pas du ciel. Elle est la
conséquence de cinq siècles de pillage brutal des matières premières
et, aujourd'hui encore, des relations économiques imposées aux
colonies, ce mot reste valable. Par ces relations injustes, les
multinationales continuent à sucer les richesses du tiers monde et à
creuser l'écart de façon toujours plus dramatique.
Et quand un pays souhaite assurer son développement dans l'
indépendance, qu'il veut simplement tirer profit lui-même de son
pétrole, de ses richesses naturelles ou de sa main d'oeuvre, comment
réagissent les grandes puissances? D'abord, elles essayent de le
soumettre par le chantage du FMI et de la Banque Mondiale afin qu'il
abandonne ses industries, ses services publics envers la population et
qu'il devienne un docile pion des multinationales. Si ça ne suffit
pas, on passe à l'embargo économique, aux guerres civiles, alimentées
ou importées, et finalement aux bombardements ou aux coups d'Etat de
la CIA.
La guerre de Cent Ans
A la Chute du Mur, le capitalisme triomphant nous avait promis un
nouvel ordre mondial fait de démocratie et de paix durable. Mais le
premier droit de l'homme, celui de manger à sa faim, est toujours
refusé à une grande partie de l'humanité. Et les guerres US, directes
ou indirectes, se sont multipliées : Irak, Yougoslavie, Afghanistan,
Congo... Et les cibles de demain ont déjà été désignées par Washington
: Iran, Syrie, Corée, Cuba, Venezuela, Zimbabwe, etc...
En réalité, après la chute de l'URSS et le bouleversement des rapports
de force internationaux, les USA se sont lancés dans une guerre de
Cent Ans, dont chacune de ces guerres partielles est une étape. Cette
guerre globale poursuit trois objectifs, étroitement liés :
1. Contrôler les matières premières, surtout l'énergie, et pouvoir en
priver les rivaux.
2. Briser tout Etat du tiers monde trop indépendant.
3. Subordonner les autres grandes puissances : Europe, Japon, Russie...
Cette guerre de Cent Ans pour recoloniser la planète, cette
militarisation des relations internationales est en fait la seule «
solution » que les multinationales US voient pour échapper à la crise
qu'elles ont elles-mêmes créée. Comment ont-elles provoqué cette crise
? En appauvrissant leurs propres travailleurs d'une part, et ceux du
tiers monde colonisé, d'autre part. Ce qui a pour conséquence
d'aggraver l'écart des richesses et de ruiner ceux qui seraient censés
acheter leurs marchandises. Cercle vicieux.
Cette crise économique structurelle est insoluble parce que c'est une
crise due au fossé riches-pauvres, c'est la crise inévitable d'un
système injuste. Et la guerre n'est pas due au caractère de Bush ou de
son équipe, non, elle est une stratégie pour « sortir de la crise » en
renforçant la domination sur le monde et ses richesses. La guerre
militaire est la conséquence des lois de la guerre économique.
Contrôler les matières premières vise à s'assurer un avantage décisif
dans la concurrence exacerbée entre multinationales. Qui ne prend pas
cet avantage ne survivra pas à la guerre économique. Et les moyens de
gagner n'étant limités par aucune morale, la guerre fait partie de ces
moyens.
Pourquoi attaquer l'Iran ?
Pourquoi l'Iran est-elle la prochaine cible ? Parce que ce pays
possède des réserves pétrolières importantes, parce que c'est la
principale puissance de la région refusant de se soumettre à Israël,
parce que les récents efforts pour faire capituler Téhéran ont échoué.
Attaquer l'Iran vise en réalité à contrôler l'ensemble du pétrole du
Moyen-Orient, comme de la planète d'ailleurs. Pour permettre aux USA
d'exercer un chantage sur l'approvisionnement pétrolier des rivaux :
Europe, Japon, Chine. Qui veut dominer le monde, doit contrôler toutes
ses sources d'énergie.
Mais il s'agit aussi d'empêcher la constitution en Asie d'une alliance
entre puissances résistantes. Dans La guerre globale a commencé, juste
après le 11 septembre, nous écrivions : "Bien sûr, le grand principe
de toute politique impérialiste reste «Diviser pour régner». Sur ce
continent asiatique, voici que les Etats-Unis craignent par dessus
tout, explique encore Brzezinski : «La Chine pourrait être le pilier
d'une alliance anti-hégémonique Chine - Russie - Iran.» "
Celle-ci étant bien évidemment la cible ultime de la guerre globale.
Puisque c'est le plus grand marché d'avenir et le plus puissant des
pays indépendants. En fait, les Etats-Unis, pour rester la seule
superpuissance, ont d'ores et déjà décidé que la Chine était leur
ennemi n° 1. Tout ce qu'ils opèrent sur le continent asiatique est à
comprendre dans cette perspective. Surtout l'encerclement de la Chine
qui s'est accéléré avec l'installation de bases militaires en
Afghanistan et qui va se poursuivre à travers chaque épisode de la
guerre globale.
Chaque guerre est aussi contre nous tous
Bush et Blair veulent nous faire croire qu'en menant ces guerres, ils
défendraient aussi notre niveau de vie, en Europe et aux USA. Que nous
aurions les mêmes intérêts qu'eux face aux pays « voyous ».
Faux. Attaquer l'Irak n'a profité qu'aux multinationales du pétrole,
des armements, du bâtiment et de la finance. De même, attaquer la
Yougoslavie, si on va au-delà des multiples médiamensonges, n'était
pas un acte humanitaire, mais une privatisation par les bombes. Le
véritable but des grandes puissances - leurs propres documents
stratégiques en attestent - était de prendre le contrôle d'une
économie restée indépendante des multinationales et d'une main
d'oeuvre qui voulait conserver les droits sociaux de l'autogestion.
En brisant ces rêves d'indépendance, on lançait un avertissement très
frappant à l'Europe de l'Est et à la Russie : abandonnez tout rêve
d'échapper aux multinationales ! Ce faisant, on prenait possession de
la main d'oeuvre de l'Est (privée de ses protections sociales). Soit
pour y délocaliser des usines, soit pour en importer des quantités de
plombiers polonais, mis en concurrence avec les travailleurs d'ici
afin d'abaisser les salaires et d'augmenter les bénéfices.
C'est pourquoi globalisation et guerre sont deux faces de la même
médaille. La globalisation vise à placer tous les pays du monde sous
une pression maximum des multinationales, sous un chantage généralisé,
notamment quant aux conditions de travail. Et la guerre, c'est la
matraque lorsqu'un peuple refuse ce chantage.
Tout ceci montre qu'une guerre d'agression de Bush et Blair (ou,
demain peut-être, une guerre menée par l'U.E. ?), ne sert pas les
intérêts des travailleurs US ou européens. Au contraire, ce sont eux
qui la paient. D'abord, en fournissant les victimes, soit comme
soldats soit comme cibles des attentats, mais aussi et surtout en se
retrouvant tous victimes d'un chantage anti-social qui les plongera
dans le chômage ou dans l'hyper-précarité du travail.
Bref, la guerre de Bush et Blair, c'est la guerre des riches contre
les pauvres. C'est une guerre contre l'avenir de l'humanité. Mettre
fin à la pauvreté, mettre fin à la guerre, c'est combattre Bush et
Blair. Il n'y a pas de milieu.
Next Stop Teheran
Après les attentats de Londres, Bush s'est empressé de dénoncer la «
menace iranienne ». Mais, en fait, il prépare depuis longtemps sa
guerre contre ce pays. Car les guerres ne commencent pas par des
bombes. Il faut d'abord une préparation :
- Militaire : préparer la logistique et les bases d'appui de l'assaut
(nous y reviendrons).
- Médiatique : préparer l'opinion en diabolisant le pays visé.
Cette préparation médiatique consiste en une propagande de guerre
jouant sur le conscient et l'inconscient.
Thème n° 1. Les armes de destruction massive. Yes, again ! Depuis des
mois, les grands médiaux occidentaux braquent les projecteurs - comme
Bush - sur « la menace nucléaire iranienne ». Alors qu'Israël possède
déjà deux cent têtes nucléaires clandestines, et qu'il a déjà agressé
tous ses voisins, le seul danger qu'on veut nous faire craindre, c'est
Téhéran.
Les armes nucléaires sont certes un fléau à éliminer, mais pourquoi
devrions-nous faire davantage confiance à celles de Bush et de Sharon
? Comment peut-on nier le droit d'un pays à se défendre contre une
agression ? On sait pourtant que Bagdad et Belgrade ont été attaquées
impunément, justement parce que elles n'avaient pas de quoi se
défendre un tout petit peu !
Thème n° 2. Le « terrorisme islamiste ». Le thème des armes ayant
ridiculisé Bush dans le cas de l'Irak, on ajoute « le terrorisme
islamiste ». Bien agité, ce thème a l'avantage de nous faire peur «
chez nous ». Demain, sans doute, de pseudo-révélations des services US
ou britanniques, complaisamment relayées, essayeront de nous
convaincre que Téhéran était derrière les attentats. Tout comme Bush
avait essayé de lier Saddam et Al-Qaida.
Thème n° 3. La démocratie. Vu l'échec du thème 2 dans le cas irakien,
les rédacteurs des discours de Bush nous vendent à présent la guerre
avec un autre argument de marketing : la démocratie. Il s'agirait de
gagner tous ces nombreux pays attaqués à « la liberté ». Cocasse quand
on sait que la famille Bush a construit sa fortune en collaborant avec
Hitler, puis avec Ben Laden. Et que George Bush père, quand il était à
la tête de la CIA, a protégé les pires dictateurs d'Amérique latine et
d'ailleurs. Mais si les médias n'insistent pas trop sur ce noir passé,
le thème de la démocratie peut encore marcher.
Sur le plan des libertés, chacun pense ce qu'il veut des gouvernants
iraniens, mais une chose est sûre : la question n'est pas là. Ce n'est
pas pour les beaux yeux de la démocratie que Bush cherche à faire main
basse sur ce pays, c'est juste pour son or noir.
D'ailleurs, les Etats-Unis sont-ils crédibles en prétendant importer
la démocratie en Iran ? En 1953, un coup d'Etat organisé par leur CIA
a renversé le premier ministre Mossadegh, trop indépendant sur la
question du pétrole. Ensuite, six présidents successifs des Etats-Unis
ont imposé au peuple iranien la dictature fasciste du Chah Pahlevi et
des terribles tortionnaires de la Savak : 300.000 torturés en vingt
ans. Un peu amnésiques, les donneurs de leçons !
Arrêtons le bla-bla du « Ni, ni » et de la « guerre pour la démocratie » !
« Ni Bush, ni les ayatollahs » ? Verra-t-on bientôt resurgir ce piteux
mot d'ordre très répandu dans une certaine gauche molle, bien qu'il
ait fait tant de mal à propos de l'Irak ou de la Yougoslavie ?
En 2001, nous dénoncions l'effet néfaste des slogans « Ni Bush, ni
Saddam », « Ni l'Otan, ni Milosevic », « Ni Sharon, ni Arafat » : «
Depuis douze ans, cette position dominante dans la gauche
intellectuelle européenne condamne le mouvement anti-guerre à la
passivité. Parce qu'elle met sur le même pied l'agresseur et
l'agressé. Si tous sont également mauvais, on n'a pas de raison de
tout faire pour arrêter l'agression.
Le « Ni, ni », c'est le cancer du mouvement anti-guerre. Il faut y
mettre fin. Ce n'est pas Saddam ou Milosevic qui menace le monde
entier, c'est Bush. Ce ne sont pas la Yougoslavie ou l'Irak qui,
chaque jour, condamnent à la mort 35.000 enfants du tiers monde, ce
sont les multinationales.
Les Etats-Unis menacent la paix partout dans le monde. En mettant en
avant les reproches, exacts ou non, aux Etats qui leur résistent, on
fait seulement le jeu de l'agression. Ce n'est pas aux gouvernements
occidentaux de décider qui doit diriger tel ou tel pays du tiers monde
et selon quels intérêts. C'est à ces peuples eux-mêmes qu'il revient
d'en décider. Mais si on laisse Washington occuper ces régions, aucune
lutte sociale ou démocratique n'en deviendra plus facile, bien au
contraire. Seules les multinationales y gagnent. " Fin de citation.
(Où en est la Yougoslavie:
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2002-11-01%2017:05:32&log=articles
On en a maintenant une preuve de plus avec l'occupation de l'Irak.
A-t-elle résolu un seul des problèmes du pays ou les a-t-elle au
contraire dramatiquement aggravés ? Espérons qu'on n'entendra plus
cette démobilisante litanie du « Ni, ni » !
Le contre-exemple du Venezuela
Peut-on encore accorder un gramme de crédit à « la guerre pour la
démocratie » ? Pour en avoir le coeur net, examinons l'exemple du
Venezuela. Vous avez là un président, Hugo Chavez, qui vient de gagner
neuf élections en six ans, en augmentant ses voix. Que fait Bush ? Il
verse plusieurs dizaines de millions de dollars à la CIA (selon les
propres documents US) pour renverser ce président démocratiquement
élu. Par tous les moyens possibles... 2002 : tentative de coup d'Etat.
Echec. 2003 : sabotage de l'industrie pétrolière. Echec. 2004 :
campagne d'intox à budgets énormes, pour tenter de l'évincer par un
référendum sous pression. Echec.
2005 ou 2006 ? Furieux, Bush meurt d'envie d'envahir lui-même le
Venezuela. Sous n'importe quel prétexte. Par exemple en y « découvrant
» des terroristes ou en décrétant que la Colombie voisine est «
menacée ». Mais il ne peut le faire tant qu'il est empêtré en Irak.
Pas moyen de mener deux grandes guerres de front. En fait, la
résistance actuelle du peuple irakien sauve les autres pays menacés.
Ce que Bush reproche à Chavez, ce n'est pas le manque de démocratie
(il faut se rendre là-bas pour mesurer à quel point les simples gens
se mobilisent sur tous les problèmes de leur vie et de leur avenir).
Non, ce que Bush reproche à Chavez, c'est que les revenus du pétrole
du Vénézuela soient « détournés » pour financer des projets
d'alphabétisation, de lutte contre la misère et de soins de santé pour
tous. Au lieu de servir, comme ailleurs, à enrichir Esso et Shell. A
bas Chavez, donc, le rebelle, le « populiste » qui donne le mauvais
exemple en faisant croire que le pétrole appartient à son peuple !
Cet exemple du Venezuela prouve, s'il le fallait, que les guerres des
Etats-Unis n'ont absolument pas pour objectif la liberté ou la
démocratie, mais seulement l'or noir et la domination du monde.
Supposons que demain les dirigeants de Téhéran se soumettent aux
volontés d'Esso et Shell, comme le font les régimes arabes « amis » du
Koweït ou des Emirats... Croit-on qu'on entendrait encore toutes ces
campagnes de critiques sur leurs armements ou sur leur conception de
la femme ?
Diviser par la religion ?
Bref, où qu'on se tourne, aucun des thèmes de l'actuelle propagande de
guerre - nucléaire, terrorisme, dictature - ne résiste à une analyse
objective. C'est pourquoi la propagande de guerre vise surtout
l'inconscient...
Quand on parle de « terrorisme islamiste », on manipule le public. On
lui fait croire qu'une religion particulière est dangereuse. Même si
en paroles, bien sûr, on affirme solennellement que les musulmans sont
des gens très bien, et cetera... mais l'expression même qui lie le
terrorisme à une religion est un piège.
Imaginons. Vu que les actes d'agression commis par Bush et Blair
violent systématiquement le droit international et qu'ils peuvent,
juridiquement, être qualifiés de terreur d'Etat, que dirions-nous si
la presse des pays musulmans venait à parler de « terrorisme chrétien
» ? Nous répondrions évidemment que la grande majorité des chrétiens
du monde condamnent Bush, et que l'explication est donc ailleurs.
En effet, la guerre globale n'est pas une guerre de religion, mais une
guerre économique. Ce sont Bush et Blair qui ont intérêt à diviser
leurs opposants en diabolisant une religion. Si le terrorisme est «
islamiste », alors chaque musulman devient un suspect potentiel, dans
l'avion, le métro ou la mosquée. Pas besoin d'en rajouter beaucoup.
Des siècles de mépris colonial, des dizaines d'années sur le thème de
l'Arabe qui vient nous prendre notre travail (alors que c'est nous qui
lui avons pris ses richesses), tout cela constitue une rampe de
lancement toute prête pour diaboliser les musulmans. Comme on a
diabolisé les juifs dans les années 30.
Le thème de la « religion dangereuse » sert à diviser les peuples du
monde, à attirer l'attention sur tel phénomène particulier pour cacher
la nature générale de la guerre globale. Mais le Vénézuela, un pays
très chrétien, est aussi la cible de Bush. Alors ?
La guerre contre l'Iran a déjà démarré
Demain, Bush et Blair vont peut-être « découvrir » des preuves de
l'implication de Téhéran dans les attentats. Ils prétendront agir « en
représailles ». Mais ça, ce sera juste la campagne psychologique
envers l'opinion selon les règles classiques de la propagande de
guerre. En réalité, la guerre contre l'Iran a déjà commencé, comme le
montre l'ex-officier US Scott Ritter, devenu analyste militaire :
« Le 16 octobre 2002, le président Bush déclarait au peuple américain
: « Je n'ai pas ordonné l'usage de la force contre l'Irak. J'espère
que ce ne sera pas nécessaire. » Nous savons maintenant que cette
déclaration était un mensonge. En fait, fin août 2002, le président
avait signé un ordre autorisant les militaires US à commencer des
opérations militaires actives à l'intérieur de l'Irak. En septembre
2002, l'US Air Force, assisté par la British Royal Air Force,
commençait à bombarder des cibles à l'intérieur de l'Irak pour
affaiblir les capacité de défense anti-aérienne et de commandement. Au
printemps 2002, le président Bush avait signé un ordre secret
autorisant la CIA et les forces spéciales à déployer des unités
clandestines en Irak même. »
En est-il de même aujourd'hui pour l'Iran ? Oui, indique Ritter : « Au
moment où nous parlons, des survols US de l'espace aérien iranien ont
lieu, à l'aide d'avions sans pilotes et d'autres équipements plus
sophistiqués. Violer l'espace aérien est déjà un acte de guerre. Au
nord, dans l'Azerbaïdjan voisin, l'armée US prépare la base
d'opérations pour une présence militaire massive qui annonce une
campagne terrestre majeure afin de s'emparer de Téhéran. L'aviation
US, opérant à partir de ses bases en Azerbaïdjan, a beaucoup raccourci
la distance à parcourir pour frapper des cibles à Téhéran. En fait,
une fois les hostilités commencées, elle serait capable de maintenir
une présence quasiment 24 heures sur 24 heures dans l'espace aérien
iranien. » (Publié sur le site Al-Jazeera).
Stratégiquement, l'Iran se trouve à présent encerclé de bases
militaires US disposées sur ses trois flancs : 1. Afghanistan. 2.
Irak. 3. Azerbaïdjan. Est. Ouest. Nord. Intéressant : l'implantation
en Azerbaïdjan a commencé il y a longtemps. En 2000, au lendemain de
la guerre contre la Yougoslavie, nous écrivions : « Un secrétaire
adjoint aux affaires étrangères US ne s'occupe que du Caucase. Une
visite solennelle de Javier Solana démontre que l'Otan s'intéresse
énormément à cette région stratégique. L'Otan s'étend dans le Caucase
pour en chasser la Russie. La principale tête de pont US dans le
Caucase, c'est l'Azerbaïdjan. Washington ne peut s'y installer
militairement de façon trop voyante (mais) confie à la Turquie le soin
de s'occuper de former l'armée de l'Azerbaïdjan. » (Michel Collon,
Monopoly, p. 114-116, http://www.michelcollon.info/monopoly.php
Cinq ans plus tard, on voit que l'installation de bases militaires US
et la transformation de l'Azerbaïjan en une sorte d'Israël du Caucase
visait certes la Russie, mais peut-être plus encore l'Iran. Les
stratèges US calculent à long terme et préparent plusieurs coups d'avance.
Les guerres commencent toujours avant la date officielle
Ritter a raison : une guerre de Washington commence bien avant qu'elle
soit officiellement déclarée. Il importe d'analyser, au-delà des
discours officiels et médiatiques les antécédents et les dessous des
dernières guerres.
Premier exemple. Officiellement, la première guerre contre l'Irak
commence en août 90 quand Saddam Hussein occupe le Koweït. En réalité,
un an plus tôt, le Congrès US avait décrété contre l'Irak un embargo
(acte de guerre qui ne dit pas son nom). En fait, la décision de
guerre résulta d'un discours de Saddam qui appelait tous les pays du
Golfe à s'unir pour être plus indépendants des Etats-Unis. Le
Moyen-Orient risquait d'échapper à ceux-ci. La suite ne fut qu'une
préparation militaire et médiatique.
Deuxième exemple. Officiellement, les Etats-Unis et l'Otan s'engagent
contre les Serbes en 1995, ayant attendu quatre ans après le début des
combats locaux. En réalité, dès 1979, l'Allemagne avait envoyé ses
agents secrets pour faire éclater la Yougoslavie et contrôler les
Balkans. Quant aux Etats-Unis, ils adoptèrent des sanctions contre la
Yougoslavie dès 1990 !
Troisième exemple. Officiellement, Bush décida d'attaquer l'Aghanistan
après le 11 septembre 2001. En réalité, un an plus tôt déjà, les
stratèges du Pentagone avaient indiqué qu'il était nécessaire de «
changer de régime » à Kaboul, car les talibans refusaient de signer
l'accord pour un pipeline US stratégique vers l'Asie du Sud.
La guerre contre l'Iran aussi a commencé bien avant le jour où on nous
l'annoncera.
Les médias aident-ils Bush ?
Chaque guerre est liée à une guerre de l'information, dont le rôle est
décisif. Il s'agit d'amener, par tous les moyens, les citoyens à
soutenir la politique de leurs gouvernements. Une des méthodes
consiste à traiter différemment les victimes...
Pour les grands médias, les morts n'ont pas le même poids. L'employé
londonien frappé par une bombe en se rendant à son bureau pèse mille
fois plus que le boulanger bagdadi tué par un missile US alors qu'il
cuisait son pain...
Le 1er juillet dernier, un bombardier US B-52 lançait des missiles
téléguidés sur un bloc de maisons dans la province de Kunar en
Afghanistan, tuant au moins 17 personnes, notamment des femmes et des
enfants. Quels dirigeants européens ont protesté contre cette barbarie
? Quels médias ont donné à la souffrance des Afghans la même valeur
qu'à celle des Londoniens ?
C'est une loi journalistique incontournable, répondront les médias. La
fameuse «loi du mort kilomètre ». Vous êtes censé vous intéresser
davantage à un mort dans votre rue qu'à dix morts dans la ville
voisine ou mille morts sur un autre continent. Mais ce qu'on oublie de
dire, c'est que beaucoup dépend de la valeur accordée à ces morts par
le média qui vous les présente... Si on vous montre une image
touchante de la victime, si un proche décrit de façon concrète sa vie
et sa mort, si la souffrance de sa famille est vraiment prise en
compte, alors une victime lointaine peut vous devenir proche. Un
exemple...
Quand les médias occidentaux ont décidé, en 1991, qu'il fallait nous
faire pleurer sur les « victimes de Saddam », ils nous ont abondamment
ressassé les pleurs de cette jeune infirmière koweïtienne qui
racontait comment les soldats irakiens avaient volé des centaines de
couveuses à Koweit-City, assassinant ainsi des bébés, et nous avons
tous pleuré. Bien que ce fut lointain.
Mais ensuite nous avons appris que la jeune fille n'était pas
infirmière, n'avait jamais été à cette maternité et qu'elle mentait
entièrement dans une mise en scène Hollywood, car jamais ces couveuses
n'avaient été volées. Ce médiamensonge, largement relayé, a eu un
impact énorme, permettant à Bush père de faire approuver sa guerre par
l'opinion internationale. Cela prouve que l'essentiel n'est pas le
nombre de kilomètres. Mais bien la décision médiatique de trouver
certaines victimes importantes, et d'autres pas.
Dans les périodes de guerre, chaude ou froide, nos « amis » morts
pèsent mille fois que plus que nos « ennemis », ceux qui résistent à
nos multinationales. Ce « deux poids, deux mesures » est en réalité la
conséquence d'une éducation ethnocentrique. Qui fait de l'Europe et
des USA le centre du monde, chargé d'apporter la démocratie et la
civilisation aux pays plus arriérés et qui doivent nous rattraper. Ce
schéma dissimule le colonialisme et notre domination impériale sur ce
monde.
Nous ne développons pas davantage le thème, certes important, du rôle
guerrier des médias. Nous renvoyons à notre texte sur les principes de
la propagande de guerre : Le droit à l'information, un combat.
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2004-01-01%2020:34:14&log=articles
Il n'y a pas de fatalité
C'est un fait. Nous n'avons réussi à empêcher ni la guerre contre
l'Irak, ni celle contre la Yougoslavie, ni celle contre l'Afghanistan,
sans parler de la Palestine ou du Congo. Sommes-nous, en tant que
mouvement pour la paix, condamnés à toujours perdre ?
Non, il n'y a pas de fatalité. En 2003, les manifestations
anti-guerre, organisées dans le monde entier, ont rassemblé plus de
gens que jamais auparavant. Et dans chaque pays où nous allons, nous
constatons que Bush inquiète de plus en plus, que l'hypocrisie des
prétextes se démasque de plus en plus, que la colère monte. Assez de
guerres !
Bien sûr, chacun se demande : à qui vont profiter les attentats de
Londres ? Et ceux qui risquent de survenir à Rome, Copenhague ou
Amsterdam ? Ainsi qu'à Bruxelles, si nous laissons l'Otan s'engager de
plus en plus dans la complicité avec Bush en Irak.
A qui ces attentats profiteront-ils ? A Bush et Blair qui en
profiteront pour ressouder les rangs et engager d'autres guerres à
l'infini ? Ou bien aux forces de paix qui pourront encore mieux
montrer qu'il y a eu assez de morts, à Londres comme à Bagdad, et que
l'occupation pour le pétrole doit prendre fin car la terreur engendre
la terreur, et que sans justice, le monde ne sera jamais en paix.
Qui sera plus fort ? Leurs médias ou les nôtres ?
L'agressivité de Bush et Blair ne doit pas tromper. Elle est un signe
de faiblesse. Leur seule chance de continuer la guerre est de diviser
les peuples. Leur « force » repose sur l'info tronquée, les
médiamensonges de diabolisation, la dissimulation des intérêts
économiques... Donc, c'est aussi leur faiblesse si nous nous lançons
tous dans la bataille de la contre-information. La construction d'une
info alternative par Internet, par le travail de discussion autour de
soi, patient, concret, argumenté, appliqué à grande échelle et de
façon coordonnée, voilà l'antidote à la propagande de guerre. A nous
de construire la propagande pour la paix !
Cette contre-info est indispensable pour sauver des vies. Car les
morts de Londres sont victimes des guerres perpétrées en leur nom. Et
du fait que les populations occidentales n'ont pas encore suffisamment
compris la nature criminelle de cette occupation-pillage de l'Irak. Le
jour où la prise de conscience sera plus forte encore, elle arrêtera
cette guerre comme elle arrêta celle du Vietnam.
Sont-ils trop forts « en face » ? Trois exemples récents montrent que non.
1. Aznar a essayé de tricher aux élections espagnoles de 2004 en
diabolisant l'ETA pour les attentats de Madrid. Il a été mis en échec
par l'information populaire à la base : Internet et les SMS.
2. Lors du coup d'Etat anti-Chavez de 2002, les médias pro-US, quasi
monopolistiques, ont soutenu les putschistes en cachant au pays la
résistance massive du peuple de Caracas. Mais l'info a quand même
circulé grâce aussi à Internet, aux SMS, aux motards roulant de
quartier en quartier, etc...
3. Tous les médias français ont appuyé le « Oui » au référendum sur la
Constitution en violant scandaleusement les principes du débat
démocratique et de la déontologie journalistique. Mais ils ont été
battus par une large mobilisation à la base et sur Internet.
Ces exemples récents montrent que les médias du système ne sont pas
invincibles. L'information du peuple peut être plus forte qu'eux.
Dans ce sens, le mouvement belge Stop USA, auquel je participe à
Bruxelles, vient de lancer des cartes-pétitions adressées au premier
ministre belge. Avec un remarquable dessin de Matiz sur l'occupation
de l'Irak. Son texte : « Je désapprouve les guerres de Bush, pour le
pétrole ou pour dominer le monde. Je refuse d'en être complice. Par le
silence ou la participation, même indirecte, de la Belgique. »
En les faisant signer un peu partout, avec les groupes de base de Stop
USA, nous constatons un très bon accueil. Mais aussi que les gens sont
encore sous-informés. Très peu savent que la Belgique prête le port
d'Anvers à Bush pour le transit de ses armes vers l'Irak, très peu
savent que des armes nucléaires US stationnent clandestinement sur
notre territoire et que l'envoi de nos troupes en Afghanistan sert à
libérer des forces US pour agresser l'Irak.
Mais quand on les informe, on constate une volonté générale de devenir
plus actifs contre les guerres de Bush. D'où notre responsabilité à
tous. Ici, en Europe, il faut absolument augmenter la pression pour
isoler Bush et Blair.
Le peuple espagnol a su imposer le retrait de ses troupes. Il faut
aller plus loin, par le travail d'information, discussion et pétition.
Concrètement : que plus aucun gouvernement européen n'aide la guerre
en Irak, même de façon indirecte et limitée ! Une campagne « Je ne
veux pas être complice » devrait être organisée à l'échelle européenne.
Si ensemble nous nous engageons ainsi, alors la mort de Jack, Robert
ou Hassan n'aura pas été vaine.
Michel Collon
Bruxelles, 11 juillet 2005
PS. Pour contacter cette campagne de Stop USA, pour voir le dessin de
Matiz, vous informer ou vous procurer ces cartes :
http://www.stopusa.be/home/index.php?langue=1 ou info@s...
Sur les médiamensonges des précédentes guerres :
http://www.michelcollon.info/archives_testm.php
VOIR AUSSI : Ramadani - L'occupation n'est pas la solution, mais le
problème
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2005-07-08%2020:13:29&log=invites