Biélorussie diabolisée

1 -- Reportages dans cette Biélorussie diabolisée (Bastille République
Nations):

TROISIEME MANDAT POUR ALEXANDRE LOUKACHENKO
1991 : la surprise de l'indépendance
Connivences décomplexées et ambitions dissimulées
DES SPOTS OCCIDENTAUX QUI LAISSENT DANS L'OMBRE CERTAINES REALITES
Minsk, perspectives urbaines et concurrences divines
Belarus: l'UE se fait le relais de la stratégie états-unienne

2 -- 2 ou 3 choses à savoir sur la Biélorussie
(Comaguer - CONTRE LA GUERRE, COMPRENDRE ET AGIR
Bulletin n°141– semaine 13 – 2006)

3 -- PLUSIEURS ARTICLES - LIENS INTERNET


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http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2006-04-08%2016:19:39&log=invites

Reportages dans cette Biélorussie diabolisée

Pierre Lévy

Extraits d'un dossier Biélorussie publié le 29 mars dans la revue
Bastille République Nations.
Les dirigeants européens et américains ont condamné l'élection
présidentielle qui s'est déroulée le 19 mars en Biélorussie. Depuis
des années, ils tentent de faire advenir une «révolution
post-communiste» mais savent que le président Loukachenko, réélu,
garde aujourd'hui un soutien populaire majoritaire, manifeste chez les
ouvriers et à la campagne. L'opposition, qui intéresse une partie de
la jeunesse et de la classe moyenne, est composée de forces
hétéroclites sur la base d'un programme minimal. La réalité du pays
est bien plus complexe que les caricatures qui en ont été données.


BIELORUSSIE: TROISIEME MANDAT POUR ALEXANDRE LOUKACHENKO

A l'issue de l'élection présidentielle biélorusse (1) du 19 mars,
quelques milliers puis quelques centaines d'opposants se sont réunis
pendant cinq jours consécutifs sur la place d'Octobre, à Minsk. Le
samedi 25 mars, l'opposition faisait défiler entre 3 500 et 7 000
manifestants pour un baroud d'honneur, finalement dispersés par la
police (avec une « retenue inhabituelle », s'étonne Le Monde). Ceux-ci
entendaient contester les résultats officiels du scrutin: avec 83 %
des suffrages (et un taux de participation de 90%) selon la commission
électorale, le président biélorusse Alexandre Loukachenko entame un
troisième mandat à la tête de son pays. Preuve de sa popularité, se
réjouissent ses partisans. Preuve que l'élection a été largement
truquée, rétorque l'opposition. Paradoxalement, il est possible que
les deux affirmations soient vraies simultanément. On peut en effet
douter de la totale vraisemblance du score affiché. Si le déroulement
du vote proprement dit n'a pas été entaché d'irrégularités manifestes,
la pratique du vote anticipé fournit notamment matière aux opposants
pour contester la sincérité du scrutin. Cette procédure a permis à un
tiers des électeurs (personnels de santé, certains fonctionnaires,...)
de déposer leur bulletin avant le jour du scrutin proprement dit.
Cependant, d'après différentes estimations dont certaines émanent
d'organismes dits indépendants (souvent hostiles au régime), le
soutien au président se situerait dans une fourchette allant de 50 % à
65 % du corps électoral. Une évaluation qu'admettent certains
analystes engagés au sein de l'opposition. A titre d'explication, ces
derniers soulignent que l'administration présidentielle dispose d'un
quasi-monopole sur l'information, et que toute voix discordante est
implacablement censurée (à noter cependant que la chaîne européenne
Euronews, accessible à tous, a par exemple diffusé les images des
manifestations qui ont suivi le scrutin). La campagne officielle a
permis à chacun des candidats – quatre au total – de disposer de deux
fois une demi-heure chacun à la radio et à la télévision. Selon les
partisans de l'opposition, cette fenêtre aurait créé un véritable
événement du fait même de sa rareté, et aurait permis au principal
candidat de l'opposition, Alexandre Milinkiévitch, de recueillir non
les 6 % annoncés par la commission électorale, mais 30 % des
suffrages. Une estimation difficilement vérifiable. Le premier
quotidien du pays, Sovietskaia Belarus, a clairement soutenu la
campagne du président sortant. Selon son rédacteur en chef, Pavel
Iakoubovitch, la voie choisie par Alexandre Loukachenko, élu une
première fois en 1994 puis réélu en 2001, répond au souhait de la
majorité des citoyens. Il énumère ses avantages sur le plan social :
chômage résiduel (3 % de la population active), santé gratuite,
éducation de haut niveau, salaire mensuel moyen désormais à 210 euros
contre 80 cinq ans auparavant, place égalitaire des femmes dans la
société. Questionné sur les principales priorités du nouveau mandat du
président, M. Iakoubovitch cite trois directions : « la lutte contre
la bureaucratie », précisant que le pouvoir « est là pour le peuple,
par pour lui-même »; la création des conditions d'une plus grande
indépendance énergétique; enfin, la rénovation des structures
agricoles. Pour sa part, dans un rapport de 2005, la Banque mondiale
créditait le pouvoir d'avoir restauré l'économie postsoviétique
délabrée (à la différence des autres pays de la CEI), et créé les
conditions d'une croissance «réelle et robuste» dont les bénéfices
«ont été largement répartis au sein de la population». Les
statistiques officielles affichent un PIB en augmentation de 7 % en
2005 (11 % en 2004). Pour les partisans du pouvoir, il ne faut pas
chercher ailleurs les raisons de la popularité du président.

Electorats distincts

De fait, celui-ci semble jouir d'un soutien sur cette base au sein de
l'électorat ouvrier en particulier, ainsi qu'à la campagne, où les
conditions de vie restent pourtant très difficiles. L'opposition,
quant à elle, paraît recruter principalement des sympathies au sein
d'une classe moyenne aux contours d'ailleurs flous, et de la jeunesse
notamment étudiante. Elle dénonce avant tout l'absence de libertés
publiques et le climat de peur que fait régner un régime qui, selon
elle, bafoue la démocratie, voire n'hésite pas à faire disparaître des
personnalités politiques gênantes. Pendant la campagne électorale et à
l'issue de celle-ci, plusieurs dizaines d'opposants ont été
incarcérés. Certains ont écopé de trois à quinze jours de prison.
Pour justifier les menaces proférées avant le scrutin, le ministre de
l'intérieur a excipé de complots terroristes déjoués ; quant au
président lui-même, il a expliqué que certains opposants avaient été
emprisonnés à leur propre demande, pour s'éviter le ridicule d'une
défaite électorale. Autant d'«explications» qui ne brillent pas par
leur vraisemblance. Le pouvoir s'estime-t-il si menacé qu'il doive
recourir à de tels expédients? Ou bien, comme le suggère à demi mots
un jeune militant très actif de l'opposition, n'est-ce pas une manière
pour le président de soigner cyniquement son image d'«homme à poigne»,
image à laquelle une partie des citoyens n'est pas insensible? Il est
de fait que la télévision publique avait largement montré, à travers
force documentaires, la situation de chacune des anciennes Républiques
soviétiques – Russie comprise! – sous un jour peu flatteur: chaos
économique, désastres sociaux, explosion de la criminalité,
violences... S'appuyant sur la réalité, de telles émissions ont eu,
selon des responsables de l'opposition eux-mêmes, un grand impact sur
l'électorat. Alors, la Biélorussie, havre de paix et d'une vie sinon
confortable, du moins décente et protégée de la précarité?
Sergueï Kaliakine, porte-parole du candidat Milinkiévitch, est
évidemment très loin de partager cette vue idyllique. Celui qui fut la
cheville ouvrière de la campagne souligne d'emblée qu'à son sens,
l'élection d'Alexandre Loukachenko n'est pas légitime, puisque la
constitution promulguée en 1996 limitait à deux le nombre de mandats
présidentiels consécutifs. Le référendum organisé en 2004 aux fins de
lever cette interdiction aurait été «truqué». Aux dires de nombre
d'opposants, c'est d'ailleurs la réaction face à ce «coup de force»
qui a permis d'unifier l'opposition derrière M. Milinkiévitch, un
physicien qui fut maire-adjoint de Grodno (Nord-ouest), respecté pour
n'avoir pas trempé dans les querelles antérieures, mais surtout
poulain de l'Union européenne. Le front d'opposition («Forces
démocratiques unies», FDU) comprend un mouvement nationaliste (très
visible dans les manifestations par le drapeau de la Biélorussie
nationaliste), des sociaux-démocrates, des libéraux, et le parti des
communistes de Biélorussie. Sergueï Kaliakine dirige du reste ce
parti. Ce qui ne l'empêche pas de dénoncer le rôle insuffisant du
capital privé («c'est le capital privé qui assure la survie du pays»),
et de se satisfaire du soutien actif de l'UE «à toutes les forces
démocratiques». Pour lui, le pouvoir «n'est pas capable d'assurer une
vie normale pour chaque citoyen, dans un pays libre et indépendant». A
noter qu'il existe par ailleurs un «parti communiste biélorusse»,
représenté au parlement, mais qui, lui, soutient le président.
Longtemps membre du parti communiste de l'époque soviétique, ce
dernier se veut désormais «au dessus des partis».

«La loi et Dieu»

Bien qu'en principe unifiée, l'opposition avait cependant un candidat
dissident en la personne du social-démocrate Alexandre Kozouline,
l'ancien recteur de l'Université d'Etat; celui-ci fut longtemps proche
du président, mais il tomba en disgrâce quand il fut cité comme
challenger possible par certains observateurs, et dès lors accusé de
corruption, avant d'être discrètement innocenté... mais pas
réhabilité. Enfin, le quatrième concurrent, Sergueï Gaïdoukévitch,
ancien colonel, faisait figure, selon les partisans de M.
Milinkiévitch, d'«opposition de sa majesté», justifiant la politique
présidentielle, et plaidant simplement pour un peu plus d'initiative
privée. Il représentait le parti libéral-démocrate, le mouvement frère
de la formation de l'extrémiste de droite russe Vladimir Jirinowski.
MM. Kozouline et Gaïdoukévitch ont été respectivement crédités de 2,3
% et 3,5 % des suffrages.
Au delà de la présente élection présidentielle, le FDU et son candidat
Milinkiévitch ont-ils un avenir? Certainement, prédit un analyste,
lui-même activement engagé dans l'opposition, qui mise sur une
victoire dans cinq ans. Le même admet cependant que celle-ci n'a pas
vraiment un programme précis, si ce n'est le plus petit dénominateur
commun : instauration de «l'Etat de droit» et promotion de la «liberté
économique». Mais il reconnaît dans la foulée que, si l'on mettait
vraiment en œuvre cette dernière, les réformes nécessaires seraient
«hyper-impopulaires», avec des licenciements massifs «dans les trois
mois».

Pour sa part, Alexandre Loukachenko, répondant au lendemain du scrutin
à une question sur d'éventuels mandats ultérieurs, n'a pas hésité à
affirmer, au grand dam de ses adversaires : «je serai président aussi
longtemps que le peuple biélorusse le voudra ». Ce à quoi Alexandre
Milinkiévitch rétorquait, à l'issue du rassemblement du 25 mars :
«Nous avons lancé le premier assaut contre la forteresse de ce régime.
(...). La loi et Dieu sont avec nous (...). Nous n'allons pas attendre
cinq ans pour lancer un nouvel assaut, nous le ferons bientôt».


(1) Officiellement, les premières autorités de la Biélorussie
indépendante avaient adopté pour le pays le nom international de «
République du Belarus », transcription littérale. Dans ce dossier, La
Lettre de BRN continue cependant d'utiliser le terme de «Biélorussie »
(conformément au choix d'employer toujours les transcriptions
françaises quant elles existent ; ex : `Maëstricht' ou `Londres', et
non `Maastricht' ou `London').


1991 : la surprise de l'indépendance

Jusqu'en 1991, la Biélorussie était l'une des Républiques qui
composaient l'Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS). En
décembre de cette année-là, les présidents russe (Boris Eltsine),
ukrainien (Leonid Kravtchouk) et biélorusse (Stanislav Chouchkiévitch)
signaient un accord parachevant l'éclatement de l'Union soviétique. Le
nouveau pouvoir en place à Minsk se retrouve alors à la tête d'un Etat
indépendant (membre de la fantomatique CEI), sans l'avoir réellement
cherché. Un front nationaliste, né lors de la perestroïka, connaît
quelques succès publics (il forme l'une des mouvances de l'opposition
actuelle) ; il ne dépassera cependant pas 12% des suffrages. Il se
réclame d'une République indépendante qui exista de manière éphémère
entre 1918 et 1921, sans jamais parvenir à prendre le contrôle
effectif du territoire. Dans l'histoire, la Biélorussie a
successivement été
sous influence lituanienne et polonaise, puis russe à partir du XIX e
siècle. Les liens culturels avec la Russie ont toujours été étroits.
Du point de vue linguistique, le biélorusse est une langue proche du
russe, mais qui s'en distingue par une parenté avec le polonais. A la
faveur de l'indépendance, les autorités tentèrent d'imposer
artificiellement le biélorusse comme langue officielle et obligatoire,
alors qu'elle n'est vraiment connue que dans l'ouest du pays, en fait
surtout dans les campagnes. Ce n'est que quelques années plus tard
(suite à un référendum) qu'au côté du biélorusse, le russe reprendra
droit de cité, alors même qu'il n'a jamais cessé d'être la langue
véhiculaire pour toute la population.
Sur le plan économique, l'évolution « naturelle » du tout jeune Etat
indépendant laisse libre cours au nouveau secteur privé – c'était
alors en Russie l'ère de l'ultralibéralisme auquel sont notamment
associés les noms d'Igor Gaïdar et d'Anatoli Tchoubaïs. La formation
du capital privé s'accompagne d'un développement concomitant de la
corruption à grande échelle, au point qu'en 1993, un député est chargé
par le parlement d'un rapport sur ce sujet. Dès sa publication, le dit
rapport fait le tour du pays, et son auteur, un ancien directeur de
sovkhoze parfaitement inconnu nommé Alexandre Loukachenko, devient en
quelques jours une des personnalités les plus en vue. Ce dernier,
mettant à profit de réels talents pour parler «la langue du peuple» –
ses détracteurs dénoncent avec dépit son «populisme» – remporte à la
surprise générale l'élection présidentielle, dont le deuxième tour, le
10 juillet 1994, lui accorde 80% des suffrages; il bat ainsi à plate
couture le favori, président sortant du parlement (lui-même largement
mis en cause dans le rapport dénonçant la corruption) ainsi que le
premier ministre.
Le nouveau président doit faire face à une situation sociale, fiscale
et financière particulièrement dégradée. En outre, l'intégration
économique qui prévalait au sein de l'Union soviétique devient un
problème épineux dès lors que les liens institutionnels sont rompus,
en particulier avec la Russie. En effet, à l'époque soviétique, la
Biélorussie s'était vu accorder par Moscou de larges capacités
industrielles, y compris d'équipements militaires ; celles-ci se sont
retrouvées après l'éclatement de l'URSS alors en manque de clients et
de fournisseurs.
Le pouvoir est donc confronté à un choix: faut-il emprunter la voie
des pays d'Europe centrale et orientale vers l'adhésion à l'Union
européenne et la «thérapie de choc» libérale qui lui est liée? Faut-il
au contraire tenter une «réunification avec la Russie» ? Les
adversaires du président rappellent que celui-ci a un temps été tenté
par cette piste, avec l'espoir d'accéder à la tête d'un nouvel
ensemble Russie – Biélorussie, à la faveur de la gabegie des années
Eltsine. Quoiqu'il en soit, l'arrivée au Kremlin de Vladimir Poutine
(janvier 2000) met fin à cette ambition, si tant est qu'elle ait
jamais été réaliste. Alexandre Loukachenko se prévaut dès lors d'une
«troisième voie», ni ralliement au modèle occidental, ni fusion avec
la Russie, mais indépendance politique, adossée cependant à un
partenariat économique étroit avec le grand voisin de l'Est. Et pour
cause: le pays ne possède ni source d'énergie, ni matière première. Au
terme de ce partenariat, Moscou fournit à la Biélorussie le gaz
naturel à un prix cinq fois inférieur au cours mondial, le pétrole au
tiers du prix mondial. Par ailleurs, le capital privé est
officiellement invité à prendre sa part dans la marche de l'économie,
mais de manière limitée, et pas pour les industries jugées
stratégiques. Les grosses concentrations ouvrières restent également
dans le giron de l'Etat, telles, près de Minsk, l'usine de tracteurs
ou celle de camions de chantier. Leurs salariés (respectivement 12 000
et 15 000 environ) sont culturellement acquis au pouvoir en place, et
disposent souvent d'une formation supérieure, en tout cas pour les
plus jeunes d'entre eux.


Connivences décomplexées et ambitions dissimulées

La scène se passe au soir du mardi 21 mars, sur la place d'Octobre, au
centre de Minsk. Quelques centaines de jeunes opposants continuent de
contester l'élection du président biélorusse. Entourés d'une nuée de
journalistes, cinq ambassadeurs de pays de l'UE font leur apparition,
sous les vivats et les drapeaux européens que les manifestants
n'omettent jamais de brandir. L'un des diplomates indique qu'il s'agit de
«vérifier si le droit constitutionnel de manifester est bien
respecté». Un autre ironise sur la liberté de la presse biélorusse. La
petite délégation est conduite par la chef de la diplomatie lettonne.
Un pays expert en matière de droit de manifestation: cinq jours
plutôt, la « journée du légionnaire » avait rassemblé à Riga plusieurs
centaines de personnes rendant hommage aux anciens Waffen SS lettons.
Son collègue italien, quant à lui, symbolisait certainement le
légendaire respect que nourrit Silvio Berlusconi pour une presse
écrite et audio-visuelle totalement indépendante. Mais c'est
probablement le représentant de la France à qui il faut décerner la
palme du sens de l'opportunité : sa présence visait probablement à
suggérer au gouvernement de Minsk d'« entendre la rue ». Dans cette
logique, on aurait pu suggérer à l'ambassadeur biélorusse à Paris de
venir défiler pour soutenir les adversaires du CPE.
L'épisode n'est pas seulement grotesque, il est surtout sans précédent
dans les annales diplomatiques. Il marque un pas gravissime dans le
sens souhaité par les croisés de l'ingérence de tous chez tous – en
réalité des puissants chez les petits. Est-il nécessaire d'être un
inconditionnel du président biélorusse pour mesurer les
extraordinaires dangers d'une telle escalade contre le principe de la
souveraineté des Etats (principe sur lequel fut initialement fondé
l'ONU) ?
Cette escalade n'est cependant pas surprenante. Elle s'inscrit dans la
voie tracée par Condoleeza Rice qui, lors d'un sommet atlantique il y
a quelques mois, en appela ouvertement au renversement du régime en
place à Minsk. Le président Bush avait quant à lui pointé un doigt
accusateur contre cet « avant-poste de la tyrannie ». Qui, dès lors,
s'étonnerait que l'autre pôle de «l'axe du Bien» ne joue pas sa
partition, avec, en inévitable premier violon, Javier Solana,
Haut-Représentant de l'UE, téléphonant au candidat Milinkiévitch pour
assurer les manifestants de son soutien? Depuis des mois, il est vrai,
l'Union européenne apporte ouvertement un appui moral mais aussi
matériel et financier à l'opposition (même s'il se trouve toujours
quelques eurodéputés pour dénoncer l'«insuffisance» des sommes
versées). L'un des ambassadeurs européens en goguette décernait
d'ailleurs un satisfecit aux poulains de celle-ci : «l'opposition a
fait un sans faute. Elle ne pouvait pas faire mieux dans les
conditions où elle agissait». Réponse du berger à la bergère, formulée
par son chef de file : «nous préparons, à la demande de Bruxelles, une
liste de personnes liées de près ou de loin au régime pour les
interdire d'entrée sur le territoire de l'Union européenne». La
connivence est affichée sans complexe.
Pour sa part, le Conseil de l'Europe dénonce l'élimination physique de
personnalités politiques dont le président biélorusse se serait rendu
coupable lors de son précédent mandat. On peut déplorer de telles
méthodes. Mais si cette indignation doit servir de base aux relations
internationales, alors il faut logiquement appliquer des sanctions –
pour ne prendre que ce seul exemple – aux principaux dirigeants
américains : MM. Cheney et Rumsfeld n'ont-ils pas couvert les tortures
de masse d'Abou Ghraib? Et le président Bush lui-même n'assume-t-il
pas ouvertement la détention de centaines de prisonniers à Guantanamo,
hors de tout cadre légal et de tout contrôle?
Parmi les griefs imputés à l'administration présidentielle figure en
outre le trucage des élections. Il convient à ce propos de faire trois
constats : tout d'abord, les accusations de fraude ont été formulées,
de manière certaine et péremptoire, plusieurs semaines avant que le
scrutin n'ait lieu; ensuite, certains «observateurs» de l'OSCE,
réputés impartiaux, ont travaillé dans la collusion la plus étroite
avec des représentants de l'opposition – on peut ici en apporter un
témoignage direct et formel; enfin, et surtout, s'il est permis de
douter qu'Alexandre Loukachenko ait effectivement obtenu les 83% que
lui attribue la commission électorale, les chancelleries occidentales
savent mieux que personne que ce dernier continue à jouir d'un soutien
populaire majoritaire.
Dès lors, une évidence s'impose: si la sincérité de beaucoup des
jeunes activistes de Minsk est bien réelle, les dirigeants de
Washington à Bruxelles, et de Paris à Berlin, se cachent, eux,
derrière les «droits de l'homme» pour viser des objectifs d'une toute
autre nature. Du reste, s'ils avaient vraiment pour but de contribuer
à une «démocratisation» et à une «ouverture» du pays, ils
favoriseraient les contacts et les coopérations dans tous les domaines
– scientifiques, culturels, commerciaux... Or ils font exactement
l'inverse, à travers la recherche d'un isolement croissant de la
Biélorussie.
Point n'est besoin de sortir d'une école de hautes études stratégiques
pour comprendre les enjeux réels : il suffit de regarder une carte
d'Europe. De la mer Blanche à la mer Noire, les voisins occidentaux de
la Russie sont ou ont tous basculé dans le camp atlantique. Tous sauf
un : la Biélorussie. Moscou entretient des relations étroites avec
Minsk (même si elles ne sont pas toujours sans nuage), pour des
raisons historiques, économiques et culturelles évidentes. Si, par
hypothèse, étaient mis en cause les liens commerciaux, industriels,
énergétiques mais aussi militaires entre les deux pays, alors les géo
stratèges occidentaux pourraient se prévaloir d'une victoire majeure
dans leurs ambitions naguère décrites par l'ancien conseiller du
président Carter, Zbigniew Brzezinski. Comme l'explique doctement un
expert de la fondation américaine Héritage, «Les militaires russes
considèrent toujours l'OTAN comme un ennemi potentiel».
C'est vrai : on se demande bien où les Russes vont chercher tout cela!

Pierre Lévy


«DESPOTISME», «TYRANNIE», «DICTATURE» : À L'INSTAR DE WASHINGTON ET
BRUXELLES, LES MÉDIAS DE L'OUEST NE FONT PAS DANS LA NUANCE POUR
STIGMATISER LA BIÉLORUSSIE

DES SPOTS OCCIDENTAUX QUI LAISSENT DANS L'OMBRE CERTAINES REALITES

Réunies par leur jeune professeur de français, des étudiantes de
l'institut linguistique (privé) de Minsk ont accepté de dialoguer à
bâtons rompus. Moyennant quelque prudence, cependant : diffamer le
pays auprès d'interlocuteurs étrangers est, depuis peu, passible de
sanctions. Le rendez-vous, dans un bar salon de thé, n'est tout de
même pas clandestin. Responsable qualité dans une société de
logiciels, technicienne commerciale dans une entreprise d'importation
de denrées agricoles, et étudiante en publicité et marketing : les
trois jeunes femmes, âgées de 22 à 27 ans, doivent être assez
représentatives de cette jeunesse qui peut former la future «classe
moyenne » dont le pouvoir dit vouloir favoriser l'émergence. Elles
précisent d'ailleurs que leurs opinions ne sont probablement pas
représentatives de l'ensemble de la société, et notent que des
ouvrier(e)s réagiraient probablement fort différemment. Occasion
d'ailleurs de souligner ce qu'elles ressentent comme une injustice :
ici, un chauffeur de poids lourd peut se voir proposer un emploi deux
fois mieux payé qu'un jeune expert d'informatique qualifié.
Toutes regardent le rassemblement organisé le soir même (jour du
scrutin) par l'opposition avec un mélange de sympathie et
d'inquiétude. Elles soulignent le dynamisme des jeunes qui s'apprêtent
à s'y rendre, qu'elles estiment fondés à réclamer plus de transparence
et de démocratie. Et notent que ces manifestations seraient
probablement plus fréquentées si le pouvoir ne faisaient pas planer de
lourdes menaces de répression. Elles nuancent cependant le propos: «on
n'est quand même pas dans un état de guerre ou de terreur». Et
soulignent un clivage de génération: pour elles, les retraités
soutiennent massivement et sans réserve le président. Mais leur
véritable préoccupation est ailleurs. Selon une conviction qui
reviendra dans nombre d'entretiens, le pays souffrirait avant tout de
la place insuffisante laissée au capital privé. Le «business»
représente le symbole de l'efficacité, par rapport au secteur dominé
par l'Etat, incapable, selon elles, de produire la qualité adaptée aux
besoins intérieurs et à ceux de l'exportation.
Cette critique économique se double d'une insatisfaction sociale. Le
gouvernement assure certes un emploi à ceux qui sortent du système
éducatif (avec une obligation de service pendant deux ans, sauf à
rembourser les frais de formation). Mais, tempèrent nos
interlocutrices, pas nécessairement dans la branche et au niveau de
qualification attendu. Une situation d'autant plus mal vécue que, si
les universités d'Etat délivrent des diplômes reconnus et de haut
niveau, la sélection dans certaines filières est rude. De leur côté,
les instituts privés sont moins cotés au regard des employeurs, à
tort, selon elles. Les difficultés d'intégration professionnelle des
étudiants hautement diplômés se doublent par ailleurs d'une
frustration issue du strict encadrement des échanges commerciaux et
financiers avec l'étranger. Tout produit importé est taxé à hauteur de
30 %, sauf de Russie, avec qui existe un accord de libre-échange. Sans
nostalgie aucune par rapport à l'époque soviétique (qu'elles ont
évidemment peu connue), toutes regrettent cependant la facilité
notamment financière avec laquelle un citoyen de l'URSS pouvait alors
voyager de l'Ouzbékistan à la Lettonie ou à l'Arménie. Plus grave, la
génération précédente, du moins la partie de celle-ci qui exerçait des
professions valorisées par la société soviétique, se sent aujourd'hui
socialement déclassée, tels les parents de l'une des jeunes femmes,
respectivement ingénieur et professeur.
L'attrait des pays de l'Ouest reste grand, même si ces derniers ne
sont pas inaccessibles puisque l'une d'entre elle a travaillé
brièvement aux Etats-Unis. Si le régime dissuade les jeunes (notamment
les filles) d'émigrer à l'Ouest tout en ne refusant pas
systématiquement cette possibilité, les obstacles sont d'abord du côté
des pays d'accueil, dont les ambassades donnent (ou plutôt vendent)
les visas au compte-goutte. Et comment les trois étudiantes en
français voient-elles la France? «On doit avoir plus de possibilité de
vivre heureux!». Mais le stéréotype a son revers, même évoqué avec le
sourire : «les Français aiment bien les grèves, sans doute parce
qu'ils n'aiment pas beaucoup travailler?». La fascination du capital
privé et de son «efficacité » a sa logique...

PME privées

Selon les estimations et les critères retenus, le capital privé
représente de quelques pour cents à un cinquième de l'économie, à
travers quelques milliers d'entreprises totalement privées, ou à
capitaux mixtes. Certains précisent cependant qu'il fournit la moitié
de la recette fiscale – une statistique non officielle. Fondateur et
propriétaire de sa société d'importation d'appareillage électrique, le
patron de celle-ci acceptera de répondre à nos questions. Et précisera
tout d'abord qu'à l'image de la plupart des entreprises privées
comparables, la sienne fut créée en 1993 (la moitié environ subsistent
aujourd'hui), avec des capitaux entièrement empruntés, pour importer à
peu près tous les types de produits, et les revendre sur le marché
intérieur. Les marges étaient alors de 200 % à 500 %. Désormais
spécialisée dans les câbles, les connecteurs et les ampoules, la
société compte actuellement 160 employés – dont 90 % ont moins de 30
ans – pour un chiffre d'affaires de 18 millions de dollars. Elle
embauche 10 à 15 personnes par an.
Le chef d'entreprise évoque ensuite son principal problème:
l'intervention fréquente des inspecteurs d'Etat, qui peuvent exiger
des baisses de prix, effectuer des contrôles tatillons sur les
produits, faire connaître telle ou telle réglementation nouvelle et
changeante. « Cela devient de plus en plus difficile », déplore-t-il,
en regrettant en particulier la lourdeur de la fiscalité. Pas
seulement directe : selon lui, les autorités publiques exigent sans
fin une contribution pour tel festival populaire, pour la construction
de tel palais des sports, pour l'aide au kolkhoze voisin : «si on ne
paye pas pour des projets sociaux, on est l'ennemi!». Suit l'exemple,
fréquemment cité, de Ford, intéressé par la construction d'une usine
près de Minsk, mais finalement reparti, effrayé des demandes formulées
par le gouvernement: la firme américaine s'était vu imposer une
contribution à la construction de logements et d'équipements
collectifs... Précisons que le gouvernement souhaite contrôler
étroitement l'installation de sociétés étrangères.
Le salaire moyen dans l'entreprise est d'environ 330 euros, soit
supérieur à la moyenne nationale, établie officiellement à 210 euros.
L'échelle des rémunérations est fonction des grilles de qualification
nationales. Mais, au sein de cette grosse PME, ce sont des femmes (40%
de l'effectif total) qui occupent les postes à responsabilité, si bien
que le salaire féminin est supérieur de 50% à celui des hommes. En
revanche, si une femme part en congé de maternité, le chef
d'entreprise ne lui garantit pas l'emploi à son retour. Jusqu'à
présent, aucun litige à ce propos n'a été porté devant les tribunaux.
Officiellement, l'horaire hebdomadaire est de 39 heures, mais, privé
oblige, chacun est tenu de rester si le travail n'est pas terminé. A
noter que l'âge de la retraite est, dans le pays, de 60 ans pour les
hommes, et de 55 ans pour les femmes. Et que les salariés disposent au
minimum de 21 jours ouvrés de congés payés. Par ailleurs, pour 10
euros de salaire effectivement payés à l'employé (sur lesquels l'impôt
sur le revenu varie de 9% à 11%), seule l'entreprise verse des
cotisations sociales, à hauteur de 4 euros. La protection sociale est
gérée par l'Etat. Moyennant toutes ces conditions, les bénéfices
dégagés par l'entreprise se sont élevés à plus de 410 000 euros en
2005, notamment reversés en dividende.

Hôpital n° 9

Changement de décor: l'hôpital public n° 9 de la capitale. Sans être
luxueux, les locaux n'apparaissent ni vétustes, ni précaires. A côté
du bâtiment principal, le centre de diagnostic va bientôt voisiner
avec le futur centre de transplantation. Deux jeunes femmes médecins
brossent un tableau nuancé des conditions de leur activité. La
première, hématologue, souligne que la Biélorussie est en pointe dans
sa discipline, une conséquence de la catastrophe de Tchernobyl. Le
très grave accident nucléaire s'était certes déroulé en Ukraine, mais
l'essentiel des conséquences radiologiques avait en réalité touché la
partie sud du pays. Les moyens dont dispose le service sont donc
suffisants, d'autant que des coopérations internationales, notamment
avec la France, avaient été mises en place. Compte tenu de la gravité
des affections traitées, l'ensemble des soins et médicaments est
gratuit. La praticienne travaille 35 heures par semaine, auxquelles
peuvent se rajouter trois ou quatre gardes mensuelles de douze heures,
pour les médecins volontaires, qui peuvent ainsi arrondir une chiche
rémunération.
Sa consœur du centre de diagnostic touche quant à elle, 250 euros
(soit presque deux fois moins qu'un ouvrier, précise-t-elle), à
condition toutefois d'examiner 12 patients par jour, soit quatre fois
plus que la norme de base. Une bien modeste reconnaissance, d'autant
qu'elle prépare une thèse qui fait d'elle l'un des docteurs les plus
qualifiées du pays dans sa spécialité. Et, pour améliorer cette
situation, le syndicat ne semble guère adapté, puisque son rôle se
concentre plutôt dans la gestion des œuvres sociales (vacances,
enfance,...). Passionnée par son travail, elle regrette qu'il soit
parfois difficile de faire bouger les habitudes des autorités de
l'hôpital en matière d'innovation et de recherche. Le délai d'accès,
en principe gratuit, au centre d'examen, est tout de même d'un mois. A
moins que le patient ne paye l'équivalent d'une douzaine d'euros –
auquel cas la procédure est bien plus rapide. Ce supplément n'a rien à
voir avec une consultation privée, puisque c'est l'hôpital qui
l'encaisse, et l'utilise pour la modernisation des appareillages.
La médecine n'est naturellement pas le seul domaine scientifique où la
Biélorussie n'ait pas à rougir. A l'époque soviétique, cette
République tenait un rôle de premier plan dans la recherche au niveau
de l'Union – par exemple dans le domaine de la physique des lasers, où
elle occupait le podium mondial. Après l'indépendance, le champ
d'activité et le réseau des chercheurs s'est considérablement
restreint, le travail en commun engagé depuis des décennies ayant vu
ses principales connections interrompues brutalement. Deuxième défi à
relever : la reconversion des activités scientifiques militaires dans
le domaine civil. Le programme de reconversion, entièrement financé
par un organisme international, est coordonné, pour la Biélorussie,
par un physicien de renom. Sans indulgence aucune pour feu l'URSS, ce
dernier évoque cependant une époque où les scientifiques disposaient
de moyens importants pour leur activité. Selon lui, la césure de 1991
a entraîné un véritable trou dans le recrutement de chercheurs. La
pente commence à être remontée. Mais l'époque a changé : « la science
n'est plus à la mode », soupire-t-il. A leur sortie de l'Université,
la plupart des étudiants cherchent, selon lui, à gagner beaucoup
d'argent tout de suite – et visent en conséquence des fonctions
commerciales ou marketing. Ce ne sont pas les maigres traitements
proposés aux jeunes chercheurs, précise-t-il, qui pourront massivement
inverser cette tendance.

Musique et arts

Autre lieu, autre ambiance. Le jeune directeur de l'école de musique –
lui même ancien élève de la maison – n'est pas peu fier de présenter
son institution. Abritée par l'ancien collège des Jésuites construit
au XVII e siècle, celle-ci a été fondée en 1935 par le gouvernement de
la République soviétique biélorusse. Une filiation qui a traversé les
secousses politiques en gardant intacte sa tradition et son
excellence. L'institution, restée entièrement publique, continue de
bénéficier d'importants moyens (près de 600 millions d'euros sont
ainsi budgétés pour une prochaine rénovation). 420 élèves (55 % de
filles) y sont accueillis pendant la durée de leur scolarité
obligatoire (de 7 ans à 18 ans), et reçoivent tout à la fois la
formation générale et une formation musicale approfondie. Le cursus
est entièrement gratuit, exception faite des «classes préparatoires»
(élèves de 5 et 6 ans), pour lesquels les parents doivent débourser 25
euros mensuels. Pour entrer dans cette école, il faut passer non pas
un examen, mais des tests à travers lesquels les enseignants tentent
de repérer les futurs talents. Le taux d'encadrement pédagogique (135
professeurs au total) permet d'assurer des cours collectifs mais
également un suivi individuel à chaque élève. A l'issue de leur
cursus, les jeunes ainsi formés se dirigent vers le conservatoire
national, ou bien vers les conservatoires étrangers. Ce «niveau
international» est l'atout sur lequel compte le directeur pour
multiplier les contacts et organiser des tournées dans les pays
d'Europe occidentale. Encore faut-il pouvoir les autofinancer...
Multiplier les coopérations interculturelles, notamment avec la
France, c'est aussi la préoccupation du recteur de l'«Institut des
connaissances nouvelles», un intitulé difficile à traduire sous lequel
se retrouvent un ensemble de trois facultés: beaux-arts, gestion et
finances, et pédagogie appliquée. Mais ici, un détail change tout:
l'institut est entièrement privé, et ne reçoit donc aucun fonds de
l'Etat. Conséquence logique: ce sont les étudiants eux-mêmes, ou leur
famille, qui assument la totalité des frais de scolarité : de 80 à 100
euros par mois. Un montant non négligeable pour le pays. Fondé en 1991
par un scientifique de renom aujourd'hui décédé, l'institution n'est
pas pour autant la pestiférée des pouvoirs publics, même si ceux-ci ne
manquent pas de soumettre l'établissement à la TVA. Le recteur a en
tout cas un faible pour la faculté des beaux-arts, et n'omet pas de
préciser que plus d'un festival à l'étranger couronne de nombreux
lauréats issus de l'un des cursus – design, musique, danse, mais aussi
haute couture. Les étudiants de cette dernière filière effectuent
fréquemment des stages à Milan à Berlin, à Paris... Souhaitant que son
institution contribue au renom international des sciences et de la
culture de la Biélorussie, le recteur est cependant obligé de
constater que les pays européens ont fortement ralenti les contacts
depuis peu. On peut sans grand risque deviner dans cette évolution une
volonté politique tendant à isoler le pays. En témoigne ainsi le gel
brutal des relations engagées avec les interlocuteurs publics de Brême
(RFA). «La chose la plus bête que les Occidentaux pouvaient faire»,
maugrée l'universitaire.


Minsk, perspectives urbaines et concurrences divines

Ne cherchez pas le vieux Minsk. La capitale de la Biélorussie (deux
millions d'habitants aujourd'hui pour une population totale de dix
millions dans le pays) a été quasi-entièrement détruite lors de la
seconde guerre mondiale. En première ligne face à l'avance nazie, la
République alors soviétique avait payé un prix terrible, puisque le
quart de sa population a succombé. Tout récemment cependant, un
quartier a été reconstruit tel qu'il était au dix-huitième siècle. Les
façades colorées fleurent encore le neuf. Pour le reste, la ville est
organisée en très larges avenues (« perspectives »), aux côtés
desquelles les Champs-Élysées paraîtraient presque une étroite ruelle.
D'imposants immeubles gardent intacte une physionomie urbaine marquée
par l'architecture soviétique des années 50. Il s'agit moins de
bureaux que d'habitations, pas spécialement plus chères que dans les
faubourgs excentrés. Mais les hautes façades peuvent aussi abriter des
usines, dont certaines sont situées en plein centre-ville : fabriques
d'électroménager, de montres, de centraux téléphoniques... Qu'on ne
s'y trompe pas, pourtant : les stigmates les plus malheureux de la «
modernité » se sont coulés insensiblement dans le décor, des
téléphones portables dont la fréquence n'à rien à envier aux capitales
occidentales, jusqu'à l'inévitable MacDo, qui a investi l'angle des
deux principales artères du centre.
Comme pour hâter l'arrivée du printemps, une foule nombreuse semble
vouloir défier un thermomètre obstinément bloqué au dessous du zéro.
Vers la fin de la journée et jusqu'à tard dans la soirée, on est
frappé par le nombre de jeunes, de jeunes femmes en particulier.
Celles-ci n'hésitent pas à arborer fréquemment d'étonnantes minijupes,
un choix vestimentaire téméraire eu égard aux conditions
météorologiques, mais pertinent pour qui n'est pas insensible au
charme slave. Peut-être faut-il y voir l'effet d'une curieuse donnée
démographique : il y a dans le pays – dit-on – 40 % d'hommes pour 60 %
de femmes. Ces dernières seraient-elles inconsciemment amenées à se
plier à la rude loi de la concurrence? La mode, en tout cas,
n'apparaît pas ici comme l'inaccessible apanage des lointaines
capitales occidentales. Bref, le visiteur qui débarquerait à Minsk
avec pour seul viatique l'ancestral «Tintin chez les Soviets» n'est
pas au bout de ses surprises. Et s'il pensait devoir frayer son chemin
entre d'omniprésents policiers ou militaires patibulaires, il en sera
pour ses frais. Le lendemain du scrutin, on peut par exemple croiser
dans le métro ou sur les trottoirs des jeunes arborant le badge de
l'opposition à l'effigie du bison, sans lire dans le regard des
passants de marques d'admiration ou d'effroi particulières.
Il serait cependant injuste d'affirmer que rien ne déroute le visiteur
étranger. A titre d'exemple, celui-ci découvrira des grandes surfaces
alimentaires de centre-ville ouvertes jusqu'à 23 heures – dimanche
compris. Les étals y sont parfaitement achalandés. Pour le porteur
d'euros (même bien sagement convertis au cours officiel), les prix en
roubles biélorusses sont plus qu'avantageux. Pour les habitants en
revanche, le coût de la vie est un souci fréquemment entendu. Mais
nombre d'entre eux, notamment dans les anciennes générations,
compensent cette difficulté par la possession d'une «datcha» à la
campagne, habitude héritée de l'époque soviétique. Il s'agit le plus
souvent d'une baraque plus que modeste, mais dotée d'un jardinet
fournissant fruits et légumes – de qualité «maison» – pendant
plusieurs mois de l'année. Mais le «système D» ne se limite pas à cet
aspect bucolique et légal de la réalité. Il existe une «économie
grise», notamment dans les services, au sein de laquelle il n'est pas
rare de payer en dollars. L'ampleur de ce secteur est évidemment
difficile à évaluer.
Pour autant, la concurrence libre et non faussée chère à Bruxelles n'a
pas encore conquis le monopole des esprits. Ainsi, la très charmante
hôtesse de l'exploitant de téléphonie mobile Velcome enverra
immédiatement le client vers la firme concurrente au motif que cette
dernière propose une formule plus avantageuse... Autre entorse à la
concurrence : le jour du scrutin, les locaux attenant aux bureaux de
vote proposent boissons, fruits, beignets et autres nourritures – il
s'agit, là encore, d'une survivance soviétique.
De manière moins anecdotique, peut-on avoir une idée de la pratique
religieuse, dans ce pays réputé très peu bigot, contrairement à la
Pologne voisine ? Une question qui n'est pas anodine, quand on
découvre le petit local de l'opposition: très à l'étroit face à
l'afflux de journalistes lors d'une conférence de presse du candidat
Milinkiévitch, les militants présents, sous un grand drapeau européen,
vendent tout à la fois les badges des «Forces démocratiques unies»...
et des crucifix miniatures qui partent comme des petits pains bénis.
Dès lors, une visite à la cathédrale orthodoxe s'impose. L'office
dominical est fréquenté par une foule compacte de fidèles, qui font
montre d'une ferveur étonnante. Hasard: on y croise le candidat
Alexandre Milinkiévitch qui en sort tout juste, et dont la présence
est protégée par quelques militants qui se tiennent à distance. La
curiosité pousse à le suivre des yeux. Surprise: il se dirige vers la
cathédrale catholique, sise à quelques centaines de mètres.
Vérification faite, il enchaîne bel et bien sur l'office concurrent.
Œcuménisme électoral (au demeurant fort discret)? Hésitation sur le
culte le plus efficace pour les meilleurs résultats le soir même ?
Dieu seul le sait.


Belarus: l'UE se fait le relais de la stratégie états-unienne

Le 15 février dernier, le Parlement européen débattait à Strasbourg de
la situation en Biélorussie dans la perspective de l'élection
présidentielle du 19 mars. Le débat consista en une longue litanie
d'interventions sur le viol des droits de l'homme imputé au Président
Loukachenko; et en la mise en doute de la validité du scrutin, avant
même qu'il ait eu lieu. Nombre d'orateurs ne cachaient pas leur espoir
qu'un scénario «à l'ukrainienne» ramènerait ce pays dans l'influence
occidentale, à l'instar de presque tous les pays limitrophes de la
Russie. Intervenant à contre-courant, l'eurodéputé (ID) Paul-Marie
Coûteaux (*), a fait entendre une approche géopolitique, sur la base
de la nécessaire souveraineté de chaque pays. Nous reproduisons ici
des extraits de ce texte (non intégralement prononcé à la tribune,
compte tenu du temps de parole), qui fait notamment référence à son
expérience d'«observateur» lors d'un précédent scrutin.
« (...) Il est un peu facile de reprocher à un pays souverain de ne
pas correspondre en tous points à des critères unilatéralement
proclamés pour reconnaître tel ou tel gouvernement, selon que sa
politique plait ou pas. L'abandon de la règle (longtemps inspirée par
la conception française) de la souveraineté des nations, selon
laquelle ce sont les Etats qui se reconnaissent entre eux et non les
gouvernements, laisse évidemment place à ce genre de manipulations...
Le cas biélorusse est à ce titre exemplaire.
Après l'effondrement de l'empire soviétique, la Biélorussie a été
livrée à quelques bandes de prédateurs dont la seule légitimité était
de servir les intérêts de telle ou telle multinationale, au point
qu'on vit des ministres vendre des biens publics, pour ainsi dire par
appartements, souvent d'ailleurs à des sociétés européennes. Sous le
couvert de « libéralisation » des responsables gouvernementaux
négocièrent la vente de services publics dont ils avaient la charge,
réseaux d'électricité, chemins de fer, etc. Cela s'appelait
«démocratisation». Parallèlement, ce pays était instrumentalisé par
quelques puissances `occidentales', trop heureuses d'utiliser les
bases militaires qu'il offrait pour menacer d'aussi près qu'il se
pouvait la grande nation soeur, la Russie.
Il se trouve que lors des précédentes élections générales, je fis
partie d'une délégation que le parlement européen envoya à Minsk pour
s'incorporer à la mission d'observation électorale dépêchée par
l'Organisation de Sécurité et de Coopération en Europe (OSCE), mission
présidée par un ambassadeur allemand. Eloquente expérience! Arrivés à
Minsk le vendredi soir précédant le scrutin, je trouvai dans ma
chambre d'hôtel un dossier préparé par l'OSCE, dont la pièce maîtresse
était un «projet de communiqué» destiné à être discuté le lendemain
samedi et diffusé le dimanche soir dès la proclamation des résultats.
Or ce projet, avant même toute observation, déniait le caractère
pluraliste de la consultation et la jugeait irrégulière ! Je protestai
dès le samedi : à quoi bon « observer » si la conclusion était déjà
prête ? Je passai le lendemain à visiter, en compagnie d'un de mes
collègues italiens, plusieurs bureaux de vote dans une région rurale
proche de Minsk. Dans chacun des cinq bureaux, nous constations que
les panneaux électoraux et les bulletins respectaient une assez grande
égalité entre les listes en présence ; partout des représentants des
listes concurrentes, des isoloirs, etc. La participation semblait
faible, certes, mais quant aux apparences au moins, il y avait une
impression de démocratie naissante. Le soir, en réunion d'observateurs
(dont tous les débats se tenaient en anglais...), mes protestations,
solitaires hélas, ne servirent à rien, le communiqué préparé à
l'avance n'étant que fort peu retouché. Ce n'est que le lendemain,
lors de la conférence de presse dite finale, organisée par l'OSCE, que
mes protestations publiques contre la partialité des dirigeants de la
mission trouvèrent quelque écho, relayées par une association
américano – britannique d'observateurs indépendants, la presse locale
ainsi que les correspondants russes. Les remous furent tels que la
conférence de presse tourna court.
Si l'on nous demande aujourd'hui de condamner les autorités de Minsk,
ce n'est pas pour le bien du peuple biélorusse, mais tout simplement
pour que nous servions de relais dans les brumes à une stratégie
états-unienne qui vise à contenir la puissance russe dans des limites
aussi étroites que possible, en la privant de ses alliances les plus
naturelles, celles de l'histoire et celles de la géographie. C'est là
faire oeuvre d'apprenti sorcier comme on le voit depuis un an en
Ukraine, et ajouter une imposture supplémentaire à cette Europe dont
l'équilibre fut toujours impossible sans la Russie et l'ensemble de
ses alliés (...) ».

(*) Paul-Marie Coûteaux dirige par ailleurs
le mensuel L'Indépendance
(288 Bd Saint-Germain, 75007 Paris)

Pierre Lévy

rédacteur en chef de «La Lettre de Bastille République Nations»
Dossier spécial Belarus dans le journal N° 20, le 29.03.2006
infos: amisbrn @...


=== 2 ===

http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2006-03-31%2015:36:09&log=invites

2 ou 3 choses à savoir sur la Biélorussie

Comaguer
CONTRE LA GUERRE, COMPRENDRE ET AGIR
Bulletin n°141– semaine 13 – 2006

La Biélorussie, une des républiques de l'ex-URSS, ravagée pendant la
deuxième guerre mondiale et entièrement rebâtie ensuite, a pris le nom
de Belarus en devenant en 1991 un Etat indépendant.
Avec dix millions d'habitants sur un territoire un peu plus petit que
la Pologne (environ 200 000 km2), ce pays se trouve aujourd'hui sur la
zone de turbulence maximale du continent européen, l'axe BALTIQUE- MER
NOIRE ou, pour les géographes et plus précisément, l'isthme
Kaliningrad -Odessa.
Cette zone dont le caractère slave est l'élément unifiant comprend :
la Pologne, les Républiques baltes, l'Ukraine et le Belarus est
soumise, mais ce n'est pas la première fois dans l'Histoire à un
véritable déchirement géopolitique depuis la disparition de l'URSS. La
Pologne et les république baltes ont rejoint l'OTAN puis l'Union
Européenne et sont donc polarisées vers l'Ouest avec des liens
militaires et idéologiques très étroits avec les Etats-Unis. L'Ukraine
suit le même chemin mais avec de nombreuses incertitudes qui sont à
l'image du résultat (provisoire et qui peut ménager des surprises) des
élections législatives.
Or le BELARUS suit avec détermination depuis 1994 le chemin inverse.

Retour en arrière :

Indépendant en 1991, le Belarus hésite sur la voie à suivre. Sur le
plan économique l'heure est à la libéralisation économique mais il s'y
engage lentement et les privatisations à la mode dans le reste de
l'ex-bloc soviétique progressent peu. Sur le plan politique, le
Belarus tient, à l'inverse des républiques baltes qui veulent
consommer au plus vite la rupture avec la Russie, à conserver des
liens amicaux et de bon voisinage avec les ex républiques soviétiques.
Ce lien sera institutionnalisé par la création de la CEI (communauté
des Etats Indépendants) qui est fondée, et ce n'est pas un hasard, à
MINSK en 1992 et regroupe toutes les républiques de l'ancienne URSS à
l'exception des trois républiques baltes.
Arrivent les élections présidentielles de 1994. Les conséquences
dramatiques de la libéralisation économique brutale qui a lieu chez
les voisins russe et ukrainien : hyper-inflation, dépeçage des
industries d'Etat, écroulement des services sociaux, corruption,
chômage... sont bien connues des biélorusses qui ne s'y sont pas
précipités à corps perdu. Ce refus populaire de la catastrophe
économique libérale imminente est porté par un nouveau venu: ALEXANDRE
LUKASHENKO, qui est élu sans difficulté avec 80 % des voix. Il a 40 ans.
LUKASHENKO a été membre et militant du Parti Communiste Biélorusse
mais avant de devenir Président de la République il était simple
député après avoir été directeur de Sovkhoze. Le cas BELARUS devient,
dés cette date, un cas original dans le monde ex-soviétique. Un homme
jeune arrive au pouvoir alors que les dirigeants ex communistes sont
restés en place au Kazakhstan, en Georgie, en Ukraine, au
Turkménistan, en Ouzbékistan...sans oublier la Russie où ELTSINE est
tout sauf un nouveau venu dans les allées du pouvoir.

Mais là ne s'arrête pas l'originalité biélorusse. LUKASHENKO et son
équipe décident de conserver les acquis et au lieu de mettre à bas
l'édifice social et économique existant, ils décident de l'améliorer :
pas de suppressions des kolkhozes et des sovkhozes, maintien et
modernisation des industries nationalisées, maintien d'une
planification centralisée.
Sur le moment, ce choix clair et unique ne met pas l'Occident en
fureur. Celui-ci concentre son intervention transformatrice –
comprendre : introduction à marche forcée de la liberté d'entreprise -
sur de plus gros morceaux : Russie, Ukraine et ne l'oublions surtout
pas, Yougoslavie.
Les armes nucléaires soviétiques installées sur le territoire
biélorusse sont déménagées vers la Russie et cela suffit momentanément
à éviter des attaques trop virulentes sur ce qui est, à y bien
regarder, une république socialiste maintenue.
LUKASHENKO qui va toujours conserver des liens amicaux avec la Russie
qui lui assure un approvisionnement régulier en énergie ne va pas
perdre son temps et utiliser cette période où il n'est pas encore
diabolisé à l'extrême par l'Occident pour faire de l'économie du
Belarus la plus moderne et la plus développée des républiques de l'ex-
URSS. Il est réélu en 2001 et le soutien électoral massif qu'il a
encore obtenu en Mars 2006 est d'abord la sanction d'une réussite
économique et sociale.
Quelques chiffres – puisés à des sources non soupçonnables de «
bienveillance statistique » comme le FMI et la Banque mondiale où le
BELARUS est classé dans le groupe des pays « à économie centralisée »
- donnent la mesure du phénomène.

Le PIB a doublé en 10 ans.

Il a augmenté de 42% de 2001 à 2005 (+11% en 2004, + 8,5% en 2005,
prévisions pour 2006 +8,5%) c'est-à-dire que la BELARUS a des taux de
croissance à la « chinoise » qu'aucune autre république ex-soviétique
n'a atteint.
En 2003 le PIB par habitant au BELARUS est le double du PIB/habitant
de l'Ukraine, il est plus élevé que ceux de ses voisins européens :
POLOGNE et REPUBLIQUES BALTES qui ont absorbé la potion néolibérale en
même temps que leur adhésion à l'Union Européenne
Le BELARUS pays pauvre en matières premières a une industrie de
transformation compétitive et une balance commerciale excédentaire :
ses principaux clients : Russie, Union Européenne (en 2005 les
échanges entre la France et le Belarus on été multipliés par 3,8) et
Chine .
Dans la CEI, le BELARUS est le premier producteur de : tracteurs, de
machines-outils, de téléviseurs, de réfrigérateurs et de chaussures...
Les biélorusses consomment 3 fois plus de viande et 2 fois plus de
laitages par tête que les russes et les ukrainiens.
Les retraites sont les plus élevées de la CEI.

Autant de données qui n'ont pas été fournies à « l'opinion occidentale
» car elles expliquent que les électeurs biélorusses ont d'abord voté
pour une réussite économique et pour une politique qui n'a pas
dramatiquement creusé les inégalités sociales et qui n'a pas engendré
une couche de nouveaux milliardaires comme en Russie ou en Ukraine
(comme YULIA TIMOSHENKO).
Si l'on ajoute que le BELARUS ne veut pas rentrer dans l'OTAN, qu'il
ne demande pas d'aide financière au FMI et à la BANQUE MONDIALE, que
son budget est en équilibre, qu'il n'accepte que très
parcimonieusement les investissements étrangers dans le cadre de la
planification économique centrale et en conservant la majorité du
capital, on voit que toutes les conditions sont réunies pour que
LUKASHENKO soit désormais bon pour le bûcher comme dangereux hérétique
ayant contredit par des actes la totalité du credo néolibéral, pensée
unique qui fait les dégâts que chacun peut observer autour de soi sous
nos latitudes.
Heureusement sa diabolisation frénétique par les Etats-Unis et l'Union
Européenne ne l'empêche pas d'avoir des amis et le fait que l'UE, par
mesure de représailles, lui interdise l'accès de son territoire est
d'une mesquinerie sans limite. Le BELARUS fait partie du mouvement des
non-alignés et LUKASHENKO est invité au prochain sommet du mouvement à
LA HAVANE, il a le soutien de la Russie avec laquelle sa frontière est
ouverte permettant la libre circulation des travailleurs entre les
deux pays, et de la Chine.
Ses adversaires les plus résolus sont les « toutous » de Washington :
Pologne. Lituanie (le centre nerveux des opposants à LUKASHENKO est à
Vilnius, à quelques kilomètres de la frontière), Ukraine et Georgie et
les manifestants de la place centrale de MINSK ont été formés dans les
mêmes officines que les « révolutionnaires oranges » d'Ukraine y
compris au maniement des explosifs : des attentats dans les bureaux de
vote étaient programmés mais ils ont été déjoués par les services de
sécurité.
Les observateurs occidentaux un peu lucides et qui ne sont pas
simplement destinés au conditionnement de masse comme le FINANCIAL
TIMES britannique ou le très conservateur DAILY TELEGRAPH ont admis
que la réussite économique du régime rendait impossible un échec
électoral de LUKASHENKO.

Il ne restait plus aux commentateurs occidentaux et à l'OSCE dont la
partialité est désormais une constante que des critiques sur le
déroulement des élections elles-mêmes avec toujours le même double
langage. La délégation des 450 observateurs de l'OSCE était conduite
par un citoyen étasunien, ALCEE HASTINGS, qui en 1989 fut démis par le
Sénat de ses fonctions de juge – 6° cas dans l'histoire des Etats-Unis
– pour corruption et parjure.
Ces observateurs : diplomates, agents secrets et autres sont choisis
par leur gouvernement, bien payés et font exactement ce que leur
employeur attend d'eux.
Leur satisfaction a été sans mesure quand SAAKASHVILI, qui se comporte
de plus en plus comme un tyran et laisse son peuple dans la misère a
été élu président de la Georgie avec 97 % des voix, satisfaction
presque égale d'ailleurs, lorsque son prédécesseur SHEVARNADZE alors
favori de Washington avait obtenu 92 % des voix en 1992, satisfaction
quand BAKIEV a obtenu 89% des voix en Kirghizie en 2004. Peu de
critiques sur les dernières élections législatives en Ukraine alors
que les listes électorales ont oublié plus d'électeurs dans les
régions de l'Est – favorables à YANUKOVICH – que dans les régions de
l'Ouest favorables à TIMOSHENKO, alors que les bulletins de votre de
80 cm de long comportaient des dizaines de case à remplir pour les
législatives, les régionales, les municipales, alors que les bureaux
de vote ont été fermés au nez des électeurs qui faisaient la queue
depuis des heures en attendant que les précédents aient fini de
remplir leurs énormes bulletins. Mais pour le chef des observateurs de
l'OSCE, le polonais MAREK SIWIEC, ancien chef des services
d'espionnage, tout se passe bien.
Su ces sujets les lecteurs anglophones peuvent consulter le site du
BRITISH HELSINKI HUMAN RIGHTS GROUP (www.bhhrg.org),organe indépendant
qui fait un travail d'information remarquable.

Petit rappel historique : la Biélorussie est sur le trajet direct
entre la Russie et la France. Il y coule la Bérézina, ce fleuve dont
le nom est devenu, en souvenir de la retraite de Russie, le symbole
des déroutes militaires


Source : Les archives de Comaguer : http://comaguermarseille.free.fr
S'abonner au bulletin et nous écrire : comaguer @nomade. fr


=== 3 ===

Les Biélorusses redoutent la « démocratie de marché »

Les tentatives d'exportation vers la Biélorussie d'une révolution
colorée se heurtent au soutien populaire dont jouit le très
autoritaire président Alexandre Loukatchenko. Créés sur le modèle de
l'Otpor yougoslave, les « Bisons » ne sont toujours pas parvenus à
organiser leur « révolution des bleuets ». Bruno Drweski analyse cette
curieuse résistance des Biélorusses au mirage libéral. (Par Bruno Drweski)

http://www.voltairenet.org/article16928.html

Tous contre Moscou

CHISINAU/MINSK - Après le changement de majorité en Ukraine, les
responsables de la politique extérieure allemande menacent Moscou en
précipitant sa perte d'influence dans ses Etats limitrophes. ,,La
tentative russe de transformer la CEI en espace économique intégré sur
le modèle de l'UE a échoué", estime le Centre de Politologie Appliquée
(CAP). A l'inverse, l'UE ,,a fait la preuve de sa compétence
nouvellement acquise après l'élargissement et de son aptitude à aider
l'Europe de l'Est". Berlin tente de gagner plusieurs Etats situés à
l'Est et au Nord-Est de l'UE à sa politique hostile à la Russie et
propose en particulier une ,,coopération germano-polonaise" vis-à-vis
de la Biélorussie et de l'Ukraine. Entre temps, les plans se
multiplient dans plusieurs Etats de la CEI visant à organiser des
mouvements ,,révolutionnaires" sur le modèle ukrainien...

http://www.german-foreign-policy.com/fr/news/article/1106262000.php

Stratégies de renversement, nouvel épisode

GÜTERSLOH/VILNIUS/MINSK (Compte-rendu de la rédaction) - L'UE doit
influencer les futures élections présidentielles en Biélorussie et
utiliser pour ce faire des méthodes de financement jusqu'alors
illicites. C'est du moins ce que demande l'une des boîtes à idées
(think tank) allemandes les plus influentes, la Fondation Bertelsmann.
Les préparatifs électoraux de l'opposition devraient être soutenus à
l'aide d'une ,,stratégie ambitieuse, rapide, bien coordonnée et
efficace"; il est également souhaitable d'avoir une stratégie
post-électorale, peut-on lire dans un rapport récemment publié par la
fondation allemande. Ce document d'action et de prospective détaille
des ,,propositions concrètes d'action" qui présentent de grandes
similitudes avec les récentes méthodes de diversion pratiquées en
Ukraine; elles visent à un renversement de l'actuel gouvernement
biélorusse. Dans les plans concoctés par la Fondation Bertelsmann,
plusieurs Ministères des affaires extérieures ainsi que de prétendues
ONG sont impliqués...

http://www.german-foreign-policy.com/fr/news/article/1107990000.php

Collision frontale

MINSK/BERLIN (Compte-rendu de la rédaction) - Un scientifique russe de
haut niveau met en garde vis-à-vis d'une "collision frontale" entre la
Russie et l'Ouest en raison de la volonté par Berlin et Washington
d'imposer un renversement en Biélorussie. La Biélorussie est "du point
de vue des voies de communication, de la défense et de l'accès au
territoire non contigu de Kaliningrad" un allié extrêmement important
pour Moscou, écrit le directeur du Centre pour la Sécurité
internationale auprès de l'Académie russe des Sciences, Alexej
Arbatow. Avec cette mise en garde, Arbatow réagit à la soudaine montée
de l'aversion ouverte de l'occident vis-à-vis du président de la
Biélorussie Alexander Lukaschenko. Les activités appuyées par Berlin
pour le renverser sont organisées surtout via la Pologne et la
Lituanie, et elles créent des tensions entre Minsk et la minorité de
langue polonaise en Biélorussie.

http://www.german-foreign-policy.com/fr/news/art/2005/53732.php

Grande Guerra

MINSK/KIEV/BERLIN (Compte rendu de la rédaction) - La campagne
médiatique allemande contre le gouvernement biélorusse prend un tour
plus acerbe et propose des "recettes pour la relève du pouvoir". Le
but est d'introniser l'opposition pro-occidentale avant ou après les
élections présidentielles prévues l'année prochaine. Selon les
sondages de la station financée par l'État, Deutschlandfunk, le
potentiel de révolte reste certes faible en Biélorussie (17%), mais
l'appétence pour un renouvellement des élites politiques reste
intacte. La station publique de radio nomme comme capitales au centre
de ces velléités interventionnistes: "Berlin, Bruxelles et
Washington". Cette campagne médiatique est accompagnée d'une pression
croissante exercée sur Moscou qui doit fermer des bases militaires en
Moldavie. Ainsi, un territoire de plus de l'ancienne URSS tomberait
presque entièrement sous la coupe de l'Occident. Moscou comme Minsk
croit pouvoir faire face aux pressions occidentales en s'alliant à la
Chine. Pékin met les USA en garde contre des attaques militaires et
annonce l'emploi d'armes nucléaires s'il devait être attaqué.

http://www.german-foreign-policy.com/fr/news/art/2005/54740.php

Déclaration de la présidence au nom de l'Union européenne sur les
restrictions à l'assistance technique en faveur du Belarus (30 août 2005)

http://www.voltairenet.org/article127216.html

Lettre d'information du 10/03/2006 - Marche commune

BERLIN/VARSOVIE/MINSK (Compte-rendu de la rédaction) - Après la visite
d'état du président de la république polonaise Lech Kaczynski, Berlin
propose à son voisin le contrôle commun de l'Est, et estime les
réticences polonaises comme surmontables. Les cibles de cet
expansionnisme voulu sont l'Ukraine et le Belarus. Pour les élections
présidentielles à venir en Belarus, les allemands tout comme leurs
homologues polonais misent sur une alternance politique, et
encouragent autant que faire se peut l'opposition. Les plans de
renversements à Minsk poursuivis par le duo, sont à l'ordre du jour
suite aux intérêts géostratégiques et éminemment économiques - tout
comme à l'époque des désordres à Kiev à la fin 2004. De plus, une
expansion commune avec la Pologne à l'Est est jugé comme étant un bon
moyen pour se soustraire aux critiques polonaises quant à
l'édification du Centre Berlinois contre l'Exode. La décision quant à
ce centre pourrait être prise à l'occasion des manifestations
principales ("Jour de la patrie") de l'Union des Victimes de l'Exode
(Bund der Vertiebenen, BdV), celui-ci tombant à la fin du printemps.
On annonce qu'à l'occasion de cette manifestation, le président de la
république fédérale Horst Köhler fera partie des orateurs.

http://www.german-foreign-policy.com/fr/fulltext/55856