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[Le Figaro 13 février 2002]

JUSTICE La comparution de Slobodan Milosevic devant
le Tribunal pénal international pour la Yougoslavie

Une parodie de procès

PAR FRANÇOIS TERRÉ *

Quels qu'aient pu être ses comportements génocides ­
crimes contre l'humanité, crimes de guerre ­,
le procès de Slobodan Milosevic est contraire au
droit pénal international et constitue un précédent
dangereux. Au lieu de le juger sur un territoire
de l'ancienne Yougoslavie, ce qui ne l'aurait pas privé
de son juge naturel, on l'a transféré, moyennant
finances, devant une inadmissible juridiction
d'exception.

Les adversaires des juridictions d'exception,
c'est-à-dire de celles qui sont créées de manière
exceptionnelle ­ on les dit ad hoc ­, auraient dû
et devraient contester l'existence même du Tribunal
pénal international pour la Yougoslavie (TPIY).
Créé de manière totalement irrégulière par le Conseil
de sécurité de l'ONU, au mépris de la charte des
Nations unies, dénoncé par les représentants de
certains Etats (ex. : le Brésil), ce TPIY, ins titué
en 1993, a reçu pour mission de juger les personnes
présumées responsables de vio la tions graves du
droit humanitaire commises sur le territoire de
l'ex-Yougoslavie depuisS 1991.

Les règles présidant au fonctionnement du TPIY sont
attentatoires aux principes de non-rétroactivité
de la loi pénale et de légalité des délits et des
peines. Curieusement, le Conseil de sécurité a aussi
donné au TPIY une grande latitude pour adopter
«un règlement qui régira la phase préalable à
l'audience, les recours et la recevabilité des
preuves, la protection des victimes et des témoins ».
De ce pouvoir contestable, le TPIY, maître de sa
procédure, a usé et abusé au point de procéder à
une modification de ce règlement à douze reprises
entre février 1994 et juillet 1997.

Le contenu du règlement révèle des atteintes aux
principes les plus élémentaires de la procédure
pénale. Ainsi, sous prétexte de protection des
témoins à charge musulmans (pourquoi pas les autres?),
on a permis à ceux-ci de témoigner sous une cagoule
la voix déformée... (Alexandre del Valle,
Islamisme et Etats-Unis, une alliance contre l'Europe,
p. 263). Maintes dispositions exorbitantes
caractérisent la procédure retenue (régl. art. 50,
53, 60, 66, 69, 70, 75, 79). Ainsi, « dans le cas où
la communication de pièces se trouvant en la possession
du procureur pourrait nuire à de
nouvelles enquêtes ou en cours, le procureur peut
demander à la chambre de première instance
siégeant à huis clos d'être dispensée de l'obligation
de communiquer les pièces de la défense »!
Et, curieusement ou non, « la chambre de première
instance n'exige pas la preuve de ce qui est
de notoriété publique » (art. 89).

Pourtant, en 1999, lors de la passation de ses
pouvoirs, le procureur canadien devant le TPIY avait
déclaré : « La justice internationale a fait plus
de progrès au cours des cinq dernières années que
dans les cinquante précédentes. La culture de
l'impunité des puissants ne fait plus partie du
paysage pour le prochain millénaire. »

Lui succédant, Carla Del Ponte d'affirmer:
« Faire comparaître Milosevic, Karadzic ou Mladic, pour
ne citer qu'eux, est une de mes priorités, ma tâche
principale. Et, s'il faut mettre le paquet, on le
mettra » (interv. Paris-Match, 31 août 1999).
Est-ce là un propos digne d'un procureur ? Toujours
est-il que le paquet, on l'a mis !

La complexité de la situation dans l'ex-Yougoslavie
a empêché, sinon provoqué, les difficultés de
capture des responsables ou présumés tels. D'où le
recours à des démarches souvent indignes:
dissimulation de documents, tromperies et ruses
pour attirer des personnages prêts à coopérer à
l'oeuvre dite de justice (ex. : Slavko Dokmanovic).
Pis: marchandage avec un gouvernement
consistant à promettre, en quelque sorte, une
«rançon» pour la livraison de Milosevic.

Si abominable qu'ait pu être celui-ci, un Etat ne
livre ni ne vend ses nationaux ; le cas échéant, il les
juge lui-même. Le fait qu'il s'agissait d'ailleurs
d'un chef d'Etat renforçait même cette exigence. « Il
est probable que, si la Yougoslavie n'avait pas
été économiquement aux abois... le
gouvernement de Belgrade n'aurait pas cédé aux
injonctions de Washington, qui faisait dépendre
l'octroi d'une aide au transfert de Milosevic »
(Pascal Boniface, Le Figaro, 3 juillet 2001). Une
livraison à laquelle s'opposera en vain la Cour
suprême de Serbie.

Aux gens de loi qui s'accommodent de tout cela,
on sera tenté de dire, comme Voltaire à
Montesquieu défendant la vénalité des charges:
« Il est bien difficile à l'esprit le plus philosophique
de ne pas payer son tribut à l'amour propre. Si
un épicier parlait de législation, il voudrait que tout
le monde achetât de la cannelle et de la muscade. »

* Membre de l'Institut.

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Subject: Newsletter FREE SLOBO ! - n° 12
Date: Wed, 13 Feb 2002 23:20:28 +0100 (CET)
From: ICDSM <icdsminfonet@...>

VERBATIM :
LE PRESIDENT MILOSEVIC REPOND AU TPI LE 13 FEVRIER

Les principaux points de la déclaration de Slobodan
Milosevic mercredi devant les « juges » de l'OTAN :

Contre Carla Del Ponte.
«Après tout ce que nous avons entendu ici en deux
jours, nous avons été non seulement convaincus que
cette procédure était partiale, mais aussi que votre
procureur avait déjà prononcé mon jugement et ma
sentence. L'accusation a orchestré une campagne
médiatique. C'est un procès parallèle à travers les
médias qui, aux côtés de cet animal appelé tribunal,
sont ici pour procéder à un lynchage parallèle au
procès. J'ai dit que je ne pourrais pas bénéficier
d'un procès juste et équitable ici.»

Sur la légalité du tribunal de l'OTAN.
«Je conteste la légalité de ce tribunal car il n'a pas
été établi sur le fondement de la loi. Le Conseil de
sécurité ne peut pas transférer à ce tribunal des
droits dont il ne dispose pas. C'est pour cela que ce
tribunal n'a pas la compétence pour me juger (...).
Je vous ai posé une question concernant la légalité de
ce tribunal. J'attends de ce tribunal et de vous en
particulier que vous répondiez à ces questions que je
considère de la première importance pour la justice
internationale et la justice en général.»

Sur son enlèvement.
«J'ai également soulevé la question de l'illégalité de
mon arrestation à laquelle un représentant du tribunal
est mêlé. Cette arrestation a eu lieu à Belgrade et a
violé la constitution de la Yougoslavie et de la
Serbie. Vous n'avez pas tenu compte de cela. (...)
Vous êtes familier des textes internationaux à ce
sujet. Vous avez déjà discuté de la question des
arrestations illégales dans d'autres affaires. C'est
ainsi une grave omission de votre part. Vous étiez
légalement contraints de convoquer une audience
consacrée à la question de l'arrestation illégale qui
a eu lieu sur ma personne et vous ne l'avez pas fait».

LES CRITIQUES DE SLOBODAN MILOSEVIC CONTRE LE TRIBUNAL

LA HAYE (d'après AFP) - Au cours de sa première
intervention depuis le début de son procès, l'ancien
président yougoslave Slobodan Milosevic a une nouvelle
fois attaqué, mercredi, la légitimité du Tribunal
pénal international (TPI) de La Haye.
Voici un résumé des principales critiques portées
contre le TPI par M. Milosevic depuis son transfert à
La Haye, en juin, mais également par ses conseils.

- Critiques sur la légitimité.
Selon M. Milosevic, le TPI, créé en 1993 par le
Conseil de sécurité de l'ONU pour juger les crimes de
guerre commis dans l'ex-Yougoslavie, est entaché d'un
vice initial: le Conseil de sécurité n'avait pas la
compétence pour créer un tribunal international. Ce
pouvoir appartient à l'Assemblée générale de l'ONU ou
à une conférence internationale. Le TPI "n'a pas la
compétence pour me juger", a déclaré M. Milosevic
mercredi.

- Critiques sur le fonctionnement du Tribunal.
Les conseils de M. Milosevic jugent contraire au
principe de séparation des pouvoirs qu'un tribunal
puisse fixer lui-même son règlement. Au TPI, on note
qu'"il n'y a pas de parlement mondial", qui pourrait
procéder aux modifications du règlement, et que le
tribunal ne fait qu'appliquer le mandat du Conseil de
sécurité.

- Critiques sur son financement
L'avocat français Jacques Vergès, qui représente les
intérêts de M. Milosevic devant la Cour européenne de
Strasbourg, juge anormal qu'une partie du financement
du TPI (14%) soit assurée non par l'ONU, mais par des
Etats ou des particuliers: "ces donateurs ne sont
évidemment pas des amis de la Serbie. Puis-je accepter
de comparaître devant un tribunal payé en partie par
mes ennemis?". Borislav Milosevic, frère de l'accusé,
a mentionné l'homme d'affaires américain Georges Soros
parmi ces contributeurs.

- Critiques sur l'impartialité du Tribunal
Sur un plan plus politique, la décision du procureur
Carla Del Ponte de ne pas ouvrir d'enquête sur les
dégâts "collatéraux" provoqués par les bombardements
de l'OTAN contre la Serbie, en 1999, a suscité de
vives critiques.
Cette décision jette une "ombre importante" sur la
crédibilité du Tribunal, a estimé le président
Vojislav Kostunica.

LE PRESIDENT MILOSEVIC CONTRE LE TRIBUNAL DE L'OTAN

mercredi 13 février 2002, 17h10
"M. Milosevic vous avez le droit de parler" ou de
"garder le silence". Le juge britannique Richard May
s'adresse à l'ancien président yougoslave.
Il est 15h30 dans une salle située au premier étage du
Tribunal pénal international (TPI) de La Haye.
"Non, je pense que cela n'a pas de sens que je
commence à parler aujourd'hui, pour être interrompu
une demi-heure plus tard", répond M. Milosevic,
allusion à l'heure fixant la fin de l'audience de
mercredi.
Arborant une cravate aux couleurs de la Yougoslavie,
il ajoute qu'il a "passé deux jours à écouter les
présentations de l'accusation".
Mais, l'ancien président yougoslave, qui était resté
silencieux depuis mardi et qui s'est comporté pendant
les audiences comme s'il assistait à un spectacle qui
lui a été imposé de toute évidence contre son gré,
change d'avis.
De manière hautaine, il lance au magistrat
britannique: "Ce tribunal n'a pas la compétence pour
me juger". L'ancien homme fort de Belgrade rappelle au
juge qu'il attend toujours des réponses sur les
questions concernant la légalité du Tribunal qu'il
avait déjà soulevées lors des audiences préalables au
procès.
"La dernière fois, je vous avais posé plusieurs
questions auxquelles je n'ai pas eu de réponse",
enchaîne-t-il. "La première question, c'est la
question de la légalité de ce tribunal à laquelle vous
n'avez pas répondu", poursuit-il, "je m'attends à ce
que vous consultiez la CIJ (Cour internationale de
justice) pour avis, c'est une question d'une extrême
importance. J'ai déjà parlé de l'illégalité de mon
arrestation".
"Vous étiez légalement obligés de convoquer une
audience consacrée à la question de l'arrestation
illégale qui a eu lieu sur ma personne et vous ne
l'avez pas fait. C'est ainsi une grave omission de
votre part", poursuit l'ancien homme fort de Belgrade.
Il accuse ensuite le procureur du TPI, Carla Del
Ponte, d'avoir déjà "proclamé la sentence" à l'avance
et d'orchestrer une campagne médiatique contre lui.
"L'accusation a lancé une campagne médiatique contre
moi", martèle-t-il, "c'est un procès parallèle à
travers les médias".
Slobodan Milosevic boit un verre d'eau. Le juge lève
la séance.
L'ancien président ramasse des feuilles où il a rédigé
des notes pendant les audiences, sort de la salle,
portant un attaché-case volumineux, escorté par deux
policiers.

LE COMBAT DE L'ICDSM - CONFERENCE DE PRESSE
A LA HAYE LE 12 FEVRIER.
REVUE DE PRESSE:
SES AVOCATS DENONCENT UNE «COUR MARTIALE».
«UN PRISONNIER POLITIQUE»

Par Marc SEMO, LIBERATION (Paris), Le mercredi 13
février 2002 La Haye envoyé spécial

« C'est un grand hôtel moderne et un peu triste, à
quelques centaines de mètres à peine du Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie, où descendent
régulièrement avocats et membres des familles des
accusés qui retrouvent dans ses interminables couloirs
ou dans ses bars en sous-sol bruyants et enfumés un
peu de l'atmosphère du pays. Là, depuis hier, se
déroulent toutes les manoeuvres politiques et les
batailles en marge du procès de l'ancien président
yougoslave. Ses avocats-conseils et ses partisans
regroupés dans un Comité international pour la défense
de Slobodan Milosevic (ICDM) ­ où figurent en bonne
place le dramaturge britannique Harold Pinter et
Ramsay Clark, ancien ministre américain de la Justice
démocrate ­ ont lancé hier une première
contre-offensive avec une lettre ouverte adressée aux
chefs d'Etat et de gouvernement.
Cour martiale. «Le président Milosevic est un
prisonnier politique victime d'un procès spectacle
purement politique, organisé par une institution
politique déguisée en tribunal et contrôlée par les
pays qui ont organisé l'agression contre la
Yougoslavie. (...) S'il était condamné par une telle
cour, dont le caractère et la partialité sont
évidents, ce serait la fin du principe d'égalité des
nations qui est à la base du système des Nations
unies», affirme ce texte présenté hier dans une
conférence de presse. «Ce n'est pas une cour
internationale mais une cour martiale», renchérit
l'avocat canadien Christopher Black, vice-président de
l'ICDM, qui pourfend l'illégalité du TPI. (...)
Groupe de juristes. L'ancien président yougoslave a,
lui, refusé de nommer des avocats afin de prendre en
charge lui-même sa défense, mais il se fait
conseiller, payant théoriquement de sa poche un groupe
de juristes qui, selon la formule ironique d'un
militant des droits de l'homme, «font ainsi du recel
de crimes contre l'humanité». Outre Christopher Black
et deux avocats serbes, Me Ognanovic et Me Tomanovic,
le Français Jacques Vergès, jadis avocat du FLN
algérien, du nazi Klaus Barbie ou du terroriste
Carlos, est l'une des figures de proue de ce collège.
«J'approuve l'attitude de Milosevic qui refuse le
tribunal, car rentrer dans les débats d'un tel procès
biaisé signifierait les authentifier», explique
l'avocat français, grand praticien de la «défense de
rupture», manifestement ravi de se retrouver ainsi à
nouveau sous les feux de la rampe. Son anglais
incertain le prive des networks américains, mais il se
rattrape largement avec les télévisions et les radios
françaises... »