M. COLLON: "IL PAESE DI CUI NON SI PARLA"

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LE PAYS DONT ON NE PARLE PLUS...

MICHEL COLLON

Deux ans plus tard, où en est la Yougoslavie ?

Explosion des prix, des licenciements, des
cancers, des suicides.
Et rejet du gouvernement du FMI.

Pourquoi ne vous parle-t-on plus du tout de la Yougoslavie ?
Il s'y passe pourtant des choses bien intéressantes...

Avec le nouveau régime, les prix du pain, de la viande et de
l'électricité ont explosé. Les suicides aussi. Tout
comme les grèves. Mais les mineurs de Kolubura, qui avaient
aidé à renverser Milosevic, sont à présent accusés
de « chantage » par le premier ministre Djindjic. Dont le
taux de popularité a chuté à 8%.

Pendant ce temps, le Kosovo, raison avancée pour les
bombardements, vit sous la terreur des maffias et du
nettoyage ethnique de toutes les nationalités en dépit
(ou à cause?) de la présence de 40.000 soldats de l'Otan.

Bienvenue en Yougoslavie, devenue néo-colonie et vitrine
de la mondialisation. Un avertissement important
pour tous les pays que les USA s'apprêtent à « conquérir ».
Et une expérience intéressante pour ceux qui avaient
soutenu la guerre de l'Otan en 99. Ne devraient-ils pas
se demander pourquoi la majorité des Serbes vient de
refuser d'aller voter ?

Le prix du pain est passé de 4 à 30 dinars en un an. Le
kilo de porc de 180 à 260 dinars (il était à 60 sous
Milosevic). Les pommes de terre de 7 à 12, le sucre de
25 à 50, le litre d'huile de 36 à 70 dinars. Avec la
période Milosevic, les écarts sont encore plus énormes.
Le M3 de gaz est passé de 3 à 11,20 dinars. 170.000
familles de Belgrade ne peuvent plus se payer
l'électricité qui vient de doubler en quatre mois à la
demande du FMI, et d'autres augmentations sont
annoncées. Ils seront donc privés du chauffage urbain
cet hiver.
« Des Français ne pourraient jamais vivre avec si
peu », me confie Dominique, de retour de Belgrade : «
Mes vieux amis, un couple d'intellectuels de Belgrade,
achètent une banane ou un yaourt à la fois, ne pouvant
payer plus. Le café ne se vend plus en paquets d'un
demi-kilo, mais de cent grammes seulement. Mais ils
n'en boivent plus, c'est devenu un luxe. Oui, ça va, on
se débrouille », me disent-ils, mais ils ont perdu dix
kilos. Un repas, c'était une boîte de sardines pour
trois, quelques paprikas, du pain... Et on ne compte
plus les suicides de vieux qui ne peuvent plus
s'acheter leurs médicaments. »
De même, Senka, ménagère de Jagodina, nous dit avec
angoisse : « Comment je fais, le matin, quand mon
enfant me réclame : « Du pain, Maman ! Du lait ! » et
que je n'ai rien à lui donner ? ». « Personne n'a plus
rien pour acheter », explique son amie française :
«Plein de gens n'ont pas de travail et plus aucune
allocation sociale. Ils survivent grâce à la
débrouille, genre « Je te ressoude ta voiture, tu me
passes trois kilos de patates ou de l'huile ». Quasi
tous les ménages ont de la famille à la campagne, qui
les aide à manger. Sinon ils ne pourraient plus tenir.»
Des militants du Parti du Travail, récemment créé,
viennent d'effectuer à notre demande une petite enquête:
« Dans trois villes ouvrières de taille moyenne, 85%
des gens nous ont dit que leur niveau de vie avait
baissé de 150% !»

4.900 femmes de Belgrade, cancéreuses mais sans médicaments

Catastrophique aussi : la situation de la santé. Les
Yougoslaves avaient déjà beaucoup souffert des
privations imposées depuis 1991 par l'embargo
occidental. Et ensuite des graves pollutions provoquées
lorsque l'Otan a bombardé le complexe chimique de
Pancevo, en violation des lois de la guerre.
Cela ne s'est pas arrangé avec la chute dramatique
du niveau de vie et donc de l'alimentation. Et pour
couronner le tout, la privatisation fait ses ravages :
fini l'accès aux médicaments bon marché des pharmacies
d'Etat, ils sont devenus quasi introuvables. A la
place, il faut un solide portefeuille pour se les payer
dans les pharmacies privées. 30 gélules anti-cancer
coûtent 60 Euros : presque l'équivalent d'une pension
ouvrière mensuelle.
Selon le journal Novosti, 4.900 femmes de Belgrade
sont atteintes de cancer, mais sont privées d'accès aux
médicaments. On observe d'ailleurs une forte
recrudescence du taux de cancers, particulièrement du
poumon. Le ministère de la Santé a reconnu le
phénomène, mais aucune étude n'a été engagée.
Le problème de la santé risque de prendre bientôt
un tour encore plus dramatique : une récente
statistique constate une augmentation des décès de 30%
en trois ans . Frappant toutes les catégories d'âge, y
compris les jeunes.
Le père d'une amie de Belgrade étant décédé, sa
famille a dû « attendre pendant des semaines avant de
l'enterrer, car nous ne trouvions pas de place dans les
cimetières, devenus trop petits », nous confie-t-elle
avec amertune.

Que sont devenues les promesses de l'an 2000?

Quel contraste avec les promesses électorales faites en
octobre 2000, par les partis pro-occidentaux ! A les en
croire, la prospérité attendait chaque Serbe, il n'y a
avait qu'à se tourner vers l'Occident...
A ce moment, sous le titre « Kostunica, Djindjic et
Washington tiendront-ils leurs promesses ? nous
écrivions: Une grande illusion domine actuellement la
jeunesse yougoslave, car c'est elle surtout qui nourrit
le plus d'illusions envers les promesses de l'Occident.
La grande illusion, c'est de croire qu'en acceptant les
volontés des multinationales et des dirigeants
occidentaux, la prospérité viendra récompenser la
population yougoslave. La question décisive reste : que
valent les promesses des Etats-Unis et de leurs alliés?
Alléchés par les promesses de prospérité faites en
1989, des pays comme la Russie, la Bulgarie ou
l'Albanie se sont mis à genoux devant le capitalisme
occidental. Leurs peuples vivent-ils mieux aujourd'hui?
Les faits ont répondu. »
A Belgrade aussi, les faits ont répondu depuis deux
ans. La mondialisation made in USA et made in Brussels
appauvrit les peuples. Ce sont les « investisseurs
occidentaux » comme on dit qui ont exigé et obtenu la
fin du contrôle des prix.

Le FMI: "Il faut licencier au moins 800.000 travailleurs"

Le niveau de vie et la santé pourront-ils se redresser
dans les prochaines années ? Il ne faut pas s'y
attendre, car le chômage va grimper en catastrophe :
«Il faut licencier au moins 800.000 travailleurs serbes
des services publics et entreprises d'Etats », exige
Arvo Cuddo, responsable de la Banque mondiale. Tout en
conseillant au gouvernement d'y aller progressivement
et de prévoir des compensations afin d'éviter « une
situation sociale explosive ».
Au fond, il n'y a rien de nouveau du côté de la
Banque Mondiale. En 1989, déjà, celle-ci réclamait la
mise en faillite de 2.435 entreprises yougoslaves et le
licenciement massif des travailleurs (deux sur trois en
Serbie). Ces exigences de l'Ouest avaient poussé les
dirigeants de diverses républiques dans une fuite en
avant de surenchères nationalistes. Les premières
balles de la guerre furent tirées par la Banque
Mondiale et le FMI.
Dix ans plus tard, grâce aux bombes de l'Otan, la
privatisation a effectivement débuté. Les cinq plus
importantes entreprises publiques sont la cible du
gouvernement Djindjic, mais les résistances sont
fortes. Par exemple, chez les 36.000 travailleurs de
l'entreprise agro-alimentaire Karnex. En juin, ils
découvrent que leur caisse sociale est vide. Un
travailleur tombant malade n'a plus droit à aucune
allocation. Où est parti l'argent ? « Aucune idée »,
répond le gouvernement, qui refuse d'aider ces
travailleurs et tente de leur faire accepter la
privatisation.
« Pas question », rétorquent les ouvriers. Et ils
décident de vendre leurs produits directement aux
grandes surfaces et non plus au gouvernement qui
accapare 50% des profits : «Quand nous livrons, vous
nous transmettez le paiement seulement en partie et
avec retard. Mais nous n'avons pas besoin de capitaux
étrangers pour nous sauver, car nous exportons déjà
dans 24 pays. Nous nous passerons de vous. »

La résistance aux privatisations

Ces travailleurs cherchent à préserver leur système
d'autogestion. Cela se voit aussi au succès de
l'initiative du nouveau syndicat (d'opposition) Vers
l'avenir qui a proposé aux ouvriers de fonder eux-mêmes
une caisse sociale, en travaillant quatre samedis par
mois pour l'alimenter.
Les problèmes sont identiques chez les quatre
autres « grands » : Zastava (voitures), Smederevo
(métallurgie), GOSA (construction), et chez les
métallos de Startid 13. Dans cette firme, 150.000
tonnes d'acier produites en trois mois ont été enlevées
et livrées mais n'ont pas été payées par le
gouvernement. Lequel a même réduit de moitié le salaire
des ouvriers. La caisse est donc vide. En juin, le
premier ministre Djindjic visite l'usine et propose de
récupérer l'argent en privatisant. Man¦uvre rejetée et
grève de 48 heures.
En fait, les cinq plus grosses usines du pays
restent fidèles à l'autogestion et refusent d'être
privatisés et bradés aux multinationales étrangères.
Gosa est convoitée par des intérêts allemands, tandis
que Peugeot lorgne Zastava. Peu avant, les élections,
le gouvernement, après avoir licencié la moitié des
trente mille travailleurs, a fait miroiter à nouveau de
belles promesses. Comme par hasard à la veille des
élections, il a annoncé que l'usine serait reprise par
un miraculeux investisseur US qui promettait de
relancer la production. Jusqu'à 220.000 voitures par an
! Bien hypothétique, à un moment où l'industrie
automobile capitaliste mondiale est à même de produire
70 millions de voitures par an, mais ne parvient à en
vendre que 50 millions du fait de la crise de
surproduction. Si on licencie et appauvrit les clients
potentiels, à qui vendra-t-on ?
Face à toutes ces promesses, d'ailleurs, la
méfiance a remplacé les illusions antérieures : « Le
gouvernement ne se préoccupe pas des gens, seulement de
sa poche. »
La privatisation sert-elle surtout à remplir ces
poches ? Certains exemples le confirment. La moitié des
tes télécoms ayant été vendue, le réseau Mobil 063 est
tombé entre les mains des frères Karic. Chacun se
demande d'où leur est venu tout l'argent nécessaire à
installer un réseau dans toute la Serbie. Et aussi les
fonds pour financer la télévision BK, qui présente les
meilleurs programmes du pays. Les frères Karic sont
très proches de Djindjic. Quant au réseau 064, ce sont
des capitaux allemands qui sont derrière les
racheteurs, tandis qu'un nouvel opérateur a été vendu à
British Telecom.

Qui s'est enrichi en Yougoslavie?

Si la plupart des Yougoslaves se sont considérablement
appauvris, où donc est passé cet argent ? « Ceux qui se
remplissent, c'est la maffia autour du premier ministre
Djindjic », dénonce Zarko, résumant un sentiment très
général.
Maffia ? Accusation exagérée ? Nullement, nous
écrit un Français retour de Belgrade: « Un
entrepreneur proche du parti de Monsieur Djindjic a
été assassiné récemment. Il avait obtenu la
concession d'exploitation de l'autoroute
Belgrade-Horgos et devait en principe finir sa
construction... Si vous allez là bas en voiture, vous
verrez que cette autoroute est dans l'état où l'a
laissé... Milosevic. On pense que cet entrepreneur a
été abattu pour camoufler le détournement de fonds au
profit du DOS. »
Cette accusation est aussi exprimée par l'entourage
même du président Kostunica. Fin août, les ministres de
son parti, le DSS, ont quitté le gouvernement en signe
de protestation contre le meurtre de Momir Gavrilovic.
Haut responsable des services de sécurité, il venait de
rendre visite à Kostunica pour lui remettre des
informations sur les liens existant entre le premier
ministre Djindjic et le patron maffieux Stanko Subotic.
A ce jour, personne n'a été arrêté, ni inculpé pour ce
meurtre.
On notera aussi que la privatisation des
principales entreprises publiques a été menée au profit
de certains groupes bancaires. Dont les conseils
d'administration sont dominés par des membres du parti
gouvernemental DOS...

Le pouvoir n'est pas à Belgrade

Mais il n'y a pas que les amis de Monsieur Djindjic qui
s'enrichissent. Lorsqu'il ferme les quatre plus grandes
banques serbes, en liquidant dix mille emplois, qui
prend la relève ? La Société Générale française et la
banque allemande Raiffeisen. Dans le secteur de la
bière, c'est le brasseur belge Interbrew qui
s'installe.
Quel pays se taille la grosse part du gâteau ?
L'Allemagne, sans discussion. Certains parlent déjà de
« la nouvelle invasion allemande ». A l'école, les
cours d'allemand ont détrôné l'anglais. Cette invasion
allemande concerne de multiples secteurs. C'est une
firme allemande qui convoite les installations d'eau du
Montenegro. Ce sont des sociétés allemandes qui ont
racheté la plupart des médias serbes. Westdeutsche
Allgemeine Zeitung a pris le contrôle du célèbre
quotidien Politika, tandis que Grunner & Jahr
s'emparait du quotidien à sensation Blic.
Une remarque, en passant. Alors que sous Milosevic,
l'opposition pro-occidentale, généreusement financée
par des gens comme le milliardaire US George Soros,
contrôlait la majorité des titres de presse, à présent,
tous les titres sont pro-occidentaux. Pluralisme ?
Tout ceci n'est pas une surprise. Les événements
actuels ne sont que l'application d'un scénario écrit
il y a plusieurs années à Washington, Berlin et
Bruxelles. Ce sont les Etats-Unis et l'Union Européenne
qui ont pris directement en main la vie économique et
sociale de la Yougoslavie. Ils exercent leur contrôle
absolu via le « G-17 Plus », un cercle économique
financé par l'Ouest et composé d'anciens responsables
du Fonds Monétaire International et de la Banque
Mondiale.
C'est « G-17 Plus » qui a fourni tous les
hommes-clés du nouveau régime : le vice-premier
ministre Mirojslav Labus, le gouverneur de la Banque
nationale Mladan Dinkic et le ministre des Finances
Bozidar Djelic. Ce sont eux qui ont préparé toutes les
lois de liquidation des protections sociales et de
démantèlement des droits des travailleurs.
Ce sont eux, les hommes du FMI, qui ont déclenché
la privatisation des entreprises autogérées par les
travailleurs, le dernier héritage de Tito. 22 sociétés
ont été vendues aux enchères, 5 privatisées, 26 sont en
restructuration. L'interdiction de licencier a été
supprimée pour mieux plaire aux investisseurs
étrangers.
C'est Djelic qui a baissé récemment l'impôt des
sociétés de 20% à 14%. Au moment où les simples gens
n'ont plus de quoi vivre, on inonde de cadeaux les
nouveaux patrons, les multinationales et les pays
riches. Djelic a annoncé que son gouvernement «
rembourserait » immédiatement 60 millions d'euros à la
Banque Mondiale, à la Banque Européenne
d'Investissement et au « Club de Paris ». L'Ouest a
détruit la Yougoslavie, mais se fait « rembourser » !

Désillusions mais aussi résistances...

Aujourd'hui, deux Serbes sur trois vivent en-dessous du
seuil de pauvreté. Cette situation provoque
désillusions mais aussi résistances.
Où en sont les Serbes aujourd'hui ? La réponse est
unanime : « Déçus, désenchantés, écoeurés, »indique
Dominique. « Ils voient qu'on les a roulés », confie
Stefan. Et Jelena : « On accuse Milosevic, mais quand
il était au pouvoir, on pouvait manger trois fois par
jour. Maintenant... »
La très faible participation aux dernières élections
confirme le ras-le-bol envers les partis : « Tous
pourris !». Djindjic, le nouveau premier ministre, a vu
sa cote de popularité tomber à 8%. Mais le président
Kostunica en prend aussi pour son grade : « Il promet
beaucoup, mais ne fait rien », s'indigne Branko. Qui
avait pourtant voté pour lui, plein d'espoir. Même les
jeunes, hostiles à Milosevic et qui espéraient goûter
au mode vie occidental, sont déçus.
Le taux de suicide a explosé. 900 recensés l'an
dernier à Belgrade. A Nis, ville de trois cent
cinquante mille habitants, la police signale un suicide
tous les cinq jours. En 2001, les Serbes ont consommé
41 millions de tablettes anti-stress Bensedin, 63
millions de Bromazepam et 40 millions de Diazepam.
Même la très occidentale agence Associated Press
signale la catastrophe sociale : « Des milliers de
taximen et de paysans ont paralysé le trafic de
Belgrade et d'une autoroute vers la Bosnie en
protestation contre une nouvelle taxe (un mois de
salaire moyen) frappant les chauffeurs de taxis et pour
exiger des prix plus élevés pour leurs framboises
achetées par le gouvernement.»
Le slogan des protestataires « DOS-ta ! » (Assez !)
exprime bien la désillusion totale face à DOS, mis au
pouvoir par l'Ouest en octobre 2000.
Cet été, plusieurs manifestations ont été réprimées
avec grande brutalité par la police (que le nouveau
régime a presqu'entièrement remplacée). En juin, devant
le Parlement de Belgrade, 40 personnes ont été blessées
lors d'une manifestation de « pauvres ».
Mais rien de tout cela ne passe le filtre des
médias de l'Ouest. L'opinion occidentale est tenue dans
l'ignorance. On s'est bien gardé de lui expliquer le
désenchantement profond de la population yougoslave à
l'égard des « prometteurs ». Ce désenchantement est la
cause réelle de la crise politique en Serbie, de
l'affrontement Kostunica-Djindjic et de la récente
impasse électorale. Mais, avant d'y venir, il faut
aussi examiner les véritables raisons qui ont amené les
Etats-Unis et l'Allemagne à intervenir dans les
Balkans. Et à nouer d'étranges rapports avec la maffia
et les terroristes locaux.

La bataille pour les « corridors » sort de l'ombre

En fait, le crime majeur de la Yougoslavie fut de
prétendre conserver un système d'inspiration sociale et
indépendant des multinationales. Mais ce fut aussi le
crime « géographique » : se trouver au c¦ur des «
Corridors 8 et 10 ». Qu'est-ce qu'un corridor ? Il
s'agit d'un ensemble de communications modernes :
autoroutes, chemins de fer, ports maritimes et
fluviaux, pipelines et gazoducs. Le but : amener vers
l'Europe occidentale les marchandises produites en
délocalisation mais aussi et surtout le pétrole et le
gaz provenant du Caucase et d'Asie centrale.
Ce gigantesque projet de l'Union Européenne (90
milliards d'Euros d'investissements prévus d'ici 2015),
vise à s'assurer des connections commerciales directes
et bon marché avec les industries délocalisables dans
les Balkans, et surtout avec le pétrole et le gaz en
provenance du Caucase et de la mer Caspienne. Un des
axes stratégiques du commerce mondial à venir.
Par où passera le Corridor ? Des tracés opposés
s'opposent depuis une dizaine d'années, enjeu d'une
rivalité secrète mais féroce entre Washington et
Berlin. Cette rivalité fut au c¦ur du conflit en
Yougoslavie, que chaque grande puissance voulait
contrôler, comme nous l'écrivions dans nos livres Poker
menteur et Monopoly.
La politique internationale semble compliquée et
parfois incompréhensible ? Voici une règle bien simple
pour la clarifier : dans chaque région du monde où l'on
trouve une route du pétrole ou du gaz, partout on
constate que les Etats-Unis tentent d'y installer leurs
bases militaires, provoquant ou excitant dans ce but
des conflits locaux. Dont ils se présentent ensuite
comme observateurs ou comme pompiers. Cette règle
essentielle explique la plupart des guerres «
incompréhensibles » : Yougoslavie, Macédoine,
Tchétchénie, Caucase, Afghanistan, ex-républiques
soviétiques d'Asie centrale...
Dans les Balkans, la route allemande, c'est :
Constanta (port roumain) - Belgrade - Hambourg. Via le
Danube et de grands pipelines à construire, doublés
d'autoroutes, chemins de fer, ports maritimes et
fluviaux. La route, rivale, celle des Etats-Unis, c'est
Bulgarie - Macédoine - Albanie (Méditerranée). Trois
Etats que Washington fait tout pour contrôler aux
dépens de l'U. E.
Avouons-le, notre théorie des corridors, comme
moteur de la guerre contre la Yougoslavie avait laissé
certains sceptiques. En dépit d'un aveu discret du
général Jackson qui commandait l'Otan en Macédoine,
puis au Kosovo en 1999 : « Nous resterons certainement
longtemps afin de garantir la sécurité des corridors
énergétiques qui traversent ce pays. »
Mais à présent, voici que les corridors sortent de
l'ombre. Le 10 septembre dernier, les ministres de
l'Economie de Roumanie, Yougoslavie et Croatie ont
signé la mise en route du « Corridor 10 ». Ce pipeline
de 1.200 km transportera dix millions de tonnes de brut
par an, avec possibilité d'extension vers l'Italie et
la Méditerranée.
Et les routes ? Là aussi, les tracés rivaux
s'affrontent. Belgrade vient de choisir d'investir dans
un complément du Corridor 10 : la liaison Nord-Sud avec
la Grèce. Cet investissement se faisant au détriment
d'une liaison Ouest-Est avec la Bulgarie. L'Agence
Européenne pour la Reconstruction a investi 47 millions
d'euros dans les routes et autoroutes du Kosovo,
complémentaires du Corridor 10. Par contre, c'est dans
la route rivale du Corridor 10 : Bulgarie - Macédoine -
Albanie que l'United States Agency for International
Development a investi 30 millions de dollars.

L'aide : vraiment une aide?

Les Yougoslaves paieront cher pour ces routes, tant
souhaitées par les multinationales européennes.
Certes, officiellement, l'Ouest « aide ». Ainsi, la
Banque Européenne pour la Reconstruction et le
Développement (BERD) et la Banque Européenne
d'Investissement avanceront des capitaux pour la
construction du « Corridor 10 ». Mais cette « aide »
consiste en fait en des prêts. Lesquels permettront
d'enchaîner « l'assisté », qui paiera cher pour les
rembourser : l'Etat yougoslave devra sabrer dans les
dépenses sociales et les emplois publics.
Le mot « aide » serait-il aussi synonyme de «
chantage » ? Un exemple qui concerne la Macédoine
voisine. En juin dernier, celle-ci ne se soumettant pas
assez vite à ses exigences, le FMI rompt les
négociations et suspend toutes les aides accordées.
Bloquant même « les projets qui ne peuvent légalement
être arrêtés », indique le ministre macédonien des
Finances, Nikola Gruevski. Les seuls projets qui
trouvent grâce aux yeux du FMI, sont ceux qui
favorisent les rebelles albanais de l'UCK. « Aide » =
chantage.
Encore une fois, rien de tout ceci n'a lieu par
hasard. Le scénario n'a rien d'improvisé, comme
l'indique ce commentaire du secteur « Business » de
l'agence de presse US UPI : « La construction des
infrastructures dans les Balkans a été caractérisée par
le caractère politique des aides internationales
accordées. La guerre de l'Otan en 1999 a détruit des
infrastructures comme la raffinerie de pétrole de Novi
Sad, la radio-télévision serbe, des routes, des ponts
etc. Qu'ensuite les politiques occidentales aient été
imposées dans les plans de reconstruction, n'était pas
une surprise, ni un phénomène à court terme. »
On avoue donc, trois ans plus tard, avoir bombardé
des cibles non pas militaires, mais économiques. Et si
on traduit cet aveu en un langage moins hypocrite : les
bombes de l'Otan étaient la première étape de la
privatisation - globalisation.
Ainsi donc, les Yougoslaves paieront plusieurs fois
la même facture. 1. D'abord, l'Ouest a détruit leurs
richesses. 2. Ce faisant, il les a donc privés de leurs
emplois et moyens de subsistance. 3. Et il leur fera
encore payer une « reconstruction » qui en réalité
profitera aux multinationales occidentales.

La guerre et les bases militaires: une bonne affaire

Ce qu'on nous a donc soigneusement caché depuis 1991,
c'est que la Yougoslavie était la cible non pas de
frappes humanitaires, mais bien d'une guerre visant à
la recoloniser. Pour annexer son marché au « grand
marché » des multinationales. Et pour contrôler ses
routes stratégiques. En prime, cette guerre a aussi été
une opération « self-service » pour certains
dirigeants US, très liés aux grosses multinationales de
l'armement.
Au Kosovo, juste à côté de la route du pétrole, les
Etats-Unis ont installé une gigantesque base militaire
: Camp Bondsteel. Un poste stratégique pour intervenir
au Moyen-Orient, dans le Caucase, voire, un jour,
contre Moscou. Qui a construit cette énorme base, qui
la gère, qui en empoche les énormes bénéfices ? Brown &
Root Services,. C'est une filiale de la firme US de
services pétroliers Halliburton, le plus gros
pourvoyeur de biens et services à l'industrie
pétrolière. Un marché énorme. A la tête d'Halliburton,
on retrouve... Dick Cheney, actuel vice-président des
Etats-Unis.
Brown & Root, spécialisée dans les fournitures à
l'armée US, a pris de l'importance en 1992 lorsque Dick
Cheney, alors secrétaire à la Défense du gouvernement
Bush senior lui attribua son premier contrat de soutien
logistique aux opérations extérieures de l'US Army.
Entre 1995 et 2000, Cheney abandonna la politique et
entra à la Halliburton Corporation. La fortune de cette
entreprise a grimpé parallèlement à la montée du
militarisme des Etats-Unis.
En 1992, B & R construit et entretient les bases de
l'US Army en Somalie. Elle y empoche 62 millions de
dollars. Montant doublé en 1994 : 133 millions de
dollars grâce aux bases et aux soutiens logistiques
fournis pour 18.000 hommes à Haïti. En 1999, la société
se voit attribuer un contrat de 180 millions de
dollars, pour construire des installations militaires
en Hongrie, Croatie et Bosnie. Mais c'est Camp
Bondsteel qui va constituer "la perle des contrats",
comme l'explique Paul Stuart...
« A Camp Bondsteel, c'est Brown & Root qui assure
tout : la fourniture de 2500 m3 d'eau par jour, de
l'électricité nécessaire à une ville de 25.000
habitants, le lavage de 1.200 sacs de linge, le service
de 18.000 repas par jour et 95% des liaisons
ferroviaires et aériennes, plus le service incendie.
Avec 5.000 employés kosovars albanais et 15.000 venus
d'ailleurs, B & R est le premier employeur du Kosovo. »
Confirmation par David Capouya, son directeur : «
Nous y faisons tout ce qui ne nécessite pas de porter
un fusil ». Effectivement, la firme de Houston fournit
tout, du petit déjeuner aux pièces détachées pour
blindés. La guerre grossit directement le portefeuille
de Monsieur Cheney.
Et de plus en plus : l'occupation de l'Afghanistan
a aussi procuré de juteux contrats à Brown & Root. Et
dans les Balkans, c'est toujours la même société qui a
effectué les études préparatoires de l'autoroute
grecque Egnatia (prolongement grec du Corridor 10).
Ainsi que les études pour le pipe-line US
Bulgarie-Macédoine-Albanie mentionné plus haut.
L'administration Bush pratique vraiment le self-service
avec une impudence-record.

Pourquoi les USA et l'Allemagne ont-ils dû s'appuyer
sur des racistes et des criminels?
Pour prendre le contrôle des routes stratégiques des
Balkans, Washington et Berlin avaient besoin de forces
locales sur lesquelles s'appuyer pour éviter de faire
la guerre trop directement. Qui ont-ils choisi et armé?
Pour la Croatie, ce fut le groupe raciste autour de
Tudjman. L'homme qui réécrivait de façon révisionniste
l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Un Le Pen
croate qui se réjouissait que « sa femme ne soit ni
juive ni serbe ».
Pour la Bosnie, ce fut le nationaliste islamiste
Izetbegovic. Pour lui, il n'y avait « pas de
coexistence possible entre la religion islamique et les
institutions sociales et politiques non islamiques » ,
Ce qui ne l'a pas empêché, pour maintenir son pouvoir
et ses trafics, de tirer sur des musulmans en Bosnie, à
Bihac et à Sarajevo . Ce fanatique fut lui aussi
rebaptisé en vitesse « démocrate » et « antiraciste ».
Mais aujourd'hui que le vent a tourné, on reconnaît -
très discrètement - que Washington lui a envoyé
quantité de moudjahedins de la mouvance Ben Laden.
Pour le Kosovo, l'instrument, ce fut l'UCK. Une
organisation séparatiste et raciste, qui a provoqué la
guerre (c'est écrit dans ses propres documents) pour
imposer une « Grande Albanie » ethniquement pure .
L'envoyé spécial des USA dans la région, Robert
Gelbard, avait déclaré à trois reprises, en février 98,
devant la presse internationale : « L'UCK représente
sans aucun doute un groupe terroriste ». Ce qu'avait
confirmé le ministère des Affaires étrangères US : «
Des responsables de l'UCK ont menacé d'assassiner des
villageois et d'incendier leurs maisons s'ils ne
rejoignaient pas leurs rangs. La menace représentée par
l'UCK prend de telles proportions que les habitants de
six villages de la région de Stimlje se préparent à
fuir. »
Malgré tout cela, trois mois plus tard, l'Otan
devenait la force aérienne de cette UCK « terroriste ».
Moral de la part des Etats-Unis qui prétendent imposer
la guerre un partout au nom de la lutte contre le
terrorisme ? Alors qu'ils s'efforcent encore
aujourd'hui d'utiliser certains terroristes islamistes,
par exemple en Tchétchénie.

Le Kosovo Otanisé: nettoyage ethnique, terreur et maffia

Quelles en sont aujourd'hui, les conséquences ? Eh
bien, comme nous l'avons montré dans le film Les Damnés
du Kosovo , cette région est, à présent encore, en
proie au nettoyage ethnique, à la terreur et à la
maffia. Et la solution de ce conflit local ne s'est
nullement rapprochée, mais éloignée.
Une véritable purification ethnique a chassé du
Kosovo la plupart des non-Albanais : Serbes, Juifs,
Roms, Musulmans, Turcs, Gorans, Egyptiens, etc...
Toutes ces nationalités sont systématiquement expulsées
par la terreur : attentats à la bombe, assassinats,
destruction de leurs maisons, menaces permanentes...
230.000 personnes ont dû se réfugier en Serbie,
Monténégro, Macédoine ou ailleurs. Ceux qui restent
sont bloqués dans de petites enclaves-ghettos dont ils
ne peuvent sortir que rarement et escortés par les
troupes de l'Otan.
Ce « nettoyage » a-t-il été limité à la période qui
a suivi immédiatement la guerre ? Certains voudraient
le faire croire. Mais, à la suite des révélations de
notre film Les Damnés du Kosovo, un journaliste a
interrogé à Genève Niurka Pineiro, porte-parole de
l'Organisation Internationale pour les Migrations, qui
dépend de l'ONU. Elle confirme : « Nous continuons à
enregistrer des intimidations et harcèlements
quotidiens, et aussi des attaques d'une violence
extrême, souvent mortelles, bien que moins nombreuses."

Voilà, prétendent certains défenseurs de l'Otan,
les choses sont en train de s'arranger, il y a moins de
tués qu'au début. En effet, mais pourquoi ? Sous peine
de paraître cynique, il faut bien dire que c'est parce
que la plupart des membres des minorités nationales
ayant fui, il reste beaucoup moins de monde à tuer!
En fait, la situation ne s'améliore pas du tout,
reconnaît la même porte-parole de l'ONU : "Les
minorités restent vulnérables aux attaques (...) La
liberté de mouvement demeure leur problème-clé,
affectant leur possibilité de vivre une vie normale
(...) Sans liberté de mouvement, l'accès aux services
essentiels, à l'emploi et aux structures civiles (
hôpitaux, enseignement, etc...) demeure extrêmement
difficile et bien souvent impossible. » .
Résumons. Pas de déplacements. Pas d'accès aux
services publics, ni à l'enseignement, ni aux hôpitaux.
Pas d'emplois. Et en prime la terreur au quotidien. Le
Kosovo Otanisé demeure une terre sans loi, un enfer
pour tous ceux, y compris de nombreux Albanais, qui
sont la cible de l'UCK. Le 5 novembre dernier encore,
le gouverneur ONU du Kosovo, Michael Steiner, a lui
aussi reconnu que « les membres des petites communautés
du Kosovo n'avaient pas encore regagné leurs foyers, et
la plupart de ceux qui étaient restés sur place
vivaient dans des conditions inacceptables. » Le
prétexte de l'intervention de l'Otan ne s'effondre-t-il
pas définitivement ?
Pourquoi n'en parle-t-on pas dans les médias
occidentaux et dans une certaine gauche ?

"Au Kosovo, l'Otan a fait un mariage de raison avec la
maffia"

Pourquoi aussi le caractère maffieux et criminel des
régimes mis en place par l'Otan n'est-il jamais analysé
? Le constat est pourtant clair, à entendre James
Bisset, ancien ambassadeur canadien en Yougoslavie : «
Le Kosovo reste une société sans loi, complètement
intolérante aux minorités ethniques et un des endroits
les plus dangereux de la terre. »
Pourquoi le Kosovo reste-t-il une terre sans loi ?
A cause de puissants intérêts économiques, explique
l'expert canadien Chossudovsky : «Les barons de la
drogue du Kosovo, d'Albanie et de Macédoine sont
devenus les nouvelles élites économiques, souvent liées
à d'importants intérêts commerciaux occidentaux. Les
revenus financiers des trafics de drogues et
d'armements ont alors été recyclés dans d'autres
activités illégales comme les réseaux de prostitution.
De hauts responsables du régime du président
albanais Berisha ont été impliqués dans le trafic de
drogues et le trafic illégal d'armes avec le Kosovo.
Trafics qui ont pu fleurir impunément malgré la
présence depuis 1993 d'un important contingent de
troupes américaines. Ces dernières années, ce trafic de
drogue a permis à l'UCK de mettre trente mille hommes
sur pied de guerre en peu de temps. L'Otan a fait un
mariage de raison avec la maffia.» . Ce que confirment
les services de police européens et notamment l'Agence
Criminelle fédérale d'Allemagne : « Les Albanais sont à
présent le plus important groupe pour la diffusion de
l'héroïne en Occident. »
On sait que la drogue est, avec les armements et la
publicité, un des trois secteurs économiques les plus
importants de la société capitaliste actuelle. On sait
aussi que la CIA a, un peu partout sur la planète, mis
en place des trafics ou des trocs « armes - drogue -
pétrole », et cela en complicité avec les pires groupes
maffieux. Le flirt avec l'UCK a de nombreux précédents.
La maffia albanaise contrôle aussi le détournement
de l'aide internationale, réexportée, avec la
corruption qui en découle. En juillet 2002, des
enquêteurs de l'Union Européenne « ont découvert 4,5
millions d'euros sur divers comptes à Gibraltar » . Cet
argent avait été détourné de l'Agence de l'Energie du
Kosovo. On ne s'étonnera donc pas que les coupures
d'électricité y demeurent un fléau quotidien.
Toutes ces fraudes sont-elles un accident, un
phénomène secondaire ? Ou, au contraire, une partie
intégrante du système mis en place ? Un officiel
européen, parlant sous condition d'anonymat, répond : «
La communauté internationale a injecté au Kosovo entre
15 et 18 millions d'euros ces trois dernières années,
mais nous n'avons pas encore établi les infrastructures
de base. » . Il ne s'agit pas de fraudes secondaires.
La même évasion massive s'est produite en Bosnie autour
du clan du président musulman Izebetgevovic.

Territoires occupés: une économie artificielle et corrompue

L'économie des territoires sous administration
néocoloniale constitue un système entièrement
artificiel. Les nombreuses 4X4 des ONG internationales,
ainsi que les dizaines d'hôtels et de centres de
service installés le long des routes, peuvent faire
illusion. Mais dans les enclaves-ghettos des minorités,
il n'y a guère eu de reconstruction et, comme on l'a
dit, le principal employeur du Kosovo reste la firme US
Brown & Root qui gère la base militaire de Camp
Bondsteel.
Les deux protectorats occidentaux des Balkans sont
en fait les deux « pays » ayant le taux de chômage le
plus élevé de toute l'Europe : 57% au Kosovo , et 60%
en Bosnie .
Tout ceci représente-t-il une « inévitable
transition » ou bien un phénomène durable ? En réalité,
l'occupation des morceaux de l'ex-Yougoslavie
transformés en protectorat s'avère une catastrophe à
long terme pour les populations locales. Loin de
décoller, ces économies sont colonisées.
Et moralement perverties. En Bosnie également,
l'occupation militaire US fait surgir tout un système
de trafics, illustré récemment par le scandale
DynCorp. Cette firme, un des plus gros fournisseurs de
services à l'armée US, avait envoyé en Bosnie 181
employés et cadres pour l'entretien des hélicoptères
Apache et Blackhawk.
En janvier 2002, un de ces employés, Ben Johnston,
a dénoncé les ignobles pratiques d'esclavage sexuel
régnant à DynCorp : « Dès que je suis arrivé, on m'a
parlé de prostitution, mais j'ai mis un certain temps à
comprendre qu'ils achetaient ces filles entre 600 et
800 dollars. Je leur ai dit que c'était tout simplement
de l'esclavage. ».
Certaines de ces filles avaient entre 12 et 15 ans.
Les dénonciations de Johnston lui coûtèrent sa place,
mais finirent quand même par provoquer une enquête.
Cependant, l'armée US avait pris soin en 1995 d'imposer
l'impunité pour ses soldats et autres personnels qui
échappent en fait aux lois de ce pays. Finalement, les
coupables purent retourner aux USA sans être
poursuivis. Commentaire indigné de Christine Dolan,
fondatrice de la Campagne Internationale Humanitaire
contre l'Exploitation des Enfants : « Voilà des
employés des fournisseurs de l'armée US au lit avec la
maffia et achetant des enfants comme objets sexuels.
Quelle surprise d'entendre que DynCorp a pu maintenir
son contrat alors que les Etats-Unis prétendent vouloir
mettre fin à la traite des êtres humains ! »
En fait, partout dans le monde, les bases
militaires US sont de véritables plaques tournantes de
l'esclavage
sexuel des femmes, organisé avec les mafias locales.
Un document du haut-commissariat de l'ONU pour les
droits de l'homme explique que la Bosnie d'après-guerre
est devenue une place importante du trafic de femmes.
Le document ne fait pas, bien sûr, de liens avec la
base militaire de l'OTAN à Tuzla, où sont stationnés
des milliers d'hommes. Mais explique le chef islamique
Mrisada Suljic : « Pouvez-vous imaginer 20.000 jeunes
hommes sans femmes pendant un an ? ». En 1995 déjà, le
New York Times titrait de façon éloquente: « Tuzla :
Les Américains arrivent. La prostitution, la drogue et
le Sida aussi. »
Le gouvernement Djindjic veut à tout prix faire
adhérer la Serbie à l'Otan. Si cela se produisait, le
sort des femmes de Serbie serait-il différent de celui
des femmes de Bosnie ?
Car l'affaire DynCorp n'est pas un scandale isolé.
C'est un phénomène classique. A la fin de la Seconde
Guerre mondiale, les soldats américains forcèrent
40.000 femmes de Naples à se prostituer, soit presque
un tiers de la population féminine. Pendant la guerre
d'Algérie, le viol des femmes algériennes par les
troupes françaises était utilisé comme une arme de
guerre contre les combattantes du FLN et la population
civile, comme on l'a vu dans un récent documentaire
récent basé sur de nombreux témoignages d'appelés. Les
médias occidentaux sont très prompts à donner des
leçons sur les crimes de guerre (réels ou non) des
nations « inférieures ». Par contre, ils sont
généralement bien discrets sur ce fait incontestable :
l'arrivée des armées des grandes puissances
occidentales est inséparable de l'exploitation
économique et sociale des peuples occupés, en
particulier des femmes.

"Les Albanais tueront tous ceux qui resteront"

Pourquoi les chefs de l'UCK n'ont-ils aucune intention
de chercher une solution et un apaisement aux problèmes
du Kosovo ? Parce qu'ils entendent protéger leurs
intérêts économiques maffieux. Instabilité et
illégalité leur sont indispensables.
Dès lors, la protection accordée par l'Occident à
la stratégie raciste et terroriste de l'UCK, constitue
une véritable bombe à retardement pour les mois et les
années à venir. Car les chefs de l'UCK demeurent tout
aussi menaçants. Par exemple, Ethem Ceku, ministre de
l'environnement et cousin d'Agim Ceku, chef des TMK («
Corps de Protection Civile », nouveau nom des milices
UCK intégrées dans l'actuel appareil d'Etat). Début
2002, il a déclaré publiquement : « Les Serbes tentant
de retourner sans autorisation au Kosovo seront
repoussés par la force des armes si nécessaire. » Une
menace prise très au sérieux par Everett Erlandson,
policier pensionné de Chicago, servant aujourd'hui
l'ONU à Pristina : « Lorsque les « internationals »
quitteront le Kosovo, les Albanais tueront tous ceux
qui restent. »
Mais les Etats-Unis ont-ils l'intention de quitter
le Kosovo ? Ou, au moins, de se montrer plus sévères
envers les terroristes ? La récente « évasion » de
Florim Ejupi prouve que non.

Comment on s'évade sans problèmes d'une base militaire
US...

Qui est ce Florim Ejupi ? Un homme aux mains couvertes
de sang... Le 16 février 2001, des terroristes albanais
faisaient exploser une bombe à distance au moment du
passage d'un bus serbe Nis-Gracanica. 11 tués, 40
blessés. « Il y avait de la fumée et du sang partout
», raconte la journaliste Gorica Scepanovic, âgée de 25
ans, qui a survécu à l'attaque du bus, mais reste
toujours marquée par ce choc horrible.
Pour une fois, l'enquête a débouché sur quelque
chose. « Bien qu'on nous ait accusé de lenteur, cette
enquête fut en réalité un exemple de bon travail
policier », a déclaré le Britannique Derek Chappell,
porte-parole de la police de l'ONU.
De fait, quatre personnes furent arrêtées. Dont
deux officiers du « Corps de Protection Civile du
Kosovo » (ex-UCK). Mais un seul, Florim Ejupi, fut
emprisonné. Et comme la police de l'ONU craignait que
ses collègues ne tentent de délivrer Ejupi par la
force, elle le transféra du Centre de Détention de
Pristina à la base US de Camp Bondsteel.
Cela semblait une bonne idée à lire la description
qu'a dressée de cette base l'expert militaire canadien
Scott Taylor : « Située au sommet d'une colline, cette
impressionnante installation - 40 kilomètres carrés -
est une véritable forteresse. Complètement encerclée
par trois rangées de barbelés, avec des périmètres de
protection très larges, des tours d'observation et des
rayons lumineux partout. » Mais, en dépit de tous ces
obstacles, Ejupi est sorti tranquillement de Camp
Bondsteel en mai 2002, avant même d'être jugé. Réaction
indignée du même policier britannique Chappell : « Les
Américains nous ont dit qu'il avait reçu un objet
métallique dans une quiche aux épinards. Je n'invente
rien. ».
Il y a de quoi s'indigner. Comment un prisonnier
portant un training orange fluo peut-il s'échapper
tranquillement au milieu de 5.000 soldats US, à moins
qu'on le laisse volontairement filer ?

L'UCK : métamorphose soudaine ou tromperie sur la
marchandise?

Sont-ce là des soupçons exagérés ? N'y a-t-il que les
Serbes et les autres minorités nationales du Kosovo
pour accuser les Etats-Unis de protéger des criminels ?
Non. Le général Klaus Reinhardt, qui commandait les
troupes de l'Otan au Kosovo jusqu'en mars 2000, se
fâche aussi : «Les Américains font trop confiance à la
loyauté de l'UCK. Les extrémistes albanais qui ont été
arrêtés par la KFOR ont été très vite relâchés. Si la
KFOR avait pu agir plus tôt contre les extrémistes, la
situation en Macédoine ne se serait pas tant dégradée.»
Si l'on se permet à présent de critiquer ainsi les «
chers alliés », c'est à cause de la forte augmentation
de la rivalité Washington-Berlin dans les Balkans et
dans le monde. Sur fond de crise économique «globale».
C'est donc l'hebdo allemand Der Spiegel - mais pas
la presse US - qui vient de nous l'expliquer : les
dirigeants de l'UCK n'étaient pas du tout ce qu'on nous
avait dit. Le 21 septembre dernier, le Spiegel
interviewait Bujar Bukoshi, autrefois « premier
ministre » des Kosovars albanais en exil : « Après la
guerre, les éliminations les plus cruelles ont eu lieu
entre Albanais. Sous prétexte qu'ils étaient des «
collaborateurs », les dirigeants de l'UCK ont liquidé
leurs adversaires politiques. »
Selon l'enquête du Spiegel, «un ancien commandant
de l'UCK aurait enrôlé un criminel de guerre pour
assassiner Ekrem Rexha, lui aussi ancien chef de l'UCK.»
Rexha préparait un livre sur les crimes de guerre
commis au Kosovo, notamment ceux de l'UCK.

Les réfugiés du Kosovo sont devenus les Palestiniens de
l'Europe

Bien sûr, on se demandera pourquoi on ne nous avait
dit tout ça plus tôt ? Les leaders de l'UCK étaient-ils
des anges quand l'Otan s'en servait pour abattre la
Yougoslavie ? Ou bien étaient-ils déjà des «
terroristes », comme l'avait indiqué l'envoyé spécial
des Etats-Unis dans la région ?
Cela est dit seulement maintenant parce que
Washington et Berlin se disputent de plus en plus sur
les corridors énergétiques des Balkans et sur un tas
d'autres choses. Mais ce n'est pas une métamorphose de
l'UCK. Simplement, les grandes puissances ont caché sa
nature parce qu'elles avaient besoin de ses services.
Le drame du Kosovo ajoute au discrédit de l'Otan et
du gouvernement serbe actuel. Non seulement rien ne
bouge pour le retour des 230.000 réfugiés serbes et
autres expulsés du Kosovo, qui sont devenus les
Palestiniens de l'Europe. Mais en plus, les
administrateurs occidentaux dirigeant la mission de
l'ONU mettent tous leurs efforts à démanteler... la
seule zone du Kosovo qui reste peuplée de Serbes. A
savoir la partie nord de la ville de Kosovska
Mitrovica. Pourtant, le nombre d'Albanais déplacés de
cette zone est relativement limité : environ cinq mille
villageois. Très peu comparé aux 230.000 expulsés des
autres nationalités. Mais leur retour est la priorité
absolue de l'administration ONU.
Certains réclament même une attitude encore plus
agressive envers les Serbes. Par exemple,
l'International Crisis Group, un groupe de pression
proche de la CIA et financé par le milliardaire US
George Soros. Selon ce lobby, qui comprend Louise
Arbour, ex-procureur à La Haye et Wesley Clark, le chef
des bombardements de l'Otan en 99: « L'ONU et les
troupes de la KFOR dirigées par l'OTAN doivent établir
leur autorité sur Mitrovica. Le nouveau gouverneur du
Kosovo, Michael Steiner, a annoncé de nouvelles
arrestations de Serbes. »

Kosovo : « Grande Albanie » et nouvel Israël ?

En principe, le Kosovo fait toujours partie de la
Yougoslavie, selon la résolution de l'ONU qui a mis fin
à la guerre. Mais, là comme ailleurs, les USA ne
retiennent des résolutions que ce qui sert leurs
intérêts. De nombreuses publications actuelles des
médias US préparent leur opinion à une indépendance du
Kosovo. Une promesse faite lors du « mariage » des USA
avec l'UCK. Cette option de séparation pure et simple
vient d'être suggérée par une commission soi-disant
indépendante composée de quelques « experts » dont
Robertson, secrétaire-général de l'Otan.
Mais les puissances européennes ne souhaitent pas
cette indépendance. Elles savent que Washington cherche
à créer un Israël dans les Balkans. Un Etat qui leur
devrait tout et qu'ils pourraient utiliser comme un
porte-avion.
Ceci dit, les Etats-Unis sont-ils pressés d'arriver
effectivement à cette indépendance ? Sans doute pas. La
stratégie de la tension leur est utile. Le maintien des
conflits - et donc des souffrances - leur sert à
justifier le maintien de leurs bases militaires.
Cet encouragement à la politique de terreur
encourage les autres séparatismes dans les régions
voisines. Le Monténégro et la Macédoine sont également
convoités par l'UCK. Mais la première attaque visera
peut-être un territoire du sud-ouest de la Serbie. On
n'en parle guère, mais le Sandzak sera peut-être une
nouvelle Bosnie.

Et demain le Sandzak?

Un institut pro-occidental spécialisé dans les affaires
balkaniques, l'International War and Peace Report,
confirme: « Des Serbes estiment qu'environ mille
membres de leur communauté ont quitté la ville de Novi
Pazar, des dernières années. De nouvelles enseignes
« A vendre » apparaissent presque chaque jour sur les
maisons et les terres serbes. On estime que l'exode a
été accéléré par le parti SDA, à dominante musulmane,
qui a révoqué les directeurs serbes des compagnies
publiques et des administrations locales. » Le
pourcentage serbe dans la population aurait baissé de
22% à 17% (N.B. Un exode semblable, mais plus massif
s'était produit au Kosovo dans les années 70 et 80).
En juin dernier, le Conseil National Bosniaque du
Sandzak, lié au parti musulman SDA, déclarait : « Nous
n'avons pas de raisons de nous intégrer à la Serbie ou
au Monténégro, ou à la communauté internationale, car
le Sandjak doit devenir une entité territoriale
séparée. »
Le Sandzak s'enflammera-t-il à son tour ? Cela
dépend. Comme en Bosnie et au Kosovo, les Etats-Unis
jetteront de l'huile sur le feu s'ils ont besoin d'un
nouveau conflit pour augmenter la pression sur une
Serbie rebelle. Dans ce jeu cynique, les peuples sont
des pions qu'on manipule sur un échiquier.
En tout cas, le quotidien serbe Vecernje Novosti,
sonne l'alerte : « Bientôt, les promenades et les
coffee shops du Sandszak vont être divisés et tout se
déroulera plus vite encore qu'en Bosnie. Les premiers
incidents armés éclateront : des assassinats
politiques. Si les autorités ne font rien, le Sandzak
s'enflammera d'ici un an. »

La crise de confiance est la cause du conflit
Kostunica-Djindjic

Pourquoi la majorité des Serbes ont-ils refusé d'aller
voter aux dernières élections présidentielles ?
Pourquoi l'alliance Kostunica-Djindjic qui avait
triomphé de Milosevic en octobre 2000, a-t-elle éclaté
aussi vite et se déchire-t-elle de plus en plus ?
« La grande majorité des Serbes estiment qu'ils ont
été roulés par les Etats-Unis », explique Dragana. On
leur avait fait croire aux promesses d'un avenir
meilleur si leur pays se rapprochait de l'Occident.
Voilà qu'ils tombent de haut. Ils découvrent dans leur
vie quotidienne que la majorité de la population vivra
encore plus mal qu'avant. Que les multinationales
occidentales enrichiront seulement une petite minorité,
et surtout elles-mêmes.
Les Yougoslaves constatent qu'après l'attaque
militaire de l'Otan, vient celle, économique, du FMI.
Et que les deux font partie d'un même système global
dont l'objectif est d'imposer à toute la planète la
domination des multinationales.
Voilà pourquoi la majorité a refusé d'aller voter.
Et à ces abstentionnistes mécontents s'ajoutent les 66%
qui ont voté Kostunica. Car, pour eux, il symbolise, à
tort ou à raison, la volonté de maintenir
l'indépendance de leur pays face à l'Otan et à
l'Occident.
Voilà pourquoi Labus, le candidat du FMI, a subi un
échec flagrant en dépit d'une campagne massive des
médias. Un camouflet total pour le premier ministre
Djindjic. Beaucoup craignent qu'il entraîne le pays
dans une série de provocations et une escalade de
répression. Car si Kostunica est finalement élu
président, il convoquera de nouvelles élections
législatives et le discrédité Djindjic aura du mal à
s'en sortir.
Une remarque en passant pour tous ceux qui nous ont
vanté la nouvelle « démocratie » installée à Belgrade.
Que prévoyait la loi électorale serbe ? Qu'un
président ne pouvait être élu que si la majorité des
électeurs allaient voter. Or, en octobre dernier, 46%
seulement ont participé. Quelle a été la réaction de
l'Union Européenne ? S'est-elle demandé pourquoi la
population rejetait ses politiques ? Non, elle a juste
exigé qu'on annule... la loi électorale et la norme des
50%. Le peuple ne veut pas de vous? Changez le peuple!
Le SPS, le parti de Milosevic, ne paraît pas en
mesure de profiter de cette crise de la majorité. Suite
aux pressions et chants de sirènes de l'Ouest, la
majorité de sa direction actuelle a tenté un virage
pro-occidental. Mais elle a été désavouée par ses
électeurs. Ceux-ci ont sanctionné les deux candidats
SPS d'un score très médiocre, préférant suivre l'appel
de Milosevic à voter Seselj, seul candidat anti-Otan et
anti-FMI.
On voit mal le SPS présenter une véritable
alternative crédible pour l'instant. Sur sa gauche,
plusieurs groupes communistes se sont unifiés pour
créer le nouveau Parti du Travail (Radnicka Stranka
Jugoslavije). Menacé d'emblée par les autorités, il
n'en poursuit pas moins un travail d'organisation et de
sensibilisation, particulièrement dans les centres
ouvriers comme Kragujevac et Kraljevo. Certes, la
situation financière dramatique du pays complique tout
effort d'organisation autonome, mais son analyse et son
programme commencent à rencontrer un écho.

Pourquoi ce silence des intellectuels occidentaux?

Ici, en Occident, une chose devrait intriguer : le
silence des médias occidentaux. Ils avaient présenté
comme une bénédiction le changement de régime d'octobre
2000. Le remplacement de Milosevic par des partis
pro-occidentaux était la porte ouverte vers un avenir
plus ou moins radieux. Kostunica était l'homme
présidentiel, l'Otan allait régler le problème du
Kosovo... Cette analyse avait été épousée par les
intellectuels « médiatisés ».
Or, voici qu'à peine deux ans plus tard, la
majorité des Serbes refuse tout simplement de se
déplacer pour l'élections présidentielle, et ceci ne
suscite aucun commentaire, aucune explication, aucune
analyse de la part des médias occidentaux. Amnésie ?
Ou refus de débattre d'une position qui s'est
avérée fausse dans la pratique? La guerre contre la
Yougoslavie n'était qu'une des nombreuses batailles de
la guerre globale lancée par les Etats-Unis. Avant
l'Afghanistan, l'Irak et bien d'autres. Face à cette
guerre globale, il est temps de tirer le bilan
catastrophique de ce que les USA ont fait dans les
Balkans.
Et de la paralysie engendrée par des positions du
type « Ni Bush, ni Saddam », « Ni l'Otan, ni Milosevic »,
« Ni Sharon, ni Arafat ». Depuis douze ans, cette
position dominante dans la gauche intellectuelle
européenne condamne le mouvement anti-guerre à la
passivité. Parce qu'elle met sur le même pied
l'agresseur et l'agressé. Si tous sont également
mauvais, on n'a pas de raison de tout faire pour
arrêter l'agression.
Le « Ni, ni », c'est le cancer du mouvement
anti-guerre. Il faut y mettre fin. Ce n'est pas Saddam
ou Milosevic qui menace le monde entier, c'est Bush. Ce
ne sont pas la Yougoslavie ou l'Irak qui, chaque jour,
condamnent à la mort 35.000 enfants du tiers monde, ce
sont les multinationales.
Les Etats-Unis menacent la paix partout dans le
monde. En mettant en avant les reproches, exacts ou
non, des Etats qui leur résistent, on fait seulement le
jeu de l'agression. Ce n'est pas aux gouvernements
occidentaux de décider qui doit diriger tel ou tel pays
du tiers monde et selon quels intérêts. C'est à ces
peuples eux-mêmes qu'il revient d'en décider. Mais si
on laisse Washington occuper ces régions, aucune lutte
sociale ou démocratique n'en deviendra plus facile,
bien au contraire. Seules les multinationales y
gagnent. (Voir notre texte à paraître La maladie du «
ni, ni » : cancer du mouvement anti-guerre)

Que la souffrance et la colère soient transformées en
force

Pourquoi avons-nous écrit cet article ? Pour analyser
un problème du passé auquel on ne pourrait plus rien
changer ? Non. Pour mettre en garde : ce que les
Etats-Unis ont commis dans les Balkans, ils s'apprêtent
à le refaire contre l'Irak. Ensuite, viendra le tour de
tous les pays qui refusent de se mettre à genoux face à
la mondialisation : Iran, Corée, Cuba, Venezuela,
Congo, les Palestiniens, les Colombiens et bien
d'autres...

Pourquoi est-il si important de continuer à parler
de la Yougoslavie et de soutenir le combat de ce peuple?
Pour 5 raisons.
1. La désinformation servira aussi à « justifier »
les nombreuses guerres à venir. C'est pourquoi il est
crucial d'exposer les médiamensonges qui ont justifié
la guerre contre la Yougoslavie. L'agression de l'Otan
était une privatisation par les bombes. Aujourd'hui, la
population perd ses emplois, son pouvoir d'achat, sa
santé. L'aider à développer sa résistance fait partie
du combat anti-mondialisation. Ce qu'elle subit, sera
infligé à tous les peuples des pays bientôt agressés.
2. Chacun a le devoir moral de soutenir le droit au
retour des centaines de milliers de réfugiés chassés de
leurs foyers du Kosovo. Comme le droit au retour des
Palestiniens. Au moment où l'Otan étend ses griffes sur
l'Europe de l'Est et les Balkans, au moment où 188
intellectuels slovènes exigent un référendum sur
l'intégration de leur pays dans cette alliance
militaire, en soulignant que l'idée « rejoindre l'Otan,
c'est rejoindre le monde, est une dangereuse
manipulation de l'opinion » , à ce moment, il est
important de montrer à tous le bilan catastrophique de
l'Otan au Kosovo et ses vrais objectifs.
3. En Irak comme en Yougoslavie, les Etats-Unis
élaborent des plans pour dresser les nationalités et
les religions les unes contre les autres. Cela mènera à
la guerre civile prolongée et au chaos. Après avoir
pris le contrôle de l'Irak, Bush s'en servirait de base
pour déstabiliser, puis contrôler l'Iran et la Syrie.
Voire l'Arabie Saoudite. Tous les grands pays
pétroliers pourront être morcelés en mini-Etats plus
faciles à coloniser. Le Moyen-Orient et aussi le
Caucase seront « balkanisés » : émiettés selon la
recette qui a servi contre la Yougoslavie. Si on laisse
faire ceci à nouveau en Irak, le rapport des forces
global se détériorera Chaque fois que Washington
parvient à briser un Etat qui lui résiste, il se place
en position plus favorable pour attaquer le suivant.
4. Pour unir les peuples résistant à la
mondialisation et à ses guerres, il est important
d'isoler complètement la stratégie des Etats-Unis. De
nombreux Arabes et musulmans affirment avec force que
la guerre contre la Yougoslavie était uneagression au
même titre que la guerre contre l'Irak et les
Palestiniens. Les Etats-Unis, qui massacrent les
musulmans en Palestine et en Irak, ne sont pas leurs
amis en Bosnie ou au Kosovo. D'ailleurs, dans cette
dernière région, les musulmans aussi sont victimes du
nettoyage ethnique organisé par l'UCK avec la
complicité de Washington.
5. En Irak, comme en Yougoslavie, l'armée US
bombardera à nouveau des usines polluantes et
utilisera à nouveau les terribles armes à uranium.
Provoquant à nouveau cancers, leucémies et
malformations monstrueuses des nouveau-nés pour les
populations locales, mais aussi pour les soldats
occidentaux qui interviendront. Un tout récent rapport
de l'ONU (Institute for Energy and Environmental
Resarch), souligne que « de tels actes ont provoqué en
Yougoslavie de graves effets à long terme sur
l'environnement et la santé » notamment par la
libération massive de PCB et de mercure. Le rapport
met explicitement en garde contre la répétition en Irak
de telle violations des conventions internationales.

N'oublions pas la Yougoslavie, n'oublions pas ceux qui
y résistent au FMI et à l'Otan. Ce qu'ils endurent est
un avertissement pour tous les pays que les USA
s'apprêtent à « conquérir ». Que leurs souffrances et
leur colère se transforment en force pour empêcher les
agressions déjà programmées.




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Pour commander le film "Les Damnés du Kosovo" (9 Euros):
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files/Yougoslavie2002.rtf