Da: ICDSM Italia
Data: Mar 7 Set 2004 12:30:38 Europe/Rome
A: icdsm- italia@ yahoogroups. com
Oggetto: [icdsm-italia] Milosevic (en francais)
Milosevic (en francais)
1. L’ICTY et la décimation de la Yougoslavie – Une histoire de famille
(Ian Johnson - 02/09/2004)
2. Protestation contre l'imposition d'un avocat à Milosevic (Aldo
Bernardini - 03/09/2004)
3. Ramsey Clark : Le 'tribunal' saborde ses dernières prétentions à la
légalité (02/09/2004)
4. La défense de la patrie est-elle un acte criminel ? (Pr. Kosta
Cavoski - 01/09/2004)
---( 1 )---
L’ICTY et la décimation de la Yougoslavie – Une histoire de famille
Ian Johnson 02/09/2004
source : CDSM-UK
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=23007
Traduction Jean-Marie Flémal
« Messieurs, vous ne pouvez imaginer quel privilège c’est, même dans
les conditions que vous m’avez imposées, d’avoir la vérité et la
justice de mon côté. »
SLOBODAN Milosevic, 1er septembre 2004.
C’est une histoire de famille, et il s’agit d’une grosse famille. Elle
comprend les puissances de l’Otan qui ont bombardé la Yougoslavie et le
tribunal de La Haye qui traîne en justice les victimes mêmes de ces
bombardements.
Les gouvernements occidentaux, non contents d’effacer l’Etat souverain
de la Yougoslavie de la carte du monde, ont même instauré, financé et
doté de personnel un tribunal illégal chargé de régler définitivement
la question. Le procureur en chef du tribunal international pour
l’ancienne Yougoslavie (ICTY) est originaire de l’Amérique du Nord,
comme l’était également son prédécesseur. La prétendue « mère » du
tribunal est américaine, le principal juge dans le procès intenté
contre Slobodan Milosevic est britannique, à l’instar de son
prédécesseur. L’accusateur dans cette même affaire est britannique
également, les 1.300 personnes attachées au tribunal sont en grande
majorité des Britanniques et des Américains et ce sont les
gouvernements de l’Otan et leurs services de renseignements qui sont
chargés de rassembler les « preuves » et de dénicher des « témoins »
afin de satisfaire le tribunal.
Etant donné les faits énoncés ci-dessus, de même que le fait que les
puissances se trouvant derrière la création de ce tribunal ont un
intérêt direct dans le résultat de la procédure, quelle personne saine
d’esprit pourrait vraiment affirmer que ces accusés auront un procès
équitable ?
En décembre 2001, The Guardian demandait à un juriste britannique si
le tribunal de La Haye assurait un système de justice qui condamnait
correctement les coupables et acquittait de même les innocents.
Le juriste répondit : « (…) Si on revenait en arrière et qu’on y
regardait de plus près, le jugement de tout observateur impartial
serait qu’il s’agit d’un forum assurant un procès équitable. »
Ce juriste britannique s’appelait Stephen Kay.
Monsieur Stephen Kay, qui exerce ses talents au tribunal de Grays Inn,
à Londres, vient tout juste d’être désigné comme conseiller de la
défense de Slobodan Milosevic, à l’encontre des souhaits particuliers
de l’ancien président yougoslave.
Monsieur Kay est devenu tellement apprécié par le tribunal de La Haye
qu’il avait également été désigné comme conseiller de la défense dans
le premier procès à spectacle contre Dusko Tadic, en 1996. Après que
Monsieur Kay eut assuré la défense de Monsieur Tadic, le tribunal avait
infligé à ce dernier une sentence d’emprisonnement de 20 ans.
Monsieur Kay également été actif au tribunal d’Arusha, le tribunal
pénal international pour le Rwanda (ICTR), jumeau du tribunal de La
Haye.
Au tribunal d’Arusha, il travailla pour Alfred Musema, le premier
civil à avoir été accusé de génocide. Après que Monsieur Kay se fut
chargé de la défense de Monsieur Musema, la cour infligea à ce dernier
une sentence d’emprisonnement à vie.
Le résultat final, par conséquent, a été que les deux clients de
Monsieur Kay ont été condamnés pour les principaux chefs d’accusation
relevés contre eux.
Monsieur Kay n’est pas un étranger, pour Monsieur Milosevic, puisqu’il
fait partie des amici curiae (les amis de la curie) désignés par le
tribunal dans la partie des poursuites du procès. Dans une telle
situation, Monsieur Kay a été parfaitement mis au courant de
l’insistance de Monsieur Milosevic quant à ses droits légaux à assurer
lui-même sa propre défense. En dépit de cette connaissance, il appert
que Monsieur Kay n’a, à aucun moment, hésité à tremper dans cette
récriture des lois internationales.
La chose est expliquée dans la lettre (intitulée « Le fait d’imposer
un conseiller à Slobodan Milosevic menace l’avenir des lois
internationales et la vie même de l’accusé ») qui a été adressée aux
Nations unies et a, depuis lors, été signée par plus de cent avocats et
juristes. Voici ce que dit cette lettre :
« Le droit de se défense soi-même contre des accusations criminelles
revêt une place importante à la fois dans la législation internationale
et dans la structure même du système à deux parties adverses. Les
droits fondamentaux minimaux accordés à un accusé, conformément aux
statuts de Rome du Tribunal international pénal, ainsi qu’aux statuts
des tribunaux internationaux pénaux pour le Rwanda et la Yougoslavie,
comprennent le droit d’assurer soi-même sa propre défense. »
La lettre contient également cette mise en garde :
« Dans la longue histoire de la juridiction britannique, il n’y eut
jamais qu’un seul tribunal à avoir adopté la pratique consistant à
imposer contre son gré un conseiller à un accusé lors d’une procédure
criminelle. Ce tribunal n’était autre que la Chambre étoilée. Cette
institution bizarre, qui fut très florissante à la fin du 16e siècle et
au début du 17e, présentait un caractère mixte : exécutif et judiciaire
et, de façon caractéristique, elle s’éloignait de la tradition du droit
commun. Pour ces raisons et du fait qu’elle s’était spécialisée dans le
jugement de délits « politiques », la Chambre étoilée a symbolisé
durant des siècles le mépris des droits individuels fondamentaux. »
Correctement, la lettre dégage la conclusion suivante :
« (…) puisque l’accusé est amené à présenter des preuves essentielles
et potentiellement embarrassantes, la hâte d’en finir est manifestement
devenue la préoccupation première du tribunal. »
Avant que Stephen Kay n’accepte la charge de conseiller de la défense,
un autre ancien amicus curiae du procès de La Haye, Branislav
Tapuskovic, s’est vu demander s’il ne désirait pas assumer la charge de
conseiller de la défense.
Il répondit : « J’ai respecté la c lause de l’article 21, point 4/d
des statuts de l’ICTY, selon laquelle tout accusé se voit garantir le
droit d’être jugé en sa propre présence et d’assurer lui-même sa propre
défense. » (dans le quotidien allemand Junge Welt, 30 août 2004.)
Le journal posait une question supplémentaire : « Des voix critiques
disent que le fait d’imposer un conseiller à Monsieur Milosevic
constitue une tentative d’empêcher de dernier de présenter ses faits et
ses témoins. Commentaire, s’il vous plaît ? »
Monsieur Tapuskovic de répondre : « Le procès ne peut être valable si
Slobodan Milosevic ne présente pas ses preuves. » (ibidem.)
Une réponse de principe et des principes qui, de toute évidence, ne
sont pas partagés par certains de ses collègues.
Dans son nouveau rôle, Stephen Kay bénéficiera de l’assistance d’un
autre avocat, Gilian Higgins.
Bien que son nom soit connu depuis quelques années, son non complet
est en fait Gilian Kay Higgins. Elle est la fille de Stephen Kay. Il
s’agit donc bien d’une affaire de famille, effectivement.
Le fait d’imposer un conseiller à la défense viole non seulement les
droits légaux de Monsieur Milosevic, mais il vise également à saboter
la cause même de la défense.
Dans sa déclaration d’ouverture, au début de sa défense, Slobodan
Milosevic a dénoncé par le menu les violations répétées de la
souveraineté yougoslave au cours de la décennie écoulée, violations
qui, en fin de compte, ont débouché sur la guerre illégale de l’Otan.
Slobodan Milosevic a désagréablement surpris la cour par l’étendue de
ses connaissances et son souci du détail, lesquels ont démontré avec
vigueur les actions illégales des puissances occidentales.
Manifestement, il fallait le réduire au silence.
Ian Johnson,
Coordinateur du CDSM-UK,
2 septembre 2004.
---( 2 )---
Protestation contre l'imposition d'un avocat à Milosevic
Aldo Bernardini 03/09/2004
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=23005
Rome, le 3 septembre 2004.
En tant que modeste spécialiste du droit international, je suis
totalement horrifié face aux dernières mesures prises par le
« tribunal » de La Haye (par les juges aussi bien que par le procureur)
dans l’affaire Milosevic.
Le fait d’imposer un avocat au président Slobodan Milosevic constitue
un acte de violence brutale qui ne prouve que le désarroi du
« tribunal » et son impossibilité à contrer les arguments de Slobodan
Milosevic. La façon de poursuivre et de terminer son « boulot », dans
cette condamnation programmée à l’avance, consiste à réduire le
président Milosevic au silence.
Un « tribunal » illégal, instauré par le Conseil de sécurité des
Nations unies via une interprétation arbitraire et dictatoriale de la
Charte, une accusation monstrueuse reposant sur une construction
artificielle qui, elle-même, se base sur des présomptions étrangères
aux dispositions des statuts des l’ICTY et contraires au principe
fondamental du « nullum crimen sine lege » (il n’y a pas de crime sans
loi), aux principes généraux de la législation pénale de chaque pays,
aux droits de l’homme en la matière et à la règle de la stricte
interprétation en vigueur dans les lois criminelles ; dans un tel
contexte, des juges « honorables » devraient au moins respecter leurs
statuts, c’est-à-dire ceux de l’ICTY. Ils devraient savoir qu’aucune
analogie ou interprétation plus que générale n’est permise : « in
claris non fit interpretatio », c’est-à-dire aucune interprétation
(personnelle) n’est permise là où la lettre de la loi est claire.
L’article 21, paragraphe 4 des statuts de l’ICTY dit expressément que
l’accuse « sera assuré des garanties minimales suivantes : d) être jugé
en sa présence et assurer sa propre défense lui-même oui via une
assistance légale de son propre choix ». Cette formulation est claire
et ne permet ni déviation ni exception. Le « tribunal » ne peut se
substituer à l’accusé ni en choisissant entre « la défense de ce
dernier par lui-même » et « sa défense par le biais d’assistants
légaux », ni en choisissant de tels assistants.
Cette fait que l’ICTY impose une assistance au président Slobodan
Milosevic relève de la pire aberration et constitue la preuve finale du
caractère politique et arbitraire de l’ICTY et l’ensemble du procès
Milosevic (ainsi que des autres procès).
Aucun avocat honorable ne devrait coopérer à cette énormité. Le
Conseil de sécurité des Nations unies devrait condamner l’opération
mais, par-dessus tout, il devrait mettre fin aux agissement de ce
« tribunal de La Haye ».
Je proteste de toutes mes forces contre cette perversion de tout
concept judiciaire, de toute conception saine de la règle de la loi,
des droits fondamentaux de l’homme du président Milosevic. L’histoire
jugera l’ICTY et ses activités reposant sur une loi sans cesse
réinventée par ses propres juges, de la même manière que les
conceptions de la loi telles qu’elles étaient perverties par les nazis.
Aldo Bernardini
Traduction par Jean-Marie Flémal
---( 3 )---
Ramsey Clark : Le 'tribunal' saborde ses dernières prétentions à la
légalité
Ramsey Clark 02/09/2004
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22996
[Traduit par Jean-Marie Flémal]
Ramsey Clark, ancien secrétaire d’Etat américain à la Justice et
co-président du Comité international pour la Défense de Slobodan
Milosevic (CIDSM), y est allé de cette déclaration cet après-midi :
La législation internationale stipule que toute personne accusée d’un
délit quelconque a le droit de se représenter personnellement face au
tribunal qui traite son cas. Slobodan Milosevic ne fait nullement
exception à cette règle. La chambre de jugement du Tribunal criminel
international pour l’ancienne Yougoslavie a sabordé ses dernières
prétentions à la légalité en tentant de priver l’ancien président de la
Yougoslavie de ce droit de l’homme fondamental.
La comparution du président Milosevic, qui s’est représenté lui-même
durant le procès qui dure depuis plus de deux ans, soit presque 300
journées d’audience, qui a contre-interrogé presque 300 témoins à
charge, affronté quelque 500.000 documents, 30.000 pages de
retranscriptions du procès, puis, au tout début de la présentation de
sa propre défense, a été réduit au silence et s’est vu imposer des
avocats qu’il récuse et qui doivent prendre sa destinée en charge, est
une injustice flagrante.
Le président Milosevic a présenté lui-même avec vigueur sa déclaration
d’ouverture de sa propre défense en deux journée, les 31 août et 1er
septembre 2004, juste avant que le tribunal ne décide qu’il « n’est pas
suffisamment en état de se représenter lui-même ». « En état »,
apparemment, il l’était suffisamment pour accomplir cette tâche. Si le
temps vient où des médecins dignes de foi, y compris les siens,
estiment qu’un rythme plus lent est nécessaire pour protéger sa santé,
ou que tout effort supplémentaire de sa part, en ce moment, peut
altérer sa santé, dans ce cas, la seule éventualité acceptable est de
suivre un emploi du temps qui fasse honneur à son droit à se défendre
lui-même en personne et qui protège ses capacités à le faire. La vie,
la vérité et la justice importent davantage que les horaires des
tribunaux ou des chemins de fer.
Les avocats mêmes désignés par le tribunal ont un conflit direct
d’intérêts. Ils ont joué le rôle, en étant désignés par la cour,
d’amici curiae. On ne peut servir deux maîtres. En ayant été des amici
curiae, ces mêmes conseillers choisis par le tribunal pour représenter
le président Milosevic ne peuvent moralement lui servir de conseillers.
Aucun avocat pouvant être désigné pour représenter le président
Milosevic n’a interviewé ses témoins, ne connaît les témoignages qu’ils
peuvent fournir, ni les questions qu’il faut leur poser, ni ne sait
quelles pourraient être leurs réponses. La préparation professionnelle
– et ceci n’a rien d’un cas ordinaire – exigerait des mois de travail.
Le tribunal doit abandonner cette parodie de justice et accomplir son
devoir de façon responsable, en tenant compte de la santé de l’accusé
pour auditionner les preuves, dégager les faits et appliquer la loi
avec crédibilité et compétence, en toute indépendance et impartialité.
Ramsey Clark
New York
2 septembre 2004
---( 4 )---
La défense de la patrie est-elle un acte criminel ?
Pr. Kosta Cavoski 01/09/2004
source : Balkans-Info / Princip (Belgrade)
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22999
D'une manière tout à fait inattendue pour une opinion non initiée,
Caria del Ponte, le procureur du TPI de La Haye, a rendu public, le 20
octobre 2003, un acte d'accusation contre les généraux de l'armée
yougoslave Nebojsa Pavkovic et Vladimir Lazarevic, ainsi que les
généraux de la police yougoslave Sreten Lukic et Vlastimir Djordjevic.
Cet acte d'accusation restera mémorable par la façon dont on a
échafaudé le concept d'association criminelle, qui, outre les quatre
généraux cités ci-dessus, englobe également les plus hauts responsables
yougoslaves et serbes.
Afin de faciliter la compréhension et la portée d'une telle
construction, on utilisera l'exemple suivant. Supposons que, pendant
l'agression du pacte Atlantique contre notre pays (Serbie + Monténégro)
en 1999, quand furent commis de nombreux et graves crimes de guerre, le
procureur de l'époque du TPI, Louise Arbour, ait, dans le but d'établir
la responsabilité pénale des principaux coupables, mis en lumière
l'association criminelle constituée par Bill Clinton, Tony Blair,
Jacques Chirac, Gerhard Schröder, Javier Solana, Wesley Clark et
d'autres hauts dignitaires des pays du pacte Atlantique et leurs
principaux chefs militaires. Ceci aurait non seulement provoqué des
conséquences politiques incroyables mais aurait été également
considéré, du point de vue juridique, comme insuffisamment crédible et
contestable.
Car, pourquoi, par exemple, le Premier ministre d'Espagne ou celui
d'Italie auraient-ils été pénale ment responsables de l'attaque d'un
avion américain sur un pont et un train de voyageurs dans le défilé de
Grdelic, le 12 avril 1999, ou du bombardement de l'immeuble de la
Radio-télévision de Serbie le 23 avril 1999, dès lors que nul ne les
avait interrogés auparavant sur l'opportunité d'une telle action ?
Et comment d'ailleurs peut-on évoquer une association criminelle
constituée par des hommes aussi divers en charge d'Etats, d'armées et
de peuples, même lorsqu'une partie de leurs forces armées agit dans le
cadre d'une même organisation militaire ?
Même si on faisait de George Bush junior, de Tony Blair et de leurs
chefs militaires, une association criminelle afin de faire supporter
par tous ses membres l'entière responsabilité de tous les crimes de
guerre graves commis sur des enfants, des femmes et d'autres civils en
Afghanistan et en Irak, qui se déroulent encore aujourd'hui, grâce à la
télévision, sous les yeux du monde entier, il est vraisemblable que de
nombreux analystes indépendants et impartiaux affirmeraient que ceci
est exagéré. Car, dans la conscience morale de l'homme contemporain,
prévaut la conviction que la responsabilité pénale doit être
strictement individualisée, de sorte qu'on ne peut a priori, du fait de
l'élaboration conceptuelle d'une organisation criminelle, répondre pour
des actes commis par d'autres.
Deux poids, deux mesures
Or, ce qui n'est pas admissible lorsqu'il s'agit des plus hauts
dignitaires et chefs militaires des pays les plus puissants
d'aujourd'hui, apparaît tout à fait réalisable dans le cas de certains
vieux pays balkaniques et d'Etats dénués de souveraineté, où on peut
impunément échafauder des constructions criminelles, telles que la
propagation d'intentions génocidaires, la formation d'associations
criminelles composées soi-disant de plusieurs milliers de membres et la
responsabilité objective pour des actes commis par autrui, en vertu
d'une prétendue responsabilité de commandement. C'est précisément ainsi
qu'on a procédé dans le cas des mises en accusation des généraux
Pavkovic, Lazarevic, Djordjevic et Lukic, en raison de crimes
soi-disant commis contre l'humanité ainsi que contre les lois et les
pratiques de la guerre. Il s'agit d'une "entreprise criminelle
collective" (joint criminal enterprise) constituée par Pavkovic,
Lazarevic, Djordjevic et Lukic, avec Slobodan Milosevic, Milan
Milutinovic, Nikola Sainovic, Dragoljub Ojdanic, Vlajko Stojilkovic et
d'autres membres connus et inconnus, qui pourraient représenter
quelques centaines ou quelques milliers, au gré du procureur de La Haye
et indépendamment des capacités disponibles du Tribunal lui-même. Il
s'agit par conséquent d'un concept de groupe organisé de criminels qui
est susceptible d'être élargi sans limites conformément à une analyse
politique consistant à faire pression sur notre pays, le faire chanter
et l'humilier. Chacun s'interrogera pour savoir pourquoi on a forgé un
tel concept d'association criminelle. La raison en est que, grâce à
cette construction, tout membre supposé d'une telle association est
amené à répondre pénalement pour tous les actes que les autres membres,
connus ou non, ont commis, dans la mesure où ces actes se trouvent
inclus dans un plan criminel préparé par l'association. Le but étant de
créer, au lieu d'une responsabilité de commandement, objective par
nature, l'apparence d'une responsabilité subjective individualisée.
Grâce à ce type de construction, le procureur était en mesure
d'affirmer que les accusés "avaient planifié, inspiré, commandé,
exécuté, soutenu de diverses façons et favorisé la planification, la
préparation ou l'exécution de tels crimes". Peu après, le procureur a
élargi la signification du terme "exécuté" {committed), en expliquant
qu'il "n'avait pas l'intention de laisser penser qu'un des accusés a
exécuté lui-même (physiquement) un acte dont il se trouve accusé.
L'exécution (committing) dans un tel acte d'accusation vise la
participation, en tant que membre, à une entreprise criminelle
collective". On en arrive ainsi à la découverte inattendue que le
tribunal de La Haye n'a, jusqu'à présent, accusé aucun exécutant direct
d'un crime que celui-ci aurait lui-même commis : ce tribunal ne
poursuit pénalement que les prétendus complices de ces exécutants
directs.
Mais qu'est-ce qui, aux yeux du procureur de La Haye, constitue "une
entreprise criminelle collective", liant les exécutants directs et
leurs prétendus complices occupant les plus hautes fonctions civiles et
militaires ? Le procureur de La Haye a apporté à ce sujet la précision
suivante : "Le but de cette entreprise criminelle était, entre autres,
d'expulser une partie essentielle de la population albanaise du Kosovo
du territoire de cette province, afin d'assurer un contrôle approfondi
de cette province par les Serbes. Afin de réaliser cet objectif
criminel, chacun des accusés, agissant individuellement ou en groupe et
avec d'autres personnes, connues et inconnues, a contribué
significativement à cette entreprise criminelle, en utilisant de jure
et de facto tous les pouvoirs à sa disposition". Il apparaît ainsi que
toute tentative des organes légitimes de la République fédérale de
Yougoslavie et de la Serbie de préserver leur autorité souveraine sur
une partie de leur territoire officiel, correspond en soi à une visée
criminelle. Il en serait de même si on affirmait que l'Etat français
essaie, en persécutant les séparatistes corses, de perpétuer le
contrôle français sur la Corse.
Le procès d'intention
Pour le procureur de La Haye, cette construction fragile d'une
"entreprise criminelle collective" a constitué une raison suffisante
pour estimer que l'entreprise criminelle considérée recouvre tous les
actes criminels évoqués dans l'acte d'accusation, et qui ont pu être
commis par d'autres participants inconnus d'une telle "entreprise". Or,
comme de telles affirmations n'apparaissaient pas suffisamment
convaincantes, le procureur de La Haye a ajouté une explication
alternative, selon laquelle tous ces crimes "étaient des conséquences
naturelles et prévisibles d'une entreprise criminelle collective, alors
que les accusés étaient conscients que de tels crimes étaient le
résultat probable d'une entreprise criminelle collective". Cependant,
les accusés, tout en étant conscients des conséquences prévisibles, ont
pris une participation volontaire, selon le procureur, dans
l'entreprise criminelle collective. Mais pour ce type de responsabilité
criminelle en qualité de complice, le procureur a ajouté que "chacun
des accusés et des autres participants à l'entreprise criminelle
collective partageaient les intentions et le niveau de conscience
indispensables pour accomplir chacun des crimes considérés". Pour le
procureur, il s'agissait d'une raison suffisante pour conclure que
"chacun des accusés et chacun des autres participants à cette
entreprise criminelle collective supportent une responsabilité
individuelle criminelle pour les forfaits énumérés".
En d'autres termes, le fait d'être complice dans une telle entreprise
criminelle collective les rend individuellement responsables pour des
crimes commis par d'autres membres inconnus de cette "entreprise".
Ainsi, un individu pourrait être tenu responsable pour des actes commis
par des dizaines de milliers de membres inconnus d'une même "entreprise
criminelle collective". Une attention particulière doit être accordée à
la période visée par l'acte d'accusation, où s'est déroulée cette
soi-disant "entreprise criminelle". Cette période aurait débuté "le 1er
janvier 1999 ou à peu près à cette date et a duré jusqu'au 20 juin
1999", lorsque s'est achevée l'agression du pacte Atlantique contre la
République fédérale de Yougoslavie (RFY). Mais comme cette agression
avait commencé le 24 mars 1999, le procureur de La Haye n'a
manifestement pas voulu que le début de cette "entreprise criminelle"
soit assimilé au commencement de l'agression, ce qui l'a amené à
avancer la date du 1er janvier 1999, afin qu'on n'ait pas l'impression
que tous les crimes imputés aient été commis précisément au cours de
cette guerre. Grâce à un tel déploiement chronologique des crimes
imputés, on en est arrivé à un paradoxe inattendu : alors que
l'agression du pacte Atlantique contre la RFY a donné lieu à plusieurs
milliers de bombardements commis pour la plupart au hasard, le
procureur de La Haye a estimé qu'aucun crime de guerre n'a été perpétré
à cette occasion - tandis que les défenseurs connus et inconnus du pays
attaqué ont commis, dans le cadre d'une "entreprise criminelle
collective" un grand nombre de crimes de guerre horribles, dans le but
d'assurer "un contrôle serbe approfondi" sur le Kosovo et la Métochie.
On découvre ainsi, de façon surprenante, que la défense de l'intégrité
territoriale et de la souveraineté de son propre pays constitue un
crime en soi, et que ceux qui avaient, du fait de leurs fonctions dans
l'Etat, l'armée et la police, l'obligation constitutionnelle et légale
d'organiser la défense de leur pays sont, en fait, les plus grands
criminels.
Il n'est pas exclu que le procureur de La Haye ait pressenti que la
prétendue complicité dans une "entreprise criminelle collective" ne
représente pas une base suffisante de la responsabilité pénale d'un
individu pour des actes commis par d'autres. Il a donc introduit une
deuxième base de responsabilité pour des actes commis par des
subordonnés : il s'agit de la prétendue "responsabilité de
commandement".
Responsable de ses subordonnés
"Alors qu'ils occupaient des postes de pouvoir élevé, affirme le
procureur de La Haye, Pavkovic, Lazarevic, Djordjevic et Lukic ont été
également pénalement responsables, sur une base individuelle, des actes
ou des manquements (aux lois et règlements) de leurs subordonnés,
conformément à l'article 7 (3) des statuts du tribunal. Le supérieur
est responsable des actions criminelles de ses subordonnés dans la
mesure où il connaissait ou avait des raisons de savoir que ses
subordonnés sont sur le point de commettre de tels actes ou en ont
l'intention, et dans la mesure où le supérieur a omis de prendre des
mesures urgentes et raisonnables afin d'empêcher de tels actes ou de
punir leurs auteurs".
A la différence de la prétendue responsabilité individuelle des
participants à une "entreprise criminelle collective", la
responsabilité de commandement constitue une responsabilité objective
pour des actes commis par d'autres, c'est-à-dire la responsabilité d'un
supérieur pour les actions commises par ses subordonnés. C'est pourquoi
ce concept est discutable en soi et il n'est pas surprenant que dans la
majeure partie des systèmes judiciaires civilisés (y compris dans notre
pays), il ne se trouve pas appliqué, si ce n'est dans des cas
exceptionnels et dans un périmètre très restreint. Un exemple récent
qui confirme cette pratique est fourni par le procès des personnes
accusées d'avoir assassiné l'ancien Premier ministre serbe Zoran
Djindjic. Parmi celles-ci, se trouve Zvezdan Jovanovic,
lieutenant-colonel de la police et membre de l'unité chargée des
opérations spéciales, plus connue sous le nom de "Bérets rouges". Si le
principe de la responsabilité de commandement était retenu dans notre
droit criminel, aux côtés de Zvezdan Jovanovic se trouverait à coup sûr
son supérieur hiérarchique, le ministre de l'Intérieur Dusan
Mihajlovic. Et si notre système judiciaire suivait la pratique du
procureur de La Haye Caria del Ponte, on devrait également trouver sur
le banc des accusés la personne qui faisait fonction de Président de la
République de Serbie à l'époque des faits, c'est-à-dire la Présidente
du Parlement, Natasa Misic.
Pas d'application aux Etats-Unis
II est intéressant de noter que, dans le droit pénal américain, on
n'applique pas non plus la prétendue responsabilité de commandement ;
même dans les cas de crimes de guerre, qui constituent la partie la
plus controversée de cette discipline juridique et correspondent à une
responsabilité objective incontestable, on ne l'applique pas non plus.
Un cas significatif de cette pratique est fourni parle procès intenté
au lieutenant William Calley, dont l'unité militaire a été accusée
d'avoir commis le massacre de plus de cent civils dans la localité de
My Lai au Vietnam, en 1968. Le lieutenant Calley a été accusé des
assassinats commis par ses subordonnés. En 1971, il a été jugé coupable
du meurtre de 22 civils et de la tentative d'assassinat d'un enfant,
donc pour des actes qu'il avait commis lui-même, et non pour les autres
meurtres commis par ses subordonnés. Et, ce qui est encore plus
important, il n'a pas été condamné en vertu du code pénal militaire
(Uniform Code of Military Justice), qui, même s'il incrimine des crimes
de guerre, ne prévoit pas de responsabilité de commandement - mais en
vertu du droit pénal ordinaire, applicable aux Etats-Unis. Il faut
souligner que d'autres soldats, subordonnés au lieutenant Calley, n'ont
pas été accusés, et encore moins condamnés, car ils "agissaient sur
ordre de leur supérieur hiérarchique immédiat", bien qu'il ait été
évident que les ordres considérés avaient un caractère criminel, de
sorte que leur exécution correspondait à un acte criminel caractérisé.
Dans cette affaire, on avait soulevé le problème de la responsabilité
du supérieur hiérarchique de Calley, le capitaine Médina, et de leur
supérieur commun, le général Coster. Le procureur militaire a estimé,
cependant, que le général Coster n'était pas responsable de quoi que ce
soit, et n'a poursuivi que le capitaine Médina pour les crimes commis
par ses subordonnés. Le tribunal a toutefois libéré celui-ci de toute
responsabilité, puisqu'il a été établi qu'il n'était pas au courant de
ce dont il était censé être au courant, c'est-à-dire que ses
subordonnés avaient commis des crimes. Il a été ainsi avéré que les
tribunaux américains n'appliquent pas le principe de la responsabilité
de commandement à l'occasion des procès intentés à leurs propres
citoyens accusés de crimes de guerre, alors que le gouvernement
américain exige avec opiniâtreté que les citoyens de l'ex-Yougoslavie
soient jugés à La Haye conformément au principe de la responsabilité de
commandement. Au-delà de la disposition incontestable selon laquelle
elle correspond à une responsabilité objective pour des actes commis
par d'autres, la responsabilité de commandement apparaît encore moins
convaincante et encore plus discutable lorsqu'elle implique le principe
de responsabilité rétroactive qui s'applique, sous certaines
conditions, après l'exécution de l'acte lui-même. En fait, selon
l'article 7(3) des statuts du tribunal de La Haye, un supérieur
hiérarchique est appelé à répondre pénalement des actes commis par ses
subordonnés si, après l'exécution de tels actes, il n'a pas châtié
leurs auteurs, ce qui signifie que la responsabilité pénale de ce
supérieur n'existe pas au moment de l'exécution de ces actes, mais
s'ajoute rétroactivement dans la mesure où les exécutants de ces actes
ne sont pas condamnés. Et, circonstance aggravante, dans la mesure où
une telle disposition serait appliquée à la lettre, un supérieur
hiérarchique ne pourrait nullement échapper à une telle responsabilité
rétroactive pour des actes commis par ses subordonnés. Car, dans le
droit américain aussi bien que dans le nôtre, le procès des personnes
accusées de crimes de guerre n'est pas de la compétence des tribunaux
militaires, mais bien des tribunaux ordinaires.
Le devoir des chefs
Grâce au principe de responsabilité rétroactive ainsi établi, un
supérieur hiérarchique est confronté à une tâche impossible : afin
d'échapper à la responsabilité pour crimes de guerre de ses
subordonnés, il devrait, du moins s'il n'a pas été en mesure de les
empêcher, les châtier de manière exemplaire. Mais il ne serait pas en
mesure de le faire, même s'il en avait la volonté, car une telle
décision n'est pas de sa compétence, conformément à la constitution et
aux lois en vigueur. C'est pourquoi, lorsque le tribunal de La Haye
condamne certains de nos commandants militaires ou civils, pour avoir
omis de punir leurs subordonnés, il fait le procès du système
judiciaire non seulement de notre pays, mais aussi d'autres pays qui
pratiquent convenablement la séparation des pouvoirs.
Enfin, la responsabilité de commandement comprise au sens large, telle
que le tribunal de La Haye l'invoque en pratique, ouvre une question de
grande portée : un individu peut-il répondre pour des actes accomplis
dans l'exercice de son rôle de représentant de l'Etat, sans franchir
les limites des prérogatives de sa fonction ? Dans le droit interne
d'un pays, ceci peut toujours constituer la base d'une clause
d'exception, alors que devant le tribunal de La Haye une telle cause
n'est absolument pas prise en considération. Ceci est très bien
illustré dans le cas des quatre généraux. Si l'on excepte la période
comprise entre le 1er janvier 1999 et le 24 mars 1999, que le procureur
de La Haye a incluse dans son acte d'accusation afin de ne pas faire
apparaître que les prétendus crimes de guerre ont été commis uniquement
pendant l'agression du pacte Atlantique contre la RFY, les généraux
considérés, à en croire l'acte d'accusation, n'ont pas accompli durant
cette guerre la moindre action personnelle qui aurait pu représenter le
plus petit manquement à la discipline, et encore moins un crime de
guerre ; ils ont - mais ceci n'est pas écrit dans l'acte d'accusation -
entrepris tout ce que la Constitution de leur pays, les lois en vigueur
et l'art militaire leur dictaient afin de défendre l'intégrité
territoriale de leur pays et de protéger sa population civile, ses
forces vives et ses capacités militaires. Aussi la question-clé
suivante s'impose-t-elle : la défense de son propre pays peut-elle être
un crime ? Ceci ne signifie évidemment pas qu'il n'y a pas eu de crimes
de guerre au cours de l'agression du pacte Atlantique contre la RFY.
Ils ont été commis aussi bien par les agresseurs que par les
défenseurs, mais beaucoup plus par les premiers, car seuls ceux-ci
pouvaient accomplir le pire de tous les crimes - le crime contre la
paix. En outre, dès qu'ils ont eu connaissance de certains crimes
commis par des membres de l'armée yougoslave, les généraux Pavkovic et
Lazarevic ont transmis des instructions aux procureurs militaires afin
d'enclencher la procédure pénale prévue en ce cas. Même s'ils l'avaient
voulu, ils ne pouvaient faire davantage, car la Constitution et les
lois en vigueur ne les rendaient pas compétents pour punir les crimes
de guerre. Or, le procureur de La Haye les poursuit aujourd'hui même
pour des actions qui n'étaient pas de leur compétence - pour avoir omis
de punir les exécutants véritables de crimes de guerre...En
outre, on leur impute la responsabilité de crimes prétendument commis
par leurs subordonnés, ce qui est inexcusable et absurde.
La premier indice montrant que la procédure suivie et la formulation
des décisions de justice ne sont pas correctes tient au traitement
inégalitaire appliqué dans des affaires plus ou moins semblables.
Ainsi, comme on l'a déjà dit, le procureur de La Haye qualifie de
dessein criminel "les efforts tendant à assurer un contrôle serbe
approfondi" sur le Kosovo et la Métochie. L'inverse, cependant, n'est
pas condamnable. En effet, les efforts des Albanais d'instaurer un
contrôle permanent sur le Kosovo et la Métochie et d'y établir un
second Etat albanais dans les Balkans ne provoquent pas la moindre
appréhension chez le procureur de La Haye, et encore moins le besoin de
qualifier une telle entreprise de criminelle. Le procureur de La Haye
procède de façon similaire dans le cas de l'expulsion massive de
membres d'un groupe national ou ethnique déterminé. Quand l'expulsion
d'Albanais est en jeu, il s'agit d'un crime horrible. Ou comme le
procureur de La Haye l'a décrit lui-même : "Les forces de la RFY et de
Serbie ont, sciemment et systématiquement, procédé à la déportation et
au transfert de centaines de milliers d'Albanais du Kosovo expulsés de
leurs foyers sur l'ensemble du territoire de la province du Kosovo.
Pour favoriser ces expulsions et ces transferts de population, les
forces de la RFY et de Serbie ont créé sciemment une atmosphère de peur
et de terreur en se servant de la force, de menaces d'utiliser la force
et d'actes d'agression". Le procureur de La Haye ajoute aussitôt que
dans la période entre le 1er janvier 1999 (ou à peu près) et le 20 juin
1999, près de 800.000 civils albanais du Kosovo ont été expulsés de
force. Il est inexcusable, cependant, que ce même procureur ne
manifeste pas le moindre sentiment à l'égard de l'expulsion massive,
des transferts forcés et des souffrances de la population serbe et
non-albanaise du Kosovo et de Métochie, puisqu'il était tenu de noter,
au moins, que, sous la protection des forces du pacte Atlantique, les
forces armées albanaises ont, sous les menaces et en utilisant la force
brute, procédé à l'expulsion délibérée et systématique de leurs foyers
de près de 300.000 Serbes, Roms et autres non-Albanais. Sans parler de
l'expulsion en masse et du nettoyage ethnique de plus de 300.000 Serbes
chassés de Croatie en 1995 à l'occasion des actions militaires connues
sous le nom de "Eclair" et "Tempête". Le procureur de La Haye continue
en affirmant que les forces yougoslaves et serbes ont sciemment et
systématiquement détruit les biens appartenant aux civils albanais du
Kosovo et de Métochie.
"Ceci a été accompli par la propagation d'attaques à la grenade de
villes et de villages ; d'incendies et de destructions du patrimoine, y
compris des propriétés rurales, des magasins et des édifices religieux;
et la destruction de biens personnels".
Grâce à ces actions orchestrées, les Albanais du Kosovo - conclut le
procureur n'étaient plus en mesure d'habiter dans leurs villages,
villes et régions entières. Mais, lorsque des Albanais en armes, sous
la protection du pacte Atlantique, ont franchi les frontières albanaise
et macédonienne, et pénétré au Kosovo et en Métochie, leur premier
geste a été d'incendier et de détruire les demeures serbes dans les
centres urbains ainsi que dans les villages et les régions habités par
des Serbes, afin que ceux-ci ne puissent plus revenir dans leurs foyers
ancestraux. Tout ceci était connu de façon détaillée par le procureur
de La Haye, mais celui-ci n'en a pas fait mention, et encore moins mis
en accusation les auteurs de ces crimes. Une attention spéciale est
consacrée à l'atmosphère de terreur que les forces armées yougoslaves
et serbes auraient créée afin de pousser les Albanais à quitter le
Kosovo. "De nombreux Albanais du Kosovo, note le procureur de La Haye,
qui n'avaient pas été expulsés de force de leurs foyers, se sont enfuis
à cause du climat de terreur créé par la propagation systématique de
brutalités, de mauvais traitements, d'agressions sexuelles,
d'arrestations illégales, d'assassinats, d'attaques à la grenade et
d'incendies dans toute la province." Le procureur n'a toutefois pas
observé que le plus grand nombre de Serbes et d'autres non-Albanais du
Kosovo et de Métochie n'ont pas été directement expulsés de leurs
foyers, mais qu'ils se sont enfuis en raison d'assassinats
systématiques, d'incendies provoqués et d'autres formes d'intimidations
et de sévices qui revêtent, à la différence des agressions précédentes
contre des Albanais, un caractère permanent. Les forces yougoslaves et
serbes ont été finalement accusées d'avoir créé sciemment "un climat de
terreur qui s'est étendu sur tout le territoire du Kosovo". Le fait de
qualifier de terroriste l'activité des forces armées du pays agressé
amène à s'interroger sur l'activité armée de la prétendue armée de
libération du Kosovo (UCK). Bien que le procureur de La Haye ait
reconnu que "ce groupe avait justifié la campagne d'insurrection armée
et de résistance violente aux autorités serbes" et avait, à partir de
l'été 1996, "initié des attaques dirigées principalement contre les
forces de police serbes", de telles actions n'avaient rien
d'inconvenant et revêtaient encore moins un caractère terroriste
éventuellement punissable. Le procureur de La Haye observe qu'"à partir
de la fin février 1998, il y a eu une intensification des heurts entre
l'UCK et les forces yougoslaves et serbes et qu'au cours de cette
période, un certain nombre d'Albanais du Kosovo et de Serbes du Kosovo
ont été tués."
Le procureur, cependant, ne qualifie d'aucune manière le meurtre de
Serbes, tout en précisant que dans les régions où l'UCK était active,
les forces yougoslaves et serbes ont "mené une campagne d'attaques à la
grenade contre les localités et villages majoritairement albanais, ce
qui a entraîné la propagation des destructions des biens et des
expulsions de la population civile." Le procureur invoque à ce propos
la résolution n° 1160 du Conseil de sécurité de l'ONU du mois de mars
1998 qui "condamne l'usage d'une force démesurée de la part de la
police serbe contre les civils et les manifestants pacifiques au
Kosovo". On est ainsi confronté à ce paradoxe surprenant selon lequel
la mort de quelques civils lors des combats menés contre des Albanais
en armes reflète un usage démesuré de la force, alors que l'assassinat
de milliers de civils en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003 lors
des bombardements menés au hasard correspond à un usage mesuré d'une
force autorisée.
Une justice "africaine"
A l'époque lointaine où il y avait en Afrique des tribus sauvages sans
aucun lien avec la civilisation européenne, un missionnaire catholique
demanda un jour au chef d'une de ces tribus ce qui, pour lui,
correspondait respectivement au bien et au mal. Après avoir réfléchi,
le chef de tribu répondit alors : "Le bien, c'est quand nous attaquons
la tribu voisine et nous emparons de leurs femmes et du bétail. Quant
au mal, eh bien, c'est quand la tribu voisine agit ainsi avec nous !"
C'est précisément comme cela que procède le tribunal de La Haye.
Lorsque des Albanais en armes s'efforcent d'instaurer leur contrôle
sur le Kosovo et la Métochie, il s'agit d'une bonne action. Mais quand
les forces armées de la République fédérale de Yougoslavie et de Serbie
tentent de restaurer leur contrôle sur certaines parties du Kosovo et
de la Métochie, il s'agit d'une mauvaise action. Lorsque des Albanais
sont expulsés du Kosovo et de Métochie, il s'agit d'un crime horrible.
Mais lorsque la même chose arrive aux Serbes, il ne s'agit aucunement
d'un crime punissable. Lorsqu'on détruit sciemment et systématiquement
le patrimoine de civils albanais, il s'agit d'un crime de guerre. Mais
quand on détruit sciemment et systématiquement des biens serbes, il
s'agit d'un dommage collatéral non punissable pour lequel les Serbes
eux-mêmes sont coupables. Lorsque les forces armées yougoslaves et
serbes créent une atmosphère de terreur généralisée, il s'agit d'un
terrorisme d'Etat. Mais lorsque durant cinq ans les Serbes se trouvent
expulsés du Kosovo et de la Métochie à la suite d'assassinats,
d'incendies volontaires de leurs maisons, de mauvais traitements et
d'intimidations diverses et qu'on les empêche ainsi de revenir dans
leurs foyers ancestraux, il ne s'agit que d'épanchements anodins d'un
mécontentement albanais dont les Serbes assument à nouveau seuls la
responsabilité. Lorsque les forces armées yougoslaves et serbes
attaquent des groupes en armes de l'UCK et créent ainsi un "climat de
terreur", il s'agit d'un crime inexcusable. Mais lorsque des membres de
l'UCK attaquent et tuent des policiers serbes, il s'agit d'une lutte
légitime pour la libération.
En fin de compte, quand les autorités yougoslaves et serbes ont
recours à la force pour s'opposer à l'insurrection armée des Albanais,
il s'agit d'un usage démesuré de la force contre des civils et des
manifestants pacifiques. Mais quand les Etats-Unis d'Amérique et la
Grande Bretagne attaquent l'Irak en 2003 sans consultation ni
autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies et tuent à cette
occasion des milliers d'habitants civils, il s'agit d'un recours mesuré
à la force armée et d'un dommage collatéral anodin. C'est ainsi que
procède aujourd'hui le chef africain à La Haye. Jusqu'à présent, nous
avions supposé que les juristes qui avaient élaboré les statuts et les
règlements du tribunal de La Haye étaient au moins de bons connaisseurs
du droit public international, même s'ils n'étaient pas en mesure
d'introduire et de définir le concept de culpabilité comme condition
essentielle de la responsabilité pénale. L'acte d'accusation contre les
généraux Pavkovic, Lazarevic, Lukic et Djordjevic permet de mettre en
doute cette hypothèse de départ.
A la fin de cet acte d'accusation, le procureur affirme que, le 24
mars 1999, le pacte Atlantique a lancé des frappes aériennes (air
strikes) dirigées contre des objectifs situés en République fédérale de
Yougoslavie, et que celle-ci a décrété l'état de guerre ce jour-là. Sur
la base d'une telle qualification, il semble que le procureur de La
Haye ne savait pas répondre à la question suivante : comment
qualifie-t-on l'action de pays étrangers à l'origine d'une guerre
internationale ? La réponse du point de vue du droit international est
simple : il s'agit d'une agression. Et comme cette agression a été
réalisée sans l'accord ni l'autorisation du Conseil de sécurité des
Nations Unies, il s'agit en même temps du plus grand des crimes : le
crime contre la paix pour lequel les dirigeants nazis ont eu à répondre
devant le tribunal de Nuremberg. Il semble que cette simple leçon n'ait
pas encore été assimilée par le procureur de La Haye.
par le professeur Kosta CAVOSKI
Etude publiée dans le n° de mars 2004 de la revue Princip (Belgrade)
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Oggetto: [icdsm-italia] Milosevic (en francais)
Milosevic (en francais)
1. L’ICTY et la décimation de la Yougoslavie – Une histoire de famille
(Ian Johnson - 02/09/2004)
2. Protestation contre l'imposition d'un avocat à Milosevic (Aldo
Bernardini - 03/09/2004)
3. Ramsey Clark : Le 'tribunal' saborde ses dernières prétentions à la
légalité (02/09/2004)
4. La défense de la patrie est-elle un acte criminel ? (Pr. Kosta
Cavoski - 01/09/2004)
---( 1 )---
L’ICTY et la décimation de la Yougoslavie – Une histoire de famille
Ian Johnson 02/09/2004
source : CDSM-UK
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=23007
Traduction Jean-Marie Flémal
« Messieurs, vous ne pouvez imaginer quel privilège c’est, même dans
les conditions que vous m’avez imposées, d’avoir la vérité et la
justice de mon côté. »
SLOBODAN Milosevic, 1er septembre 2004.
C’est une histoire de famille, et il s’agit d’une grosse famille. Elle
comprend les puissances de l’Otan qui ont bombardé la Yougoslavie et le
tribunal de La Haye qui traîne en justice les victimes mêmes de ces
bombardements.
Les gouvernements occidentaux, non contents d’effacer l’Etat souverain
de la Yougoslavie de la carte du monde, ont même instauré, financé et
doté de personnel un tribunal illégal chargé de régler définitivement
la question. Le procureur en chef du tribunal international pour
l’ancienne Yougoslavie (ICTY) est originaire de l’Amérique du Nord,
comme l’était également son prédécesseur. La prétendue « mère » du
tribunal est américaine, le principal juge dans le procès intenté
contre Slobodan Milosevic est britannique, à l’instar de son
prédécesseur. L’accusateur dans cette même affaire est britannique
également, les 1.300 personnes attachées au tribunal sont en grande
majorité des Britanniques et des Américains et ce sont les
gouvernements de l’Otan et leurs services de renseignements qui sont
chargés de rassembler les « preuves » et de dénicher des « témoins »
afin de satisfaire le tribunal.
Etant donné les faits énoncés ci-dessus, de même que le fait que les
puissances se trouvant derrière la création de ce tribunal ont un
intérêt direct dans le résultat de la procédure, quelle personne saine
d’esprit pourrait vraiment affirmer que ces accusés auront un procès
équitable ?
En décembre 2001, The Guardian demandait à un juriste britannique si
le tribunal de La Haye assurait un système de justice qui condamnait
correctement les coupables et acquittait de même les innocents.
Le juriste répondit : « (…) Si on revenait en arrière et qu’on y
regardait de plus près, le jugement de tout observateur impartial
serait qu’il s’agit d’un forum assurant un procès équitable. »
Ce juriste britannique s’appelait Stephen Kay.
Monsieur Stephen Kay, qui exerce ses talents au tribunal de Grays Inn,
à Londres, vient tout juste d’être désigné comme conseiller de la
défense de Slobodan Milosevic, à l’encontre des souhaits particuliers
de l’ancien président yougoslave.
Monsieur Kay est devenu tellement apprécié par le tribunal de La Haye
qu’il avait également été désigné comme conseiller de la défense dans
le premier procès à spectacle contre Dusko Tadic, en 1996. Après que
Monsieur Kay eut assuré la défense de Monsieur Tadic, le tribunal avait
infligé à ce dernier une sentence d’emprisonnement de 20 ans.
Monsieur Kay également été actif au tribunal d’Arusha, le tribunal
pénal international pour le Rwanda (ICTR), jumeau du tribunal de La
Haye.
Au tribunal d’Arusha, il travailla pour Alfred Musema, le premier
civil à avoir été accusé de génocide. Après que Monsieur Kay se fut
chargé de la défense de Monsieur Musema, la cour infligea à ce dernier
une sentence d’emprisonnement à vie.
Le résultat final, par conséquent, a été que les deux clients de
Monsieur Kay ont été condamnés pour les principaux chefs d’accusation
relevés contre eux.
Monsieur Kay n’est pas un étranger, pour Monsieur Milosevic, puisqu’il
fait partie des amici curiae (les amis de la curie) désignés par le
tribunal dans la partie des poursuites du procès. Dans une telle
situation, Monsieur Kay a été parfaitement mis au courant de
l’insistance de Monsieur Milosevic quant à ses droits légaux à assurer
lui-même sa propre défense. En dépit de cette connaissance, il appert
que Monsieur Kay n’a, à aucun moment, hésité à tremper dans cette
récriture des lois internationales.
La chose est expliquée dans la lettre (intitulée « Le fait d’imposer
un conseiller à Slobodan Milosevic menace l’avenir des lois
internationales et la vie même de l’accusé ») qui a été adressée aux
Nations unies et a, depuis lors, été signée par plus de cent avocats et
juristes. Voici ce que dit cette lettre :
« Le droit de se défense soi-même contre des accusations criminelles
revêt une place importante à la fois dans la législation internationale
et dans la structure même du système à deux parties adverses. Les
droits fondamentaux minimaux accordés à un accusé, conformément aux
statuts de Rome du Tribunal international pénal, ainsi qu’aux statuts
des tribunaux internationaux pénaux pour le Rwanda et la Yougoslavie,
comprennent le droit d’assurer soi-même sa propre défense. »
La lettre contient également cette mise en garde :
« Dans la longue histoire de la juridiction britannique, il n’y eut
jamais qu’un seul tribunal à avoir adopté la pratique consistant à
imposer contre son gré un conseiller à un accusé lors d’une procédure
criminelle. Ce tribunal n’était autre que la Chambre étoilée. Cette
institution bizarre, qui fut très florissante à la fin du 16e siècle et
au début du 17e, présentait un caractère mixte : exécutif et judiciaire
et, de façon caractéristique, elle s’éloignait de la tradition du droit
commun. Pour ces raisons et du fait qu’elle s’était spécialisée dans le
jugement de délits « politiques », la Chambre étoilée a symbolisé
durant des siècles le mépris des droits individuels fondamentaux. »
Correctement, la lettre dégage la conclusion suivante :
« (…) puisque l’accusé est amené à présenter des preuves essentielles
et potentiellement embarrassantes, la hâte d’en finir est manifestement
devenue la préoccupation première du tribunal. »
Avant que Stephen Kay n’accepte la charge de conseiller de la défense,
un autre ancien amicus curiae du procès de La Haye, Branislav
Tapuskovic, s’est vu demander s’il ne désirait pas assumer la charge de
conseiller de la défense.
Il répondit : « J’ai respecté la c lause de l’article 21, point 4/d
des statuts de l’ICTY, selon laquelle tout accusé se voit garantir le
droit d’être jugé en sa propre présence et d’assurer lui-même sa propre
défense. » (dans le quotidien allemand Junge Welt, 30 août 2004.)
Le journal posait une question supplémentaire : « Des voix critiques
disent que le fait d’imposer un conseiller à Monsieur Milosevic
constitue une tentative d’empêcher de dernier de présenter ses faits et
ses témoins. Commentaire, s’il vous plaît ? »
Monsieur Tapuskovic de répondre : « Le procès ne peut être valable si
Slobodan Milosevic ne présente pas ses preuves. » (ibidem.)
Une réponse de principe et des principes qui, de toute évidence, ne
sont pas partagés par certains de ses collègues.
Dans son nouveau rôle, Stephen Kay bénéficiera de l’assistance d’un
autre avocat, Gilian Higgins.
Bien que son nom soit connu depuis quelques années, son non complet
est en fait Gilian Kay Higgins. Elle est la fille de Stephen Kay. Il
s’agit donc bien d’une affaire de famille, effectivement.
Le fait d’imposer un conseiller à la défense viole non seulement les
droits légaux de Monsieur Milosevic, mais il vise également à saboter
la cause même de la défense.
Dans sa déclaration d’ouverture, au début de sa défense, Slobodan
Milosevic a dénoncé par le menu les violations répétées de la
souveraineté yougoslave au cours de la décennie écoulée, violations
qui, en fin de compte, ont débouché sur la guerre illégale de l’Otan.
Slobodan Milosevic a désagréablement surpris la cour par l’étendue de
ses connaissances et son souci du détail, lesquels ont démontré avec
vigueur les actions illégales des puissances occidentales.
Manifestement, il fallait le réduire au silence.
Ian Johnson,
Coordinateur du CDSM-UK,
2 septembre 2004.
---( 2 )---
Protestation contre l'imposition d'un avocat à Milosevic
Aldo Bernardini 03/09/2004
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=23005
Rome, le 3 septembre 2004.
En tant que modeste spécialiste du droit international, je suis
totalement horrifié face aux dernières mesures prises par le
« tribunal » de La Haye (par les juges aussi bien que par le procureur)
dans l’affaire Milosevic.
Le fait d’imposer un avocat au président Slobodan Milosevic constitue
un acte de violence brutale qui ne prouve que le désarroi du
« tribunal » et son impossibilité à contrer les arguments de Slobodan
Milosevic. La façon de poursuivre et de terminer son « boulot », dans
cette condamnation programmée à l’avance, consiste à réduire le
président Milosevic au silence.
Un « tribunal » illégal, instauré par le Conseil de sécurité des
Nations unies via une interprétation arbitraire et dictatoriale de la
Charte, une accusation monstrueuse reposant sur une construction
artificielle qui, elle-même, se base sur des présomptions étrangères
aux dispositions des statuts des l’ICTY et contraires au principe
fondamental du « nullum crimen sine lege » (il n’y a pas de crime sans
loi), aux principes généraux de la législation pénale de chaque pays,
aux droits de l’homme en la matière et à la règle de la stricte
interprétation en vigueur dans les lois criminelles ; dans un tel
contexte, des juges « honorables » devraient au moins respecter leurs
statuts, c’est-à-dire ceux de l’ICTY. Ils devraient savoir qu’aucune
analogie ou interprétation plus que générale n’est permise : « in
claris non fit interpretatio », c’est-à-dire aucune interprétation
(personnelle) n’est permise là où la lettre de la loi est claire.
L’article 21, paragraphe 4 des statuts de l’ICTY dit expressément que
l’accuse « sera assuré des garanties minimales suivantes : d) être jugé
en sa présence et assurer sa propre défense lui-même oui via une
assistance légale de son propre choix ». Cette formulation est claire
et ne permet ni déviation ni exception. Le « tribunal » ne peut se
substituer à l’accusé ni en choisissant entre « la défense de ce
dernier par lui-même » et « sa défense par le biais d’assistants
légaux », ni en choisissant de tels assistants.
Cette fait que l’ICTY impose une assistance au président Slobodan
Milosevic relève de la pire aberration et constitue la preuve finale du
caractère politique et arbitraire de l’ICTY et l’ensemble du procès
Milosevic (ainsi que des autres procès).
Aucun avocat honorable ne devrait coopérer à cette énormité. Le
Conseil de sécurité des Nations unies devrait condamner l’opération
mais, par-dessus tout, il devrait mettre fin aux agissement de ce
« tribunal de La Haye ».
Je proteste de toutes mes forces contre cette perversion de tout
concept judiciaire, de toute conception saine de la règle de la loi,
des droits fondamentaux de l’homme du président Milosevic. L’histoire
jugera l’ICTY et ses activités reposant sur une loi sans cesse
réinventée par ses propres juges, de la même manière que les
conceptions de la loi telles qu’elles étaient perverties par les nazis.
Aldo Bernardini
Traduction par Jean-Marie Flémal
---( 3 )---
Ramsey Clark : Le 'tribunal' saborde ses dernières prétentions à la
légalité
Ramsey Clark 02/09/2004
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22996
[Traduit par Jean-Marie Flémal]
Ramsey Clark, ancien secrétaire d’Etat américain à la Justice et
co-président du Comité international pour la Défense de Slobodan
Milosevic (CIDSM), y est allé de cette déclaration cet après-midi :
La législation internationale stipule que toute personne accusée d’un
délit quelconque a le droit de se représenter personnellement face au
tribunal qui traite son cas. Slobodan Milosevic ne fait nullement
exception à cette règle. La chambre de jugement du Tribunal criminel
international pour l’ancienne Yougoslavie a sabordé ses dernières
prétentions à la légalité en tentant de priver l’ancien président de la
Yougoslavie de ce droit de l’homme fondamental.
La comparution du président Milosevic, qui s’est représenté lui-même
durant le procès qui dure depuis plus de deux ans, soit presque 300
journées d’audience, qui a contre-interrogé presque 300 témoins à
charge, affronté quelque 500.000 documents, 30.000 pages de
retranscriptions du procès, puis, au tout début de la présentation de
sa propre défense, a été réduit au silence et s’est vu imposer des
avocats qu’il récuse et qui doivent prendre sa destinée en charge, est
une injustice flagrante.
Le président Milosevic a présenté lui-même avec vigueur sa déclaration
d’ouverture de sa propre défense en deux journée, les 31 août et 1er
septembre 2004, juste avant que le tribunal ne décide qu’il « n’est pas
suffisamment en état de se représenter lui-même ». « En état »,
apparemment, il l’était suffisamment pour accomplir cette tâche. Si le
temps vient où des médecins dignes de foi, y compris les siens,
estiment qu’un rythme plus lent est nécessaire pour protéger sa santé,
ou que tout effort supplémentaire de sa part, en ce moment, peut
altérer sa santé, dans ce cas, la seule éventualité acceptable est de
suivre un emploi du temps qui fasse honneur à son droit à se défendre
lui-même en personne et qui protège ses capacités à le faire. La vie,
la vérité et la justice importent davantage que les horaires des
tribunaux ou des chemins de fer.
Les avocats mêmes désignés par le tribunal ont un conflit direct
d’intérêts. Ils ont joué le rôle, en étant désignés par la cour,
d’amici curiae. On ne peut servir deux maîtres. En ayant été des amici
curiae, ces mêmes conseillers choisis par le tribunal pour représenter
le président Milosevic ne peuvent moralement lui servir de conseillers.
Aucun avocat pouvant être désigné pour représenter le président
Milosevic n’a interviewé ses témoins, ne connaît les témoignages qu’ils
peuvent fournir, ni les questions qu’il faut leur poser, ni ne sait
quelles pourraient être leurs réponses. La préparation professionnelle
– et ceci n’a rien d’un cas ordinaire – exigerait des mois de travail.
Le tribunal doit abandonner cette parodie de justice et accomplir son
devoir de façon responsable, en tenant compte de la santé de l’accusé
pour auditionner les preuves, dégager les faits et appliquer la loi
avec crédibilité et compétence, en toute indépendance et impartialité.
Ramsey Clark
New York
2 septembre 2004
---( 4 )---
La défense de la patrie est-elle un acte criminel ?
Pr. Kosta Cavoski 01/09/2004
source : Balkans-Info / Princip (Belgrade)
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22999
D'une manière tout à fait inattendue pour une opinion non initiée,
Caria del Ponte, le procureur du TPI de La Haye, a rendu public, le 20
octobre 2003, un acte d'accusation contre les généraux de l'armée
yougoslave Nebojsa Pavkovic et Vladimir Lazarevic, ainsi que les
généraux de la police yougoslave Sreten Lukic et Vlastimir Djordjevic.
Cet acte d'accusation restera mémorable par la façon dont on a
échafaudé le concept d'association criminelle, qui, outre les quatre
généraux cités ci-dessus, englobe également les plus hauts responsables
yougoslaves et serbes.
Afin de faciliter la compréhension et la portée d'une telle
construction, on utilisera l'exemple suivant. Supposons que, pendant
l'agression du pacte Atlantique contre notre pays (Serbie + Monténégro)
en 1999, quand furent commis de nombreux et graves crimes de guerre, le
procureur de l'époque du TPI, Louise Arbour, ait, dans le but d'établir
la responsabilité pénale des principaux coupables, mis en lumière
l'association criminelle constituée par Bill Clinton, Tony Blair,
Jacques Chirac, Gerhard Schröder, Javier Solana, Wesley Clark et
d'autres hauts dignitaires des pays du pacte Atlantique et leurs
principaux chefs militaires. Ceci aurait non seulement provoqué des
conséquences politiques incroyables mais aurait été également
considéré, du point de vue juridique, comme insuffisamment crédible et
contestable.
Car, pourquoi, par exemple, le Premier ministre d'Espagne ou celui
d'Italie auraient-ils été pénale ment responsables de l'attaque d'un
avion américain sur un pont et un train de voyageurs dans le défilé de
Grdelic, le 12 avril 1999, ou du bombardement de l'immeuble de la
Radio-télévision de Serbie le 23 avril 1999, dès lors que nul ne les
avait interrogés auparavant sur l'opportunité d'une telle action ?
Et comment d'ailleurs peut-on évoquer une association criminelle
constituée par des hommes aussi divers en charge d'Etats, d'armées et
de peuples, même lorsqu'une partie de leurs forces armées agit dans le
cadre d'une même organisation militaire ?
Même si on faisait de George Bush junior, de Tony Blair et de leurs
chefs militaires, une association criminelle afin de faire supporter
par tous ses membres l'entière responsabilité de tous les crimes de
guerre graves commis sur des enfants, des femmes et d'autres civils en
Afghanistan et en Irak, qui se déroulent encore aujourd'hui, grâce à la
télévision, sous les yeux du monde entier, il est vraisemblable que de
nombreux analystes indépendants et impartiaux affirmeraient que ceci
est exagéré. Car, dans la conscience morale de l'homme contemporain,
prévaut la conviction que la responsabilité pénale doit être
strictement individualisée, de sorte qu'on ne peut a priori, du fait de
l'élaboration conceptuelle d'une organisation criminelle, répondre pour
des actes commis par d'autres.
Deux poids, deux mesures
Or, ce qui n'est pas admissible lorsqu'il s'agit des plus hauts
dignitaires et chefs militaires des pays les plus puissants
d'aujourd'hui, apparaît tout à fait réalisable dans le cas de certains
vieux pays balkaniques et d'Etats dénués de souveraineté, où on peut
impunément échafauder des constructions criminelles, telles que la
propagation d'intentions génocidaires, la formation d'associations
criminelles composées soi-disant de plusieurs milliers de membres et la
responsabilité objective pour des actes commis par autrui, en vertu
d'une prétendue responsabilité de commandement. C'est précisément ainsi
qu'on a procédé dans le cas des mises en accusation des généraux
Pavkovic, Lazarevic, Djordjevic et Lukic, en raison de crimes
soi-disant commis contre l'humanité ainsi que contre les lois et les
pratiques de la guerre. Il s'agit d'une "entreprise criminelle
collective" (joint criminal enterprise) constituée par Pavkovic,
Lazarevic, Djordjevic et Lukic, avec Slobodan Milosevic, Milan
Milutinovic, Nikola Sainovic, Dragoljub Ojdanic, Vlajko Stojilkovic et
d'autres membres connus et inconnus, qui pourraient représenter
quelques centaines ou quelques milliers, au gré du procureur de La Haye
et indépendamment des capacités disponibles du Tribunal lui-même. Il
s'agit par conséquent d'un concept de groupe organisé de criminels qui
est susceptible d'être élargi sans limites conformément à une analyse
politique consistant à faire pression sur notre pays, le faire chanter
et l'humilier. Chacun s'interrogera pour savoir pourquoi on a forgé un
tel concept d'association criminelle. La raison en est que, grâce à
cette construction, tout membre supposé d'une telle association est
amené à répondre pénalement pour tous les actes que les autres membres,
connus ou non, ont commis, dans la mesure où ces actes se trouvent
inclus dans un plan criminel préparé par l'association. Le but étant de
créer, au lieu d'une responsabilité de commandement, objective par
nature, l'apparence d'une responsabilité subjective individualisée.
Grâce à ce type de construction, le procureur était en mesure
d'affirmer que les accusés "avaient planifié, inspiré, commandé,
exécuté, soutenu de diverses façons et favorisé la planification, la
préparation ou l'exécution de tels crimes". Peu après, le procureur a
élargi la signification du terme "exécuté" {committed), en expliquant
qu'il "n'avait pas l'intention de laisser penser qu'un des accusés a
exécuté lui-même (physiquement) un acte dont il se trouve accusé.
L'exécution (committing) dans un tel acte d'accusation vise la
participation, en tant que membre, à une entreprise criminelle
collective". On en arrive ainsi à la découverte inattendue que le
tribunal de La Haye n'a, jusqu'à présent, accusé aucun exécutant direct
d'un crime que celui-ci aurait lui-même commis : ce tribunal ne
poursuit pénalement que les prétendus complices de ces exécutants
directs.
Mais qu'est-ce qui, aux yeux du procureur de La Haye, constitue "une
entreprise criminelle collective", liant les exécutants directs et
leurs prétendus complices occupant les plus hautes fonctions civiles et
militaires ? Le procureur de La Haye a apporté à ce sujet la précision
suivante : "Le but de cette entreprise criminelle était, entre autres,
d'expulser une partie essentielle de la population albanaise du Kosovo
du territoire de cette province, afin d'assurer un contrôle approfondi
de cette province par les Serbes. Afin de réaliser cet objectif
criminel, chacun des accusés, agissant individuellement ou en groupe et
avec d'autres personnes, connues et inconnues, a contribué
significativement à cette entreprise criminelle, en utilisant de jure
et de facto tous les pouvoirs à sa disposition". Il apparaît ainsi que
toute tentative des organes légitimes de la République fédérale de
Yougoslavie et de la Serbie de préserver leur autorité souveraine sur
une partie de leur territoire officiel, correspond en soi à une visée
criminelle. Il en serait de même si on affirmait que l'Etat français
essaie, en persécutant les séparatistes corses, de perpétuer le
contrôle français sur la Corse.
Le procès d'intention
Pour le procureur de La Haye, cette construction fragile d'une
"entreprise criminelle collective" a constitué une raison suffisante
pour estimer que l'entreprise criminelle considérée recouvre tous les
actes criminels évoqués dans l'acte d'accusation, et qui ont pu être
commis par d'autres participants inconnus d'une telle "entreprise". Or,
comme de telles affirmations n'apparaissaient pas suffisamment
convaincantes, le procureur de La Haye a ajouté une explication
alternative, selon laquelle tous ces crimes "étaient des conséquences
naturelles et prévisibles d'une entreprise criminelle collective, alors
que les accusés étaient conscients que de tels crimes étaient le
résultat probable d'une entreprise criminelle collective". Cependant,
les accusés, tout en étant conscients des conséquences prévisibles, ont
pris une participation volontaire, selon le procureur, dans
l'entreprise criminelle collective. Mais pour ce type de responsabilité
criminelle en qualité de complice, le procureur a ajouté que "chacun
des accusés et des autres participants à l'entreprise criminelle
collective partageaient les intentions et le niveau de conscience
indispensables pour accomplir chacun des crimes considérés". Pour le
procureur, il s'agissait d'une raison suffisante pour conclure que
"chacun des accusés et chacun des autres participants à cette
entreprise criminelle collective supportent une responsabilité
individuelle criminelle pour les forfaits énumérés".
En d'autres termes, le fait d'être complice dans une telle entreprise
criminelle collective les rend individuellement responsables pour des
crimes commis par d'autres membres inconnus de cette "entreprise".
Ainsi, un individu pourrait être tenu responsable pour des actes commis
par des dizaines de milliers de membres inconnus d'une même "entreprise
criminelle collective". Une attention particulière doit être accordée à
la période visée par l'acte d'accusation, où s'est déroulée cette
soi-disant "entreprise criminelle". Cette période aurait débuté "le 1er
janvier 1999 ou à peu près à cette date et a duré jusqu'au 20 juin
1999", lorsque s'est achevée l'agression du pacte Atlantique contre la
République fédérale de Yougoslavie (RFY). Mais comme cette agression
avait commencé le 24 mars 1999, le procureur de La Haye n'a
manifestement pas voulu que le début de cette "entreprise criminelle"
soit assimilé au commencement de l'agression, ce qui l'a amené à
avancer la date du 1er janvier 1999, afin qu'on n'ait pas l'impression
que tous les crimes imputés aient été commis précisément au cours de
cette guerre. Grâce à un tel déploiement chronologique des crimes
imputés, on en est arrivé à un paradoxe inattendu : alors que
l'agression du pacte Atlantique contre la RFY a donné lieu à plusieurs
milliers de bombardements commis pour la plupart au hasard, le
procureur de La Haye a estimé qu'aucun crime de guerre n'a été perpétré
à cette occasion - tandis que les défenseurs connus et inconnus du pays
attaqué ont commis, dans le cadre d'une "entreprise criminelle
collective" un grand nombre de crimes de guerre horribles, dans le but
d'assurer "un contrôle serbe approfondi" sur le Kosovo et la Métochie.
On découvre ainsi, de façon surprenante, que la défense de l'intégrité
territoriale et de la souveraineté de son propre pays constitue un
crime en soi, et que ceux qui avaient, du fait de leurs fonctions dans
l'Etat, l'armée et la police, l'obligation constitutionnelle et légale
d'organiser la défense de leur pays sont, en fait, les plus grands
criminels.
Il n'est pas exclu que le procureur de La Haye ait pressenti que la
prétendue complicité dans une "entreprise criminelle collective" ne
représente pas une base suffisante de la responsabilité pénale d'un
individu pour des actes commis par d'autres. Il a donc introduit une
deuxième base de responsabilité pour des actes commis par des
subordonnés : il s'agit de la prétendue "responsabilité de
commandement".
Responsable de ses subordonnés
"Alors qu'ils occupaient des postes de pouvoir élevé, affirme le
procureur de La Haye, Pavkovic, Lazarevic, Djordjevic et Lukic ont été
également pénalement responsables, sur une base individuelle, des actes
ou des manquements (aux lois et règlements) de leurs subordonnés,
conformément à l'article 7 (3) des statuts du tribunal. Le supérieur
est responsable des actions criminelles de ses subordonnés dans la
mesure où il connaissait ou avait des raisons de savoir que ses
subordonnés sont sur le point de commettre de tels actes ou en ont
l'intention, et dans la mesure où le supérieur a omis de prendre des
mesures urgentes et raisonnables afin d'empêcher de tels actes ou de
punir leurs auteurs".
A la différence de la prétendue responsabilité individuelle des
participants à une "entreprise criminelle collective", la
responsabilité de commandement constitue une responsabilité objective
pour des actes commis par d'autres, c'est-à-dire la responsabilité d'un
supérieur pour les actions commises par ses subordonnés. C'est pourquoi
ce concept est discutable en soi et il n'est pas surprenant que dans la
majeure partie des systèmes judiciaires civilisés (y compris dans notre
pays), il ne se trouve pas appliqué, si ce n'est dans des cas
exceptionnels et dans un périmètre très restreint. Un exemple récent
qui confirme cette pratique est fourni par le procès des personnes
accusées d'avoir assassiné l'ancien Premier ministre serbe Zoran
Djindjic. Parmi celles-ci, se trouve Zvezdan Jovanovic,
lieutenant-colonel de la police et membre de l'unité chargée des
opérations spéciales, plus connue sous le nom de "Bérets rouges". Si le
principe de la responsabilité de commandement était retenu dans notre
droit criminel, aux côtés de Zvezdan Jovanovic se trouverait à coup sûr
son supérieur hiérarchique, le ministre de l'Intérieur Dusan
Mihajlovic. Et si notre système judiciaire suivait la pratique du
procureur de La Haye Caria del Ponte, on devrait également trouver sur
le banc des accusés la personne qui faisait fonction de Président de la
République de Serbie à l'époque des faits, c'est-à-dire la Présidente
du Parlement, Natasa Misic.
Pas d'application aux Etats-Unis
II est intéressant de noter que, dans le droit pénal américain, on
n'applique pas non plus la prétendue responsabilité de commandement ;
même dans les cas de crimes de guerre, qui constituent la partie la
plus controversée de cette discipline juridique et correspondent à une
responsabilité objective incontestable, on ne l'applique pas non plus.
Un cas significatif de cette pratique est fourni parle procès intenté
au lieutenant William Calley, dont l'unité militaire a été accusée
d'avoir commis le massacre de plus de cent civils dans la localité de
My Lai au Vietnam, en 1968. Le lieutenant Calley a été accusé des
assassinats commis par ses subordonnés. En 1971, il a été jugé coupable
du meurtre de 22 civils et de la tentative d'assassinat d'un enfant,
donc pour des actes qu'il avait commis lui-même, et non pour les autres
meurtres commis par ses subordonnés. Et, ce qui est encore plus
important, il n'a pas été condamné en vertu du code pénal militaire
(Uniform Code of Military Justice), qui, même s'il incrimine des crimes
de guerre, ne prévoit pas de responsabilité de commandement - mais en
vertu du droit pénal ordinaire, applicable aux Etats-Unis. Il faut
souligner que d'autres soldats, subordonnés au lieutenant Calley, n'ont
pas été accusés, et encore moins condamnés, car ils "agissaient sur
ordre de leur supérieur hiérarchique immédiat", bien qu'il ait été
évident que les ordres considérés avaient un caractère criminel, de
sorte que leur exécution correspondait à un acte criminel caractérisé.
Dans cette affaire, on avait soulevé le problème de la responsabilité
du supérieur hiérarchique de Calley, le capitaine Médina, et de leur
supérieur commun, le général Coster. Le procureur militaire a estimé,
cependant, que le général Coster n'était pas responsable de quoi que ce
soit, et n'a poursuivi que le capitaine Médina pour les crimes commis
par ses subordonnés. Le tribunal a toutefois libéré celui-ci de toute
responsabilité, puisqu'il a été établi qu'il n'était pas au courant de
ce dont il était censé être au courant, c'est-à-dire que ses
subordonnés avaient commis des crimes. Il a été ainsi avéré que les
tribunaux américains n'appliquent pas le principe de la responsabilité
de commandement à l'occasion des procès intentés à leurs propres
citoyens accusés de crimes de guerre, alors que le gouvernement
américain exige avec opiniâtreté que les citoyens de l'ex-Yougoslavie
soient jugés à La Haye conformément au principe de la responsabilité de
commandement. Au-delà de la disposition incontestable selon laquelle
elle correspond à une responsabilité objective pour des actes commis
par d'autres, la responsabilité de commandement apparaît encore moins
convaincante et encore plus discutable lorsqu'elle implique le principe
de responsabilité rétroactive qui s'applique, sous certaines
conditions, après l'exécution de l'acte lui-même. En fait, selon
l'article 7(3) des statuts du tribunal de La Haye, un supérieur
hiérarchique est appelé à répondre pénalement des actes commis par ses
subordonnés si, après l'exécution de tels actes, il n'a pas châtié
leurs auteurs, ce qui signifie que la responsabilité pénale de ce
supérieur n'existe pas au moment de l'exécution de ces actes, mais
s'ajoute rétroactivement dans la mesure où les exécutants de ces actes
ne sont pas condamnés. Et, circonstance aggravante, dans la mesure où
une telle disposition serait appliquée à la lettre, un supérieur
hiérarchique ne pourrait nullement échapper à une telle responsabilité
rétroactive pour des actes commis par ses subordonnés. Car, dans le
droit américain aussi bien que dans le nôtre, le procès des personnes
accusées de crimes de guerre n'est pas de la compétence des tribunaux
militaires, mais bien des tribunaux ordinaires.
Le devoir des chefs
Grâce au principe de responsabilité rétroactive ainsi établi, un
supérieur hiérarchique est confronté à une tâche impossible : afin
d'échapper à la responsabilité pour crimes de guerre de ses
subordonnés, il devrait, du moins s'il n'a pas été en mesure de les
empêcher, les châtier de manière exemplaire. Mais il ne serait pas en
mesure de le faire, même s'il en avait la volonté, car une telle
décision n'est pas de sa compétence, conformément à la constitution et
aux lois en vigueur. C'est pourquoi, lorsque le tribunal de La Haye
condamne certains de nos commandants militaires ou civils, pour avoir
omis de punir leurs subordonnés, il fait le procès du système
judiciaire non seulement de notre pays, mais aussi d'autres pays qui
pratiquent convenablement la séparation des pouvoirs.
Enfin, la responsabilité de commandement comprise au sens large, telle
que le tribunal de La Haye l'invoque en pratique, ouvre une question de
grande portée : un individu peut-il répondre pour des actes accomplis
dans l'exercice de son rôle de représentant de l'Etat, sans franchir
les limites des prérogatives de sa fonction ? Dans le droit interne
d'un pays, ceci peut toujours constituer la base d'une clause
d'exception, alors que devant le tribunal de La Haye une telle cause
n'est absolument pas prise en considération. Ceci est très bien
illustré dans le cas des quatre généraux. Si l'on excepte la période
comprise entre le 1er janvier 1999 et le 24 mars 1999, que le procureur
de La Haye a incluse dans son acte d'accusation afin de ne pas faire
apparaître que les prétendus crimes de guerre ont été commis uniquement
pendant l'agression du pacte Atlantique contre la RFY, les généraux
considérés, à en croire l'acte d'accusation, n'ont pas accompli durant
cette guerre la moindre action personnelle qui aurait pu représenter le
plus petit manquement à la discipline, et encore moins un crime de
guerre ; ils ont - mais ceci n'est pas écrit dans l'acte d'accusation -
entrepris tout ce que la Constitution de leur pays, les lois en vigueur
et l'art militaire leur dictaient afin de défendre l'intégrité
territoriale de leur pays et de protéger sa population civile, ses
forces vives et ses capacités militaires. Aussi la question-clé
suivante s'impose-t-elle : la défense de son propre pays peut-elle être
un crime ? Ceci ne signifie évidemment pas qu'il n'y a pas eu de crimes
de guerre au cours de l'agression du pacte Atlantique contre la RFY.
Ils ont été commis aussi bien par les agresseurs que par les
défenseurs, mais beaucoup plus par les premiers, car seuls ceux-ci
pouvaient accomplir le pire de tous les crimes - le crime contre la
paix. En outre, dès qu'ils ont eu connaissance de certains crimes
commis par des membres de l'armée yougoslave, les généraux Pavkovic et
Lazarevic ont transmis des instructions aux procureurs militaires afin
d'enclencher la procédure pénale prévue en ce cas. Même s'ils l'avaient
voulu, ils ne pouvaient faire davantage, car la Constitution et les
lois en vigueur ne les rendaient pas compétents pour punir les crimes
de guerre. Or, le procureur de La Haye les poursuit aujourd'hui même
pour des actions qui n'étaient pas de leur compétence - pour avoir omis
de punir les exécutants véritables de crimes de guerre...En
outre, on leur impute la responsabilité de crimes prétendument commis
par leurs subordonnés, ce qui est inexcusable et absurde.
La premier indice montrant que la procédure suivie et la formulation
des décisions de justice ne sont pas correctes tient au traitement
inégalitaire appliqué dans des affaires plus ou moins semblables.
Ainsi, comme on l'a déjà dit, le procureur de La Haye qualifie de
dessein criminel "les efforts tendant à assurer un contrôle serbe
approfondi" sur le Kosovo et la Métochie. L'inverse, cependant, n'est
pas condamnable. En effet, les efforts des Albanais d'instaurer un
contrôle permanent sur le Kosovo et la Métochie et d'y établir un
second Etat albanais dans les Balkans ne provoquent pas la moindre
appréhension chez le procureur de La Haye, et encore moins le besoin de
qualifier une telle entreprise de criminelle. Le procureur de La Haye
procède de façon similaire dans le cas de l'expulsion massive de
membres d'un groupe national ou ethnique déterminé. Quand l'expulsion
d'Albanais est en jeu, il s'agit d'un crime horrible. Ou comme le
procureur de La Haye l'a décrit lui-même : "Les forces de la RFY et de
Serbie ont, sciemment et systématiquement, procédé à la déportation et
au transfert de centaines de milliers d'Albanais du Kosovo expulsés de
leurs foyers sur l'ensemble du territoire de la province du Kosovo.
Pour favoriser ces expulsions et ces transferts de population, les
forces de la RFY et de Serbie ont créé sciemment une atmosphère de peur
et de terreur en se servant de la force, de menaces d'utiliser la force
et d'actes d'agression". Le procureur de La Haye ajoute aussitôt que
dans la période entre le 1er janvier 1999 (ou à peu près) et le 20 juin
1999, près de 800.000 civils albanais du Kosovo ont été expulsés de
force. Il est inexcusable, cependant, que ce même procureur ne
manifeste pas le moindre sentiment à l'égard de l'expulsion massive,
des transferts forcés et des souffrances de la population serbe et
non-albanaise du Kosovo et de Métochie, puisqu'il était tenu de noter,
au moins, que, sous la protection des forces du pacte Atlantique, les
forces armées albanaises ont, sous les menaces et en utilisant la force
brute, procédé à l'expulsion délibérée et systématique de leurs foyers
de près de 300.000 Serbes, Roms et autres non-Albanais. Sans parler de
l'expulsion en masse et du nettoyage ethnique de plus de 300.000 Serbes
chassés de Croatie en 1995 à l'occasion des actions militaires connues
sous le nom de "Eclair" et "Tempête". Le procureur de La Haye continue
en affirmant que les forces yougoslaves et serbes ont sciemment et
systématiquement détruit les biens appartenant aux civils albanais du
Kosovo et de Métochie.
"Ceci a été accompli par la propagation d'attaques à la grenade de
villes et de villages ; d'incendies et de destructions du patrimoine, y
compris des propriétés rurales, des magasins et des édifices religieux;
et la destruction de biens personnels".
Grâce à ces actions orchestrées, les Albanais du Kosovo - conclut le
procureur n'étaient plus en mesure d'habiter dans leurs villages,
villes et régions entières. Mais, lorsque des Albanais en armes, sous
la protection du pacte Atlantique, ont franchi les frontières albanaise
et macédonienne, et pénétré au Kosovo et en Métochie, leur premier
geste a été d'incendier et de détruire les demeures serbes dans les
centres urbains ainsi que dans les villages et les régions habités par
des Serbes, afin que ceux-ci ne puissent plus revenir dans leurs foyers
ancestraux. Tout ceci était connu de façon détaillée par le procureur
de La Haye, mais celui-ci n'en a pas fait mention, et encore moins mis
en accusation les auteurs de ces crimes. Une attention spéciale est
consacrée à l'atmosphère de terreur que les forces armées yougoslaves
et serbes auraient créée afin de pousser les Albanais à quitter le
Kosovo. "De nombreux Albanais du Kosovo, note le procureur de La Haye,
qui n'avaient pas été expulsés de force de leurs foyers, se sont enfuis
à cause du climat de terreur créé par la propagation systématique de
brutalités, de mauvais traitements, d'agressions sexuelles,
d'arrestations illégales, d'assassinats, d'attaques à la grenade et
d'incendies dans toute la province." Le procureur n'a toutefois pas
observé que le plus grand nombre de Serbes et d'autres non-Albanais du
Kosovo et de Métochie n'ont pas été directement expulsés de leurs
foyers, mais qu'ils se sont enfuis en raison d'assassinats
systématiques, d'incendies provoqués et d'autres formes d'intimidations
et de sévices qui revêtent, à la différence des agressions précédentes
contre des Albanais, un caractère permanent. Les forces yougoslaves et
serbes ont été finalement accusées d'avoir créé sciemment "un climat de
terreur qui s'est étendu sur tout le territoire du Kosovo". Le fait de
qualifier de terroriste l'activité des forces armées du pays agressé
amène à s'interroger sur l'activité armée de la prétendue armée de
libération du Kosovo (UCK). Bien que le procureur de La Haye ait
reconnu que "ce groupe avait justifié la campagne d'insurrection armée
et de résistance violente aux autorités serbes" et avait, à partir de
l'été 1996, "initié des attaques dirigées principalement contre les
forces de police serbes", de telles actions n'avaient rien
d'inconvenant et revêtaient encore moins un caractère terroriste
éventuellement punissable. Le procureur de La Haye observe qu'"à partir
de la fin février 1998, il y a eu une intensification des heurts entre
l'UCK et les forces yougoslaves et serbes et qu'au cours de cette
période, un certain nombre d'Albanais du Kosovo et de Serbes du Kosovo
ont été tués."
Le procureur, cependant, ne qualifie d'aucune manière le meurtre de
Serbes, tout en précisant que dans les régions où l'UCK était active,
les forces yougoslaves et serbes ont "mené une campagne d'attaques à la
grenade contre les localités et villages majoritairement albanais, ce
qui a entraîné la propagation des destructions des biens et des
expulsions de la population civile." Le procureur invoque à ce propos
la résolution n° 1160 du Conseil de sécurité de l'ONU du mois de mars
1998 qui "condamne l'usage d'une force démesurée de la part de la
police serbe contre les civils et les manifestants pacifiques au
Kosovo". On est ainsi confronté à ce paradoxe surprenant selon lequel
la mort de quelques civils lors des combats menés contre des Albanais
en armes reflète un usage démesuré de la force, alors que l'assassinat
de milliers de civils en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003 lors
des bombardements menés au hasard correspond à un usage mesuré d'une
force autorisée.
Une justice "africaine"
A l'époque lointaine où il y avait en Afrique des tribus sauvages sans
aucun lien avec la civilisation européenne, un missionnaire catholique
demanda un jour au chef d'une de ces tribus ce qui, pour lui,
correspondait respectivement au bien et au mal. Après avoir réfléchi,
le chef de tribu répondit alors : "Le bien, c'est quand nous attaquons
la tribu voisine et nous emparons de leurs femmes et du bétail. Quant
au mal, eh bien, c'est quand la tribu voisine agit ainsi avec nous !"
C'est précisément comme cela que procède le tribunal de La Haye.
Lorsque des Albanais en armes s'efforcent d'instaurer leur contrôle
sur le Kosovo et la Métochie, il s'agit d'une bonne action. Mais quand
les forces armées de la République fédérale de Yougoslavie et de Serbie
tentent de restaurer leur contrôle sur certaines parties du Kosovo et
de la Métochie, il s'agit d'une mauvaise action. Lorsque des Albanais
sont expulsés du Kosovo et de Métochie, il s'agit d'un crime horrible.
Mais lorsque la même chose arrive aux Serbes, il ne s'agit aucunement
d'un crime punissable. Lorsqu'on détruit sciemment et systématiquement
le patrimoine de civils albanais, il s'agit d'un crime de guerre. Mais
quand on détruit sciemment et systématiquement des biens serbes, il
s'agit d'un dommage collatéral non punissable pour lequel les Serbes
eux-mêmes sont coupables. Lorsque les forces armées yougoslaves et
serbes créent une atmosphère de terreur généralisée, il s'agit d'un
terrorisme d'Etat. Mais lorsque durant cinq ans les Serbes se trouvent
expulsés du Kosovo et de la Métochie à la suite d'assassinats,
d'incendies volontaires de leurs maisons, de mauvais traitements et
d'intimidations diverses et qu'on les empêche ainsi de revenir dans
leurs foyers ancestraux, il ne s'agit que d'épanchements anodins d'un
mécontentement albanais dont les Serbes assument à nouveau seuls la
responsabilité. Lorsque les forces armées yougoslaves et serbes
attaquent des groupes en armes de l'UCK et créent ainsi un "climat de
terreur", il s'agit d'un crime inexcusable. Mais lorsque des membres de
l'UCK attaquent et tuent des policiers serbes, il s'agit d'une lutte
légitime pour la libération.
En fin de compte, quand les autorités yougoslaves et serbes ont
recours à la force pour s'opposer à l'insurrection armée des Albanais,
il s'agit d'un usage démesuré de la force contre des civils et des
manifestants pacifiques. Mais quand les Etats-Unis d'Amérique et la
Grande Bretagne attaquent l'Irak en 2003 sans consultation ni
autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies et tuent à cette
occasion des milliers d'habitants civils, il s'agit d'un recours mesuré
à la force armée et d'un dommage collatéral anodin. C'est ainsi que
procède aujourd'hui le chef africain à La Haye. Jusqu'à présent, nous
avions supposé que les juristes qui avaient élaboré les statuts et les
règlements du tribunal de La Haye étaient au moins de bons connaisseurs
du droit public international, même s'ils n'étaient pas en mesure
d'introduire et de définir le concept de culpabilité comme condition
essentielle de la responsabilité pénale. L'acte d'accusation contre les
généraux Pavkovic, Lazarevic, Lukic et Djordjevic permet de mettre en
doute cette hypothèse de départ.
A la fin de cet acte d'accusation, le procureur affirme que, le 24
mars 1999, le pacte Atlantique a lancé des frappes aériennes (air
strikes) dirigées contre des objectifs situés en République fédérale de
Yougoslavie, et que celle-ci a décrété l'état de guerre ce jour-là. Sur
la base d'une telle qualification, il semble que le procureur de La
Haye ne savait pas répondre à la question suivante : comment
qualifie-t-on l'action de pays étrangers à l'origine d'une guerre
internationale ? La réponse du point de vue du droit international est
simple : il s'agit d'une agression. Et comme cette agression a été
réalisée sans l'accord ni l'autorisation du Conseil de sécurité des
Nations Unies, il s'agit en même temps du plus grand des crimes : le
crime contre la paix pour lequel les dirigeants nazis ont eu à répondre
devant le tribunal de Nuremberg. Il semble que cette simple leçon n'ait
pas encore été assimilée par le procureur de La Haye.
par le professeur Kosta CAVOSKI
Etude publiée dans le n° de mars 2004 de la revue Princip (Belgrade)
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