Le 26 février 2004, l’avion du Président macédonien Boris Trajkovski s’écrasait en Bosnie-Herzégovine, près de Mostar. L’enquête a d’abord conclu à un accident mais de nouvelles preuves pourraient tout remettre en question. Pourquoi certains rapports manquent-ils au dossier ? Pourquoi les secours ont-ils tant tardé ?
Par D. Joksic et A. Prlenda
Le ministère de l’Intérieur macédonien a adressé une demande officielle au parquet de la République de Macédoine pour demander la réouverture de l’enquête sur l’accident d’avion où avait péri près de Mostar, en février 2004, le chef d’Etat macédonien, Boris Trajkovski. Ce crash avait été à l’époque considéré comme un accident. Le ministère de l’Intérieur exige que l’enquête soit rouverte. Le Parquet, quant à lui, demande de nouvelles preuves.
« Le Parquet considère que la chute de l’avion présidentiel est un accident. Cependant, si la police fournit de nouvelles preuves, l’enquête sera rouverte. La décision de clôturer l’enquête avait été prise en 2004, après l’examen des preuves fournies nos services et par le parquet de BiH », a affirmé Kole Sterjov, le substitut du procureur général.
« Si nous recevons une réponse positive du Parquet, la Commission du ministère de l’Intérieur qui va examiner le cas devra avoir accès à tous les documents. Lors de l’enquête précédente, les preuves dont disposait la Bosnie-Herzégovine n’ont été envoyées qu’au parquet macédonien. Entre-temps, la Commission du ministère de l’Intérieur a demandé des informations supplémentaires, les rapports et les documents de toutes les institutions qui ont enquêté sur ce cas. On a demandé un rapport à l’Institut de médecine légale qui a réalisé l’autopsie des corps. L’entreprise Makpetrol était censée donner des explications sur la qualité du pétrole qui se trouvait dans le réservoir de l’avion. »
Les deux institutions ont déjà remis leurs rapports à la police mais on en ignore encore le contenu. L’aéroport de Skopje doit également fournir des informations sur ce vol. Le ministère de l’Intérieur attend toujours les rapports du Parquet ainsi qu’une autorisation du gouvernement bosniaque pour continuer l’enquête sur place. Le SFOR, qui était en charge de tous les vols au dessus de Mostar au moment de l’accident, devra remettre toute sa documentation. Les controverses soulevées au sujet de la mort de Boris Trajkovski ont incité Andreas Gros, un député suisse, à prendre l’initiative d’ouvrir une nouvelle enquête au sein du Conseil de l’Europe.
Les preuves matérielles se trouvent à Skopje
Salko Begic, inspecteur de la Direction fédérale de l’aviation civile et chef de la Commission internationale qui était chargée de mener l’enquête sur l’accident, estime qu’il n’y a pas de preuve suffisante pour ouvrir une nouvelle enquête.
« Aucune des raisons citées jusqu’à présent pour ouvrir une nouvelle enquête n’est fondée. Je crois que les familles des victimes ont droit de savoir la vérité, mais je les invite à chercher cette vérité dans notre rapport » a-t-il précisé.
L’avion aurait perdu de l’altitude
Begic estime que la Commission dont il était le chef a terminé son travail. Le Parquet et la Cour de la justice de BiH ont validé le travail de la Commission constituée de 40 spécialistes de Bosnie-Herzégovine, de Macédoine, de Croatie, de Serbie, des Etats-Unis et de la SFOR. Les conclusions de ce rapport ont l’appui de la Commission, du parquet et de la Cour de la justice de BiH. Tout cela a été accepté sans réserve par le parquet et la Cour de la justice de Macédoine ainsi que par le gouvernement macédonien. Tout ce que nous savons, ils le savent eux aussi », affirme l’inspecteur.
Il souligne également que les allégations des médias macédoniens ne sont que des spéculations. Il rappelle que les vraies causes de l’accident sont explicitées par des preuves matérielles comme la boite noir, les enregistrements audio et vidéo et la documentation qui se trouve en Macédoine. Les normes et les procédures de l’Organisation internationale de l’aviation civile ont été respectées lors de l’enquête.
« Nous avons obtenu une preuve incontestable : la cause de l’accident est une erreur commise par l’équipage lors de l’atterrissage sur la piste de l’aéroport de Mostar » souligne l’inspecteur. Et c’est une erreur qui est malheureusement assez répandue aujourd’hui. En raison d’une mauvaise visibilité, l’équipage a commencé trop tôt à réduire l’altitude de l’avion. Ils ont ainsi perdu de l’altitude. D’après les enregistrements, ils ne semblaient même pas en être conscients. A 3 miles aériens de Matica brdo, l’endroit de l’accident, l’avion était à une altitude deux fois plus basse que la norme autorisée. D’après nos calculs, ils volaient juste au-dessus des arbres ».
Accepter les faits
A l’époque, la SFOR n’avait pas immédiatement permis l’accès au lieu de l’accident, sous prétexte que le terrain était miné. Begic a également rappelé que cette région était une zone de batailles pendant la guerre.
« En tant que témoin et homme qui connaît cette région montagneuse, je propose qu’on accepte le fait que les conditions météorologiques étaient très mauvaises. Nos forces de police, les services spéciaux, les escouades de la protection civile et l’armée ont essayé de découvrir le lieu précis de l’accident et d’y arriver aussitôt que possible. Mais c’était simplement impossible à cause du temps » constate Salko Begic.