Une minorité négligée : les « Yougoslaves », citoyens apatrides d’un pays disparu
Publié dans la presse : 26 novembre 2010
Par Vesela Laloš
Les Yougoslaves constituent aussi le groupe le plus diffus sur le territoire, car il n’y a aucune région de Serbie où ils ne soient pas représentés, à l’exception de Preševo. C’est en Voïvodine qu’ils sont les plus nombreux : près de 50.000 citoyens de la province se déclarent comme tels. Vient ensuite la ville de Belgrade, où ils sont près de 22.000. La ville la plus « yougoslave » est Subotica : on y compte près de 8.500 habitants de nationalité yougoslave, c’est-à-dire que s’y regroupent près de 10% des « Yougoslaves » de tout le pays.Lors du dernier recensement, 80.721 citoyens de Serbie ont choisi de se déclarer de nationalité « yougoslave ». Ce chiffre en fait la quatrième « minorité nationale » du pays par importance numérique, après les Hongrois, les Bosniaques et les Rroms.
La raison pour laquelle les « Yougoslaves » sont si nombreux en Voïvodine est évidente : plus de vingt nationalités vivent dans la région. Les origines s’entremêlent et beaucoup de personnes choisissaient donc de se dire « yougoslaves », ce qui était un choix logique dans l’ancien pays commun. La définition d’un « sentiment d’appartenance nationale » a été ressentie par cette partie de la population comme un véritable dilemme personnel, à la limite de la crise identitaire. L’absurde et le tragique dans la recherche de son identité nationale s’illustre très bien à travers l’exemple d’une école de Subotica ou quelques élèves, dont les parents mais aussi les grands-parents étaient de nationalités diverses, répondirent qu’ils n’en n’avaient pas quand leur maitresse leur demanda leur nationalité.
La plupart des Yougoslaves ne vivent cependant pas cette affirmation comme une fuite. Ils ont choisi leur appartenance identitaire librement et avec fierté - en assumant aussi la nostalgie qui les lie toujours à l’ancien pays, le seul auquel ils se sentent appartenir.
Les « Yougoslaves » de Serbie sans reconnaissance officielle
Ceux qui se disent « Yougoslaves » estiment que ce choix est pleinement légitime, mais il n’a toujours pas reçu de régulation légale. Les associations yougoslaves demandent leur reconnaissance en tant que minorité nationale, mais cette requête n’a toujours pas été prises en compte par l’État. Le ministère des Droits de la personne et des minorités explique que le problème tient au fait que la communauté qui prétend former une minorité nationale spécifique doit avoir une langue, un pays de référence, des symboles nationaux, une culture et une histoire spécifique. Les Yougoslaves répliquent que leur pays d’origine a existé mais qu’il a été détruit, ce qui ne veut pas dire qu’eux-mêmes n’existent plus. Comme « langue maternelle », ils évoquent le serbe, le croate, le macédonien et le slovène.
Une requête officielle à tout de même été déposé auprès du ministère en avril dernier, mais la situation n’a pas évolué. « Le secrétaire d’État du ministère, Petar Antić, nous a conseillé d’attendre l’année prochaine, au moment du nouveau recensement, car nous seront surement moins nombreux et nous aurons donc besoin de moins de signatures. Nous allons tous de même chercher à intensifier nos démarches pour disposer enfin d’une reconnaissance officielle », explique Mikloš Olajoš Nađ, l’un des initiateurs de la demande de reconnaissance de la minorité yougoslave. « Beaucoup de gens pensent qu’il s’agit là de la création d’une nation artificielle, mais ce n’est pas le cas. Nos requêtes sont réelles et fondées. Beaucoup de gens aimaient la Yougoslavie et la considèrent toujours comme leur pays disparu. Après tous les drames que nous avons connus, heureusement qu’il y a encore des gens qui voient encore les choses de cette façon », poursuit Mikloš Olajoš Nađ.
Les premiers pas vers la collecte des signatures de citoyens ont été bloqués par des obstacles et des problèmes administratifs surprenant : par exemple, le ministère explique que les formulaires indispensables ne peuvent pas être envoyés avant que des élections pour les conseils nationaux ne soient organisées.
Snežana Ilić, coordinatrice du programme pour les minorités religieuses et ethniques du Centre pour le développement de la société civile, avance l’hypothèse d’autres raisons à ce blocage. « Comment les autres minorités nationales et l’État pourraient-il accepter une telle approche ? On suppose qu’ils l’accepteraient avec beaucoup de méfiance, de résistance et même avec de la moquerie. Même si elle n’est que d’ordre subjectif, une réaffirmation de l’idée commune de la Yougoslavie, pourrait mettre en danger l’identité nationale des Serbes, des Croates, des Bunjevcis, des Bosniaques et des autres minorités de Serbie… Elle rendrait insensée l’histoire des deux dernières décennies dans les Balkans occidentaux, elle montrerait le caractère dérisoire de guerres sanglantes menées par des groupes ethniques fortement liés entre eux. La question de l’identité yougoslave est peut-être avant tout une question de responsabilités. Elle rend les conflits passés insensés et montre qui en a profité, et qui en a payé et continue d’en payer le prix », explique Snežana Ilić.
Elle estime que la création d’un conseil national permettrait de créer une nouvelle dynamique dans le domaine des droits des minorités. « Si on regarde la question de manière hypothétique, de quoi cela aurait-il l’air ? En ayant accès aux droits prévus pour les minorités nationales, les Yougoslaves pourraient faire un choix spécifique parmi la variété d’identités existantes qui pourraient être utilisées pour légitimer leurs actions pratiques dans leur lutte pour préserver leur spécificité culturelle. On peut facilement imaginer que les Yougoslaves pourraient, par exemple, demander la création d’un institut pour la conservation de la culture yougoslave ou bien la création de médias spéfiques... Par contre, ils ne pourraient pas revendiquer le droit à une éducation spécifique dans leur langue serbo-croate ou bien l’utilisation officielle de cette langue et l’utilisation égale de ses deux alphabets. Le droit à l’usage officiel des deux langues yougoslaves sous-entendrait l’accélération vers la fin des authentiques systèmes de création culturelle, ethniquement et culturellement fermés, des systèmes d’éducation et d’information qui utilisent principalement ou exclusivement un seul alphabet », poursuit Snežana Ilić.
Une identité en voie de disparition ?
Dans quelle mesure cette idée ou plutôt ce sentiment d’appartenance à quelque chose qui n’existe plus, est-il durable et réel ? Le temps le montrera certainement. L’identité yougoslave est-elle anachronique ou bien en avance sur son temps ? Cette question est importante aux yeux de ceux qui se sentent yougoslaves.
Se déclarer « yougoslave » revient surtout à affirmer que l’ancien pays était meilleur que ceux qui lui ont succédés. C’est aussi une manière de refuser les identités nationales exclusives. Par conséquent, la reconnaissance nationale de ce groupe d’apatride sans État, de ce peuple sans terre, pourrait remettre en cause la définition même des nationalités et des minorités nationales.
Les opposants à l’idée de la Yougoslavie la perçoivent surtout en lien avec la Yougoslavie de Tito et avec l’idéologie communiste. Il s’agit, en réalité, d’une ignorance de l’histoire. L’idée yougoslave s’est affirmée dès le début du XIXe siècle, et ses premiers partisans durent les Slaves du Sud les plus instruits.
Les Yougoslaves sont véritablement « nés » en même que la création de la Yougoslavie, en 1929, quand ils se définirent comme « une nation regroupant trois tribus [les Serbes, les Croates et les Slovènes, NdT] ». Ils ont été reconnus comme groupe démographique distinct pour la première fois lors du recensement de 1961. C’est en 1981 que le plus grand nombre de « Yougoslaves » a été recensé : ils étaient alors 1.220.000 – un chiffre important, même si par rapport à la population totale du pays, cela ne représentait encore qu’un petit pourcentage.
La plupart d’entre eux, 36% des Yougoslaves recensés en 1981, se trouvaient à cette époque en Serbie. Leur nombre a progressivement diminué, parallèlement à l’augmentation du nombre de citoyens se déclarant serbes, croates, slovènes ... Certains théoriciens expliquent ce phénomène d’identification yougoslave de masse par un rejet de l’identification nationale, car toute une partie de l’ex-Yougoslavie s’identifiait plus volontiers à la citoyenneté commune qu’à l’origine ethnique.
Du Vardar au Triglav
Il est intéressant de noter que dans les opinions publiques post-yougoslaves l’idée de l’identité yougoslave a souvent fait face à un rejet considérable, d’une façon presque égale dans tous les pays ayant participé à la guerre, et cette identité est souvent considéré comme la cause même du conflit. L’identité yougoslave a aussi ses partisans dans chacun de ces pays – plus ou moins nombreux selon les cas. C’est ainsi qu’a été formé à Zagreb, au début de l’année, l’Alliance des Yougoslaves, dont le but est de « faire reconnaitre la nationalité yougoslave comme nationalité officiellement reconnue dans tous les pays nés de la dislocation de la Yougoslavie. » L’Alliance a été fondée avec la conviction que les Yougoslaves ont eux aussi le droit de préserver leur identité et leur patrimoine culturel. Elle s’efforce d’unifier tous les Yougoslaves et de surmonter les divisions ethniques.
Snežana Ilić rappelle que la reconnaissance des droits des minorités ethniques yougoslaves réparerait une grande injustice, et serait à l’avantage de tout le monde, sauf ceux qui utilisent la justice comme un voile transparent pour justifier la xénophobie et le maintien des barrières ethniques.
« Qui a abandonné le monde de la culture nationale et de la démocratie nationale, n’a plus d’endroit ou revenir », écrivait, il y a quelques années, un célèbre Yougoslave. Aujourd’hui, l’identité yougoslave ne peut bien entendu pas se comprendre comme un nationalisme yougoslave ou comme une identité majoritaire parmi les habitants des pays slaves des Balkans. L’identité yougoslave pourrait cependant représenter, en raison de son caractère inclusif, un facteur important sur la route de l’intégration (pas seulement) européenne des pays des Balkans et des pays de l’Europe du sud-est.
La cyber-yougomania mondialisée
« Voici la Cyber-Yougoslavie, la maison virtuelle des Yougoslaves. Nous avons perdu notre pays et nous sommes devenus des citoyens de l’Atlantide »... Tels sont les premiers mots de la « Constitution de la Yougoslavie virtuelle », proclamée en 1999 sur le site Internet www.juga.com.
De nombreux sites Internet promouvant l’idée d’un Etat commun des Slaves du Sud et cherchant à relier tous ceux qui se sentent Yougoslaves ont été créés, mais la Yougoslavie virtuelle de www.juga.com a suscité un intérêt incroyable à travers le monde entier. De nombreux médias internationaux s’y sont intéressés, et les demandes de citoyenneté ont afflué auprès de l’administrateur du site. Il est intéressant de noter que la citoyenneté a été demandée non seulement par d’ancien citoyens yougoslaves, mais aussi par des ressortissants d’une centaine de pays à travers le monde – d’Australie, d’Hollande, de France, d’Allemagne, d’Ecosse, du Bangladesh, de Corée du Sud, du Qatar, des Bahamas, d’Oman, de Hong Kong ...
La Cyber-Yougoslavie, qui a proclamé dans sa Constitution la citoyenneté multiple, la diversité des langues officielles et des alphabets, l’égalité totale de tous ses membres, qui n’a ni ministre ni gouvernement, a commencé à collecter des signatures pour son adhésion à l’ONU. Lors de la création de cet État virtuel, BBC News a estimé qu’il s’agissait de la création la plus sophistiquée dans son genre.
Cependant, même si l’idée initialement basée sur la nostalgie des diasporas yougoslaves, a été acceptée avec un enthousiasme incroyable, elle est resté au niveau d’un simple divertissement, sans conséquences concrètes. Cependant www.juga.com transmet un message fort, l’idée démontre que de nombreux citoyens de cette planète sont favorables à la diversité interculturelle, sur laquelle repose l’idée yougoslave.
Le pouvoir subversif des Yougoslaves
La question de l’identité yougoslave dans la Serbie d’aujourd’hui n’est pas seulement une question de minorité, mais pose la question de la façon de surmonter le passé et les guerres des années 1990. Il n’est donc pas étonnant qu’il n’y ait pas de volonté politique pour donner à cette minorité les droits qui lui reviennent... Le caractère changeant et la multiplicité des identités de groupe, ou plutôt leur constante (re)définition en fonction du contexte politique, s’illustre à merveille par l’exemple des Yougoslaves. Entre deux recensements de population, de 1991 à 2002, plus de 75% des Yougoslaves déclarés en Serbie ont disparu. Dans les autres pays, ils sont devenus invisibles : ils ont été officiellement effacés en croatie ; en Bosnie, ils sont officieusement indésirables.
La Serbie se définit comme un pays multiculturel et met en avant la protection qu’elle accorde aux différentes minorités. Les spécialistes du multiculturalisme estiment pourtant qu’il n’ya pas de véritable respect si l’environnement social et culturel dans lequel les gens sont socialisés n’est pas reconnu. Cela s’applique-t-il aux Yougoslaves, qui insistent sur une réalité disparue et affirment leur identité transnationale ?
Apparemment non, parce que ceux-ci « ne forment pas un groupe ethnique distinct, qu’ils sont originaires de mariages mixtes (...) qu’ils n’ont pas une langue qui leur soit propre (...) qu’ils n’ont pas de conseil national qui montrerait un intérêt pour la préservation de leur spécificité »... Et même « qu’ils n’ont pas de langue, d’alphabet ni de littérature », affirment les fonctionnaires du gouvernement en Serbie.
Cette négation de la spécificité culturelle, bel et bien réelle, des Yougoslaves que prône l’Etat serbe, met en valeur l’éventuel potentiel destructeur de cette minorité, pour les autres minorités, mais aussi pour tous les citoyens du pays.
Seuls les « Yougoslaves » ne voient pas l’adhésion à une nation ethnique comme le fondement primordial du pouvoir politique ou comme une base à la participation à la concurrence ethnique autour de ressources qui se font de plus en plus rares. L’identité yougoslave dans la Serbie d’aujourd’hui est une critique productive et une affirmation sans équivoque du multiculturalisme.
C’est un critique productive, car elle démolit le modèle tribal balkanique qui repose sur les cultures ethniques des Slaves du Sud, qui cherchent chacune à définir leur propre chemin vers l’Europe, sans coopération avec les pays voisins auxquels ils ressemblent tant.
C’est une affirmation du multiculturalisme, parce que cette identité est inclusive. La force de l’identité culturelle yougoslave ne réside pas seulement dans son potentiel créatif, mais aussi dans sa capacité à inclure et à percevoir de façon significative les contenus et les inspirations venant de la culture et de la production mondiale, ce qui n’est le cas d’aucune des sept nations ethniques des slaves du Sud.
Jugosloveni, narod bez zemlje
APATRIDI
AUTOR: VESELA LALOŠ
Neki od njih tvrde da su evropski Kurdi, drugi se upoređuju sa Atlantiđanima, a sasvim je izvesno da spadaju u moderne apatride. No, ta ih činjenica ne obeshrabruje da sebe i dalje smatraju Jugoslovenima. Takvih koji su za svoju nacionalnu pripadnost na poslednjem popisu stanovništva izabrali nekadašnje državljanstvo, u Srbiji ima čak 80.721, a to ovu zajednicu građana i građanki svrstava na četvrto mesto po brojnosti, posle Mađara, Bošnjaka i Roma (izuzimajući, naravno, većinski narod, u kojem je dosta onih koji su ne tako davno i sami pripadali narečenoj grupi. Pretpostavlja se, po sopstvenom izboru i volji, mada mnogi tvrde da se tada nisu smeli „izjasniti“).
Po jednom drugom kriterijumu, Jugosloveni su u demografskoj statistici na prvom mestu - kao najrasprostranjenija grupacija, jer osim Preševa, nema opštine u Srbiji u kojoj ih nema. Najbrojniji su u Vojvodini, gde ih živi oko 50.000, a zatim sledi Beograd sa oko 22.000. Najjugoslovenskiji grad je Subotica, koja ima 8.500 građana jugoslovenske nacionalnosti, odnosno deset odsto od ukupno proklamovanih Jugoslovena u zemlji.
Razlog zbog kojeg su Jugosloveni najbrojniji u Vojvodini je očigledan - mnogi potomci više od dvadeset nacija u pokrajini svoje mešovito poreklo najlakše definišu kroz jugoslovenstvo, što je u prethodnoj državi bilo logičan izbor. Eksploziju „osećanja nacionalne pripadnosti“ ovaj deo stanovništva je doživeo kao veliku ličnu dilemu, ponekad čak sa dimenzijama krize identiteta. Apsurd i svojevrsnu tragiku traženja svog nacionalnog određenja u takvoj situaciji ilustruje slučaj iz jedne subotičke škole u kojoj je nekoliko učenika, čiji su roditelji, kao i roditelji njihovih roditelja, bili različitih nacionalnosti, na pitanje svoje profesorice kako će se izjasniti na popisu, odgovorilo da će reći da su - ništa.
Mnogi Jugosloveni ipak svoj izbor ne doživljavaju kao bekstvo od ništavila, već su svoje jugoslovenstvo odabrali dobrovoljno i s ponosom, bolje reći s nostalgijom koja ih veže za nekadašnju državu i koju jedino osećaju kao svoju. No, dok je onima koji su se izjasnili kao Jugosloveni to opredeljenje sasvim legitimna stvar, ono još uvek nije dobilo i svoju zakonsku potvrdu. Zahteve udruženja Jugoslovena da ih se prizna kao nacionalna manjina država još nije uvažila. Odgovori iz Ministarstva za ljudska i manjinska prava navode da je prepreka u tome što zajednica koja pretenduje na nacionalnost mora imati zvaničan jezik, državu, nacionalne simbole, svoju kulturu i istoriju. Jugosloveni na to odgovaraju da je njihova matična država postojala, ali da je razorena, što ne mora značiti da oni više ne postoje, dok kao maternji jezik priznaju srpski, hrvatski, makedonski, i slovenački.
Zahtev je Ministarstvu (ipak) predočen još u aprilu, ali dosad se nije pomerio s mrtve tačke. „Državni sekretar u Ministarstvu Petar Antić predložio nam je da je možda bolje da sačekamo narednu godinu, kada je novi popis stanovništva jer će nas tada verovatno biti manje, pa će nam biti potrebno manje potpisa za to. Mi ćemo, međutim, taj proces intenzivirati, kako bismo ga dovršili ipak pre nove godine“, kaže Mikloš Olajoš Nađ, jedan od inicijatora zahteva za priznavanje Jugoslovenima statusa nacionalne manjine.
- Mnogi misle da je ovo stvaranje veštačke nacije, ili nadnacije, ali to nije tačno. Naši zahtevi su potpuno realni ako znamo da ima mnogo ljudi koji su voleli onu državu i doživljavaju je kao svoju i dalje. Dobro je što posle svega što se dešavalo na ovim prostorima ovde ima ljudi koji tako razmišljaju - navodi Nađ.
Dosadašnji pokušaji da se krene makar sa prikupljanjem potpisa građana bili su blokirani i besmislenim administrativnim preprekama i problemima, kao što je recimo stav Ministarstva da se formulari neophodni za taj posao ne mogu dobiti pre nego što se okončaju izbori za nacionalne savete.
Snežana Ilić, koordinatorka programa za etničke i verske manjine Centra za razvoj civilnog društva, navodi pretpostavku da bi formiranje nacionalnog saveta nailazilo i na druge otpore.
- Kako bi druge manjinske zajednice, a i sama država Srbija prihvatili ovakav pristup? Za pretpostaviti je, sa puno otpora, podozrenja i čak podrugljivosti. Jer, makar i subjektivno, ponovna afirmacija zajedničke južnoslovenske ideje i njenih tvorevina mogla bi ugrožavati i Srbe i Hrvate i Bunjevce i Bošnjake... Ona bi u velikoj meri obesmislila istoriju poslednje dve decenije na zapadnom Balkanu kao istoriju nepotrebnih ratova krajnje srodnih etničkih grupa. Pitanje jugoslovenstva je, pored ostalog, a možda i više nego nešto drugo, pitanje odgovornosti. Ono obesmišljava ovdašnje sukobe i ratove i pokazuje ko je iz njih profitirao i ko je platio i još uvek plaća njihovu cenu - kaže Snežana Ilić.
Ona ocenjuje da bi formiranje nacionalnog saveta unelo novu dinamiku u polje manjinskih prava.
- Hipotetski gledano, kako bi to moglo da izgleda? Jednim moguće relaksiranim, nedogmatskim pristupom uživanju manjinskih prava Jugosloveni bi mogli napraviti specifični odabir iz mnoštva postojećih identitetskih sadržaja koji bi poslužili za legitimizaciju njihovog praktičnog delanja u borbi za očuvanje kulturne posebnosti. Lako je zamisliti da bi Jugosloveni mogli, na primer, tražiti osnivanje Instituta za očuvanje jugoslovenske kulture ili osnivanje nekog medija, ali ne i obrazovanje na svom, srpsko-hrvatskom jeziku ili službenu upotrebu svog jezika i ravnopravnu primenu oba njegova alfabeta. Pravo na službenu upotrebu oba jugoslovenska pisma značilo bi ubrzavanje kraja etnički samosvojnih i kulturno zatvorenih sistema kulturnog stvaralaštva, obrazovanja i informisanja pre svega ili isključivo na jednom alfabetu, navodi Snežana Ilić.
Koliko je čitava ideja ili bolje reći osećaj pripadanju nečemu čega više nema održivo i realno, svakako će pokazati vreme. Ono će možda dati i odgovor na pitanje da li je jugoslovenstvo po svojoj suštini anahrona pojava, ili je pak ispred svog vremena. Ukoliko je to uopšte važno onima koji se osećaju Jugoslovenima. Taj stav je svakako i poruka da je ona bivša država bila bolja od svih potonjih, ali i način da se čovek odbrani od nametanja nacionalnih koncepata. Zbog toga bi možda priznavanje statusa nacije ovoj grupi apatrida, narodu bez zemlje, dalo novu boju čitavoj ideji, možda i nove pristalice, ali i donelo gubitak nekih drugih.
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