ICDSM-Italia / EN FRANCAIS

1. Interview d'un ancien 'amicus curiae' de la farce de La Haye
2. L'ancien premier ministre soviétique : « Je n'irai pas témoigner à
La Hague dans les circonstances actuelles»
3. International Action Center : Milosevic se voit refuser le droit
universel d'assurer sa propre défense
4. British Helsinki Human Rights Group : "Tribunal international ou
Chambre étoilée?"
5. Déclaration de Yevgueni Primakov


Ensemble du dossier sur le 'Tribunal' :
http://www.stopusa.be/scripts/index.php?section=BBBL&langue=1
SOURCES:
ALERTE OTAN - http://fr.groups.yahoo.com/group/alerte_otan/
ANTI-IMPERIALISTE -
http://chiffonrouge.org/cgi-bin/mailman/listinfo/anti-imperialiste


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http://www.pasti.org/linkmilo.htm


=== 1 ===

Interview d'un ancien 'amicus curiae' de la farce de La Haye

Anna Gutenberg
7 septembre 2004
Die Junge Welt

Q. L'ICTY Registrar vous a récemment demandé si vous étiez d'accord
pour figurer sur la liste des avocats possibles qu'on allait imposer à
M. Milosevic. Avez-vous été surpris que les juges aient réintroduit
cette question après que M. Milosevic se fut défendu avec succès au
cours du procès ? Ou avez-vous eu d'autres réflexions sur le sujet ?

R. Oui, j'ai été surpris, parce que, si Slobodan Milosevic est malade,
même s'il avait eu tout le temps un conseiller, le procès n'aurait pu
durer aussi longtemps que la maladie. La proposition de l'accusation
d'utiliser un lien vidéo est absurde : une vidéo ne peut faire d'une
personne malade quelqu'un de capable d'assister à un procès.

Q. Pourquoi avez-vous refusé ?

R. J'ai respecté la disposition de l'article 21, point 4/D des statuts
de l'ICTY, selon lesquels tout accusé est assuré de pouvoir être jugé
en sa propre présence et de pouvoir assurer lui-même sa propre défense.

Q. Je me souviens des occasions où les juges vous ont traité avec
rudesse chaque fois que vous avez mis en exergue les faits importants
durant le témoignage des témoins de l'accusation. Un jour, ils vous ont
même accusé de défendre M. Milosevic. Avez-vous des commentaires à ce
propos ?

R. Je n'ai pas perçu les choses de cette façon. Mon devoir en
particulier était d'insister sur la fourniture de preuves venant des
pièces à conviction que je recevais de la part de l'accusation. Ce
n'était absolument pas mon problème de m'inquiéter de la façon dont les
juges pouvaient me traiter.

Q. Que pensez-vous de l'argument disant qu'un accusé peut être trop
malade pour présenter lui-même sa défense, mais suffisamment en bon
état pour assister à son procès ? Est-ce habituel ?

R. A propos de l'état de santé de l'accusé, seuls les médecins peuvent
en décider. Et, à mon avis, ce devrait être obligatoire pour la cour.
Si les médecins concluent que Slobodan Milosevic est malade, incapable
d'assurer lui-même sa défense et de se présenter devant le tribunal,
dans ce cas, il ne peut pas y avoir de procès du tout. Tout simplement,
dans ce cas, l'accusation n'a pas d'affaire à traiter.

Q. Des voix critiques disent que le fait d'imposer un conseiller à M.
Milosevic constitue une tentative l'empêcher de présenter ses faits et
témoins. Avez-vous un commentaire à ce sujet, s'il vous plaît ?

R. Le procès ne peut être valable si Slobodan Milosevic ne présente pas
ses preuves.

Q. Que pensez-vous du fait que l'ancienne secrétaire d'Etat américaine,
Mme Albright, a rendu visite à l'ICTY le jour même de juin où les juges
acceptaient la possibilité d'imposer un conseiller ?

R. On ne peut qu'émettre des conjectures, mais j'ai toujours estimé que
la politique ne doit influencer le travail d'aucun tribunal que ce soit.

Q. Merci beaucoup.

Vous trouverez l'original de cet article à l'adresse:
http://www.jungewelt.de/2004/08-30/018.php
(c) Junge Welt 2004 http://www.jungewelt.de

Traduction J.M. Flémal


=== 2 ===

L'ancien premier ministre soviétique : « Je n'irai pas témoigner à La
Hague dans les circonstances actuelles»

Nikolai Ryzhkov
7 septembre 2004


Déclaration

Le Tribunal pénal international pour l'ancienne Yougoslavie (ICTY) à La
Haye a décidé illégalement d'imposer un conseiller à l'ancien président
de la Yougoslavie, Slobodan Milosevic. Cela a été fait contre la
volonté de Slobodan Milosevic qui, depuis plus de deux ans, assure
lui-même sa propre défense.

La décision de l'ICTY enfreint gravement ses propres statuts qui
(article 21, paragraphe 4) garantit à tout accusé le droit d'assurer
lui-même sa propre défense. C'est une norme généralement acceptée de la
législation internationale et le fait que l'ICTY a commis une violation
d'une telle gravité soulève les plus profonds ressentiments.

Le conseiller désigné a le droit de préparer et d'examiner les témoins
que lui-même, en tant qu'avocat, juge approprié de citer. En d'autres
termes, toutes les décisions importantes de stratégie et de tactique de
la défense seront prises, non pas par l'accusé, mais par l'avocat
désigné par le tribunal et dont l'impartialité est considérée comme
douteuse par l'opinion publique russe. Plusieurs experts légaux
considèrent que Slobodan Milosevic ne s'est pas vu désigner un avocat,
mais un second accusateur qui opérera tout simplement en recourant à
d'autres moyens.

Slobodan Milosevic m'a invité à comparaître comme témoin de sa défense.
J'ai l'intention de me rendre à La Haye le 13 septembre 2004. L'ICTY a
été informé de mes plans.

Toutefois, au vu des circonstances actuelles, je refuse de comparaître
à ce procès.

Dès que les conditions nécessaires seront créées en conformité avec les
statuts de l'ICTY, je suis prêt à me rendre à La Haye et à comparaître
en qualité de témoin de la défense de Slobodan Milosevic.

Moscou, 7 septembre 2004.

Nikolai Ryzhkov,
Membre du Conseil de la Fédération de l'Assemblée fédérale de la
Fédération russe (sénateur), président du Conseil des ministres de
l'URSS de 1985 à 1990.

Traduction J-M. Flémal


=== 3 ===


Milosevic se voit refuser le droit universel d'assurer sa propre défense

Sara Flounders
10 septembre 2004
source : International Action Center

Le 2 septembre, au cours de la manouvre la plus énergique destinée à
masquer la vérité sur la guerre menée par l'Otan et les Etats-Unis
contre la Yougoslavie, le tribunal pénal international pour l'ancienne
Yougoslavie (ICTY) a refusé à l'ancien président Milosevic de
Yougoslavie le droit internationalement reconnu de se défendre lui-même
devant le tribunal. Ceci vient après que l'accusation a eu besoin de
deux ans pour présenter sa version de l'affaire. La décision est tombée
le jour même où, enfin, Milosevic allait pouvoir appeler des témoins en
vue de sa propre défense.

Deux jours durant, les 31 août et le 1er septembre, le président
Milosevic a présenté lui-même et avec vigueur sa déclaration
d'ouverture de sa propre défense, juste avant que la Chambre du procès
ne décide qu'il n'était « pas assez bien, physiquement, pour assurer
lui-même se représentation ». Il fut toutefois « assez bien,
physiquement » pour présenter sa déclaration d'ouverture.

Les remarques d'introduction de l'ancien président ont donné le ton de
sa sévère condamnation des Etats-Unis, de l'Allemagne et des autres
puissances de l'Otan pour leur guerre d'agression de 10 ans contre la
Yougoslavie. On s'attendait à ce que sa défense se poursuive de la même
manière, en dénonçant les crimes des puissances impérialistes dans les
Balkans.

Ramsey Clark, ancien secrétaire d'Etat américain à la Justice et
co-président de la Commission internationale de défense de Slobodan
Milosevic (ICDSM), a déclaré dans une lettre adressée au tribunal : «
Conformément à la législation internationale, toute personne accusée
d'un délit a le droit de se représenter elle-même au tribunal.

« L'apparition du président Milosevic se représentant lui-même et seul
au cours de l'exposé de l'accusation sur plus de deux ans, soit presque
300 jours de séance, contre-interrogeant presque 300 témoins de
l'accusation, traitant de 500.000 documents et 30.000 pages de minutes
du procès, ensuite, se faisant imposer le silence au tout début de la
présentation de sa propre défense et se voyant imposer des avocats en
charge de sa destinée alors qu'il n'en veut pas, est une injustice
particulièrement éloquente. »

Le juriste canadien, spécialiste en législation internationale,
Tiphaine Dickson, qui assiste les partisans de Milosevic, a déclaré : «
L'accusateur essaie, une fois de plus, de forcer le président Milosevic
à accepter qu'un conseil juridique le représente, en se servant de sa
santé chancelante comme d'un prétexte. Le président Milosevic a insisté
afin de se représenter lui-même dès le début. Aux Etats-Unis, la Cour
suprême a reconnu cela comme étant un droit garanti par le 6 e
Amendement de la Constitution. Lui refuser ce droit transformerait les
audiences déjà illégales de l'ICTY en une procédure digne de la Chambre
étoilée. »

Historiquement, même au cours de procès mises en scène passés, durant
lesquels l'accusation assurait le contrôle total et qu'un verdict de
culpabilité était assuré dès le début, de nombreux accusés eurent le
droit de se représenter eux-mêmes: Nelson Mandela, lorsqu'il dut
affronter un tribunal raciste de l'apartheid sud-africain, Fidel
Castro, devant un tribunal de la dictature de Batista, ou encore Georgi
Dimitrov, face à un tribunal nazi dans les années 30, purent assurer
eux-mêmes leur défense.

Plus d'une centaine de spécialistes des lois, d'avocats et de juristes
de 17 pays ont signé une lettre intitulée « L'imposition d'un conseil à
Slobodan Milosevic menace l'avenir de la législation internationale et
la vie même de l'accusé ». Cette lettre insiste auprès des Nations
unies afin qu'elles permettent à Milosevic de poursuivre sa défense
lui-même contre les accusations de crimes de guerre portées contre lui.

Cette lettre, qui a été diffusée internationalement, met en garde
contre le fait qu'imposer un avocat de la défense contre le gré de
Milosevic violerait les lois internationales. C'est même illégal en
fonction des statuts du tribunal pour la Yougoslavie ainsi que selon la
Charte internationale des Droits civils et politiques.

Imposer des avocats désignés par la cour

Tiphaine Dickson, qui a rédigé la pétition, a déclaré que le tribunal
de l'ONU qui poursuit Milosevic tente d'imposer un avocat de la défense
pour l'écarter d'un mode de défense « qui pourrait poser problème » au
tribunal.

La lettre de Ramsey Clark fait également remarquer que « Les avocats
mêmes désignés par la Chambre du procès ont un conflit d'intérêts
direct. Ils ont servi, en étant désignés par le tribunal, d'amis de la
cour. On ne peut servir deux maîtres. Ayant servi d'amici curiae, ce
même conseil désigné par le tribunal pour représenter le président
Milosevic ne peut décemment pas lui servir de conseil. »

Les deux avocats qui ont été désignés comme conseillers à la défense à
l'encontre des souhaits exprimés par Milosevic sont Stephen Kay et sa
fille Gilian Kay Higgins. Les deux ont été désignés comme amici curiae
(amis de la cour) contre les souhaits de Milosevic, dans la partie du
procès concernant l'accusation. Dans cette position de désignation,
Stephen Kay était très conscient de l'insistance de Milosevic sur son
droit légal à assurer lui-même sa propre défense.

Stephan Kay a longtemps joué un rôle particulièrement douteux en tant
que conseiller désigné dans de précédents procès à la fois dans le
tribunal pour la Yougoslavie et celui pour le Rwanda. Là où il a été
désigné, il y a eu condamnation dans chacun des procès. Sa désignation
a également permis aux tribunaux d'établir de dangereux précédents
judiciaires pour d'autres procès.

Bien des abus judiciaires infamants ont été légitimés par l'ICTY ces
dix dernières années. Le tribunal accepte l'usage de preuves par
ouï-dire, propose des réductions de peine en échange de témoignages et
permet le recours à des témoins anonymes et à des sessions à huis clos.
Les minutes de l'ICTY révèlent des pages et des pages en blanc du fait
que des problèmes sensibles ont été discutés au tribunal même. Par «
questions sensibles », il convient d'entendre les questions relatives
au rôle des Etats-Unis.

En décembre 2003, lorsque l'ancien chef suprême de l'Otan Wesley Clark
témoigna dans le procès Milosevic, la cour permet au Pentagone de
censurer ses procédures. Les minutes ne furent pas rendues accessibles
avant que Washington n'ait donné son consentement.

Un tribunal pour justifier l'occupation

C'est la secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright qui se trouve
à l'origine de la création du tribunal, en 1993. Depuis lors, il a été
financé et organisé par des fonds en provenance des Etats-Unis et de la
Grande-Bretagne. Les 1300 personnes qui y travaillent sont également en
majorité écrasante des Britanniques et des Américains.

Dès le début, le tribunal a fonctionné afin de justifier le rôle des
Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l'Otan dans l'éclatement de la
Fédération yougoslave.

La décision d'accuser le président Milosevic de crimes de guerre a été
prise vers la fin des 78 jours de bombardements de la Yougoslavie par
les Etats-Unis et l'Otan. En accusant le président yougoslave élu, les
forces des Etats-Unis et de l'Otan augmentaient la pression sur lui
pour le faire capituler plutôt que de participer à des négociations de
cessez-le-feu ou de s'opposer à l'occupation à long terme du Kosovo par
les Etats-Unis et l'Otan.

Toute la guerre de 1999 telle qu'elle fut menée par les Etats-Unis
contre la Yougoslavie sans défense, le bombardement de toute ville
importante, la destruction de 480 écoles et de 33 hôpitaux, celles de
ponts, de routes et de l'ensemble de l'infrastructure industrielle,
tout cela a été présenté par la propagande impérialiste comme étant
nécessaire pour arrêter le génocide prétendu dans la province serbe du
Kosovo.

Les officiels de l'Otan ont constamment fait référence aux « montagnes
de cadavres » et aux « champs de massacres ». En avril 1999, le
département d'Etat américain prétendit que 500.000 Albanais du Kosovo
avaient été rassemblés et tués par les Serbes. D'autres rapports font
état de 100.000 morts par balles.

Pas de charniers

De même que les armes de destruction massive n'ont jamais été
découvertes en Irak, l'accusation de massacres, de fosses communes,
d'épuration ethnique et de génocide s'est avérée montée de toutes
pièces, au Kosovo.

Immédiatement après la guerre, 20 équipes de médecins légistes en
provenance de 15 pays de l'Otan, y compris les Etats-Unis, furent
envoyées au Kosovo par le Tribunal pénal international de La Haye.
Elles creusèrent durant tout l'été 1999 sur les lieux mêmes ou de
prétendus témoins avaient fait état de la présence de charniers.

En octobre 1999, ils rapportèrent à l'accusatrice en chef du tribunal,
Carla Del Ponte, qu'ils avaient été incapables de trouver le moindre
charnier au Kosovo. Ils avaient trouvé un total de 2.108 corps dans des
tombes individuelles. Quant au nombre de ces personnes qui pouvaient
avoir été tuées par les bombardements de l'Otan, ils ne s'interrogèrent
même pas à ce sujet.

Tout ce matériel, y compris les rapports de destruction par l'Otan des
villes de Yougoslavie et l'incapacité des équipes de médecins légistes
du tribunal de trouver des charniers, devait faire partie des
réfutations de Milosevic. La tentative de remplacer Milosevic en tant
que son propre avocat n'est autre que la reconnaissance que le
président Milosevic n'est pas coupable des accusations de crimes de
guerre. Cela tape sur le clou de la culpabilité des Etats-Unis et de
l'Otan dans la préparation, l'exécution et la conduite d'une guerre de
dix ans qui a éclaté une Fédération yougoslave forte et en pleine
réussite en une demi-douzaine de colonies et néo-colonies faibles
soumises aux Etats-Unis et à l'impérialisme ouest-européen.

L'éclatement de la Fédération yougoslave signifiait que les nombreuses
industries de la Yougoslavie, y compris l'acier, les voitures, les
produits pharmaceutiques, les usines chimiques, les chemins de fer, les
mines, les raffineries et usines de transformation qui avaient été
auparavant la propriété de toute la population ou des travailleurs de
ces usines, ont été privatisées par la force. Ce sont des sociétés
américaines, britanniques et allemandes qui les possèdent aujourd'hui.
Les programmes sociaux, les fonds de pension, l'éducation gratuite et
les soins de santé gratuits ont été atomisés. C'est l'histoire de ce
crime d'occupation que le tribunal de l'Otan essaie aujourd'hui de
passer sous silence en privant le président de la Yougoslavie,
Milosevic, de son droit à présenter lui-même sa propre défense.

Flounders est co-directrice de l'International Action Center. Il était
prévu qu'elle témoigne dans la phase d'ouverture de la défense de
l'ancien président yougoslave Slobodan Milosevic au Tribunal pénal
international pour l'ancienne Yougoslavie, à La Haye, aux Pays-Bas.
Flounders avait rencontré le président Milosevic à la prison de
Scheveningen, à La Haye durant six heures, le 28 juin, afin d'aider à
préparer les témoignages en faveur de la défense. Cela fait trois ans
que Milosevic est emprisonné. Le matériel d'un ouvrage publié par
l'International Action Center en 2002, « Hidden Agenda: U.S./NATO
Takeover of Yugoslavia » (L'agenda caché, la reprise de la Yougoslavie
par les Etats-Unis et l'Otan), publié par Flounders et John
Catalinotto, devait constituer la base du témoignage de Flounders
durant le procès.

posté : 10 septembre 2004

International Action Center
39 West 14th Street, Room 206
New York, NY 10011


=== 4 ===

British Helsinki Human Rights Group
(Groupe britannique des droits de l'homme de Helsinki)

Tribunal international ou Chambre étoilée?

La décision de l'ICTY d'imposer un conseiller à Slobodan Milosevic

Date : 13 septembre 2006
Traduit par J-M. Flémal

Le 10 septembre 2004, le tribunal pénal international pour l'ancienne
Yougoslavie a imposé un conseiller à la défense à son accusé le plus
célèbre, Slobodan Milosevic. Cette décision annulait les précédentes
réglementations : l'accusation avait tenté, au début du procès,
d'imposer un avocat à Milosevic et les juges avaient examiné le
problème à plusieurs reprises au cours des diverses séances.

Le 3 juillet 2001, premier jour du procès, le juge président, feu Sir
Richard May, déclarait : « Monsieur Milosevic, je m'aperçois que vous
n'êtes pas représenté par un conseiller, aujourd'hui. Nous comprenons
qu'il s'agit de votre choix personnel. Vous avez le droit,
naturellement, d'assurer vous-même votre défense. » (1)

Le 30 août, le juge May déclarait à nouveau : « L'accusé est habilité à
se représenter lui-même. » (2) Le juge annonça que des amici curiae
seraient désignés afin de garantir un procès équitable. May insista sur
le fait que le rôle des amici curiae ne consistait nullement à
représenter l'accusé.

En dépit de ces affimrations claires, l'accusation insista à nouveau
pour qu'un conseil soit imposé à l'accusé. Bien que le juge May ait
déjà statué sur la question, le juge Patrick Robinson intervint et fit
la déclaration suivante :

« Monsieur Ryneveld, j'en entendu la requête que vous avez soumise.
Toutefois, je ne considère pas qu'il soit approprié d'imposer un
conseil à l'accusé. Nous devons agir en concordance avec les Statuts et
avec nos réglementations, lesquels, en toute occasion, reflètent la
position conforme à la législation internationale habituellement
reconnue, qui est que l'accusé a droit à un conseil, mais qu'il a
également le droit de ne pas en avoir. Il a le droit de se défendre
lui-même et il est on ne peut plus clair qu'il a choisi d'assurer
lui-même sa défense. Il l'a déclaré on ne peu plus clairement. La
stratégie que le tribunal a utilisée, consistant à désigner un amicus
curiae, tiendra compte des problèmes que vous avez soulignés, mais
j'insiste sur le fait que le tribunal aurait tort d'imposer un conseil
à l'accusé, parce que cela constituerait une infraction à la position
conforme à la législation internaitonale généralement reconnue. » (3)

(Depuis, le juge Robinson est devenu juge président, après le décès du
juge May.)

Après que Robinson eut fait son intervention, May revint sur la
question une troisième fois, en disant : « Permettez-moi d'ajouter
ceci, Monsieur Ryneveld : Oui, c'est le point de vue de la chambre du
procès, qu'il ne serait pas pratique d'imposer un conseil à un accusé
qui souhaite se défendre lui-même. » (4)

Comme si cela ne suffisait pas encore, le juge May revint sur le sujet
une nouvelle fois, le 11 décembre. « Monsieur Milosevic », dit-il, « il
y a une question que nous aimerions soulever avec vous. C'est celle-ci
: Vous n'avez pas désigné de conseil pour vous défendre. Comme vous le
savez, c'est votre droit de vous défendre vous-même si vous le
souhaitez, bien que vous puissiez souhaiter reconsidérer la question à
la lumière de la complexité et du sérieux de ces accusations. Mais
c'est une question qui vous regarde. » (5)

La raison pour laquelle les juges ont gardé cette position réside
naturellement dans le fait que le droit de la personne accusé d'assurer
elle-même sa défense est, bien sûr, repris dans les statuts du Tribunal
pénal international. L'article 21.4d stipule : « L'accusé sera habilité
à assurer lui-même sa propre défense. » Aucune qualification ni
exception ne sont ajoutées ici. Bien que le même article stipule
également que l'accusé est habilité « à se voir désigner une assistance
juridique dans tous les cas où lers intérêts de la justice le
requerraient et sans paiement de sa part au cas où il ne disposerait
pas de moyens suffisants pour ce faire », il est bien établi que cet
article ne signifie pas que la Cour a le droit d'imposer un conseil,
mais qu'en lieu et place, l'accusé a le droit d'avoir un avocat s'il en
exprime le besoin. Cette interprétation est elle-même utilisée par les
propres « directives » de l'ICTY « à propos de la désignation d'un
conseil de défense », directives datées du 28 juillet 2004, lesquelles
réaffirment le droit de l'accusé à se défendre lui-même (article 5).
Cette directive stipule clairement que la désignation d'un conseil est
un droit dont bénéficie l'accusé et non un droit de la Cour d'en
désigner un si l'accusé souhaite assurer lui-même sa défense.

Le droit de se défendre soi-même est également repris dans d'autres
documents. Reprenant les termes mêmes qui ont été intégrés depuis dans
les statuts mêmes de l'ICTY, l'article 6.3c de la Convention européenne
des droits de l'homme stipule : « Toute personne accusée d'un délit
criminel dispose des droits minimaux suivants : (.) assurer soi-même sa
propre défense. » Quant aux statuts de l'ICTY, aucune dérogation ou
exception à ces statuts n'est prévue. Il est possible que l'ICTY, dut
fait qu'il est un corps des Nations unies, ne pense pas qu'il est lié
par la Convention européenne, même s'il a une force juridique directe
dans de nombreux Etats européens. Mais même les documents propres aux
Nations unies garantissent également ce droit. L'article 14.3d de la
Charte internationale des droits civils et politiques utilise également
le même langage : « Dans la détermination de toute accusation
criminelle contre elle, toute personne sera habilitée à bénéficier des
garanties minimales suivantes, en toute égalité (.) d'assurer elle-même
sa propre défense. » Aucune exception ni aucune dérogation ne sont
indiquées : en effet, le droit d'assurer soi-même sa propre défense est
une « garantie minimale ». Il s'agit d'un droit fondamental.

Malgré cela, le 8 novembre 2002, l'accusation a de nouveau demandé que
soit imposé un conseil de défense. Elle a argué du fait que l'accusé
devrait bénéficier d'un conseil pour des raisons de santé. Une fois de
plus, la Chambre du procès a rejeté cette demande, au cours d'une
annonce faite oralement le 18 décembre 2002. Le 4 avril 2003, la
Chambre du procès a sorti un long document exposant ses raisons dans le
refus d'imposer un conseil.(6) Elle passait en revue les statuts mêmes
de l'ICTY et concluait rapidement : « Une simple lecture de cette
disposition (l'article 21.4d) indique qu'il existe bien un droit
d'assurer soi-même sa propre défense et que la Chambre du procès n'est
pas habilitée, dans les circonstances présentes, à accepter la
proposition de l'accusation de permettre la désignation d'un conseil de
défense pour l'accusé contre le gré de ce dernier. »

La Chambre du procès s'est alors lancée dans une longue discussion
autour de la loi en question, citant des cas rencontrés dans le monde
entier. Elle s'appuyait sur l'argument disant que le fait d'imposer un
conseil était une caractéristique appartement seulement aux tribunaux
d'inquisition et non aux systèmes à parties adverses en vigueur au sein
de l'ICTY. Pour étayer son point de vue selon lequel le fait d'imposer
un conseil était inacceptable, la Chambre du procès cita l'affaire de
la Cour suprême des Etats-Unis, Feretta contre l'Etat de Californie,
422 US 806 (1975), qui stipulait : « Nous sommes confrontés ici à une
conviction presque universelle, de la part de notre peuple aussi bien
que de nos tribunaux, qu'imposer un avocat à un accusé contre son gré
est contraire à son droit fondamental à assurer lui-même sa propre
défense s'il le souhaite. » La Cour suprême prétendit que le fait
d'imposer un conseiller violerait l'esprit du 6 e amendement. La
Chambre du procès de l'ICTY y alla du commentaire suivant :

« Elle [c'est-à-dire la Cour suprême] a fait remarquer que seule la
Chambre étoilée, au 16 e siècle, dans la longue histoire juridique de
l'Angleterre, avait adopté la pratique d'imposer un conseiller à un
accusé contre son gré, dans des procédures criminelles, et elle a
rappelé le commentaire de Stephen à propos de cette procédure : 'Il y a
quelque chose de particulièrement répugnant, aux yeux de la justice, à
recourir à des règles de pratique, de façon à interdire à un prisonnier
de se défendre lui-même, particulièrement quand le but avoué de ces
règles, telles qu'elles sont utilisées, est de lui fournir sa propre
défense.' »

Le Chambre du procès de l'ICTY poursuivit : « Il y a une raison
pratique supplémentaire au droit de se représenter soi-même, dans la
loi de droit commun. Alors qu'il se pourrait que dans des systèmes
juridiques civils, il soit approprié de désigner un conseil de défense
pour un accusé qui souhaite se représenter lui-même, dans de tels
systèmes, la Cour remplit un rôle davantage investigateur dans ses
tentatives d'établir la vérité. Dans les systèmes à parties adverses,
il est de la responsabilité des parties d'exposer le cas, et non de la
responsabilité de la Cour, dont la fonction est de juger. Par
conséquent, dans un système à parties adverses, le fait d'imposer un
conseil de défense à un accusé qui n'en veut pas priverait
effectivement cet accusé de la possibilité de faire valoir son propre
système de défense. » Elle concluait également : « L'obligation de
présenter une cause, c'est-à-dire de faire valoir la version des faits
de la défense, si celle-ci diffère de celle exposée par un témoin, se
reflète dans la règle 90 (H) des réglementations. Comme le font
remarquer les amici curiae, une telle obligation ne peut être remplie
par un conseil qui ne reçoit pas ses directives d'un accusé quant à la
défense à faire valoir. »

La Chambre du procès passait ensuite en revue certains des autres
documents internationaux qui défendent le droit d'un accusé à assurer
lui-même sa propre défense, y compris la Charte internationale des
droits de l'Homme (susmentionnée) et les statuts du nouveau tribunal
pénal international (art. 67.1d). Dans ces statuts, le droit à assurer
soi-même sa propre défense n'est limité que lorsque l'accusé se
comporte de façon obstructive à l'audience même. (Le tribunal pour le
Rwanda, en effet, a imposé un conseil à un accusé pour cette même
raison). La Chambre du procès a débattu de l'imposition d'un conseiller
dans une affaire en Allemagne, une affaire qui fut soumise ensuite à la
Cour européenne des Droits de l'Homme (7) mais, à juste titre, elle
estima que cette affaire n'était nullement pertinente dans l'affaire
Milosevic, parce que l'accusé n'assurait pas lui-même sa défense. En
discutant d'autres affaires encore, la Chambre du procès conclut que le
seul cas pertinent ne permettait pas des exceptions au droit général
d'assurer soi-même sa proppre défense (paragraphe 36). « Les
conventions internationales et régionales (ici, nous paraphrasons
quelque peu) expriment simplement un droit à assurer soi-même sa propre
défense. Selon le point de vue de la Chambre du procès, il est
approprié de se référer à l'ICCPR et à son interprétation par la
Commission des droits de l'Homme, laquelle confirme le droit à assurer
soi-même sa défense et rejette l'imposition d'un conseil de défense à
un accusé qui n'en veut pas. » (paragraphe 37)

Ensuite, la Chambre du procès passa aux détails pratiques et conclut
que le fait d'imposer un conseil ne pourrait tout simplement pas
fonctionner, puisque l'accusé refuserait d'instruire son conseil
(paragraphe 38). En terminant sa discussion, elle déclare que
l'imposition d'un conseil peut se faire uniquement lorsque l'accusé se
conduit d'une façon obstructive au point qu'il faille le sortir de la
salle d'audience (paragraphe 40) et elle conclut (paragraphe 41) que,
bien que la Chambre du procès ait de devoir de veiller à ce que le
procès se déroule dans les délais les plus brefs, elle ne peut agir de
la sorte qu'en respectant les droits de l'accusé tels qu'ils sont
stipulés dans l'article 21 de ses propres statuts, c'est-à-dire en
respectant le droit d'un accusé à assurer lui-même sa propre défense.

Tous les points principaux de ce raisonnement ont été sommairement
écartés quand la défense de Milosevic a débuté. Le 10 septembre 2004,
la Chambre du procès décida que le conseil serait imposé. (8) Les
raisons avancées pour justifier cette étonnante volte-face sont tout
simplement hypocrites. Faisant référence à la réglementation du 4 avril
2003, le juge Robinson déclara : « Tout en maintenant que l'accusé a le
droit d'assurer lui-même sa propre défense, la Chambre du procès
prétendait également dans le paragraphe 40 que le droit d'assurer
soi-même sa propre défense n'est pas absolu. » C'est hypocrite, parce
que la Chambre du procès a exposé explicitement les circonstances dans
lesquelles ce droit peut être restreint (comportement obstructif
débouchant sur l'expulsion de la salle d'audience). Même si la santé de
Milosevic avait constitué un problème dès le début du procès, au début
de 2002, la Chambre du procès n'a fait aucune mention de ce fait comme
étant une raison possible pour imposer un conseil, le 4 avril 2003.

En septembre 2004, la Chambre du procès adoptait brusquement l'argument
de l'accusation selon lequel Milosevic n'avait pas pris ses médicaments
comme on les lui avait prescrits, mais elle semblait ne pas se soucier
du fait que c'est manifestement un droit de l'homme que de prendre des
médicaments si on le juge utile - à moins que l'accusé soit mentalement
incompétent, soit de subir un procès, soit de gérer sa prise de
médicaments. Fait important, la Chambre du procès n'a proposé aucun
argument juridique, c'est-à-dire en citant des précédents ou des lois -
d'utiliser la santé de l'accusé comme une raison de lui imposer un
conseil. Elle a simplement annulé toutes ses décisions antérieures qui
s'étaient appuyées sur des lois et des précédents, elle déclara que les
lois internationales et domestiques fournissaient des précédents
permettant d'imposer un conseil, sans toutefois en citer un seul, et
elle dit que c'était « dans les intérêts de la justice » d'imposer un
conseil. Aucune définition n'a été donnée de ces intérêts. Et la
Chambre du procès de conclure : « Le devoir fondamental de la Chambre
du procès est de faire en sorte que le procès soit loyal et rapide »,
mais, en fait, l'imposition d'un conseil reposait uniquement sur la
nécessité d'aller vite en besogne, au détriment de toute équité dans le
procès.

Il faudrait aussi rappeler que la magistrature, dans le procès
Milosevic, a permis à l'accusation de discourir interminablement, des
mois durant, avec des témoignages d'« experts » totalement
inappropriés, gaspillant ainsi d'innombrables sessions, allant loin
au-delà du temps imparti pendant que les accusateurs tentaient
d'introduire quelqu'un - n'importe qui, en fait - de Serbie, afin de
plaider l'incrimination directe de Milosevic - tout cela, sans le
moindre succès.

Même en fonction des statuts dégoûtants de l'ICTY, le caractère
unilatéral de cette décision d'imposer un conseil de défense (après
avoir réduit le temps disponible au plaidoyer de l'accusé à environ la
moitié du temps accordé à l'accusation) est une chose choquante. En
allant à l' encontre de toutes les précédentes stipulations en la
matière, la décision du tribunal est un pur exemple de pouvoir
arbitraire. En tant que tel, l'ICTY a prouvé qu'il méprisait le pouvoir
de la loi. Il suggère qu'obtenir un verdict est la préoccupation
primordiale du tribunal et, étant donné que c'est l'accusation qui a
réclamé qu'on impose un conseil à Monsieur Milosevic, il est difficile
d'éviter la conclusion que la culpabilité à tout prix est devenue le
principe directeur de ce tribunal.

[1] http://www.un.org/icty/transe54/010703IA.htm , page 1

[2] http://www.un.org/icty/transe54/010830SC.htm , page 7

[3] http://www.un.org/icty/transe54/010830SC.htm , page 17

[4] http://www.un.org/icty/transe54/010830SC.htm , page 18

[5] http://www.un.org/icty/transe54/011211MH.htm , page 149

[6] http://www.un.org/icty/milosevic/trialc/decision-e/040403.htm
paragraph 8

[7] Croissant contre l'Allemagne, Cour européenne des Droits de l'Homme
("CEDH"), Affaire n° 62/1001/314/385, Jugement, 25 septembre
("Croissant contre l'Allemagne").

[8] http://www.un.org/icty/milosevic/trialc/order-e/040910.htm


=== 5 ===

Déclaration de Yevgueni Primakov

J'ai appris que le Tribunal International de La Haye pour
l'ex-Yougoslavie a privé l'ancien président de Yougoslavie Slobodan
Milosevic de ses droits à se défendre lui-même en personne, et lui a
imposé des avocats contre sa volonté.

A mon avis, c'est une violation directe de la lettre et de l'esprit du
Droit International. Dans ces circonstances, je me vois forcé de
renoncer à ma décision de me présenter comme témoin de la défense.
Comme avant, je suis prêt à prendre part à ce procès, mais uniquement
au cas où Mr Slobodan Milosevic recouvre ses droits indéniables à mener
en personne sa propre défense.

Yevgeny Primakov

Moscow,
21 September 2004
www.icdsm.org