[ Traduit en français par le PTB. La première partie à lire ici :
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2006-09-04%2006:54:28&log=lautrehistoire
ou ici :
Extrait: "Certaines forces, en particulier autour du « parti de la gauche européenne », sont non seulement arrivées à la conclusion que la lutte armée était devenue obsolète, mais remettent même en cause la légitimité de cette forme de lutte. Outre qu’elles excluent l’usage de la force dans la lutte de classe à l’intérieur du pays, elles critiquent ouvertement les peuples qui résistent aux attaques militaires impérialistes".
De la part du Parti Communiste de Grèce, vendredi 8 septembre 2006
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Notes sur la Guerre civile grecque (1946-1949) – Quelques réflexions
Par Costas Pateras*
La camarade Aleka Papariga dans son discours lors du mémorial a fait référence aux questions qui se posent à propos de la décision du KKE de commémorer le 60ème anniversaire de la formation de l’Armée démocratique de Grèce (ADG):
« Pourquoi remuons-nous les souvenirs, pourquoi amenons-nous de nouveau cette lutte particulière dans le discours public, une lutte que certains ont baptisée une ‘guerre de bandits’ et que d’autres jugent être une guerre civile impitoyable des deux côtés ? »
Il s’agit d’abord, bien sûr, d’honorer les militants qui ont combattu dans les rangs de l’ADG : ceux qui ont été tués, emprisonnés, torturés et exilés durant la guerre civile et les années qui ont suivi. Cela afin de souligner les sacrifices que ces hommes et femmes ordinaires ont accomplis dans la lutte pour la démocratie, l’indépendance nationale et le socialisme.
Il s’agit ensuite de se souvenir de l’intervention impérialiste anglo-américaine, de leurs gouvernements fantoches, des îles-prisons telles que Makronissos, de la violence et de l’intransigeance de la classe dominante. Cela en soi est déjà suffisant, mais il en découle bien sûr différentes questions qui sont d’une importance cruciale dans le monde d’aujourd’hui.
C’est une occasion de contrer la réécriture de l’histoire, les calomnies et les mensonges qui ont caractérisé le discours majoritaire sur cette lutte (c’est-à-dire celui de la classe dominante) depuis 60 ans. Le langage de la droite est instructif. L’ADG était considérée entre autres comme « étant dirigée par l’étranger », comme une armée « bulgare », une armée de « bandits ». Cette attaque idéologique patente allait de pair avec une historiographie d’opportunistes et de sociaux-démocrates qui s’étendait, en les déformant, sur les erreurs réelles et imaginaires de l’ADG et du KKE, et qui minimisait l’importance de l’intervention impérialiste en Grèce et le niveau de violence dirigée contre le mouvement populaire. Cette approche cherche à désorienter les progressistes et à les empêcher d’essayer de rechercher un changement radical. Face à tout cela, il est urgent de réaffirmer que la lutte de l’ADG était la continuation de la lutte démocratique anti-impérialiste de l’EAM contre l’occupation fasciste, cette fois contre l’impérialisme anglo-américain et leurs collaborateurs domestiques, urgent aussi d’expliquer au peuple les véritables raisons de la guerre civile ; en particulier à la lumière de l’anti-communisme renouvelé, dont un exemple a été la motion récente passée par le Conseil de l’Europe.
L’étude des expériences et des leçons de la Guerre civile grecque - période de la lutte de classe la plus intense jusqu’à présent dans l’histoire grecque - est inestimable pour le mouvement populaire d’aujourd’hui. Les erreurs commises peuvent être convenablement analysées dans leur plein contexte historique, la vraie nature de la réaction intérieure et de l’impérialisme, les formes nécessaires de la lutte, le développement des institutions du pouvoir populaire dans les zones libérées, le travail idéologique réalisé parmi les rangs des combattants, etc.
Après les contre-révolutions en URSS et dans les pays socialistes d’Europe de l’Est, l’impérialisme est entré dans une phase nouvelle, plus agressive. Les compromis anciens ont été abandonnés, libérés de l’influence contraignante du bloc socialiste. Cela a signifié de nouvelles guerres coloniales et des attaques féroces contre les droits sociaux et démocratiques de la classe ouvrière partout dans le monde. Les peuples résistent bien sûr, que ce soit en combattant contre l’occupation au Liban, en Palestine et en Irak, en conservant des gouvernements démocratiques et anti-impérialistes comme au Venezuela ou en poursuivant leur développement socialiste comme à Cuba, ou encore par les luttes de la classe ouvrière partout dans le monde contre les restructurations. Les puissances impérialistes utilisent toutes les approches - diplomatique et militaire - nécessaires pour écraser la résistance – sans succès jusqu’ici.
Cela s’accompagne d’une bataille idéologique pour criminaliser ceux qui résistent, en les accusant de « terrorisme », et pour décourager les autres de suivre le chemin du combat. Allant même au-delà, ils parlent maintenant de la « nécessité de combattre les idées et organisations extrémistes ». Les mouvements populaires et ouvriers, les mouvements et les luttes de libération nationale sont diffamés et on invoque un « humanisme » pharisien afin de présenter leurs combattants armés comme des terroristes et des assassins patentés. Et cela alors que le terrorisme d’Etat des Etats capitalistes s’accentue tant contre leur propre classe ouvrière que contre d’autres peuples et pays, en utilisant tous les moyens, politiques, diplomatiques et militaires, menant la violence d’Etat impérialiste à des niveaux sans précédent et la dotant de nouvelles caractéristiques de classe.
La propagande bourgeoise prend constamment et de façon consistante pour cible la lutte de classe, indépendamment des formes qu’elle peut adopter, la déclarant obsolète et nuisible aux intérêts du peuple. Ce faisant, elle tente de calomnier les idées les plus hautes et nobles que l’humanité ait connues, c’est-à-dire les idées et les objectifs communistes.
On notera que, dans le même temps, abondent les arguments soutenant la « réconciliation de classe », le « dialogue social » entre les soi-disant « partenaires sociaux ». La collaboration de classe est présentée comme le moyen de faire face aux « défis modernes », comme le chemin menant au progrès social.
Un argument courant de la bourgeoisie est d’affirmer que le droit de la classe ouvrière et de ses alliés d’utiliser la violence est extrémiste. Elle dissimule le fait que la violence du mouvement populaire est utilisée défensivement contre la violence de la classe dominante, tandis qu’en même temps elle continue à masquer la violence de l’Etat bourgeois, de ses institutions et de sa machinerie. De même pour la violence à plusieurs facettes que les capitalistes exercent sur les travailleurs sur les lieux de travail. Quand des armées impérialistes occupent des pays ou envoient des escadrons de police pour réprimer les piquets de grève, comment devrait répondre le mouvement populaire ? La bourgeoisie cherche à empêcher le peuple de se poser la question de base à propos du pouvoir que Bertolt Brecht a exprimée de façon concise : « A qui appartient demain – à qui appartient le monde ? »
Sous cet aspect, les points de vue réformistes et opportunistes convergent vers l’idéologie impérialiste, chose qui est également présente dans les discussions sur la « non-violence ». Certaines forces, en particulier autour du « parti de la gauche européenne », sont non seulement arrivées à la conclusion que la lutte armée était devenue obsolète, mais remettent même en cause la légitimité de cette forme de lutte. Outre qu’elles excluent l’usage de la force dans la lutte de classe à l’intérieur du pays, elles critiquent ouvertement les peuples qui résistent aux attaques militaires impérialistes. Dans le contexte de l’agressivité renforcée de l’impérialisme aujourd’hui, appeler les mouvements à s’abstenir d’utiliser toutes les formes possibles de lutte constitue en fait un compromis avec l’impérialisme : une caractéristique de base de l’opportunisme. C’est également évident au vu de la position prise par ces forces concernant le déploiement de troupes en Afghanistan, la participation de leurs pays à la nouvelle force d’occupation de l’Onu qui sera déployée au Liban, etc.
Un argument semblable considère « la lutte armée comme un dernier recours ». Cela semble être raisonnable à première vue, mais tant l’expérience que la réalité réfutent cette thèse. Les partisans de cette proposition tendent d’une manière non dialectique à opposer le travail pacifique de masse à l’activité armée de groupes élitistes de partisans, en affirmant la supériorité morale de la non-violence. En présentant la question comme une question morale, il en découle que, s’il est possible d’organiser une manifestation avec succès, c’est alors une erreur d’effectuer également des actions armées. En fait, en période de luttes de classe intenses, toutes les formes de lutte peuvent être utilisées, de la grève à la guérilla. Les expériences des mouvements de résistance en Europe pendant la Seconde guerre mondiale illustrent cela, y compris la Guerre civile grecque. Dans ces situations, il est dangereux de tergiverser (un danger implicite de ce slogan). Le mouvement populaire n’a pas d’autre option que d’agir d’une manière décidée pour contrer la violence de la classe dominante afin d’amener une conclusion favorable.
Cette thèse alimente l’illusion quant à la possibilité que la classe bourgeoise, que ce soit dans son propre pays ou dans le cadre de l’occupation d’une autre nation, remettra allégrement le pouvoir au mouvement populaire. Il ne peut y avoir un « partage » du pouvoir, ni de « troisième » voie ou de chemin « intermédiaire » en faveur des intérêts du peuple. Du moins telle n’a pas été l’expérience des mouvements communiste et de libération nationale au XXe siècle. Certaines des conclusions de base qu’a tirées le KKE lorsqu’il a évalué d’une façon critique ses activités de 1944 à 1947 sont centrées précisément sur ces points. L’histoire de notre mouvement est jonchée d’avertissements salutaires, ainsi que de fausses espérances qui ont rapidement abouti à la désillusion, à la capitulation et à l’assimilation comme ce fut le cas des diverses tendances de centre-gauche.
En nous souvenant aujourd’hui de la lutte de l’Armée démocratique de Grèce, nous affirmons le droit des peuples de résister à l’impérialisme et de décider de leur propre avenir. La résistance héroïque du peuple libanais à l’invasion israélienne soutenue par les USA et le grand mouvement de solidarité qui s’en est suivi, ainsi que le rôle des communistes au sein de celui-ci, montre que la résistance au prétendu « Nouvel Ordre mondial » est à la fois possible et nécessaire.
Néanmoins, aussi longtemps qu’un mouvement communiste distinct n’émerge pas suffisamment fort et capable de conduire une contre-attaque stratégique, les mouvements populaires, les forces progressistes radicales qui émergent seront plus vulnérables à la confusion et à la manipulation.
Les évolutions récentes ont contredit ceux qui proclamaient la « fin de l’histoire » et « l’inévitable défaite » du marxisme-léninisme et des partis communistes. Au contraire, les faits eux-mêmes mettent en lumière le rôle indispensable des partis communistes et du socialisme comme seule alternative à la barbarie capitaliste.
*Costas Pateras, associé de la section internationale du KKE
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