3. INTERVIW JIVADIN JOVANVIC
Interview exclusive de Jivadin Jovanovic, ministre yougoslave des Affaires �trang�res
"Pour chaque dollar que l'Ouest 'donnera' � la Yougoslavie, elle devra en rendre dix!"
La semaine derni�re, Solidaire donnait la parole � deux activistes d'Otpor, mouvement �tudiant anti-Milosevic. Aujourd'hui, �
Jivadin Jovanovic, ministre des Affaires �trang�res de Yougoslavie, et aussi un des dirigeants les plus importants du SPS de
Milosevic. Qui, en maintenant ses scores pr�c�dents, reste en fait le plus important parti. En ces jours troubl�s, des
centaines de journalistes internationaux cherchaient � interviewer un dirigeant socialiste. C'est l'envoy� sp�cial de Solidaire
qui a recueilli ces confidences....
MICHEL COLLON
Mercredi 11 octobre, 11 heures 30. Je p�n�tre dans le grand bureau ovale du ministre Jivadin Jovanovic. C'est probablement une
des derni�res fois qu'il s'y trouve... "Fin de r�gne" diront certains. "Eclipse avant un possible retour" r�pondront ceux qui
soulignent qu'avec 40% des voix (un score inchang�), le SPS (le parti socialiste de Milosevic) reste le parti le plus important
du pays et qu'elle est bien fragile la pr�sente coalition DOS: 18 partis dont les programmes se contredisent et dont les
promesses �lectorales seront impossibles � tenir. Tr�s jovial, riant souvent, Jovanovic pose aussi de nombreuses questions.
Trois heures d'entretien passionnant.

Comment allez-vous?
Jivadin Jovanovic. Je survis! Malgr� la visite tr�s d�plaisante, ce matin, d'une tro�ka de DOS, venue essayer de me forcer �
d�missionner. Se r�clamant "du pr�sident Kostunica", ils vont partout faire pression pour obliger tous ceux qui ont des mandats
l�gaux � partir. Je leur ai r�pondu que Monsieur Kostunica venait de jurer fid�lit� � la Constitution et que, d'apr�s celle-ci,
ce n'est pas le pr�sident mais le Premier ministre qui nomme les ministres. En public, ils r�clament le respect de la loi et un
fonctionnement normal des institutions mais, en r�alit�, ils font tout pour les d�truire! Ils recherchent le chaos.

DOS affirme que ce sont "les travailleurs qui prennent les usines en mains."
J. Jovanovic. Mais lorsque ce pays pratiquait "l'autogestion des entreprises par les travailleurs", la droite disait que
c'�tait une forme de dictature communiste. En r�alit�, aujourd'hui, c'est Zoran Djindjic , le chef du quartier-g�n�ral de DOS
et son vrai ma�tre (ndlr - un politicien de droite tr�s impopulaire pour avoir soutenu l'Otan), qui se d�p�che de s'emparer de
tout. Ils se ruent comme des hy�nes affam�es. Ces politiciens ne sont pas le peuple. Ils veulent arracher tout le pouvoir tout
de suite pour commencer � vendre le pays.

On a pu voir, � la t�l�vision, le directeur des douanes chass� de son bureau et remplac�, sous la menace des armes du
"Capitaine Dragan", chef d'une milice serbe active durant la guerre en Croatie. Une sc�ne qui a choqu� l'opinion...
J. Jovanovic. L'homme que Djindjic a plac� � la t�te des douanes avait �t� responsable des douanes auparavant. Il avait �t�
d�mis � cause de son casier judiciaire. Maintenant, il revient avec des armes pour s'emparer de ce poste! C'est cela un
"mouvement spontan� des masses"? Cela a tellement indign� la population que DOS a reconnu il s'agissait effectivement d'une
action ill�gale et qu'ils nommeront un nouveau directeur. Sur base de quelle loi? Ils n'en ont pas le pouvoir puisque c'est
toujours le gouvernement actuel qui est comp�tent.
Peu � peu, les gens vont comprendre. M�me dans DOS, il y a des gens honn�tes qui d�sapprouvent. Mais ils sont perdus, sans
influence. Le pr�sident Kostunica devrait se pr�occuper de cela, lui dont la r�putation est impeccable. Au parlement, il a jur�
fid�lit� � la Constitution. Eux la bafouent.

Mais pour l'instant, la majorit� de la population se r�jouit du "changement"...
J. Jovanovic. Quand les gens seront sans travail, quand ils verront les march�s pleins de produits occidentaux, mais qu'il
leur sera impossible de les acheter, quand ils subiront un syst�me o� on pourra arbitrairement les priver de leur emploi, quand
ils devront d�bourser des sommes �normes pour l'enseignement et les soins de sant� alors, ils comprendront.
Je reconnais que nos magasins ne sont pas tr�s impressionnants. Peu de produits allemands, fran�ais ou anglais. Mais la
plupart des gens peuvent s'acheter de tout, m�me des appareils m�nagers modernes. Il y aura un r�veil brutal. Les gens ne
peuvent pas r�ver tr�s longtemps de solutions-miracles.

L'Ouest promet d'aider financi�rement la Yougoslavie...
J. Jovanovic. Un peu d'argent viendra de l'Europe, et DOS le pr�sentera comme une "aide des pays amis". En r�alit�, ce ne sera
qu'un acompte avant d'acheter notre pays. Pour chaque dollar re�u, notre pays devra en rendre dix!

En fait, des dollars sont d�j� venus en Yougoslavie...
J. Jovanovic. Oui, les Etats-Unis ont publiquement reconnu avoir vers� 77,2 millions de dollars (environ 3,5 milliards FB)
pour aider l'opposition � renverser le gouvernement yougoslave. Et le 25 septembre, le Congr�s votait un nouveau cr�dit de 105
millions de dollars (4,7 milliards FB).

Avez-vous protest� � l'ONU contre cette ing�rence dans les �lections?
J. Jovanovic. Bien s�r. Cette d�stabilisation de notre pays a �t� organis�e � partir de Budapest, avec des agences am�ricaines
implant�es �galement � Sofia, Skopje et ailleurs et compos�es d'agents de la CIA. La Convention de Vienne interdit d'�tablir
dans des pays des centres hostiles � un autre pays. Voyez aujourd'hui, l'ambassadeur am�ricain � Budapest, Montgomery, se
rendre en Yougoslavie pour rendre visite � ses subordonn�s du DOS!
Mais les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, qui contr�lent l'ONU, ont ni� ces �vidences. D'autres pays nous comprenaient, mais
nous n'avons m�me pas obtenu un d�bat.

Les Etats-Unis ont d�pens� des sommes consid�rables pour la campagne �lectorale de DOS...
J. Jovanovic. Oui. Et comment r�agiraient-ils si on faisait cela chez eux? Ils me rappellent une blague d'ici: en pleine
p�riode de je�ne religieux, un villageois voit le pr�tre manger un grand r�ti. "Mais vous nous avez dit que le je�ne �tait un
commandement de Dieu!" Et l'autre r�pond: "Vous �tes suppos� ob�ir � ce que je dis, et pas suppos� vous comporter comme moi!"

Bref, "faites ce que je dis, et pas ce que je fais..."
J. Jovanovic. (Riant) Oui, les Etats-Unis, c'est exactement �a! Ce qu'ils se permettent est interdit aux autres. Quand ils
parlent de "d�mocratie", c'est seulement un slogan qu'ils avancent pour dominer le monde. Autre exemple: ils veulent imposer un
Tribunal p�nal international pour nous juger. Mais eux-m�mes refusent un tribunal universel qui pourrait juger tous les crimes
de guerre commis par n'importe quel Etat. Ils savent trop bien qu'ils devraient �tre condamn�s pour ce qu'ils ont fait �
Panama, Ha�ti et ailleurs!
A l'Assembl�e g�n�rale des Nations-Unies, en 1995, ils ont vot� contre une r�solution qui interdisait l'ing�rence dans les
affaires int�rieures, particuli�rement �lectorales, d'un pays. Cette r�solution a �t� vot�e malgr� eux, ils devraient donc
suivre les r�gles de la majorit� d�mocratique! "Deux poids, deux mesures", c'est la cl� de la "d�mocratie" am�ricaine.

La Yougoslavie est-elle vis�e pour elle-m�me ou cela annonce-t-il d'autres offensives des Etats-Unis et de l'Otan?
J. Jovanovic. Ce n'�tait pas seulement le probl�me d'un pays dans une r�gion strat�gique. Ils viennent de mettre le paquet car
si la r�sistance yougoslave avait dur� encore longtemps, elle serait devenue un exemple dangereux. Nous �tions en train
d'acqu�rir un soutien croissant dans le tiers monde.

Le pas suivant, c'est la Russie?
J. Jovanovic. Si tant d'�nergie a �t� concentr�e contre la Yougoslavie, ce n'�tait pas seulement pour assouvir les int�r�ts
imm�diats des Etats-Unis et de l'Otan dans notre pays. Pour comprendre, il faut prendre en consid�ration leurs aspirations
globales. A part certaines r�gions qui sont d'une importance vitale en elles-m�mes, � cause de leurs richesses tr�s
importantes, ce que l'Otan et les Etats-Unis font est toujours fonction de leurs int�r�ts globaux...
Premi�rement, ils veulent tuer la volont� d'ind�pendance et de r�sistance � la domination dans le monde entier. Deuxi�mement,
faire passer le message "Aucun pays ne doit invoquer des principes; il doit seulement respecter la fa�on de voir des
Etats-Unis". Troisi�mement, l'Otan s'est ainsi rapproch� des fronti�res de la Russie et de la Chine. Washington travaille � les
faire �clater en y semant les graines du s�paratisme, en manipulant l'int�grisme islamiste. D'un c�t�, ils trompent les
musulmans en leur faisant croire qu'ils sont leurs amis...

Tout en les massacrant en Irak et en Palestine...
J. Jovanovic. Exactement! Et de l'autre c�t�, ils cherchent � contr�ler les ressources mini�res et �nerg�tiques ainsi que tous
les nouveaux march�s qui s'ouvrent � l'est de notre pays: Caucase, Moyen-Orient... Ayant �tabli leur contr�le sur l'Europe
occidentale, les Etats-Unis souhaitent � pr�sent contr�ler tous les gouvernements d'Eurasie. Voil� le facteur global d�cisif.
En r�sistant dix ans, nous avons donn� du temps aux autres pays. Il y a eu des prises de conscience, mais insuffisantes. Sans
doute (avec une nuance de m�lancolie dans la voix), le fardeau � porter �tait-il trop lourd pour la Yougoslavie. Nous avons
re�u certains soutiens, mais pas assez, notamment de pays sur lesquels nous comptions...

Vous songez � la Russie?
J. Jovanovic. (Il ne r�pond pas, mais fait oui de la t�te). Rien n'est �ternel. Y compris la situation pr�sente en
Yougoslavie. Je suis certain que, tout comme certaines personnes qui ont vot� pour DOS vont le regretter, certains pays
europ�ens regretteront de n'avoir pas soutenu davantage la Yougoslavie et d'avoir compris trop tard.
(Riant � nouveau). Une vieille chanson serbe dit: "L'ours a dans� sur le seuil de la maison de votre oncle. Et maintenant, il
vient chez vous!" Autrement dit: vous n'avez pas boug�, mais vous le regretterez. Tous ont sous-estim� ces �v�nements et n'ont
pas vu le risque qu'ils prenaient en ne r�agissant pas.

Et de votre c�t�, pensez-vous avez avoir commis des erreurs?
J. Jovanovic. Oui. Je ne veux pas fuir nos responsabilit�s. Nous n'avons pas �valu� de fa�on r�aliste la situation interne et
internationale. Nous n'avons pas mesur� tous les facteurs n�gatifs.

Par exemple?
J. Jovanovic. Sur le plan int�rieur, nous n'avons pas estim� de fa�on r�aliste les sentiments de la population. Nous aurions
d� mieux ressentir l'effet des privations qu'ils subissaient apr�s dix ann�es de sanctions. Les gens ont r�sist� � l'agression,
ils ont r�sist� aux sanctions, mais leurs conditions de vie s'�taient vraiment trop d�grad�es. Et avec la guerre en plus!
Deuxi�mement, apr�s l'agression, nous avons mis tout le paquet sur la reconstruction du pays. Ecoles, h�pitaux, routes,
ponts... Cela a demand� beaucoup de capitaux et nous avons pr�lev� une cotisation sur les salaires et les pensions. Cette
reconstruction �tait importante pour l'avenir du pays, mais elle n'a pas directement am�lior� la qualit� de vie. Nous aurions
d� �tre plus r�alistes quant aux investissements et adopter davantage de mesures pour am�liorer les conditions de vie des gens.
Troisi�mement, nous n'avons pas bien r�ussi � contr�ler le commerce. Nous avons laiss� trop d'espace � des gens cupides qui
stockaient des marchandises, comme l'huile et le sucre, afin de faire monter les prix avant de r�approvisionner le march�. Des
gens ont profit� de la situation pour stocker et sp�culer. Ils vendaient parfois au double ou au triple de leur prix d'achat!
Imaginez les fortunes qu'ils ont accumul�es!
Dans ma r�gion, il existe une usine de ciment, Paracim. Une mati�re tr�s importante puisque les gens avaient beaucoup �
reconstruire apr�s les bombardements. Lors d'une r�union �lectorale, une femme s'est approch�e de moi: "Monsieur le ministre,
pourquoi permettez-vous que le sac de ciment co�te 3,5 DM � la sortie de l'usine et 13 DM en ville?" Le directeur de l'usine
�tant justement � c�t� de moi, je me suis tourn� vers lui. "Je ne suis responsable que de la production, a-t-il r�pondu. Je ne
contr�le pas le commerce." J'ai parl� de cette situation � mes coll�gues des d�partements �conomiques. Mais trop tard.

Beaucoup ont reproch� � votre gouvernement et � votre parti le fait que pendant que la grande masse vivait dans d'extr�mes
difficult�s, de grosses fortunes se sont aussi cr��es. Certains vivaient dans le luxe et les privil�ges.
J. Jovanovic. Des gens ont profit� de leur position pour s'enrichir ill�galement et immoralement. Nous en subissons les
cons�quences. Mais ils repr�sentent une minorit�. La grande majorit� de nos socialistes sont des gens honn�tes qui se battent
pour la justice sociale, l'�ducation et la sant� pour tous.

Pourquoi vous n'avez pas lutt� plus �nergiquement contre ce ph�nom�ne? Car ce que vous d�crivez ne date pas des derniers
mois...
J. Jovanovic. Le rapport de forces au sein de mon parti n'�tait pas favorable � cette lutte. Mais maintenant, nous allons
devoir nous d�barrasser de ces profiteurs. Efficacement et sans piti�.

A tous les niveaux?
J. Jovanovic. A tous les niveaux.

Beaucoup pensent que Milosevic aurait mieux fait de reconna�tre tout de suite la victoire de Kostunica.
J. Jovanovic. Je ne sais pas si Kostunica a eu 51%, 50% des voix ou un peu moins, et � pr�sent, je m'en fiche. De toute fa�on,
il est clair qu'il avait 10% d'avance sur Milosevic et qu'il allait gagner. D'autre part, il y a des formes l�gales �
respecter. On devait v�rifier s'il avait bien 50% ou s'il fallait un second tour.

En fait, la victoire de DOS est le r�sultat d'un ensemble de facteurs?
J. Jovanovic. Absolument. Le principal - que je nous reproche et que je me reproche � moi-m�me - �tant d'avoir mal estim� la
situation r�elle. M�me si, dans ma circonscription de Pomoravije, j'ai obtenu de tr�s bons r�sultats, gagnant trois districts
sur six. Peut-�tre m�me quatre apr�s v�rification.

En fait, le SPS maintient son nombre de voix...
J. Jovanovic. Oui, mais ce qui est nouveau, c'est que Washington a r�ussi � rendre cr�dible l'opposition DOS. Face � cette
grande campagne internationale, financ�e � coups de millions de dollars, nous pouvons �tre satisfaits d'avoir r�ussi �
conserver la force du SPS. Dommage que nous n'ayons pas r�ussi � accro�tre notre base. Ce sera notre t�che future.

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Bollettino di controinformazione del
Coordinamento Nazionale "La Jugoslavia Vivra'"

> http://digilander.iol.it/lajugoslaviavivra

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