From: Michel Collon


Une remarquable analyse sur les “dissidents” cubains et la CIA


La Responsabilité des Intellectuels

Cuba, les États-Unis et les Droits de l'Homme
par James Petras - 1er Mai, 2003

Traduction "tout est dit, ou presque" par CSP
Diffusion autorisée et meme carrément encouragée
Merci de mentionner les sources
                              

Une fois de plus les intellectuels sont entrés dans le débat - cette
fois-ci sur les questions de l'impérialisme des États-Unis et des
droits de l'homme à Cuba. "Quel est l'importance du rôle des
intellectuels ?", me suis-je demandé en marchant devant le Puerto del
Sol à Madrid un dimanche après-midi ensoleillé (le 26 avril 2003). Puis
j'ai entendu des slogans anti-castristes scandés par quelques centaines
de manifestants résonner à travers la place presque vide. Malgré une
dizaine d'articles et de commentaires par des intellectuels de renom
dans les plus grands journaux de Madrid, et des heures de propagande à
la télévision et à la radio, plus le soutien accordé par les
bureaucrates des plus grands syndicats et partis politiques, à peine
700 à 800 personnes, la plupart des exilés Cubains, se sont présentées
pour attaquer Cuba. "A l'évidence," me suis-je dit, "les intellectuels
anti-Cubains n'ont que peu ou pas d'influence mobilisatrice, du moins
en Espagne."

Mais l'impuissance politique des écrivains anti-castristes ne signifie
pas que les intellectuels en général ne jouent pas un rôle important ;
ni que leur faible audience signifie qu'ils soient sans ressources,
surtout lorsqu'ils ont l'appui de la machine de propagande et guerrière
des États-Unis, qui amplifie et répand leurs paroles à travers le monde
entier. Afin de se faire une idée du débat qui fait rage entre les
intellectuels sur les questions des droits de l'homme à Cuba et de
l'impérialisme US, il est important d'examiner le rôle des
intellectuels, du contexte et des enjeux majeurs dans le cadre du
conflit entre les États-Unis et Cuba.

LE RÔLE DES INTELLECTUELS

Le rôle des intellectuels est de clarifier les enjeux majeurs et de
définir les principales menaces pour la paix, la justice sociale,
l'indépendance nationale et la liberté à chaque époque historique ainsi
que d'identifier et soutenir les principaux défenseurs de ces mêmes
principes. Les intellectuels ont la responsabilité de faire la
distinction entre les mesures de défense prises par des états et les
peuples soumis à une agression impérialiste et les méthodes agressives
des puissances impériales à la recherche de conquêtes. C'est le summum
de l'hypocrisie que de placer sur un pied d'égalité la violence et la
répression des pays impérialistes avec celles de pays du Tiers-monde
victimes d'attaques militaires et terroristes. Un intellectuel
responsable examine sans concessions le contexte politique et analyse
les relations entre une puissance impériale et ses fonctionnaires
salariés locaux, qualifiés de "dissidents", au lieu de lancer des
anathèmes selon son degré de myopie ou ses impératifs politiques
personnels.

Les intellectuels engagés qui prétendent parler avec une autorité
morale, surtout ceux qui se prétendent critiques de l'impérialisme, ont
la responsabilité politique de démystifier les manipulations du
pouvoir, de l'état et des médias, particulièrement lorsque la
rhétorique impériale s'exprime sur les violations des droits de l'homme
dans des états indépendants du Tiers-monde. Nous avons récemment vu
trop d'intellectuels occidentaux "progressistes" soutenir ou se taire
devant la destruction de la Yougoslavie par les États-Unis, du
nettoyage ethnique de plus de 250.000 serbes, gitans et autres au
Kosovo, et se rallier à la propagande US d'une "intervention
humanitaire".

Tous les intellectuels Etats-Uniens (Chomsky, Zinn, Wallerstein, etc.)
ont soutenu le soulèvement violent des intégristes en Afghanistan,
financé par les États-Unis, contre le gouvernement séculaire soutenu
par les Soviétiques - sous le prétexte que les Soviétiques avaient
"envahi" l'Afghanistan et que les fanatiques intégristes qui
envahissaient le pays des quatre coins du monde étaient des
"dissidents" venus défendre "l'auto-détermination" - une manipulation
réussie et avouée par l'ancien Conseiller à la Sécurité Nationale, Zbig
Bryzinski.

Hier comme aujourd'hui, des intellectuels prestigieux brandissent leurs
passés de "critiques" à l'égard de la politique étrangère des
États-Unis pour donner plus de poids à leur dénonciation unanime des
supposées entorses à la morale dont seraient rendus coupables les
Cubains. Ils mettent sur le même pied d'égalité, d'une part,
l'arrestation par Cuba de fonctionnaires à la solde du Département
d'État et l'exécution de trois pirates terroristes et, d'autre part,
les crimes de guerre génocidaires de l'impérialisme US. Ces pratiquants
des équivalences morales examinent Cuba avec un microscope et les
crimes États-uniens avec un télescope. Et c'est pour ça qu'ils sont
tolérés dans les milieux libéraux de l'empire.

IMPÉRATIFS MORAUX ET RÉALITÉS CUBAINES : MORALITÉ ET MALHONNÊTETÉ

Les intellectuels sont divisés sur le conflit entre les États-Unis et
Cuba : Benedetti, Sastre, Petras, Sanchez-Vazquez et Pablo Gonzalez
Casanova et beaucoup d'autres défendent Cuba ; des intellectuels de
droite tels que Vargas Llosa, Savater, et Carlos Fuentes ont prononcé
sans surprise leurs diatribes habituelles contre Cuba ; et une petite
armée d'intellectuels généralement considérés comme des progressistes -
Chomsky, Saramago, Sontag, Zinn, et Wallerstein - ont condamné Cuba,
tout en brandissant leurs Curriculums d'opposants critiques pour ne pas
être confondus avec les opposants de droite ou du Département d'État.
C'est ce groupe de "progressistes" qui a provoqué le plus de dégâts
dans le mouvement anti-impérialiste et c'est à eux que j'adresse mes
remarques.

Une morale qui s'appuie sur une propagande constitue un mélange
dangereux - particulièrement lorsque les jugements sont émis par des
intellectuels prestigieux de la gauche et que la propagande en question
émane de l'extrême droite de l'administration Bush.

Beaucoup de ces critiques "progressistes" reconnaissent, comme ça en
passant en sans entrer dans les détails, que les États-Unis ont eu une
attitude hostile et agressive envers Cuba, et ils reconnaissent
"généreusement" le droit de Cuba à l'auto-détermination - puis ils se
lancent dans une série d'accusations sans fondements et de déformations
sorties de tout contexte - le contraire aurait pu aider à clarifier le
débat et fournir une justification à ces "impératifs moraux".

Le mieux serait de revenir vérités premières. Les critiques de gauche
acceptent les définitions fournies par le Département d'État et
dénoncent la répression par le gouvernement Cubain d'individus, de
dissidents, y compris des journalistes, de propriétaires de
bibliothèques privées et de membres de partis politiques non-violents
qui tentent d'exercer leurs droits démocratiques. Ce que les
"progressistes" sont incapables de reconnaître, ou refusent de
reconnaître, c'est que les personnes arrêtées étaient des
fonctionnaires payées par le gouvernement des États-Unis.

Selon l'Agence pour le Développement International (AID), la principale
agence fédérale chargée de la distribution des dons et des prêts dans
l'intérêt de la politique étrangère des États-Unis, et dans le cadre du
Programme USAID Cuba (résultat de la loi Helms-Burton de 1996), AID a
distribué plus de 8.5 millions de dollars aux opposants Cubains depuis
1997 afin qu'ils puissent publier, organiser des réunions, faire de la
propagande pour le renversement du gouvernement Cubain en coordination
avec toute une variété d'ONG états-uniennes, d'universités, de
fondations et autres groupes qui servent de couverture. (voir le
contenu de programme USAID Cuba sur le site d'AID).

Le programme USAID, contrairement aux pratiques habituelles, ne
transfert pas les fonds au gouvernement Cubain mais directement à ses
clients "dissidents" Cubains. Les critères pour bénéficier du
financement sont clairement énoncées - les bénéficiaires des paiements
et des prêts doivent avoir démontré un engagement clair en faveur du
projet US pour une "transformation du régime" vers une "économie de
marché" et la "démocratie" - sans doute proche de la dictature
coloniale en Irak. La loi Helms-Burton, tout comme le manifeste rédigé
par des progressistes états-uniens, "condamne l'absence de liberté à
Cuba, l'emprisonnement de dissidents innocents, et appelle à un
changement démocratique du régime Cubain".

Ce sont là des coïncidences étranges qui demandent une analyse. Les
journalistes Cubains qui ont reçu 280.000 dollars de Cuba Free Press -
une façade d'AID - ne sont pas des dissidents mais des fonctionnaires
salariés. Les groupes de "défense des droits de l'homme" cubains qui
ont reçu 775.000 dollars de Freedom House - façade de la CIA - ne sont
pas des dissidents - surtout lorsque leur mission consiste à promouvoir
une "transition" (renversement) du régime Cubain. La liste des dons et
des financements des "dissidents" cubains (fonctionnaires) par le
gouvernement des États-Unis est longue et détaillée et accessible à
tous les critiques moralisateurs progressistes. Le fait est que les
opposants emprisonnés par le gouvernement Cubain sont des
fonctionnaires payés par le gouvernement des États-Unis, payés pour
mettre en oeuvre les objectifs de la loi Helms-Burton en accord avec
les critères de USAID et sous la direction du chef de la Section des
Intérêts US à la Havane.

Entre le 2 Septembre 2002 et Mars 2003, James Cason, chef de la Section
des Intérêts US à la Havane, a tenu des dizaines de réunions avec ses
"dissidents" cubains dans sa résidence et dans son bureau, leur
fournissant des instructions et des indications sur ce qu'ils devaient
écrire, comment recruter, tout en attaquant le gouvernement Cubain en
des termes fort peu diplomatiques.

Les fonctionnaires Cubains de Washington recevaient du matériel
électronique et du matériel de communication de USAID, des livres et
autres matériels de propagande et de l'argent pour financer des
"syndicats" pro-US à travers leur couverture du "Centre Américain pour
la Solidarité Internationale du Travail". Il ne s'agit pas de
"dissidents" bien intentionnés, ignorants de l'identité de leur
bienfaiteur ou de leur rôle en tant qu'agents au service des
États-Unis, puisque le rapport d'USAID indique (dans la section
intitulée ""The US Institutional Context"), "le Programme Cuba est
financé à travers le Fonds de Soutien Économique - Economic Support
Fund - qui est destiné à soutenir les intérêts économiques et
politiques des États-Unis par la fourniture d'une aide financière aux
alliés (sic) et pays sur la voie de la démocratisation."

Aucun pays au monde ne tolère, ou ne désigne comme "dissidents", des
citoyens payés par, et travaillant pour, une puissance étrangère dans
le but de servir les intérêts impériaux de ce dernier. Ceci est
particulièrement vraie aux États-Unis, ou dans l'article 18, paragraphe
951 du Code US, "toute personne qui accepte d'opérer à l'intérieur des
États-Unis sous la direction ou le contrôle d'un gouvernement ou
officiel étranger sera inculpé de crime et risque une peine de 10 ans
de prison". Sauf bien-sur si ces personnes se font enregistrer comme
des agents étrangers ou si elles travaillent pour le gouvernement
Israélien.

Les intellectuels "progressistes" états-uniens ont manqué à leur devoir
d'analyste et de critique et prennent pour argent comptant les
affirmations du Département d'État selon lesquelles les fonctionnaires
payées par les États-Unis, et qualifiés de dissidents, lutteraient pour
la "liberté".

Certains défenseurs des agents-dissidents états-uniens prétendent que
les fonctionnaires ont été condamnés à de "lourdes peines
scandaleuses". Une fois de plus, la myopie empirique se mélange avec
une moralisation fallacieuse. Cuba est sur le pied de guerre.
L'administration Bush a déclaré que Cuba était sur la liste des cibles
militaires pouvant être soumises à une destruction massive et à une
guerre. Et au cas où nos intellectuels moralisateurs ne s'en seraient
pas rendus compte : Bush, Rumsfeld et les sionistes va-t-en-guerre de
l'Administration ont l'habitude de faire ce qu'ils annoncent.

L'absence totale de sérieux chez Chomsky, Zinn, Sontag et Wallerstein
laisse penser qu'ils ne perçoivent pas l'imminence d'une menace de
guerre de la part des États-Unis au moyen d'armes de destruction
massive, annoncée à l'avance. Ceci est particulièrement désespérant
lorsque l'on sait que beaucoup de ces critiques vivent aux États-Unis,
lisent la presse états-unienne et sont conscients de la rapidité avec
laquelle les annonces belliqueuses peuvent être suivies par des actions
génocidaires. Mais nos moralistes ne se sentent pas concernés par le
contexte, par les menaces US contre Cuba, imminentes ou prévues. Ils
sont surtout impatients de démontrer au Département d'État qu'ils
s'opposent non seulement à la politique étrangère des États-Unis mais
qu'ils condamnent aussi chaque pays, système ou dirigeant indépendant
qui s'oppose aux États-Unis. En d'autres termes : cher M. Ashcroft,
lorsque vous vous en prendrez aux "défenseurs" de la "terreur" Cubaine,
rappelez-vous que nous sommes différents, que nous aussi nous
condamnons Cuba et que nous aussi nous demandons un changement de
régime là-bas.

Ceux qui critiquent Cuba ignorent le fait que les États-Unis ont déjà
mis en marche une stratégie à deux voies, militaire et politique, pour
prendre le contrôle de Cuba. Washington fournit l'asile aux terroristes
pirates de l'air, encourageant ainsi les efforts de déstabilisation
d'une économie basée sur le tourisme, tout en travaillant étroitement
avec l'organisation terroriste de la Fondation Nationale
Cubano-Américaine qui cherche à assassiner les dirigeants Cubains. De
nouvelles bases militaires ont été construites dans la République
Dominicaine, en Colombie, au Salvador, et il y a l'extension du camp de
concentration à Guantanamo - le tout pour faciliter une invasion.
L'embargo US est sur le point être resserré avec le soutien des régimes
de droite de Berlusconi et d'Aznar en Italie et en Espagne.

L'activité agressive et ouvertement politique de James Cason, de la
Section des Intérêts, en coordination avec ses partisans Cubains
fonctionnaires-salariés-"dissidents", fait partie d'une stratégie
appliquée à l'intérieur du pays et destinée à affaiblir le soutien de
la population cubaine au régime et à la révolution. Les relations entre
les deux tactiques et leur convergence stratégique sont ignorées par
nos prestigieux intellectuels critiques qui préfèrent le confort de
pouvoir prononcer quelques banalités sur la liberté partout et pour
tous, même lorsqu'un psychopathe à Washington place un couteau sous la
gorge des Cubains. Non merci, Chomsky, Sontag, Wallerstein - Cuba a
raison de donner à ses agresseurs un coup de pied dans les parties et
de les envoyer couper de la canne à sucre pour gagner honnêtement leur
vie.

La peine de mort pour trois terroristes qui ont détourné un ferry est
sévère - mais tout comme la menace contre les vies des quarante
passagers Cubains qui ont frôlé la mort entre les mains de ces pirates.
Encore une fois, nos moralistes ont oublié de parler des actes de
piraterie aérienne et de tous les autres plans de détournement déjoués
à temps. Les moralistes ne comprennent pas pourquoi des terroristes
desperados cherchent à quitter Cuba par des moyens illégaux.

L'Administration de Bush a pratiquement supprimé le programme de visas
pour les Cubains qui désirent partir. Le nombre de visas accordés a
diminué de 9000 pour les quatre premiers mois de 2002 à 700 pour 2003.
Il s'agit d'une tactique intelligente pour encourager les actes
terroristes à Cuba et pour ensuite dénoncer les lourdes peines, tout en
rameutant les béni oui-oui de la chorale des "Amen" de l'élite
intellectuelle progressiste US et Européenne. Est-ce simplement
l'ignorance qui est à l'origine de ces condamnations contre Cuba ou y
a-t-il encore autre chose - un chantage moral par exemple ? - qui
voudrait obliger leurs collègues intellectuels Cubains à prendre
position contre le régime, contre le peuple, ou sinon courir le risque
de subir la désapprobation des intellectuels prestigieux et de se
retrouver encore plus isolés et stigmatisés en tant "qu'apologistes de
Castro".

Saramago a formulé des menaces précises d'abandonner ses amis Cubains
et d'embrasser la cause des fonctionnaires salariés Etats-Uniens. Il a
menacé implicitement de ne plus visiter Cuba et de boycotter les
conférences. N'est-ce pas une lâcheté morale que de prendre fait et
cause pour l'empire et de s'en prendre à Cuba lorsque celle-ci est
menacée d'une destruction massive et ceci pour la liberté de quelques
agents payés que n'importe quel pays au monde aurait fait arrêter ? Ce
qui est hautement malhonnête c'est d'ignorer totalement les grandes
réussites de la révolution dans les domaines de l'emploi, de
l'éducation, de la santé, de l'égalité, et de l'opposition héroïque et
sans concession de Cuba aux guerres impériales - le seul pays au monde
à les appeler ainsi - et sa capacité à résister à presque 50 ans
d'interventions. Ceci ne compte pas pour les intellectuels États-uniens
- c'est scandaleux !! C'est une honte. Ils font des concessions en
échange d'un peu de respectabilité. Et ceci après qu'ils aient "osé"
s'opposer à une guerre états-unienne en compagnie de seulement 30
millions de personnes à travers le monde. Ce n'est pas le moment pour
rééquilibrer la balance - en condamnant Cuba, en demandant un
changement de régime, en soutenant la cause des "libre-échangistes"
fonctionnaires-dissidents Cubains.

Souvenons-nous que les mêmes progressistes intellectuels ont soutenu
les "dissidents" en Europe de l'Est et en Russie qui étaient financés
par Soros et le Département d'État des États-Unis. Les "dissidents" ont
remis leur pays entre les mains de la mafia Russe, l'espérance de vie a
baissé de 5 ans (plus de 10 millions de Russes sont morts prématurément
suite à la destruction du système de santé), tandis que les
"dissidents" de l'Europe de l'Est fermaient les chantiers navals de
Gdansk, entraient dans l'OTAN et fournissaient des mercenaires aux
États-Unis pour conquérir l'Irak. Et jamais on n'entend de la part de
ces supporters des "dissidents" Cubains la moindre critique des
résultats catastrophiques de leurs diatribes anti-communistes et de
leurs manifestes en faveur des "dissidents" qui sont devenus les
soldats de l'empire US au Moyen Orient et en Europe centrale.

Nos moralistes américains n'ont jamais, je répète, jamais réfléchi sur
leurs échecs moraux, passés ou présents, parce que, voyez vous, ils
sont partisans de la "liberté partout", même lorsque les "mauvaises"
personnes prennent le pouvoir et que "l'autre" empire prend le dessus,
et que des millions meurent de maladies curables et que le champ de
l'esclavagisme blanc s'élargit. La réponse est toujours la même : "Ce
n'est pas ce que nous voulions - nous étions pour une société
indépendante, libre et juste - c'est seulement qu'en appelant à un
changement de régime, en soutenant les dissidents, nous n'avions jamais
pensé que l'Empire "raflerait tout", qu'il deviendrait l'unique
superpuissance et se lancerait dans la colonisation du monde."

Les intellectuels moralisateurs doivent reconnaître leurs
responsabilités et ne pas se cacher derrière des platitudes morales
abstraites, reconnaître leur complicité passée dans la construction de
l'empire et leurs responsabilités présentes dans les déclarations
scandaleuses contre Cuba. Ils ne peuvent pas ignorer les conséquences
de leurs paroles et de leurs actes. Ils ne peuvent pas se prétendre
innocents après tout ce que nous avons vu, lu et entendu sur les plans
de guerre des États-Unis contre Cuba.

Le principal auteur et promoteur de la déclaration anti-cubaine aux
États-Unis (signée par Chomsky, Zinn et Wallerstein) est Joanne Landy,
une auto-proclamée "socialiste démocrate", et partisane depuis toujours
d'un renversement violent du gouvernement Cubain depuis ces quarante
dernières années. Elle est actuellement membre de la Commission des
Relations Étrangères(CFR), une des principales institutions qui
conseillent le gouvernement des États-Unis sur la politique impériale
depuis plus d'un demi-siècle.

Landy a soutenu l'invasion par les États-Unis de l'Afghanistan et de la
Yougoslavie. Elle a soutenu le groupe terroriste albanais, l'UCK -
appelant publiquement à un soutien militaire ouvert - responsable du
meurtre de 2000 Serbes et du nettoyage ethnique de centaines de
milliers de Serbes et d'autres au Kosovo. Ce n'est pas une surprise que
de constater que la déclaration rédigée par cette extrémiste de droite
déguisée ne fait aucune mention des réussites sociales à Cuba ou d'une
opposition à l'impérialisme. Il faut noter aussi que Landy était
viscéralement opposée aux Chinois, aux Vietnamiens et autres
révolutions sociales lorsqu'elle montait les échelons de la CFR

Malgré tout leur esprit critique tant vanté, les intellectuels
"progressistes" ont ignoré la politique douteuse de l'auteur à
l'origine de la diatribe anti-Cubaine.

LE RÔLE DE L'INTELLECTUEL AUJOURD'HUI

De nombreux critiques de Cuba parlent de "principes" comme s'il n'y
avait qu'un seul jeu de principes applicables dans toutes les
situations quels que soient les acteurs et les conséquences. Réclamer
l'application de principes" tels que la "liberté" pour les personnes
impliquées dans le renversement du gouvernement Cubain avec la
complicité du Département d'État transformerait Cuba en un nouveau
Chili - où Allende fut renversé par Pinochet - et mènerait à la
destruction des acquis de la révolution.

Il y a des principes qui sont plus fondamentaux que la liberté de
quelques cubains fonctionnaires des États-Unis, tels que la sécurité
nationale et la souveraineté populaire. Il existe, surtout parmi la
gauche progressiste aux États-Unis, une certaine attirance pour les
victimes du Tiers-monde, ceux qui échouent, et une aversion pour les
révolutionnaires qui réussissent. Il semblerait que les intellectuels
progressistes états-uniens trouvent toujours un alibi pour éviter de
s'engager aux cotés d'une révolution. Pour certains, c'est le vieux
refrain du "stalinisme" - si l'état joue un rôle majeur dans
l'économie, ou s'il y a des mobilisations de masses - qu'ils qualifient
de "dictature plébiscitaire". C'est parfois les services de sécurité
qui luttent contre le terrorisme qu'ils qualifient "d'état policier
répressif".

Ces intellectuels vivent dans un des pays les moins politisés au monde,
avec un des appareils syndicaux les plus serviles et corrompus du monde
occidental. Ils n'ont pratiquement aucune influence politique en dehors
de quelques villes universitaires. Ces intellectuels états-uniens qui
se disent pratiques n'ont cependant aucune connaissance ou expérience
pratique des menaces et violences quotidiennes qui planent au-dessus
des gouvernements révolutionnaires et des militants en Amérique latine.
Leurs concepts politiques, à l'aune desquels ils approuvent ou
condamnent toute activité politique, n'existent que dans leurs esprits,
dans un cadre universitaire sympathique et progressiste où ils
bénéficient de tous les privilèges accordés par la liberté
capitalistes, sans courir aucun des dangers qu'affrontent les
révolutionnaires du tiers-monde.

Un peu de modestie, chers intellectuels prestigieux, critiques, et
prêcheurs de liberté. Posez-vous sincèrement la question de savoir si
vous aimeriez être piratés par une organisation terroriste basée à
Miami. Posez-vous la question si vous aimeriez vous asseoir dans un
grand hôtel touristique à la Havane au moment où une bombe explose -
cadeau des terroristes en train de siroter une bière avec le frère du
Président, Jeb. Essayez d'imaginer la vie dans un pays qui est le
premier sur la liste des cibles du régime impérial le plus violent
depuis l'Allemagne nazie - alors peut-être votre sensiblerie morale
accepterait de modérer vos critiques sur la politique sécuritaire
Cubaine et de relativiser vos sermons.

Je voudrais conclure en précisant mes propres "impératifs moraux" - à
l'attention des intellectuels critiques.

1 - Le premier devoir des intellectuels occidentaux est de s'opposer à
leurs propres dirigeants impérialistes et à leur conquête du monde.

2 - Le deuxième devoir est de clarifier les enjeux moraux dans la lutte
entre militaires impérialistes et résistance populaire/nationale et
rejeter l'attitude hypocrite qui consiste à mettre sur le même plan
d'égalité la terreur de masse des uns et les contraintes de sécurité
justifiées des autres, mêmes si elles sont parfois excessives.

3 - Définir les limites de l'honnêteté politique et individuel en
tenant compte des réalités et des enjeux avant de porter des jugements.

4 - Résister à la tentation de devenir un "héros moral de l'empire" en
refusant de soutenir des luttes populaires victorieuses et les régimes
révolutionnaires qui ne sont pas parfaits et qui ne jouissent pas de
toutes les libertés accordées à des intellectuels impuissants qui ne
représentent aucune menace et qui sont donc autorisés à se réunir,
discuter et critiquer.

5 - Refuser de se poser en tant que Juge, Procureur et Jury qui
condamnerait les progressistes qui ont le courage de défendre des
révolutionnaires. L'exemple le plus scandaleux est l'attaque
calomnieuse lancée par Susan Sontag contre le Prix Nobel Gabriel Garcia
Marquez, qu'elle a accusé de manquer d'intégrité et être un apologiste
de la terreur Cubaine (sic). Sontag a prononcé ces accusations
sanguinaires à Bogota, Colombie. Les escadrons de la mort Colombiens,
en complicité avec le régime, assassinent plus de syndicalistes et de
journalistes que dans n'importe quel autre pays au monde, et ils sont
loin être des "apologistes" du régime de Castro. C'est la même Sontag
qui a soutenu avec enthousiasme l'invasion impériale et le bombardement
de la Yougoslavie, qui a soutenu le régime intégriste Bosniaque et qui
est restée silencieuse devant le meurtre et le nettoyage ethnique des
Serbes et d'autres au Kosovo. Tu parles d'une intégrité morale ! Le
sens précieux de supériorité morale qu'on rencontre chez les
intellectuels New-Yorkais autorise Sontag à désigner Marquez aux
escadrons de la mort et à penser qu'elle vient de prononcer une
déclaration hautement morale.

Les intellectuels occidentaux ne devraient pas confondre leur propre
futilité politique et positions inconséquentes avec celles de certains
intellectuels latino-américains engagés. Il y a un espace pour un
dialogue constructif mais pas pour des attaques personnelles contre
ceux qui risquent leurs vies tous les jours.

Il est facile pour un intellectuel d'être un "ami de Cuba" pendant les
fêtes et les conférences, lorsque le risque est minime. Il est beaucoup
plus difficile être un "ami de Cuba" lorsque l'empire totalitaire
menace l'île héroïque et pèse de tout son poids sur ses défenseurs.

A une époque de guerres permanentes, de génocides et d'agressions
militaires, Cuba a besoin de la solidarité des intellectuels critiques,
qu'elle reçoit de partout en Europe et surtout d'Amérique latine.
N'est-il pas temps que nous, aux États-Unis, avec nos illustres et
prestigieux intellectuels et toutes nos majestueuses sensibilités
morales, reconnaissions l'existence d'une révolution vivante et
héroïque qui lutte pour se défendre contre l'agresseur US et que nous
laissions de coté nos déclarations qui n'ont d'importance que pour
nous, que nous soutenions la révolution et que nous rejoignions le
million de Cubains qui ont fêté le premier Mai avec leur dirigeant
Fidel Castro ?



CUBA SOLIDARITY PROJECT
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