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FERAL TRIBUNE

Croatie : après les élections, nouvelles inculpations ?

TRADUIT PAR JEAN-ARNAULT DÉRENS
Publié dans la presse : 22 novembre 2003
Mise en ligne : mardi 25 novembre 2003


Le TPI préparerait trois nouvelles inculpations contre des responsables
croates de haut rang. Le Premier ministre sortant, Ivica Racan, en
était probablement informé. Ces inculpations vont représenter le
baptême du feu pour Ivo Sanader, le dirigeant du HDZ, qui a déclaré
durant la campagne électorale qu’il était prêt à coopérer avec la
juridiction internationale.

Par Ivica Djikic


Ivo Sanader, président du HDZ et futur Premier ministre, va très vite
avoir l’occasion de démontrer s’il était sincère quand il se
prononçait, ces derniers jours, en faveur de la coopération avec le
Tribunal pénal international de La Haye (TPI) : Carla del Ponte tient
sous le coude trois nouvelles accusations contre des citoyens croates,
qui devraient être envoyées à Ivo Sanader dès qu’il aura pris ses
fonctions. Une sorte de cadeau de félicitation pour son succès
électoral. Si Ivica Racan restait Premier ministre, d’ailleurs, les
choses se passeraient de la même manière. Il semble bien que Racan
était au courant de ce scénario, et il a profité de l’inculpation de
Milan Babic, le chef de l’insurrection serbe en Krajina, pour déclarer
que « le Tribunal de La Haye est impartial ». Il s’agissait de préparer
l’opinion publique à ces inévitables nouvelles inculpations de
« chevaliers » croates.

La Chambre d’accusation du TPI a achevé la rédaction d’inculpations
contre le général de police Mladen Markac, ancien chef des unités
spéciales de la police croate, contre Tomislav Mercep, actuel président
du marginal Parti populaire croate (Hrvatska Pucka Stranka, HPS) et qui
avait en 1991 de larges compétences sur une grande part de la Croatie.
Le dernier inculpé est le général Damir Krsticevic, ancien commandant
de la IVe brigade de la Garde de l’armée croate.

Selon les sources de Feral à La Haye, Mladen Markac serait inculpé des
crimes de guerre commis par les forces croates lors de l’opération de
la « poche de Medak », en Slavonie occidentale, au printemps 1993. Dans
cette opération, le général a mobilisé les forces spéciales de la
police, aux côtés de la IXe brigade de la Garde, commandée par le
général Mirko Novac. L’opération s’est soldée par la mort de dizaines
de civils serbes. Le livre du général Janko Bobetko, « Toutes mes
batailles », témoigne du rôle de Mladen Markac dans la poche de Medak.
Bobetko cite élogieusement le général Markac qui, lors de courts
entretiens avec les enquêteurs du TPI, a essayé, mais sans succès, de
rejeter sa responsabilité dans ces événements.

Mais le procès du général Markac n’épuiserait pas le dossier de la
poche de Medak. L’accusation pourrait également impliquer le général
Mirko Norac (le procès de celui-ci, dans ce cas, se poursuivrait hors
de Croatie), et pourrait finalement arriver jusqu’à Ivan Jarnjak,
ancien ministre de la Police.

L’accusation contre Tomislav Mercep ferait état de meurtres et de
mauvais traitements contre les civils serbes de Vukovar à l’été 1991.
Alors chef du HDZ dans la ville de Vukovar, Tomislav Mercep a ensuite
été rappelé à Zagreb où il est devenu ministre-adjoint de la police. Il
est considéré comme le principal responsable des dizaines de corps qui
ont été retrouvés dans le Danube, et des dizaines de maisons et de
commerces serbes incendiés ou détruits à Vukovar. Le TPI a entendu
beaucoup de témoins serbes, mais aussi croates, de Vukovar à propos des
activités de Mercep dans cette ville : particulièrement importante est
la déposition de Ferdinand Jukic, principal chef de la police de
Vukovar en 1991, qui accuse Mercep de la majorité des crimes commis
durant cet été dans la ville.


Le massacre de Mrkonjic Grad

Le général Damir Krsticevic serait accusé de crimes contre les civils
serbes durant l’opération « Coup au sud » à Mrkonjic Grad, en
Bosnie-Herzégovine. En raison de cette implication des troupes croates
en Bosnie en octobre 1995, l’accusation contre le général Ante Gotovina
pourrait rapidement être élargie. Le général Krsticevic commandait la
IVe brigade de la Garde, qui est entrée le 10 octobre 1995 dans la
ville de Mrkonjic Grad, et dont l’ancien commandant Andrija Matas Pauk
est mort ce jour même dans les violents combats qui ont eu lieu dans
les faubourgs de la ville. Les soldats de Krsticevic se sont vengés par
un bain de sang : ils ont tué 181 personnes, dont les corps ont été
exhumés au début de l’année 1996 du cimetière orthodoxe de Mrkonjic
Grad. Les examens ont démontré que les Serbes de Mrkonjic Grad, parmi
lesquels se trouvait un homme âgé de 90 ans, ont été tués par des armes
à feu, des couteaux, et des balles tirées à bout portant dans la tête.

Damir Krsticevic a participé à ce massacre, et il ne lui était jamais
passé par la tête de remettre à la justice les soldats responsables de
cette tuerie placés sous ses ordres. Ante Gotovina, qui commandait
l’opération « Coup au sud » depuis les positions de Sipovo, où étaient
assiégés les généraux Zeljko Glasnovic et Ljobo Cesic Rojs, n’a jamais
témoigné contre Damir Krsticevic, alors qu’il savait - ou qu’il devait
savoir - ce qui s’était passé à Mrkonjic Grad.

Ante Gotovina pourrait donc être également inculpé pour ne pas avoir
empêché la sanglante vengeance de la IVe brigade de la Garde, pour ne
pas avoir diligenté d’enquête et pour ne pas avoir puni les coupables.
Il n’existe aucune trace suggérant qu’Ante Gotovina aurait pu
s’inquiéter à ce sujet, et ses avocats devraient très prochainement
recevoir des informations sur cet élargissement de l’acte d’accusation.
Les seules traces écrites de ces opérations sont le livre « Les
attaques et les opérations de l’armée croate et du HVO », publié en
1996 qui, comme d’ailleurs tous les livres écrits par les généraux
croates, offre une excellente base pour rédiger une inculpation contre
son auteur.


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© Le Courrier des Balkans pour la traduction

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