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Subject: Ce courageux monsieur Djindjic ...
Date: Wed, 7 Jan 2004 17:17:30 -0200
From: Marc-Antoine COPPO

Chers amis de la direction du Diplo,

Je me permets de vous adresser ci- dessous quelques extraits commentés
de l'article de Jean-Arnault Dérens « Serbie: l'hypothèque de
l'extrême-droite nationaliste », qui vient d'être mis en ligne sur le
site Internet du Diplo. J'ignore si ce texte reflète la position
officielle de la rédaction du journal mais, si c'est le cas, alors ce
qu'il révèle est vraiment préoccupant quant à la réalité des ambitions
« altermondialistes » du
journal en matière d'information.

Je ne doute pas que mes remarques vous convaincront qu'une autre
information sur la Serbie est possible.

Bien amicalement à vous tous, et meilleurs voeux pour 2004.

Marc-Antoine Coppo



« La Serbie s'est engagée bien plus tard que tous les autres pays
socialistes dans la voie de la transition économique et doit s'attendre
à des difficultés accrues. »

Derens considère sans doute que la faute en revient à Milosevic et à
ses « idées folles de grande Serbie » qui ont retardé de dix ans le
processus de privatisation. Une thérapie de choc à la polonaise, voilà
ce qu'il aurait fallu à la Serbie des années 90 pour accélérer le
processus vers l'intégration européenne !

« Le discours du Parti radical joue sur la peur, celle d'une submersion
des populations serbes par des éléments étrangers. Dans le Sandjak, les
partis démocratiques de Belgrade s'appuient uniquement sur les partis
bosniaques
locaux, rejetant les populations serbes dans les bras des extrémistes.
Dans le même temps, aucun responsable politique de Belgrade n'ose
revendiquer de manière positive la multiethnicité de la Serbie, alors
que les différentes minorités nationales représentent plus de 20 % de
la population totale de la République. »

C'est absolument faux ! Milosevic a, de tout temps, revendiqué de
manière positive la multiethnicité de la Serbie. Ce qui n'est
d'ailleurs pas tout à fait étranger à son embastillement à La Haye.

« Les forces autrefois unies dans la lutte contre le régime de M.
Milosevic se présentaient divisées. Le Parti démocratique de Serbie
(DSS) de M. Vojislav Kostunica professe un nationalisme proche de celui
des radicaux, tandis que le Parti démocratique (DS), la formation de
Zoran Djindjic, le premier ministre assassiné le 12 mars dernier, qui
dirige le gouvernement sortant, n'a pas réussi à convaincre sur son
bilan. »

Il faut reconnaitre qu'avec un chômage à plus de 30% et des retraites
misérables, il était difficile pour les « démocrates » de convaincre
sur leur bilan !

« Zoran Djindjic avait pourtant engagé des réformes essentielles. Il
avait eu le courage d'arrêter M. Milosevic et de l'envoyer devant les
juges internationaux du Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie (TPIY). Ce courage, qu'il a payé de sa vie, n'a guère
été récompensé : les aides
internationales à la Serbie n'ont cessé de se raréfier, et les
dirigeants de Belgrade ont surtout dû vivre de promesses, rarement
tenues. »

Quelles réformes essentielles ? Sans doute Dérens veut-il parler ici de
la politique de privatisations. Et d'en profiter pour
ressortir l'image d'Epinal d'un Djindjic victime de son courage !
Est-ce donc là l'exemple d'information alternative que prétend
promouvoir le Diplo ? Le comble, c'est que l'envoyé spécial à Belgrade
du quotidien conservateur Le Figaro, Renaud Girard, trouve le moyen
d'être autrement plus audacieux dans l'analyse que le collaborateur du
Monde diplomatique, et plus lucide aussi sur la véritable personnalité
de Djindjic, lorsqu'il écrit dans Le Figaro du 30 décembre 2003 :
« Djindjic est un homme pressé pour qui la fin justifie tous les
moyens. Pour parvenir au pouvoir, il n'a pas hésité à passer un pacte
secret avec le diable, c'est à dire avec les milieux du crime organisé
qui sont en cheville avec les services secrets. Djindjic est un homme
qui compose avec les puissances quelles qu'elles soient. Parce que les
Américains menacent de supprimer leur aide, Djindjic extrade Milosevic
à La Haye, en dépit d'une disposition de la constitution qui interdit à
la Serbie d'extrader ses propres concitoyens.
Kostunica est choqué par cette infraction au droit qui a été faite dans
son dos. Il réclame à cor et à cris que la DOS s'attelle en priorité à
la rédaction d'une nouvelle constitution. Il n'est pas entendu par
Djindjic qui préfère se concentrer sur la politique de privatisation,
et qui est très content du pouvoir qu'il a hérité de d'institutions
dessinées sous Milosevic.
C'est là que Montgomery, devenu ambassadeur, va commettre une erreur
fatale. Il prend le parti de Djindjic contre un Kostunica aussitôt
présenté dans les médias occidentaux comme un rêveur et un
nationaliste. Le problème est que Djindjic qui n'a plus le soutien des
députés du DSS, le parti de Kostunica, va s'accrocher au pouvoir par
tous les moyens. Le DS devient un parti miné par la corruption et la
compromission d'une partie de ses dirigeants avec les milieux du crime
organisé. Les abus du droit et les pressions sur la presse indépendante
vont se multiplier. Le Américains préfèrent fermer les yeux : « A
bastard, but our bastard ».
Djindjic est assassiné le 12 mars dernier pour avoir pris se distances
avec les gangsters qui l'avaient aidé deux ans et demi plus tôt. La
répression policière qui suit (opération Sabre) ne vise pas seulement
les criminels. On emprisonne aussi les opposants politiques, des
conseillers de Kostunica.
L'Amérique garde le silence. » (Renaud Girard, « Un échec pour la
"communauté internationale", Le Figaro, 30 décembre 2003).

Conclusion : l'article de Jean-Arnault Dérens consacré aux dernières
élections serbes, conformiste et bien-pensant, est parfaitement typique
de la pensée de gauche libérale entièrement convaincue des bienfaits de
l'intégration européenne. De grâce messieurs, suspendez votre
collaboration avec Dérens et recrutez plutôt l'excellent Renaud Girard
avant qu'on n'en vienne à penser que «l'altermondialisme » du Monde
diplomatique n'est en réalité que la roue de secours idéologique de la
mondialisation !

Marc-Antoine Coppo