"Procés" Milosevic: Une honteuse parodie de justice
SOURCE:
http://www.anti-imperialism.net/lai/index.php?section=BBBL&language_id=1
1. Le Tribunal Pénal de La Haye de moins en moins crédible
(Edward Herman, Balkans-Info, 01/07/2004)
2. Le Tribunal Penal International de La Haye : Deux ans d'efforts
coûteux pour aboutir a un constat d'échec
(Nico Varkevisser, Balkans-Info / Targets, 01/03/2004)
3. L'échec du procès Milosevic
(20/02/2004, source : Réseau Voltaire)
4. Deux ans de procès Milosevic : fiasco à La Haye ?
(Vreme - Le Courrier des Balkans, 19/02/2004)
5. Une honteuse parodie de justice
(Cathrin Schütz, Balkans-Info / Jünge Welt, 19/08/2003)
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Le Tribunal Pénal de La Haye de moins en moins crédible
Edward Herman 01/07/2004
source : Balkans-Info
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22840
Si les chefs d'Etats sont tenus pour responsables des crimes de leurs
armées, pourquoi juge-t-on Milosevic et pas Bush et Blair ?
Les progressistes et une grande partie de la gauche ont été abusés à
propos de l'histoire récente de la Yougoslavie et du rôle du tribunal
pénal international pour l'exYougoslavie, avec l'ex-président serbe
Slobodan Milosevic hyperdiabolisé et l'histoire des Balkans réécrite
pour se conformer à ce que Lenard Cohen appelle le paradigme "paradis
perdu/chefs indignes". Beaucoup d'observateurs sérieux rejettent cette
version, et considèrent les Etats-Unis et les autres puissances de
l'OTAN comme lourdement responsables des désastres depuis 1990.
Le livre de Lord David Owen, "Balkan Odyssey", et son témoignage devant
le TPI confirment clairement que Milosevic cherchait ardemment une
solution à la guerre en Bosnie bien avant les accords de Dayton en
1995, et qu'il avait sans cesse d'importants conflits d'intérêts avec
les Serbes de Bosnie. Il est évident, d'après Owens - et c'est l'avis
de bien d'autres experts - que le gouvernement US a joué un rôle
capital dans les échecs du plan Vance en 1991, du plan Cutileiro en
1992, des plans Vance-Owen et Owen-Stoltenberg en 1993, lorsque
l'administration Clinton a armé les musulmans de Bosnie, et plus tard
l'UCK au Kosovo, en les encourageant à espérer (et à préparer) une
intervention militaire USA-OTAN en leur faveur.
Milosevic n'avait pas été inculpé, avec Mladic et Karadjic, de
nettoyage ethnique en Bosnie au cours des années précédentes, aussi
l'essai tardif, en 2002 à La Haye, de le rendre responsable de ces
massacres suggère que la procureur du TPI Caria del Ponte s'est rendue
compte que les tueries au Kosovo étaient loin de correspondre à ce
qu'elle pouvait présenter comme un "génocide". Même des représentants
de l'establishment comme le général en retraite de l'US Air Force
Charles Boyd et le responsable de l'ONU Cedric Thom-berry ont souligné
que les tueries en Bosnie entre 1991 et 1995 n'étaient en aucune façon
le seul fait des Serbes de Bosnie : les Croates et les musulmans
bosniaques, ces derniers aidés par des milliers de moudjahidin
importés, ont massacré des milliers de leurs ennemis ethniques dans le
secteur. Mais le tribunal, organisé, financé et contrôlé
essentiellement par les USA et la Grande Bretagne, ne s'est intéressé
qu'aux cibles de l'OTAN, et ces dernières étaient presque exclusivement
serbes.
Il y a maintenant une copieuse littérature qui prouve que le TPI n'est
pas seulement un bras grossièrement politisé de l'OTAN, mais aussi un
"tribunal voyou" (Rogue Court). En tant qu'appendice politique, il a
constamment dégagé le terrain pour les opérations militaires de l'OTAN
et, depuis la victoire, il a obstinément œuvré pour prouver que la
guerre de l'OTAN était juste.
Le procès de Milosevic est le pilier principal de la vertu de l'OTAN,
bien qu'il ait été totalement incapable de fonder les accusations et de
présenter une image d'impartialité et de justice. Cet échec a été
illustré par le traitement privilégié réservé au gouvernement US et à
Wesley Clark. Le gouvernement US a eu droit à une session à huis clos
du tribunal et au contrôle rédactionnel du témoignage du général ;
Clark a pu communiquer avec des gens à l'extérieur et obtenir
l'insertion dans le compte rendu d'un aval de Bill Clinton, en
contradiction directe avec les règles établies par le juge May. Les
lecteurs du New York Times ne sauront pas non plus que lorsque William
Walker était à la barre, la déférence du juge May pour "l'ambassadeur"
était risible ; pendant l'interrogatoire des procureurs, il n'y a pas
eu une interruption, alors que le contre-interrogatoire de Milosevic a
été interrompu 70 fois. On n'a pas permis à ce dernier de poser une
question à Walker, l'homme qui s'est tant lamenté sur les morts de
Racak, sur ses piètres excuses pour l'exécution de six responsables
jésuites et de bien d'autres au Salvador.
Un récent exemple du genre d'analyse qui reprend les clichés
conventionnels est un commentaire de Stacey Sullivan, du Institute for
War and Peace Repor-ting (IWPR) intitulé "Milosevic et le génocide :
l'accusation a-t-elle été prouvée ?" (1) L'IWPR est financé par le
Département d'Etat, US AID, le National Endowment for Democracy, le
Open Society Institute (Soros), et une demi-douzaine de gouvernements
occidentaux, et sert depuis longtemps d'instrument de propagande de
l'OTAN. Sullivan est connue pour ses positions républicaines dures en
faveur de la guerre et de la propagande de vengeance.
Sullivan déclare pour commencer que l'accusation a démarré en annonçant
qu'elle "prouverait" la culpabilité de Milosevic en matière de
génocide. Elle omet de mentionner que les accusations concernant la
Bosnie ont été ajoutées tardivement, que Milosevic n'avait pas été
rendu responsable des tueries au moment des faits et, alors que Caria
del Ponte affirmait qu'elle avait la "certitude" de sa culpabilité,
elle avouait ne pas en avoir encore les preuves. Inculper, accuser
publiquement et spectaculairement, et ensuite chercher les preuves, est
depuis longtemps le modus operandi du tribunal.
Sullivan dit ensuite qu'il y a eu "300 témoins", dont "certains, de
très haut niveau, se sont retournés contre leur exmaître", et "des
milliers de documents". Nous sommes sensés être impressionnés par ce
volume de fumée qui doit témoigner de l'existence du feu génocidaire.
Elle ne dit pas que le professeur de droit canadien Michael Mandel a
remis à Caria del Ponte, en avril 1999, des "milliers de pages" de
documents décrivant les crimes de guerre de l'OTAN, qu'elle a bien
entendu ignorées, et que des milliers de pages ont été publiées et
d'innombrables témoins étaient à entendre à propos des milliers de
victimes serbes en Bosnie.
En ce qui concerne les "responsables de haut niveau", l'accusation en a
produit quelques-uns qui se sont montrés coopératifs. Mais un des
principaux, Ratomir Tanic, s'est révélé un escroc, d'un niveau si
"haut" qu'il ne pouvait même pas dire où se trouvait le bureau du
président. De vrais leaders comme l'ex-president yougoslave Zoran Lilic
ou le membre de la présidence Borislav Jovic ont confirmé ce que disait
Milosevic sur pratiquement tous les points importants. Rade Markovic,
l'ex-chef de la sécurité yougoslave, qui avait tout à gagner à dénoncer
son ex-patron, a défendu Milosevic sur tous les points et est revenu
sur un témoignage qu'il a affirmé lui avoir été extorqué par des
menaces et des tortures au cours d'un emprisonnement de 17 mois.
Sullivan néglige évidemment de préciser que de nombreux témoins ont été
achetés ou menacés de lourdes peines s'ils ne consentaient pas à dire
ce qu'il fallait.
Elle indique que de nombreux experts juridiques doutent de l'accusation
de génocide parce que "le tribunal a placé très haut la barre de la
preuve". Il faudrait prouver que Milosevic "avait orchestré
l'éclatement de la Yougoslavie dans l'intention spécifique de détruire
les musulmans bosniaques comme peuple... et prouver de façon non
équivoque cette intention... ayant pour but la liquidation de tous les
musulmans bosniaques." L'idée que Milosevic voulait l'éclatement de la
Yougoslavie est un délire idéologique, qui contredit la version
habituelle qu'il avait attaqué la Slovénie et la Croatie pour essayer
d'empêcher leur sécession. (2)
Comme il y a eu beaucoup de tueries et de nettoyages ethniques de tous
les côtés en Bosnie, et que le célèbre massacre de Srebrenica ne
concernait que les hommes en âge de porter les armes, dont beaucoup
avaient été tués pendant les combats après que les Serbes de Bosnie
aient séparé les femmes et les enfants et les aient mis à l'abri,
l'intention et le plan (pour ne pas mentionner le prétendu contrôle de
Milosevic sur les forces bosno-serbes) semblent des éléments essentiels
de la preuve d'une culpabilité de génocide. Mais quelle est la
définition du génocide selon Caria del Ponte ?
Sullivan n'a aucune idée de la hauteur de la "barre" placée par le
tribunal pour l'accusation de génocide. Cette barre s'est montrée
merveilleusement flexible, et lorsque Sullivan dit qu'elle a été trop
haut placée, son affirmation n'a aucun rapport avec la procédure du
tribunal, mais est plutôt un moyen d'assurer que la barre soit placée
assez bas pour que le procès ait le résultat voulu. Dans le cas du
général bosno-serbe Krstic, le tribunal l'a jugé coupable de génocide
en assimilant le génocide au nettoyage ethnique et en étendant le
concept à la seule élimination d'hommes armés dans une unique petite
ville !
Considérant cela comme un exemple valable de génocide, Sullivan déclare
qu'un "acquittement (de Milosevic) aurait des conséquences sérieuses
sur les efforts de juger les génocides à l'avenir." Si l'accusation de
génocide n'est pas valable, l'acquittement n'aurait aucun effet sur les
poursuites futures. Par contre, s'il s'agit d'une accusation pourrie,
portée par une alliance qui a perpétré le "crime suprême" d'agression
de la Yougoslavie en violation de la Charte des Nations Unies, et qui
s'est servie du tribunal d'abord comme appoint au déclenchement de la
guerre puis comme moyen de justifier l'agression, son rejet serait un
plus pour la légalité internationale. Cela a peu de chances d'arriver,
étant donné que le tribunal est un instrument des puissances de l'OTAN,
bien que l'accusation soit si faible qu'il n'est pas inconcevable que
Milosevic ne soit jugé coupable que de "crimes contre l'humanité".
Ce qui compromettrait les efforts de juger les génocides serait que les
Etats-Unis ou une autre grande puissance s'engage dans un génocide ou
en soutienne un, car il n'existe aucun mécanisme de prévention ou de
sanction de ce genre d'opération dans le Nouvel ordre mondial, les
grandes puissances étant exonérées de poursuites. Ainsi les "sanctions
de destruction massive" imposées à l'Irak par les USA et la Grande
Bretagne entre 1991 et 2002 ont tué quatre ou cinq fois plus de civils
qu'il n'y a eu de victimes en tous genres au cours des guerres
balkaniques des années 1990 et, comme l'ont montré Thomas Nagy et Joy
Gordon (3), ces morts ont été causées délibérément et volontairement.
De même, les opérations de Suharto et de ses successeurs en Indonésie
et au Timor oriental ont été de véritables génocides, perpétrés sous
protection occidentale, principalement américaine et anglaise. Mais
Sullivan ignore ce problème d'impunité.
Elle affirme que "les plus sérieuses conséquences d'un acquittement
pour génocide... seraient de loin les effets sur les victimes en
Bosnie", passant sous silence les victimes croates ou serbes, qui se
comptent par milliers. (Le plus important exemple de nettoyage ethnique
durant les guerres balkaniques a été l'expulsion des Serbes de la
Krajina en août 1995, avec l'assistance de l'Amérique et,
proportionnellement, le plus vaste nettoyage ethnique a été celui des
Serbes et autres minorités, comprenant les Roms, chassés du Kosovo par
l'UCK sous les auspices de l'OTAN après juin 1999.) Mais même à l'aune
étroite des critères de Sullivan, à quel point les victimes bosniaques
se sentent-elles concernées par ce problème ? Comment connaît-elle les
sentiments des victimes ? Un sondage effectué en Bosnie il y a quelques
années a montré que pas plus de 6 % de musulmans, Croates ou Serbes de
Bosnie considéraient comme important déjuger des criminels de guerre.
(4)
De plus, pourquoi les victimes auraient-elles besoin de voir accréditer
une accusation de "génocide" ? Ne se contenteraient pas d'une
culpabilité pour "crimes de guerre" ? Cela dit, si la fonction du
procès est de justifier la guerre de l'OTAN, il faut qu'il y ait
génocide. Et il est plus convenable d'en faire une préoccupation
prioritaire des victimes qu'un satisfecit de l'OTAN.
Edward HERMAN, "Stacey Sullivan on Milosevic and Génocide", Foreign
Policy in Focus, 28 mai 2004.
Herman est un économiste et un analyste des médias. Il tient une
rubrique régulière dans Z Magazine, et est l'auteur, avec Philip
Hammond, de "Degraded Capability, the Media and the Kosovo" (Pluto
2000).
notes
(1) http://www.fpif.org/commentary/2004/0402milose-vic.html
(2) Voir Edward S. Herman, "Diana Johnstone on the Balkan Wars",
http://www.monthlyreview.org/0203herman.html et George Szamuely,
"The Yougoslavian Fairytale",
http://www.fpif.org/commentary/2004/0405fairytale.html
(3) Thomas Nagy, "The Secret behind the Sanctions : How the US
intentionally destroyed Iraq's Water Supply" The Progressive, septembre
2001, et Joy Gordon, "Economie Sanctions as Weapons of Mass
Destruction", Harpers, novembre 2002.
(4) Charles Boyd, "Making Bosnia Work", Foreign Affairs, janvier 1998).
---
L'article d'Herman est loin d'être le seul. Il prend place dans une
critique qui se développe, et qui confirme ce que nous disons depuis
des années. Le TPI, de sa création à ses sentences, en passant par son
financement, sa procédure, son infléchissement politique, ses abus de
pouvoirs et son mépris du droit, est une cour d'injustice, dont le seul
but est d'oblitérer les crimes de l'Occident. Il déshonore le monde qui
se prétend "libre" et doit disparaître. S'il le fallait, l'actualité
souligne encore les raisons d'en réclamer la dissolution. La
transformation d'un épisode de bataille en génocide dans la
condamnation du général Krstic, pour pouvoir ressusciter cette notion
et l'appliquer à Milosevic, alors qu'on a été incapable de l'inculper
pour ce motif, prouve la faiblesse et la fourberie de ses réquisitoires.
La décision de renvoyer les accusés croates devant leurs tribunaux
nationaux , alors que les accusés serbes sont maintenus sous la
soi-disant juridiction internationale, prouve la partialité de ses
responsables.
La prétention de faire remonter à l'ex-chef d'Etat Milosevic la charge
des atrocités qui auraient été commises par ses subordonnés, alors
qu'il n'est pas question d'en faire autant pour Bush et Blair malgré
l'abondance de révélations écœurantes sur le comportement de leurs
troupes, prouve une dualité de poids et de mesures qui n'a rien à voir
avec la justice.
Il faut mettre un terme à cette mascarade, annuler les jugements
infondés et renvoyer tous les présumés coupables à leurs législations
respectives. La crédibilité des démocraties est à ce prix.
=== 2 ===
Le Tribunal Penal International de La Haye :
Deux ans d'efforts coûteux pour aboutir a un constat d'échec
Nico Varkevisser 01/03/2004
source : Balkans-Info / Targets
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22901
Le 12 février 2002, les accusateurs du Tribunal pénal international
pour l'ex-Yougoslavie (TPI) ont commencé leur réquisitoire contre
l'ex-président yougoslave Slobodan Milosevic. Ils ont assuré à
l'opinion publique mondiale que leur inculpation était en béton. Ils
ont même affirmé qu'ils avaient de quoi attribuer à Milosevic le pire
crime de tous : celui de génocide. Aujourd'hui, après avoir présenté
leurs arguments pendant deux ans et convoqué 296 témoins, leur
accusation s'est écroulée comme un château de cartes. Les amici curiae,
désignés pour garantir l'équité du procès, ont demandé que de
nombreuses charges soient abandonnées, notamment celle de génocide,
pour absence complète de preuves. En même temps, le président du
tribunal, le juge Richard May, a présenté sa démission. La conviction
des patrons de médias et des prétendus "experts juridiques" que
Milosevic sera condamné à la prison à vie ne peut pas masquer le fait
que ce tribunal est confronté à de sérieux problèmes.
Il n'est pas nécessaire d'être un juriste pour voir que ce procès est
une mascarade. C'est un viol des principes les plus élémentaires d'une
justice impartiale. La procureur en chef, Caria del Ponte, et le
président du tribunal, Richard May, ont voulu se servir de ce prétendu
procès comme d'un forum destiné à lyncher Milosevic, à le dénoncer
comme coupable devant l'opinion publique.
Mais la mise en scène a disparu rapidement des grands médias mondiaux.
A partir du moment où Milosevic a fait sa déclaration préliminaire, les
médias ont réalisé qu'ils auraient du mal à simultanément rendre compte
du procès et cacher la vérité. CNN, qui avait prévu à l'origine de
retransmettre la déclaration de Milosevic en entier, a abrégé son
émission en utilisant le faible prétexte que les images montrées par
Milosevic des victimes des bombardements de l'OTAN de 1999 étaient
"trop réalistes". La raison de cette décision de draper ce soi-disant
procès dans un voile de silence est évidente. Pendant des années, les
politiciens occidentaux et leurs médias aux ordres ont raconté, sans le
moindre égard pour la vérité ou l'objectivité, que Milosevic était le
"boucher des Balkans" et que le peuple serbe était les "nouveaux
fascistes".
Ce sont eux qui ont créé dans l'opinion publique le climat nécessaire
à la prétendue "intervention humanitaire" de l'OTAN qui, en fait, a
pris la forme d'une sanglante campagne de bombardement de 78 jours. Dès
le début, ils ont accusé Milosevic d'avoir été l'artisan des guerres
qui ont détruit l'ex-Yougoslavie, et en I999, le TPI l'a officiellement
inculpé de l'avoir fait. Sur la foi de cette rhétorique, on aurait pu
croire qu'ils avaient des preuves de leurs affirmations. Mais quand le
procès a commencé, l'accusation n'avait même pas achevé la rédaction de
l'inculpation. Cela n'a pas été un problème pour les soi-disant
"juges". Cela n'a pas été un problème non plus que l'extradition de
Milosevic de Yougoslavie s'apparente à un kidnapping ; elle était
illégale, elle était inconstitutionnelle, elle a été réalisée en
contradiction flagrante avec une décision de la Cour constitutionnelle
de Yougoslavie.
Les prétendus "juges" et "accusateurs" se sont rapidement mis d'accord
sur le fait que l'OTAN était au-dessus des lois. Ils ont vite décidé
que les crimes de l'OTAN ne pouvaient faire l'objet d'aucune enquête.
Mener un procès qui a pour but de convaincre l'opinion publique de la
culpabilité de quelqu'un alors qu'on n'en a aucune preuve, est une
affaire délicate. Cela demande un sérieux contrôle. Avec des financiers
comme CNN ou George Soros, le tribunal pouvait en exercer beaucoup,
mais il demeurait un élément d'insécurité : Milosevic, et ce qu'il
pouvait dire. Accuser quelqu'un à tort n'est pas un problème quand on
contrôle les médias, mais il est difficile de les réduire au silence
quand il s'agit d'un procès, surtout si l'on veut donner à ce procès
une apparence d'équité. Dans son effort de censurer Milosevic,
l'accusation a voulu obtenir de la cour qu'elle lui impose un avocat.
Cela a été le combat-clé avant l'ouverture du procès.
Milosevic a été la cible de formidables manipulations ; de tous les
côtés on lui conseillait de prendre un avocat. En novembre 2001,
Milosevic a triomphé de ces pressions et, dans une déclaration au TPI,
il a affirmé en termes dénués de toute ambiguïté qu'il ne désignerait
aucun défenseur.
Il est devenu clair pour l'accusation qu'elle était confrontée à une
complication qu'elle n'avait pas prévue, ou du moins dont elle ne
voulait à aucun prix.
Le fait que Milosevic soit sorti vainqueur de ce premier combat a été
d'une importance capitale pour le déroulement ultérieur du procès. En
refusant de désigner un avocat, il s'est mis en mesure d'influencer
directement le tribunal. En se défendant lui-même, et en menant
lui-même ses contre-interrogatoires, il a empêché qu'on le réduise au
silence.
Dès le début, Milosevic a qualifié l'opération de procès poltique. Il
a ignoré les préoccupations procédurales du tribunal en disant "c'est
votre problème". Il s'est constamment référé à l'accusation comme
"l'autre partie" et le juge-président a du s'accommoder d'être appelé
"Mr May".
Malgré les constants efforts de May de l'empêcher de parler en
débranchant le micro. Milosevic a réussi en de nombreuses occasions à
embarrasser les juges et l'accusation. Le fait qu'il ait si souvent
réussi à le faire explique le manque de couverture médiatique : on ne
peut pas se permettre qu'il soit entendu. Le tribunal a eu recours à
une stratégie visant à épuiser et briser Milosevic. L'accusation a cité
près de 300 témoins, et malgré cela n'a rien prouvé. De nombreux
juristes ont critiqué ce procédé. Ils disent que si une affaire existe,
elle peut se prouver avec moins de 20 témoins. Parce que l'objectif du
procès est d'arriver à une condamnation, et qu'aucune preuve n'existe
pouvant la justifier, la stratégie a consisté à accumuler les
accusations en espérant qu'au moins une parviendrait à coller. Quand
l'accusation a commencé à citer ses témoins et quand le public a vu
comment se déroulaient les auditions, l'affaire est devenue encore plus
embarrassante pour le tribunal. Certains témoins du "premier cercle",
comme Ratomir Tanic, se sont révélés des imposteurs. Tanic a affirmé
avoir été un conseiller au sommet du président du Parti de la nouvelle
démocratie (ND) quand ce dernier était associé au Parti socialiste de
Serbie (SPS) de Milosevic et la Gauche yougoslave (YUL) dans le
gouvernement. Dans sa position au ND, Tanic a affirmé avoir assisté à
des rencontres au sommet entre Milosevic et les chefs de ce parti. Il
s'est avéré que Tanic n'avait aucune position dans le ND. Selon les
archives du ND obtenues par Milosevic, il n'en était même pas membre.
Non seulement Milosevic a réussi à prouver que Tanic était un menteur,
mais il a aussi pu révéler les connexions de Tanic avec les services
secrets anglais.
Il y a eu aussi les "témoins de crimes de la base", comme Bilall
Avdiu, un Bosno-albanais du village de Racak. Il a raconté une
éprouvante histoire selon laquelle il aurait survécu au massacre en se
faisant passer pour mort. Il a affirmé avoir vu lui-même les policiers
serbes découper les cœurs dans les poitrines des cadavres. Ce récit du
prétendu "massacre de Racak" a servi de justification au bombardement
de la Yougoslavie.
Avdiu a déclaré que les policiers avaient tué Ragip Bajrami en
découpant son cœur dans sa poitrine alors qu'il était encore vivant.
"Je l'ai vu de mes yeux, a-t-il dit. Il n'avait aucune blessure par
balles. J'ai vu le couteau et comment ils ont arraché son cœur." Il a
continue en affirmant que Bajrami n'était pas la seule victime à avoir
été mutilée de la sorte. "Cinq ou six ont subi le même sort."
Même Nice, le procureur, a dû admettre que les examens scientifiques
ont prouvé qu'Avdiu, et plusieurs autres témoins, étaient des menteurs.
Un autre "témoin de base" a été Mustafa Draga, un Albanais du Kosovo du
village de Lecina, qui a lui aussi déclaré avoir survécu à un massacre
par la police serbe. Il a raconté que la police avait fait feu sur lui
avec des mitrailleuses lourdes à une distance de huit mètres, mais
qu'il n'avait pas été touché. Et pour prouver son extravagante
allégation, il a apporté sa chemise criblée de trous de balles. Quand
Milosevic lui a demandé comment il était possible qu'il n'ait pas été
touché, il a allégué la divine providence en disant : "J'ai été sauvé
par Dieu pour pouvoir venir ici témoigner." Malgré cette histoire
rocambolesque, la chemise a été acceptée comme pièce à conviction. Une
autre catégorie de témoins a été celle des "experts", comme Renaud de
la Brosse, qui a été cité pour parler de la propagande dans les médias
serbes. Ce soi-disant "expert" ne parlait pas le serbe, ce qui, de
toute évidence, rendait difficile son analyse des médias. Il n'a pu
répondre à aucune des questions de Milosevic sur ce qui s'était passé
pendant la guerre et sur la nature propagandiste de l'information,
parce qu'il ignorait tout des événements. Aucune importance, pour lui,
relation des faits et mensonges étaient tous deux de la propagande. Il
a dénoncé la prétendue propagande en disant : "Quand les réservistes
serbes se sont emparés de Zvornik en Bosnie, les médias serbes ont
annoncé la libération de la ville, sans dire un mot des milliers de
cadavres gisant dans les rues." La source de son information sur des
"milliers de cadavres" était le livre de Florence Hartmann, Milosevic,
la diagonale du fou. Il se trouve que Florence Hartmann est la
porte-parole du bureau du procureur du TPI. Si l'on se conforme à la
logique de M. de la Brosse, on peut conclure que que tout ce qu'affirmé
l'accusation du TPI est une vérité biblique, et que toute personne qui
ne dit pas la même chose fait de la propagande.
Le contre-interrogatoire de Milosevic a ridiculisé de la Brosse.
Pour comble de malheur pour l'accusation, leur témoin suivant a été un
"témoin secret" au nom de code B-1775, un entrepreneur de pompes
funèbres de Zvornik. Son travail était de ramasser les corps et de les
amener à la morgue. Quand Milosevic lui a demandé combien de corps -
serbes et musulmans - il avait trouvés, il a répondu 50. Quand
Milosevic a relevé la contradiction entre les milliers de cadavres de
de la Brosse et de Hartmann, et les 50 de B-1775, le juge a balayé
l'observation en la qualifiant de perte de temps. Le tribunal n'a
laissé aucun doute sur le fait qu'il était un pion de l'OTAN quand il a
cité comme témoin l'ex-chef de l'OTAN, Wesley Clark. Clark a non
seulement été autorisé à témoigner à huis clos, comme cela s'était
produit à plusieurs reprises avec d'autres témoins, mais le
gouvernement américain a eu le droit de récrire les procès verbaux en
cas de besoin - une véritable démonstration de justice impartiale.
Quand l'accusation a appelé à la barre l'ex-chef de la sécurité serbe,
Radomir Markovic, on a découvert que les autorités serbes avaient
essayé de l'acheter pour qu'il témoigne contre Milosevic, en le
menaçant de prison s'il ne le faisait pas.
Dans une vraie cour de justice, le juge aurait réagi au fait qu'un
témoin avait été soumis à des tentatives de corruption assorties de
menaces, mais pas au TPI. Comme si la procédure du tribunal ne
suffisait pas à le discréditer, la façon dont Milosevic est traité par
ces "défenseurs des droits de l'homme et de la justice" devrait
clarifier les choses. Depuis l'arrivée de l'accusé à La Haye, tout a
été tenté pour le briser et rendre sa défense impossible.
En laissant les lumières allumées dans sa cellule 24 heures sur 24, on
a sérieusement compromis son cycle de sommeil. Même en sachant qu'il
était cardiaque, on ne lui a donné que de l'aspirine pendant toute la
première année. Le journal hollandais NRC Handelsblad a dit qu'à
l'automne de 2002, quand on a enfin changé ce traitement, on lui a
prescrit des médicaments qui entraînaient vertiges et insomnie, et
rendaient difficile sa concentration. C'est seulement au printemps
2003, qu'on a consenti à modifier son traitement.
On lui a aussi refusé le droit de recevoir des visiteurs. Au cours des
premiers mois après son kidnapping, l'ambassade des Pays Bas à Belgrade
a accumulé les difficultés d'obtention de visas pour les membres de sa
famille et ses conseillers. Le pouvoir du tribunal s'étendait jusqu'à
contrôler la politique de visas du ministère néerlandais des Affaires
étrangères. L'accusation du TPI dispose de toute la place nécessaire
dans les médias pour attaquer Milosevic. Le tribunal met à leur
disposition une salle spéciale dans laquelle il peut tenir des
conférences de presse. Il est strictement interdit à Milosevic, par
contre, de parler aux médias. On a tellement peur de ce qu'il pourrait
dire qu'on a même étendu la même interdiction aux gens qui le visitent.
Le régime-croupion de Belgrade a lui aussi joué son rôle dans les
brimades destinées à venir à bout de Milosevic en lui refusant la
possibilité de voir sa femme. Il a lancé une chasse aux sorcières
contre elle, en se servant de fausses accusations pour la mettre sur la
liste d'Interpol, ce qui signifie qu'elle serait arrêtée si elle
essayait de rencontrer son mari. On a défendu aux membres du parti de
Milosevic, le SPS, de le voir, sous prétexte qu'ils ont parlé aux
médias. Milosevic a été placé sous une interdiction totale de
communication, sauf avec ses conseillers juridiques, parce qu'il s'est
porté candidat aux élections parlementaires en Serbie.
Milosevic doit affronter la machinerie du tribunal, les milliers de
membres de son personnel et son budget de millions de dollars, avec
seulement un téléphone public. Milosevic n'a pas les moyens de se payer
des assistants pour mettre de l'ordre dans près d'un million de pages
de documents et des milliers d'enregistrements audio et vidéo. Sa
cellule est littéralement bourrée de papiers, et souvent il ne peut
disposer du matériel dont il a besoin qu'à la dernière minute. Le plus
récent exemple, loin d'être le seul, a été le témoignage du général
français Philippe Morillon. En raison de sa position importante de
commandant de l'UNPROFOR en Bosnie-Herzégovine, le tribunal savait
depuis longtemps qu'il serait convoqué, mais il n'a fourni le texte de
son témoignage à Milosevic qu'au dernier moment, compromettant ainsi
son contre-interrogatoire.
Un autre truc fréquemment employé est le changement de l'ordre des
témoins sans prévenir. On espère ainsi prendre Milosevic à
l'improviste, mais cela rate toujours, parce que Milosevic est plus
malin que tous ses accusateurs réunis.
On cherche aussi à saboter sa défense en le maintenant au tribunal,
quelquefois pendant plusieurs heures après la fin de l'audience. On le
garde sur un banc en bois sans nourriture ni boisson, en lui disant
qu'on ne peut pas le ramener à la prison parce qu'on manque de moyen de
transport. En retardant ainsi le retour dans sa cellule, on peut
refuser à ses conseillers juridiques de le rencontrer parce que l'heure
des visites est passée. Personne de sensé ne peut prétendre que le
procès de Milosevic est équitable. L'accusation prépare son dossier
depuis des années, alors qu'on n'a alloué à Milosevic que trois mois
pour préparer sa défense, ses premiers témoins devant être cités le 8
juin. Ce ne sont que quelques-unes des méthodes utilisées par cette
instance illégale pour briser un homme innocent. Il est honteux que les
médias se taisent et que pas un seul membre du parlement à La Haye ne
proteste contre ce flagrant déni de justice qui se déroule aux Pays Bas.
Malgré le traitement auquel il est soumis. Slobodan Milosevic ne cède
pas. Il est vrai qu'il a des problèmes cardiaques, et il est sûr que
son emprisonnement illégal l'a affaibli, mais sa vigueur et son esprit
restent intacts. L'auteur de cet article a eu le privilège de lui
rendre visite trois fois l'année dernière et s'est entretenu avec lui
de nombreuses fois au téléphone. Ce n'est pas un homme vaincu. Il se
battra jusqu'à la fin. A ses yeux, ce n'est pas un combat personnel -
il se bat pour la survie de son pays et de son peuple.
C'est le cœur de l'affaire. Ce procès n'a rien à voir avec le fait de
rendre justice aux victimes des tragédies qui ont eu lieu dans
l'ex-Yougoslavie. Son but est de dissimuler la politique occidentale de
destruction d'un Etat multiethnique qui avait émergé à la suite de la
défaite de l'Allemagne lors de la Première guerre mondiale, à l'aide
des forces les plus réactionnaires : les fascistes en Croatie et les
terroristes musulmans en Bosnie et au Kosovo. Il vise a créer le cadre
légal des futurs pillages et colonisations par l'Occident. La
condamnation de Milosevic servira à désigner le peuple serbe comme
coupable des guerres. La Serbie sera forcée de payer des réparations à
ses soi-disant "victimes", la Croatie et la Bosnie ont déjà réclamé des
milliards de dollars. De plus, si l'ex-chef d'Etat est condamné, son
pays sera tenu pour "légalement responsable" non seulement des morts
causées par les "bombes humanitaires" de l'OTAN, mais de toutes les
dépenses de guerre et de maintien de la paix encourues depuis 1992.
La Serbie, sans argent et dépouillée de ses biens publics, devra
emprunter aux banques occidentales pour payer la Bosnie et la Croatie
qui, à leur tour, se serviront de cet argent pour payer leurs dettes
aux banques occidentales. Le cercle sera bouclé et les Balkans seront
pillés. C'est la "justice" que rend l'OTAN et son tribunal-croupion.
Cela servira aussi d'instrument à une intervention permanente dans les
affaires intérieures de la Serbie, à son maintien sous contrôle, au
soutien de l'indépendance du Kosovo et, si nécessaire, à un nouveau
démembrement de la Serbie en plusieurs protectorats. Slobodan Milosevic
a clairement déclaré qu'il ne se déroberait pas à son procès, tout ce
qu'il veut c'est qu'on lui permette de préparer sa défense dans des
conditions acceptables. Il réclame la liberté d'assurer la défense de
son peuple. Il a dit au tribunal : "Je ne vais pas fuir ce lieu de
force et d'injustice, où l'on calomnie mon peuple et mon pays, parce
que ce sont des accusations d'une gravité extrême." Il a promis de
rester et de combattre l'injustice. "Je ne fuirai pas ce tribunal,
a-t-il dit. Je le détruirai."
Nico Varkevisser
Targets, mensuel hollandais d'affaires internationales,
mars 2004.
=== 3 ===
L'échec du procès Milosevic
20/02/2004
source : Réseau Voltaire
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22867
http://www.reseauvoltaire.net/article12604.html
C'est le 29 juin 2001 que Slobodan Milosevic a été transféré de la
République fédérale de Yougoslavie et placé sous la garde du Tribunal
pénal international ad hoc pour l'ex-Yougoslavie(TPIY). Il faisait
l'objet de trois actes d'accusation distincts relatifs aux crimes
commis au Kosovo, en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Les trois
affaires ont finalement été confondues pour ne donner lieu qu'à un seul
méga-procès qui s'est ouvert le 12 février 2002. Il devait clore une
décennie de barbarie et manifester le triomphe des démocraties.
Deux ans plus tard, le procureur, malgré des moyens propres démesurés
(262 millions de dollars de budget pour la période et 1881 salariés)
auxquels s'ajoutent tous les moyens militaires de l'OTAN, et après
l'audition de près de 300 témoins, est dans l'incapacité de démontrer
le bien-fondé de ses accusations. On évoque désormais un possible
acquittement de Slobodan Milosevic, au moins des chefs d'accusation les
plus graves portés à son encontre, notamment celui de génocide.
Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a été créé, le
25 mai 1993, par la résolution 827 du Conseil de sécurité. Un second
tribunal fut créé peu après pour le Rwanda (résolution 955 du 8
novembre 1994). Cet effort s'est prolongé plus tard avec la création
d'une Cour pénale internationale (TPI), non pas consacrée à juger les
acteurs d'un conflit particulier, mais avec compétence universelle.
Pour renforcer son autorité, le Conseil de sécurité entendait doter
l'ONU d'une instance judiciaire capable de sanctionner les individus
ayant violé ses résolutions.
Cet objectif paraît simple et évident, mais il est en fait incohérent
car les résolutions du Conseil s'adressent aux États, tandis que les
tribunaux internationaux jugent des individus.
Rapidement ce système hybride a posé plus de problèmes aux membres
permanents du Conseil de sécurité qu'ils n'en a résolu. Au point que
des États-Unis, après avoir joué un rôle actif, ont essayé par tous les
moyens de saboter la création de la Cour pénale internationale.
La résolution 827 fonde le TPIY sur le chapitre VII de la Charte des
Nations unies qui ne porte pas sur le pouvoir judiciaire, mais sur
l'action exécutive de défense de la paix. En droit, le TPIY n'a donc de
tribunal que le nom, puisqu'il est un prolongement de l'exécutif. Il ne
s'appuie pas sur une loi, ni une procédure préexistants dans un traité
international, mais les invente lui-même selon ses besoins. Le
président peut les modifier en cours d'application et n'a besoin pour
cela que de l'approbation des autres juges transmise par fax. D'une
manière générale, le TPIY s'est aligné sur les normes états-uniennes
les plus dures : détention prolongée jusqu'à 90 jours des suspects en
attente d'inculpation, acceptation de témoignages de repentis, voire de
personnes anonymes, acceptation de preuves d'origine secrète et donc
non-soumise à contestation par la défense.
L'activité du TPIY s'est d'abord heurtée à la raison d'État des
grandes puissances dont il est la manifestation. Celles-ci ont refusé
d'exécuter nombre de mandats d'arrêt qui leur étaient transmis. Elles
continuent de protéger certains acteurs du drame ou de craindre leurs
révélations. Dix-huit accusés, dont Radovan Karadzic et Ratko Mladic,
courent toujours.
Juges et parties
Au demeurant, le TPIY ne donne aucun des gages d'impartialité que l'on
attend d'une telle juridiction. Son budget n'est pas seulement abondé
par des États dans le cadre de l'ONU, mais aussi par des donateurs
privés, principalement les Fondations Carnegie, MacArthur, Rockefeller
et Soros. Les procureurs successifs ont été choisis sur proposition des
États-Unis et avaient pris position publiquement, avant leur
nomination, sur la culpabilité de Milosevic. Plusieurs juges
entretiennent des contacts avec des parties au conflit, au vu et au su
de tous.
Surtout, le TPIY souffre de maux anciens, comme ses prédécesseurs, les
tribunaux de Nuremberg et de Tokyo : ils rendent la justice des
vainqueurs. À Nuremberg, le procureur soviétique était l'organisateur
des grandes purges staliniennes, tandis que les juges états-uniens
s'efforçaient de faire oublier les crimes contre l'humanité d'Hiroshima
et Nagasaki. Au TPIY, le procureur a écarté d'emblée toute mise en
accusation des responsables de l'OTAN.
Condamner les vaincus pour justifier l'action des vainqueurs
Au moins, à Nuremberg et à Tokyo, les vainqueurs avaient veillé à
garantir les droits des accusés à se défendre. Il est vrai que cela ne
comportait aucun risque, puisque leur culpabilité était établie. La
justice était sélective, mais ses décisions étaient impartiales. Elle
avait un rôle pédagogique pour les peuples vaincus. Au contraire, le
TPIY ne vise pas à faire connaître a posteriori des crimes à l'opinion
publique, mais à établir l'authenticité de crimes dont l'évocation
avait emporté des décisions politiques. Il doit condamner les vaincus
pour justifier l'action des vainqueurs.
Or, Slobodan Milosevic est poursuivi pour des crimes commis en Croatie
et en Bosnie-Herzégovine, notamment le « génocide » de la population de
Srebrenica, en juillet 1995, alors même que les États-Unis et l'Europe
lui demandèrent d'être le principal garant des Accords de paix de
Dayton, le 21 novembre 1995. En d'autres termes, on lui reproche
aujourd'hui des crimes, y compris le plus grave de tous, le génocide,
dont on le considérait innocent à l'époque. Ce qui a changé, c'est
qu'entre temps, il est devenu l'adversaire de l'OTAN et a perdu la
guerre du Kosovo. On lui reproche donc également des crimes commis au
Kosovo. Mais sachant que l'OTAN a assené pendant des mois que Milosevic
était un nouvel Hitler et qu'il fallait intervenir militairement pour
arrêter le nettoyage ethnique du Kosovo, la barre a été placée beaucoup
trop haute. Que Slobodan Milosevic ait sa part de responsabilité dans
une décennie de barbarie, nul n'en doute. Qu'il ait commis un génocide
et se soit préparé à en perpétrer un second, voilà qui reste à établir
et que le procureur Carla del Ponte ne parvient pas à étayer.
Si les puissances de l'OTAN rechignent à arrêter certains suspects,
ils n'ont pas ménagé leurs efforts pour faire comparaître Slobodan
Milosevic. Au point que les États-Unis ont apporté une aide d'un
million de dollars à la Serbie en échange de sa remise. Or, la Cour
constitutionnelle yougoslave s'étant opposée à son extradition, le
Premier ministre Zoran Djindjic l'a fait enlever et transférer.
Le tribunal n'arrive pas à prouver la culpabilité de Milosevic dans
les crimes dont l'accusait l'OTAN
En définitive, Madame Del Ponte et ses 400 enquêteurs n'ont toujours
pas réussi à étayer l'accusation selon laquelle Milosevic aurait
poursuivi un dessein continu, à travers trois guerres successives, pour
créer la Grande Serbie. Pour le moment, les documents et témoignages
ont montré un Milosevic réagissant aux événements au coup par coup,
avec la plus grande brutalité.
Ils n'ont pas non plus étayé qu'il ait été le donneur d'ordre de
différents massacres, y compris celui de Srebrenica. Au contraire, il
est apparu que Milosevic avait une influence, mais pas d'autorité
réelle sur les Serbes de Bosnie et de Croatie.
Pire, les enquêtes du TPIY sur le nettoyage ethnique du Kosovo ont
montré que le massacre de centaines de milliers de Kosovars, évoqué par
le président Bill Clinton dans son discours d'entrée en guerre et
repris à satiété par les médias atlantistes, n'a jamais existé.
À l'issue de deux ans d'audiences, le tribunal a montré que la partie
la plus importante des crimes reprochés à Milosevic n'a pas plus existé
que les armes de destruction massive irakiennes. Et qu'il n'était qu'un
dirigeant de faible envergure, ayant provoqué bien des cataclysmes sans
jamais les maîtriser, et ne pouvant donc qu'avoir une responsabilité
partielle dans la décennie d'atrocités qui a meurtri la Yougoslavie. Le
TPIY qui devait manifester le triomphe des démocraties sur la barbarie
aura surtout démontré que, pour l'OTAN, la justice n'était qu'un alibi
et qu'il n'existe d'autre droit que celui du plus fort.
=== 4 ===
Deux ans de procès Milosevic : fiasco à La Haye ?
19/02/2004
source : Vreme - Le Courrier des Balkans
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22888
Traduit Par Persa Aligrudic
Deux ans après le début du « procès du siècle », presque tous les
acteurs sont toujours là, sauf le juge Richard May, malade, qui a jeté
l’éponge. Pourtant, l’atmosphère n’est plus la même qu’au début. Autour
de la salle d’audience, on note beaucoup de nervosité, et ceux qui
prétendent tout savoir à l’avance sont de moins en moins nombreux.
Par le reporter de Vreme à La Haye
La Procureure générale Carla del Ponte ne donnera pas d’interviews aux
médias belgradois jusqu’à nouvel ordre. Sa porte-parole Florence
Hartmann l’a dit ouvertement à ceux qui attendaient dans la file :
« mais que voulez-vous, vous n’avez même pas de gouvernement ! »
Si la formation du gouvernement est une condition pour que Carla donne
une interview aux médias locaux, Vojislav Kostunica pourrait bien
éviter de se presser pour le former. Après la dernière déclaration de
la Procureure, qui a dit que Radovan Karadzic et Ratko Mladic étaient
surement à Belgrade (sans preuves à l’appui), le professeur Vojin
Dimitrijevic fait remarquer que Carla del Ponte ne se calmera pas tant
que Belgrade n’aura pas obtenu un gouvernement de droite qui refusera
toute collaboration avec elle. Donc, pas d’interview en perspective.
Ni pour Belgrade, ni pour le Guardian
Aucune chance non plus pour le Guardian de Londres d’obtenir une
entrevue avec la Procureure de La Haye (même si les Britanniques ont un
gouvernement), car ce journal a estimé d’une manière plutot sévère que
le procès contre l’ancien Président Slobodan Milosevic s’était
transformé en une sorte de « parodie de la justice internationale ».
L’auteur, Neal Clark, qui était défavorable à l’extradition de
Milosevic, reproche à Carla Del Ponte de n’avoir pas bien travaillé :
elle a d’abord accusé Milosevic puis, au cours du procès, elle a essayé
de trouver les preuves à l’appui des 66 points de l’acte d’accusation.
Clark accumule les reproches : trop de faux témoins non convaincants,
insuffisamment de preuves établissant que ce sont les dirigeants de
Belgrade qui ont ordonné le massacre de Srebrenica, l’affront de faire
comparaitre Wesley Clarke comme témoin, le silence sur les crimes
commis par l’OTAN lors des bombardements de 1999... Finalement, selon
lui, le TPI travaille dans l’intérêt des grandes puissances, alors que
l’idéal de la justice internationale qui devrait être la même pour tous
n’a jamais été si éloigné qu’aujourd’hui.
À propos du génocide
Le 12 février dernier, le général français Philippe Morillon
comparaissait comme témoin à l’audience du Tribunal. Il parle en détail
du « cercle infernal du sang et de vengeance », et de la haine et qu‘on
ne voit « qu’entre frères et voisins ». Le général Morillon affirme que
Milosevic avait grandement influencé le général Ratko Mladic en 1993 en
l’empêchant de conquérir la zone protégée autour de Srebrenica. D’après
les allégations du général français, au moment du massacre de
Srebrenica en 1995, Mladic agissait en solitaire et n’obéissait à
personne. En soulignant les mérites de Milosevic pour une « solution
pacifique » de la situation autour de Srebrenica en 1993 et son
influence déterminante sur les Serbes de Bosnie, le parquet a essayé
néanmoins de l’accuser de « complicité de génocide ».
Il semble que le point le plus important, sur les 66 contenus dans
l’acte d’accusation, celui de la responsabilité directe du génocide
imputé à Milosevic et que le Parquet essaie depuis deux ans de mettre
sur son dos, soit assez difficile à tenir à la veille de la deuxième
partie du procès. Même la Procureure Del Ponte, dans un entretien avec
AFP la semaine dernière, se voulant apparemment très satisfaite de
l’avancée du procès, a remarqué qu’elle savait depuis le début qu’il
serait très difficile de prouver le génocide, car « c’est toujours
diablement difficile de prouver l’intention ». Interrogée pour savoir
si elle allait considérer comme une défaite personnelle un éventuel
échec à fournir les preuves sur ce point crucial de l’acte
d’accusation, la Procureure générale a souri en disant que la décision
revenait maintenant aux juges.
Retours sur l’affaire Plavsic
La fin de la première phase du procès contre l’ancien président
yougoslave et l’annonce que des témoins importants comparaitront à
l’audience ont fait revenir à La Haye certains envoyés spéciaux. La
plupart s’attendait à voir apparaître Biljana Plavsic comme témoin à
charge contre Milosevic. Elle était arrivée la semaine dernière de
Suède, où elle purge sa peine de onze années de prison, après avoir
reçu une convocation à témoigner. Au bout de quelques jours, Biljana
Plavsic a eté ramenée en Suède, et la seule explication fournie par
Carla del Ponte a été que l’ancienne Présidente de la Republika Srspka
n’avait pas eu le temps de témoigner car il ne restait que deux jours
pour interroger les témoins de l’accusation.
Il est fort possible que l’accusation ait pensé que le témoignagne de
cette femme pouvait être nuisible sur le cours du procès de Milosevic,
alors qu’on avait compté qu’il serait grandement profitable.. Biljana
Plavsic avit dit dans sa déposition que Milosevic était l’architecte de
la politique de séparation ethnique de la population en
Bosnie-Herzégovine, qu’il avait mise en oeuvre avec Karadzic, Krajisnik
et Mladic. Elle mentionnait aussi la participation du ministère de
l’Intérieur de Serbie (MUP), des dirigeants politiques et de la
direction militaire de Belgrade dans l’accomplissement du plan de
séparation des communautés ethniques et de l’expulsion forcée de la
population non serbe des territoires que les Serbes voulaient garder.
Ces aveux auraient dû faire de Milosevic un coupable, car il était au
centre des agissements mentionnés dans l’acte d’accusation comme « le
plan criminel commun ». En l’absence de comparution de Plavsic, le
texte de ses aveux devient quasiment nul dans le procès de Slobodan
Milosevic, et il ne sera pas classé dans les documents judiciaires.
Quelques jours avant la fin de la première phase du procès, Milosevic
a reçu du renfort. On a de nouveau entendu les membres du Comité
international pour sa défense, dont l’un des membres, le professeur
Velko Valkanov de Bulgarie, a fait remarquer qu’en moins d’un an, 24
personnes avaient été condamnées lors du procès de Nuremberg, alors que
le procès d’un seul homme dure plus de deux ans devant « un tribunal
illégal et faux ». Bien sur, cela ne signifie pas que le procès de
Nuremberg était parfait du point de vue juridique, et encore moins que
Milosevic est innocent, comme l’affirment Valkanov et ceux qui
partagent son avis.
Mais il semble bien que les discussions au sujet de la crédibilité du
TPI soient de plus en plus fréquentes. Les capitales mondiales ont de
plus en plus d’objections sur le travail de la procureure générale de
La Haye, à qui l’on attribue une influence négative sur la stabilité de
la région à cause de ses déclarations. Par exemple, en deux jours,
Carla del Ponte a déclaré que la communauté internationale « avait
certainement la volonté » d’arrêter Karadzic et Mladic, et que cette
même communauté internationale « n’avait pas, semble-t-il,la volonté »
de s’occuper des crimes de guerre des Albanais du Kosovo. Or, il
faudrait que tous se souviennent que jusqu’à une époque récente, la
Procureure générale répétait que les pressions politiques ne
l’intéressaient pas, car elle ne faisait que son travail...
Belgrade aura finalement son gouvernement. Il se pourrait alors que
Carla del Ponte dise enfin quelque chose en première main à notre
opinion. Evidemment si elle en a la volonté.
=== 5 ===
Une honteuse parodie de justice
Cathrin Schütz 19/08/2003
source : Balkans-Info / Jünge Welt
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22899
Selon les déclarations de la chef procureur Caria del Ponte,
l'accusation va se concentrer durant les prochains mois du procès de
Milosevic sur Sarajevo et Srebrenica(l). Certains rapports officiels
affirment que 7 à 8.000 musulmans bosniaques ont été tués en juillet
1995, quand les unités serbes ont lancé l'assaut de la "zone protégée"
de Srebrenica. Mais des doutes continuent à faire surface quant à
l'étendue et la nature de ce prétendu crime parce que la version
officielle de l'affaire manque à beaucoup d'égards de vérification
factuelle (2). Après que del Ponte a dû admettre elle-même que le
chapitre Kosovo (qui a servi à l'origine de base à l'inculpation de
Milosevic, ainsi qu'à son enlèvement et sa livraison au tribunal de La
Haye) ne pouvait étayer la qualification de génocide en l'absence de
toute preuve, l'accusation a produit de nouvelles inculpations pour la
Croatie et la Bosnie en attribuant à Milosevic un génocide en Bosnie,
fondé en majeure partie sur les événements de Srebrenica.
Récemment l'accusation a subi un nouveau déboire quand le prédécesseur
de Milosevic, l'ex-président yougoslave Zoran Lilic, a témoigné à La
Haye le 17 juin. Lilic a déclaré que Milosevic n'avait pas été impliqué
dans le massacre de Srebrenica. Le jour suivant, les titres des médias
affirmaient que Srebrenica avait "indigné" Milosevic.
Mais un jour plus tard, cette information favorable à Milosevic avait
disparu, et la presse internationale titrait sur le contraire, disant
"un document pourrait relier Milosevic au massacre" (4). Le document en
question est un texte officiel fourni à l'accusation par le Institute
for War and Peace Reporting (IWPR) de Londres. C'est un ordre du 10
juillet 1995, signé du ministre de l'Intérieur bosno-serbe Tomislav
Kovac, à une unité de la police serbe de faire mouvement de Sarajevo à
Srebrenica pour "écraser l'offensive ennemie menée à partir de la zone
protégée de Srebrenica" (5).
Mais les commentaires paraissant à propos de la présentation de ce
document semblent être à l'avantage de l'ex-président Milosevic. Des
observations inhabituelles ont paru concernant le manque de toute
preuve de l'implication de Milosevic, à l'exception de cet ordre
opportunément découvert. Le chef du bureau de L'IWPR à La Haye, Stacey
Sullivan, tout en signalant la valeur du document, a déclaré : "Jusqu'à
présent, il était généralement admis qu'il n'y avait aucun lien entre
ce qui est arrivé à Srebrenica et Belgrade." Selon le New York Times du
19 juin 2003, un responsable du bureau du procureur a dit : "Pour le
moment, c'est le premier document se rapportant au massacre de juillet
1995." (6). SFOR News le confirme en déclarant, le 20 juin : "A ce
jour, il était généralement considéré que jusqu'à l'été 1995, la Serbie
avait coupé toutes relations avec la direction bosno-serbe et que les
forces serbes n'avaient pas participé à l'opération militaire de
Srebrenica." (7).
Selon Sullivan, ce document montre pour la première fois que la police
serbe a participé à cette opération. La Coalition for International
Justice de Washington affirme le contraire en disant que ce document ne
prouve en aucune façon l'engagement de ces unités. Et ce qu'on ne sait
pas encore - Sullivan lui-même a dû l'avouer - c'est si Milosevic
connaissait la position de ces troupes. Le New York Times, généralement
d'accord avec les autres grands médias pour préjuger de la culpabilité
de Milosevic, a tout à coup choisi de ne laisser aucun doute sur
l'absence de preuves contre Milosevic dans l'affaire de Srebrenica.
"Des témoins et même des participants au massacre ont décrit au
tribunal le rôle joué dans le bain de sang par l'armée, la police et
les combattants paramilitaires. Mais même pendant le procès du général
Radislav Krstic, un des commandants à Srebrenica qui a été condamné à
46 ans de prison pour génocide, le procureur ne disposait d'aucun
document reliant les atrocités à Belgrade." Au vu des réactions à la
première présentation du nouveau document, il semble aujourd'hui qu'il
ait attiré plus d'attention qu'il n'en méritait. Apparemment il ne
révèle aucune "nouvelle preuve" contre Milosevic. Florence Hartmann, la
porte-parole du procureur, a dit par la suite que le document n'était
qu'"un élément" et a annoncé qu'il y en aurait d'autres, ainsi que des
témoins spéciaux pour Srebrenica. Mais on peut constater que le
document a été sorti au moment exact où le témoignage de Lilic sur
l'innocence de Milosevic était l'information principale, de façon à
détourner l'attention des titres qui pouvaient saper la crédibilité de
l'accusation. L'affirmation de l'IWPR qu'on ne s'était pas aperçu de
son existence est pour le moins douteuse. La probabilité que l'IWPR
(dont le bureau de La Haye est à proximité du tribunal) joue le jeu de
l'accusation, est confirmée par sa propre liste d'organisations
associées et de partenaires. Parmi ceux-ci se trouve l'Open Society
Imtitute du milliardaire américain George Soros, qui finance
directement le tribunal. Par USAID, l'institut reçoit de l'argent du
gouvernement américain. Des soutiens proviennent aussi de
l'organisation américaine International Research & Exchanges Board
(IREX). En même temps, IREX finance une longue liste de journalistes de
l'ex-Yougoslavie qui couvrent le procès de La Haye, leur fournissant
entraînement, appartements, ordinateurs, etc. Selon des informations de
son propre site internet, l'IREX reçoit des fonds du Département d'Etat
US et du géant médiatique CNN-AOL-Time Warner. Ce dernier contribue
aussi financièrement au tribunal (8).
Etant donné que le tribunal ne permet plus à Milosevic de communiquer
avec la presse, Vladimir Krsljanin, un de ses assistants de Belgrade, a
déclaré à Junge Welt ; "Carla del Ponte s'est vantée récemment devant
la presse de pouvoir prouver toutes ses accusations -sauf celle de
génocide qui serait plus difficile. Mais même pour cela, elle a dit
qu'elle réussirait dans les prochains mois. Ce n'était qu'un essai de
dissimuler son échec complet aux yeux du public parce que sa position
de chef-procureur a été mise en question. La culpabilité de Slobodan
Milosevic ne peut pas être prouvée parce qu'elle n'existe pas. Tout le
monde sait qu'il a constamment et publiquement condamné tous les
extrémismes et les crimes. Dans sa déclaration d'ouverture, il a
annoncé qu'il prouverait la complicité des services secrets occidentaux
dans les pires atrocités en Bosnie et Croatie." En effet, cette
entreprise semble promise à plus de succès que la tentative de
l'accusation de prouver un lien entre Milosevic et le prétendu massacre
de Srebrenica. Le rapport de la commission du Dutch Instituts for War
Documentation (NIOD), dirigé par Cees Wiebes, le confirme. "Pendant
cinq ans, le Pr Cees Wiebes, de l'université d'Amsterdam, a eu un accès
illimité aux archives des services de renseignement hollandais et a
arpenté les couloirs des quartiers généraux des services secrets
occidentaux, ainsi que ceux de Bosnie, et a posé des questions." (9).
Le Berliner Zeitung allemand d'avril 2002, se référant au rapport
hollandais, a affirmé qu'il n'y avait "aucune suggestion d'implication
directe de Milosevic ou des autorités serbes de Belgrade dans l'attaque
de Srebrenica." Le même rapport, selon le Guardian, révèle par contre
l'implication de forces extérieures. "Les USA se sont servis
d'islamistes pour armer les musulmans de Bosnie. Le rapport sur
Srebrenica dévoile le rôle du Pentagone dans une sale guerre. L'enquête
officielle des Pays-Bas sur le massacre de Srebrenica en 1995, sortie
la semaine dernière, contient un des comptes rendus jamais publiés sur
les services de renseignement occidentaux. (...) Les armes introduites
par avion pendant le printemps de 1995 ont émergé seulement deux
semaines plus tard dans l'enclave assiégée et démilitarisée de
Srebrenica. Quand on s'est aperçu de ces livraisons, les Américains ont
fait pression sur l'UNPROFOR pour que les rapports soient récrits, et
quand les responsables norvégiens ont protesté à propos des vols, ils
ont été réduits au silence par des menaces répétées." Si Caria del
Ponte veut tenir sa promesse de prouver l'accusation de génocide, elle
devra se livrer à ce qui semble son habitude, c'est-à-dire manipuler
les témoins, comme elle l'a fait pour Rade Markovic. L'ex-chef de la
sécurité d'Etat, prévu comme témoin de l'accusation, a déclaré dans son
témoignage qu'on lui avait proposé un marché pour témoigner contre
Milosevic (10).
La déclaration de del Ponte de la mi-juillet - dans laquelle elle dit
espérer que les responsables politiques et militaires des 13 années du
régime de Milosevic témoigneront contre leur ex-leader (11) - paraît de
plus en plus être l'annonce que de nouvelles tentatives vont être
faites d'incriminer ceux qui oseront faire état de circonstances
atténuantes.
Cathrin Schütz
Junge Welt, "Beweisnot in Den Haag ",
19 août 2003.
(1) In : Arthur Max, "UN Prosecutor to show Milosevic Evidence",
Associated Press. 16 juillet 2003.
(2) Entre beaucoup d'autres, cf. Jürgen Elsässer, "Anatomie einer
Tragödie, der Fall von Srebrenica : Horrorzahlen und seriöse
Untersuchungen", Junge Welt. 10 juillet 2003, et Jürgen Elsässer,
"Srebrenica, kein Völkermord, Jahrestag der Einnahme durch serbische
Truppen : Massakeropfer und Gefechtstote auf beiden Seiten", Junge
Welt. 11 juillet 2003. Cf. aussi George Pumphrey, "Srebrenica, Five
Years Later and still Searching", www.balkanpeace.org
(3) "Srebrenica a indigné Milosevic", The Guardian, 18 juin 2003.
(4) Marlise Simons, "Prosecutors say Document links Milosevic to
Génocide", New York Times, 19 juin 2003.
(5) "Milosevic linked to Srebrenica", Radio Netherlands Wereldomroep,
20 juin 2003.
(6) Marlise Simons, op. cité.
(7) SFOR Main News. 20 juin 2003.
(8) cf. www.irex.org pour les fonds versés au TPI, et Christopher
Black, "An Impartial tribunal, Really ?"
www.swans.com:library:art5:zig036.html
(9) Richard Aidrich, "America used Islamists to arm the Bosnian
Muslims, the Srebrenica Report reveals the Pentagon role in a Dirty
War", The Guardian, 22 avril 2003.
(10) Klaus Hartmann, "Wegshauprozess geht weiter", Junge Welt, 26
septembre 2002.
(11) Arthur Max, op. cité.
SOURCE:
http://www.anti-imperialism.net/lai/index.php?section=BBBL&language_id=1
1. Le Tribunal Pénal de La Haye de moins en moins crédible
(Edward Herman, Balkans-Info, 01/07/2004)
2. Le Tribunal Penal International de La Haye : Deux ans d'efforts
coûteux pour aboutir a un constat d'échec
(Nico Varkevisser, Balkans-Info / Targets, 01/03/2004)
3. L'échec du procès Milosevic
(20/02/2004, source : Réseau Voltaire)
4. Deux ans de procès Milosevic : fiasco à La Haye ?
(Vreme - Le Courrier des Balkans, 19/02/2004)
5. Une honteuse parodie de justice
(Cathrin Schütz, Balkans-Info / Jünge Welt, 19/08/2003)
=== 1 ===
Le Tribunal Pénal de La Haye de moins en moins crédible
Edward Herman 01/07/2004
source : Balkans-Info
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22840
Si les chefs d'Etats sont tenus pour responsables des crimes de leurs
armées, pourquoi juge-t-on Milosevic et pas Bush et Blair ?
Les progressistes et une grande partie de la gauche ont été abusés à
propos de l'histoire récente de la Yougoslavie et du rôle du tribunal
pénal international pour l'exYougoslavie, avec l'ex-président serbe
Slobodan Milosevic hyperdiabolisé et l'histoire des Balkans réécrite
pour se conformer à ce que Lenard Cohen appelle le paradigme "paradis
perdu/chefs indignes". Beaucoup d'observateurs sérieux rejettent cette
version, et considèrent les Etats-Unis et les autres puissances de
l'OTAN comme lourdement responsables des désastres depuis 1990.
Le livre de Lord David Owen, "Balkan Odyssey", et son témoignage devant
le TPI confirment clairement que Milosevic cherchait ardemment une
solution à la guerre en Bosnie bien avant les accords de Dayton en
1995, et qu'il avait sans cesse d'importants conflits d'intérêts avec
les Serbes de Bosnie. Il est évident, d'après Owens - et c'est l'avis
de bien d'autres experts - que le gouvernement US a joué un rôle
capital dans les échecs du plan Vance en 1991, du plan Cutileiro en
1992, des plans Vance-Owen et Owen-Stoltenberg en 1993, lorsque
l'administration Clinton a armé les musulmans de Bosnie, et plus tard
l'UCK au Kosovo, en les encourageant à espérer (et à préparer) une
intervention militaire USA-OTAN en leur faveur.
Milosevic n'avait pas été inculpé, avec Mladic et Karadjic, de
nettoyage ethnique en Bosnie au cours des années précédentes, aussi
l'essai tardif, en 2002 à La Haye, de le rendre responsable de ces
massacres suggère que la procureur du TPI Caria del Ponte s'est rendue
compte que les tueries au Kosovo étaient loin de correspondre à ce
qu'elle pouvait présenter comme un "génocide". Même des représentants
de l'establishment comme le général en retraite de l'US Air Force
Charles Boyd et le responsable de l'ONU Cedric Thom-berry ont souligné
que les tueries en Bosnie entre 1991 et 1995 n'étaient en aucune façon
le seul fait des Serbes de Bosnie : les Croates et les musulmans
bosniaques, ces derniers aidés par des milliers de moudjahidin
importés, ont massacré des milliers de leurs ennemis ethniques dans le
secteur. Mais le tribunal, organisé, financé et contrôlé
essentiellement par les USA et la Grande Bretagne, ne s'est intéressé
qu'aux cibles de l'OTAN, et ces dernières étaient presque exclusivement
serbes.
Il y a maintenant une copieuse littérature qui prouve que le TPI n'est
pas seulement un bras grossièrement politisé de l'OTAN, mais aussi un
"tribunal voyou" (Rogue Court). En tant qu'appendice politique, il a
constamment dégagé le terrain pour les opérations militaires de l'OTAN
et, depuis la victoire, il a obstinément œuvré pour prouver que la
guerre de l'OTAN était juste.
Le procès de Milosevic est le pilier principal de la vertu de l'OTAN,
bien qu'il ait été totalement incapable de fonder les accusations et de
présenter une image d'impartialité et de justice. Cet échec a été
illustré par le traitement privilégié réservé au gouvernement US et à
Wesley Clark. Le gouvernement US a eu droit à une session à huis clos
du tribunal et au contrôle rédactionnel du témoignage du général ;
Clark a pu communiquer avec des gens à l'extérieur et obtenir
l'insertion dans le compte rendu d'un aval de Bill Clinton, en
contradiction directe avec les règles établies par le juge May. Les
lecteurs du New York Times ne sauront pas non plus que lorsque William
Walker était à la barre, la déférence du juge May pour "l'ambassadeur"
était risible ; pendant l'interrogatoire des procureurs, il n'y a pas
eu une interruption, alors que le contre-interrogatoire de Milosevic a
été interrompu 70 fois. On n'a pas permis à ce dernier de poser une
question à Walker, l'homme qui s'est tant lamenté sur les morts de
Racak, sur ses piètres excuses pour l'exécution de six responsables
jésuites et de bien d'autres au Salvador.
Un récent exemple du genre d'analyse qui reprend les clichés
conventionnels est un commentaire de Stacey Sullivan, du Institute for
War and Peace Repor-ting (IWPR) intitulé "Milosevic et le génocide :
l'accusation a-t-elle été prouvée ?" (1) L'IWPR est financé par le
Département d'Etat, US AID, le National Endowment for Democracy, le
Open Society Institute (Soros), et une demi-douzaine de gouvernements
occidentaux, et sert depuis longtemps d'instrument de propagande de
l'OTAN. Sullivan est connue pour ses positions républicaines dures en
faveur de la guerre et de la propagande de vengeance.
Sullivan déclare pour commencer que l'accusation a démarré en annonçant
qu'elle "prouverait" la culpabilité de Milosevic en matière de
génocide. Elle omet de mentionner que les accusations concernant la
Bosnie ont été ajoutées tardivement, que Milosevic n'avait pas été
rendu responsable des tueries au moment des faits et, alors que Caria
del Ponte affirmait qu'elle avait la "certitude" de sa culpabilité,
elle avouait ne pas en avoir encore les preuves. Inculper, accuser
publiquement et spectaculairement, et ensuite chercher les preuves, est
depuis longtemps le modus operandi du tribunal.
Sullivan dit ensuite qu'il y a eu "300 témoins", dont "certains, de
très haut niveau, se sont retournés contre leur exmaître", et "des
milliers de documents". Nous sommes sensés être impressionnés par ce
volume de fumée qui doit témoigner de l'existence du feu génocidaire.
Elle ne dit pas que le professeur de droit canadien Michael Mandel a
remis à Caria del Ponte, en avril 1999, des "milliers de pages" de
documents décrivant les crimes de guerre de l'OTAN, qu'elle a bien
entendu ignorées, et que des milliers de pages ont été publiées et
d'innombrables témoins étaient à entendre à propos des milliers de
victimes serbes en Bosnie.
En ce qui concerne les "responsables de haut niveau", l'accusation en a
produit quelques-uns qui se sont montrés coopératifs. Mais un des
principaux, Ratomir Tanic, s'est révélé un escroc, d'un niveau si
"haut" qu'il ne pouvait même pas dire où se trouvait le bureau du
président. De vrais leaders comme l'ex-president yougoslave Zoran Lilic
ou le membre de la présidence Borislav Jovic ont confirmé ce que disait
Milosevic sur pratiquement tous les points importants. Rade Markovic,
l'ex-chef de la sécurité yougoslave, qui avait tout à gagner à dénoncer
son ex-patron, a défendu Milosevic sur tous les points et est revenu
sur un témoignage qu'il a affirmé lui avoir été extorqué par des
menaces et des tortures au cours d'un emprisonnement de 17 mois.
Sullivan néglige évidemment de préciser que de nombreux témoins ont été
achetés ou menacés de lourdes peines s'ils ne consentaient pas à dire
ce qu'il fallait.
Elle indique que de nombreux experts juridiques doutent de l'accusation
de génocide parce que "le tribunal a placé très haut la barre de la
preuve". Il faudrait prouver que Milosevic "avait orchestré
l'éclatement de la Yougoslavie dans l'intention spécifique de détruire
les musulmans bosniaques comme peuple... et prouver de façon non
équivoque cette intention... ayant pour but la liquidation de tous les
musulmans bosniaques." L'idée que Milosevic voulait l'éclatement de la
Yougoslavie est un délire idéologique, qui contredit la version
habituelle qu'il avait attaqué la Slovénie et la Croatie pour essayer
d'empêcher leur sécession. (2)
Comme il y a eu beaucoup de tueries et de nettoyages ethniques de tous
les côtés en Bosnie, et que le célèbre massacre de Srebrenica ne
concernait que les hommes en âge de porter les armes, dont beaucoup
avaient été tués pendant les combats après que les Serbes de Bosnie
aient séparé les femmes et les enfants et les aient mis à l'abri,
l'intention et le plan (pour ne pas mentionner le prétendu contrôle de
Milosevic sur les forces bosno-serbes) semblent des éléments essentiels
de la preuve d'une culpabilité de génocide. Mais quelle est la
définition du génocide selon Caria del Ponte ?
Sullivan n'a aucune idée de la hauteur de la "barre" placée par le
tribunal pour l'accusation de génocide. Cette barre s'est montrée
merveilleusement flexible, et lorsque Sullivan dit qu'elle a été trop
haut placée, son affirmation n'a aucun rapport avec la procédure du
tribunal, mais est plutôt un moyen d'assurer que la barre soit placée
assez bas pour que le procès ait le résultat voulu. Dans le cas du
général bosno-serbe Krstic, le tribunal l'a jugé coupable de génocide
en assimilant le génocide au nettoyage ethnique et en étendant le
concept à la seule élimination d'hommes armés dans une unique petite
ville !
Considérant cela comme un exemple valable de génocide, Sullivan déclare
qu'un "acquittement (de Milosevic) aurait des conséquences sérieuses
sur les efforts de juger les génocides à l'avenir." Si l'accusation de
génocide n'est pas valable, l'acquittement n'aurait aucun effet sur les
poursuites futures. Par contre, s'il s'agit d'une accusation pourrie,
portée par une alliance qui a perpétré le "crime suprême" d'agression
de la Yougoslavie en violation de la Charte des Nations Unies, et qui
s'est servie du tribunal d'abord comme appoint au déclenchement de la
guerre puis comme moyen de justifier l'agression, son rejet serait un
plus pour la légalité internationale. Cela a peu de chances d'arriver,
étant donné que le tribunal est un instrument des puissances de l'OTAN,
bien que l'accusation soit si faible qu'il n'est pas inconcevable que
Milosevic ne soit jugé coupable que de "crimes contre l'humanité".
Ce qui compromettrait les efforts de juger les génocides serait que les
Etats-Unis ou une autre grande puissance s'engage dans un génocide ou
en soutienne un, car il n'existe aucun mécanisme de prévention ou de
sanction de ce genre d'opération dans le Nouvel ordre mondial, les
grandes puissances étant exonérées de poursuites. Ainsi les "sanctions
de destruction massive" imposées à l'Irak par les USA et la Grande
Bretagne entre 1991 et 2002 ont tué quatre ou cinq fois plus de civils
qu'il n'y a eu de victimes en tous genres au cours des guerres
balkaniques des années 1990 et, comme l'ont montré Thomas Nagy et Joy
Gordon (3), ces morts ont été causées délibérément et volontairement.
De même, les opérations de Suharto et de ses successeurs en Indonésie
et au Timor oriental ont été de véritables génocides, perpétrés sous
protection occidentale, principalement américaine et anglaise. Mais
Sullivan ignore ce problème d'impunité.
Elle affirme que "les plus sérieuses conséquences d'un acquittement
pour génocide... seraient de loin les effets sur les victimes en
Bosnie", passant sous silence les victimes croates ou serbes, qui se
comptent par milliers. (Le plus important exemple de nettoyage ethnique
durant les guerres balkaniques a été l'expulsion des Serbes de la
Krajina en août 1995, avec l'assistance de l'Amérique et,
proportionnellement, le plus vaste nettoyage ethnique a été celui des
Serbes et autres minorités, comprenant les Roms, chassés du Kosovo par
l'UCK sous les auspices de l'OTAN après juin 1999.) Mais même à l'aune
étroite des critères de Sullivan, à quel point les victimes bosniaques
se sentent-elles concernées par ce problème ? Comment connaît-elle les
sentiments des victimes ? Un sondage effectué en Bosnie il y a quelques
années a montré que pas plus de 6 % de musulmans, Croates ou Serbes de
Bosnie considéraient comme important déjuger des criminels de guerre.
(4)
De plus, pourquoi les victimes auraient-elles besoin de voir accréditer
une accusation de "génocide" ? Ne se contenteraient pas d'une
culpabilité pour "crimes de guerre" ? Cela dit, si la fonction du
procès est de justifier la guerre de l'OTAN, il faut qu'il y ait
génocide. Et il est plus convenable d'en faire une préoccupation
prioritaire des victimes qu'un satisfecit de l'OTAN.
Edward HERMAN, "Stacey Sullivan on Milosevic and Génocide", Foreign
Policy in Focus, 28 mai 2004.
Herman est un économiste et un analyste des médias. Il tient une
rubrique régulière dans Z Magazine, et est l'auteur, avec Philip
Hammond, de "Degraded Capability, the Media and the Kosovo" (Pluto
2000).
notes
(1) http://www.fpif.org/commentary/2004/0402milose-vic.html
(2) Voir Edward S. Herman, "Diana Johnstone on the Balkan Wars",
http://www.monthlyreview.org/0203herman.html et George Szamuely,
"The Yougoslavian Fairytale",
http://www.fpif.org/commentary/2004/0405fairytale.html
(3) Thomas Nagy, "The Secret behind the Sanctions : How the US
intentionally destroyed Iraq's Water Supply" The Progressive, septembre
2001, et Joy Gordon, "Economie Sanctions as Weapons of Mass
Destruction", Harpers, novembre 2002.
(4) Charles Boyd, "Making Bosnia Work", Foreign Affairs, janvier 1998).
---
L'article d'Herman est loin d'être le seul. Il prend place dans une
critique qui se développe, et qui confirme ce que nous disons depuis
des années. Le TPI, de sa création à ses sentences, en passant par son
financement, sa procédure, son infléchissement politique, ses abus de
pouvoirs et son mépris du droit, est une cour d'injustice, dont le seul
but est d'oblitérer les crimes de l'Occident. Il déshonore le monde qui
se prétend "libre" et doit disparaître. S'il le fallait, l'actualité
souligne encore les raisons d'en réclamer la dissolution. La
transformation d'un épisode de bataille en génocide dans la
condamnation du général Krstic, pour pouvoir ressusciter cette notion
et l'appliquer à Milosevic, alors qu'on a été incapable de l'inculper
pour ce motif, prouve la faiblesse et la fourberie de ses réquisitoires.
La décision de renvoyer les accusés croates devant leurs tribunaux
nationaux , alors que les accusés serbes sont maintenus sous la
soi-disant juridiction internationale, prouve la partialité de ses
responsables.
La prétention de faire remonter à l'ex-chef d'Etat Milosevic la charge
des atrocités qui auraient été commises par ses subordonnés, alors
qu'il n'est pas question d'en faire autant pour Bush et Blair malgré
l'abondance de révélations écœurantes sur le comportement de leurs
troupes, prouve une dualité de poids et de mesures qui n'a rien à voir
avec la justice.
Il faut mettre un terme à cette mascarade, annuler les jugements
infondés et renvoyer tous les présumés coupables à leurs législations
respectives. La crédibilité des démocraties est à ce prix.
=== 2 ===
Le Tribunal Penal International de La Haye :
Deux ans d'efforts coûteux pour aboutir a un constat d'échec
Nico Varkevisser 01/03/2004
source : Balkans-Info / Targets
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22901
Le 12 février 2002, les accusateurs du Tribunal pénal international
pour l'ex-Yougoslavie (TPI) ont commencé leur réquisitoire contre
l'ex-président yougoslave Slobodan Milosevic. Ils ont assuré à
l'opinion publique mondiale que leur inculpation était en béton. Ils
ont même affirmé qu'ils avaient de quoi attribuer à Milosevic le pire
crime de tous : celui de génocide. Aujourd'hui, après avoir présenté
leurs arguments pendant deux ans et convoqué 296 témoins, leur
accusation s'est écroulée comme un château de cartes. Les amici curiae,
désignés pour garantir l'équité du procès, ont demandé que de
nombreuses charges soient abandonnées, notamment celle de génocide,
pour absence complète de preuves. En même temps, le président du
tribunal, le juge Richard May, a présenté sa démission. La conviction
des patrons de médias et des prétendus "experts juridiques" que
Milosevic sera condamné à la prison à vie ne peut pas masquer le fait
que ce tribunal est confronté à de sérieux problèmes.
Il n'est pas nécessaire d'être un juriste pour voir que ce procès est
une mascarade. C'est un viol des principes les plus élémentaires d'une
justice impartiale. La procureur en chef, Caria del Ponte, et le
président du tribunal, Richard May, ont voulu se servir de ce prétendu
procès comme d'un forum destiné à lyncher Milosevic, à le dénoncer
comme coupable devant l'opinion publique.
Mais la mise en scène a disparu rapidement des grands médias mondiaux.
A partir du moment où Milosevic a fait sa déclaration préliminaire, les
médias ont réalisé qu'ils auraient du mal à simultanément rendre compte
du procès et cacher la vérité. CNN, qui avait prévu à l'origine de
retransmettre la déclaration de Milosevic en entier, a abrégé son
émission en utilisant le faible prétexte que les images montrées par
Milosevic des victimes des bombardements de l'OTAN de 1999 étaient
"trop réalistes". La raison de cette décision de draper ce soi-disant
procès dans un voile de silence est évidente. Pendant des années, les
politiciens occidentaux et leurs médias aux ordres ont raconté, sans le
moindre égard pour la vérité ou l'objectivité, que Milosevic était le
"boucher des Balkans" et que le peuple serbe était les "nouveaux
fascistes".
Ce sont eux qui ont créé dans l'opinion publique le climat nécessaire
à la prétendue "intervention humanitaire" de l'OTAN qui, en fait, a
pris la forme d'une sanglante campagne de bombardement de 78 jours. Dès
le début, ils ont accusé Milosevic d'avoir été l'artisan des guerres
qui ont détruit l'ex-Yougoslavie, et en I999, le TPI l'a officiellement
inculpé de l'avoir fait. Sur la foi de cette rhétorique, on aurait pu
croire qu'ils avaient des preuves de leurs affirmations. Mais quand le
procès a commencé, l'accusation n'avait même pas achevé la rédaction de
l'inculpation. Cela n'a pas été un problème pour les soi-disant
"juges". Cela n'a pas été un problème non plus que l'extradition de
Milosevic de Yougoslavie s'apparente à un kidnapping ; elle était
illégale, elle était inconstitutionnelle, elle a été réalisée en
contradiction flagrante avec une décision de la Cour constitutionnelle
de Yougoslavie.
Les prétendus "juges" et "accusateurs" se sont rapidement mis d'accord
sur le fait que l'OTAN était au-dessus des lois. Ils ont vite décidé
que les crimes de l'OTAN ne pouvaient faire l'objet d'aucune enquête.
Mener un procès qui a pour but de convaincre l'opinion publique de la
culpabilité de quelqu'un alors qu'on n'en a aucune preuve, est une
affaire délicate. Cela demande un sérieux contrôle. Avec des financiers
comme CNN ou George Soros, le tribunal pouvait en exercer beaucoup,
mais il demeurait un élément d'insécurité : Milosevic, et ce qu'il
pouvait dire. Accuser quelqu'un à tort n'est pas un problème quand on
contrôle les médias, mais il est difficile de les réduire au silence
quand il s'agit d'un procès, surtout si l'on veut donner à ce procès
une apparence d'équité. Dans son effort de censurer Milosevic,
l'accusation a voulu obtenir de la cour qu'elle lui impose un avocat.
Cela a été le combat-clé avant l'ouverture du procès.
Milosevic a été la cible de formidables manipulations ; de tous les
côtés on lui conseillait de prendre un avocat. En novembre 2001,
Milosevic a triomphé de ces pressions et, dans une déclaration au TPI,
il a affirmé en termes dénués de toute ambiguïté qu'il ne désignerait
aucun défenseur.
Il est devenu clair pour l'accusation qu'elle était confrontée à une
complication qu'elle n'avait pas prévue, ou du moins dont elle ne
voulait à aucun prix.
Le fait que Milosevic soit sorti vainqueur de ce premier combat a été
d'une importance capitale pour le déroulement ultérieur du procès. En
refusant de désigner un avocat, il s'est mis en mesure d'influencer
directement le tribunal. En se défendant lui-même, et en menant
lui-même ses contre-interrogatoires, il a empêché qu'on le réduise au
silence.
Dès le début, Milosevic a qualifié l'opération de procès poltique. Il
a ignoré les préoccupations procédurales du tribunal en disant "c'est
votre problème". Il s'est constamment référé à l'accusation comme
"l'autre partie" et le juge-président a du s'accommoder d'être appelé
"Mr May".
Malgré les constants efforts de May de l'empêcher de parler en
débranchant le micro. Milosevic a réussi en de nombreuses occasions à
embarrasser les juges et l'accusation. Le fait qu'il ait si souvent
réussi à le faire explique le manque de couverture médiatique : on ne
peut pas se permettre qu'il soit entendu. Le tribunal a eu recours à
une stratégie visant à épuiser et briser Milosevic. L'accusation a cité
près de 300 témoins, et malgré cela n'a rien prouvé. De nombreux
juristes ont critiqué ce procédé. Ils disent que si une affaire existe,
elle peut se prouver avec moins de 20 témoins. Parce que l'objectif du
procès est d'arriver à une condamnation, et qu'aucune preuve n'existe
pouvant la justifier, la stratégie a consisté à accumuler les
accusations en espérant qu'au moins une parviendrait à coller. Quand
l'accusation a commencé à citer ses témoins et quand le public a vu
comment se déroulaient les auditions, l'affaire est devenue encore plus
embarrassante pour le tribunal. Certains témoins du "premier cercle",
comme Ratomir Tanic, se sont révélés des imposteurs. Tanic a affirmé
avoir été un conseiller au sommet du président du Parti de la nouvelle
démocratie (ND) quand ce dernier était associé au Parti socialiste de
Serbie (SPS) de Milosevic et la Gauche yougoslave (YUL) dans le
gouvernement. Dans sa position au ND, Tanic a affirmé avoir assisté à
des rencontres au sommet entre Milosevic et les chefs de ce parti. Il
s'est avéré que Tanic n'avait aucune position dans le ND. Selon les
archives du ND obtenues par Milosevic, il n'en était même pas membre.
Non seulement Milosevic a réussi à prouver que Tanic était un menteur,
mais il a aussi pu révéler les connexions de Tanic avec les services
secrets anglais.
Il y a eu aussi les "témoins de crimes de la base", comme Bilall
Avdiu, un Bosno-albanais du village de Racak. Il a raconté une
éprouvante histoire selon laquelle il aurait survécu au massacre en se
faisant passer pour mort. Il a affirmé avoir vu lui-même les policiers
serbes découper les cœurs dans les poitrines des cadavres. Ce récit du
prétendu "massacre de Racak" a servi de justification au bombardement
de la Yougoslavie.
Avdiu a déclaré que les policiers avaient tué Ragip Bajrami en
découpant son cœur dans sa poitrine alors qu'il était encore vivant.
"Je l'ai vu de mes yeux, a-t-il dit. Il n'avait aucune blessure par
balles. J'ai vu le couteau et comment ils ont arraché son cœur." Il a
continue en affirmant que Bajrami n'était pas la seule victime à avoir
été mutilée de la sorte. "Cinq ou six ont subi le même sort."
Même Nice, le procureur, a dû admettre que les examens scientifiques
ont prouvé qu'Avdiu, et plusieurs autres témoins, étaient des menteurs.
Un autre "témoin de base" a été Mustafa Draga, un Albanais du Kosovo du
village de Lecina, qui a lui aussi déclaré avoir survécu à un massacre
par la police serbe. Il a raconté que la police avait fait feu sur lui
avec des mitrailleuses lourdes à une distance de huit mètres, mais
qu'il n'avait pas été touché. Et pour prouver son extravagante
allégation, il a apporté sa chemise criblée de trous de balles. Quand
Milosevic lui a demandé comment il était possible qu'il n'ait pas été
touché, il a allégué la divine providence en disant : "J'ai été sauvé
par Dieu pour pouvoir venir ici témoigner." Malgré cette histoire
rocambolesque, la chemise a été acceptée comme pièce à conviction. Une
autre catégorie de témoins a été celle des "experts", comme Renaud de
la Brosse, qui a été cité pour parler de la propagande dans les médias
serbes. Ce soi-disant "expert" ne parlait pas le serbe, ce qui, de
toute évidence, rendait difficile son analyse des médias. Il n'a pu
répondre à aucune des questions de Milosevic sur ce qui s'était passé
pendant la guerre et sur la nature propagandiste de l'information,
parce qu'il ignorait tout des événements. Aucune importance, pour lui,
relation des faits et mensonges étaient tous deux de la propagande. Il
a dénoncé la prétendue propagande en disant : "Quand les réservistes
serbes se sont emparés de Zvornik en Bosnie, les médias serbes ont
annoncé la libération de la ville, sans dire un mot des milliers de
cadavres gisant dans les rues." La source de son information sur des
"milliers de cadavres" était le livre de Florence Hartmann, Milosevic,
la diagonale du fou. Il se trouve que Florence Hartmann est la
porte-parole du bureau du procureur du TPI. Si l'on se conforme à la
logique de M. de la Brosse, on peut conclure que que tout ce qu'affirmé
l'accusation du TPI est une vérité biblique, et que toute personne qui
ne dit pas la même chose fait de la propagande.
Le contre-interrogatoire de Milosevic a ridiculisé de la Brosse.
Pour comble de malheur pour l'accusation, leur témoin suivant a été un
"témoin secret" au nom de code B-1775, un entrepreneur de pompes
funèbres de Zvornik. Son travail était de ramasser les corps et de les
amener à la morgue. Quand Milosevic lui a demandé combien de corps -
serbes et musulmans - il avait trouvés, il a répondu 50. Quand
Milosevic a relevé la contradiction entre les milliers de cadavres de
de la Brosse et de Hartmann, et les 50 de B-1775, le juge a balayé
l'observation en la qualifiant de perte de temps. Le tribunal n'a
laissé aucun doute sur le fait qu'il était un pion de l'OTAN quand il a
cité comme témoin l'ex-chef de l'OTAN, Wesley Clark. Clark a non
seulement été autorisé à témoigner à huis clos, comme cela s'était
produit à plusieurs reprises avec d'autres témoins, mais le
gouvernement américain a eu le droit de récrire les procès verbaux en
cas de besoin - une véritable démonstration de justice impartiale.
Quand l'accusation a appelé à la barre l'ex-chef de la sécurité serbe,
Radomir Markovic, on a découvert que les autorités serbes avaient
essayé de l'acheter pour qu'il témoigne contre Milosevic, en le
menaçant de prison s'il ne le faisait pas.
Dans une vraie cour de justice, le juge aurait réagi au fait qu'un
témoin avait été soumis à des tentatives de corruption assorties de
menaces, mais pas au TPI. Comme si la procédure du tribunal ne
suffisait pas à le discréditer, la façon dont Milosevic est traité par
ces "défenseurs des droits de l'homme et de la justice" devrait
clarifier les choses. Depuis l'arrivée de l'accusé à La Haye, tout a
été tenté pour le briser et rendre sa défense impossible.
En laissant les lumières allumées dans sa cellule 24 heures sur 24, on
a sérieusement compromis son cycle de sommeil. Même en sachant qu'il
était cardiaque, on ne lui a donné que de l'aspirine pendant toute la
première année. Le journal hollandais NRC Handelsblad a dit qu'à
l'automne de 2002, quand on a enfin changé ce traitement, on lui a
prescrit des médicaments qui entraînaient vertiges et insomnie, et
rendaient difficile sa concentration. C'est seulement au printemps
2003, qu'on a consenti à modifier son traitement.
On lui a aussi refusé le droit de recevoir des visiteurs. Au cours des
premiers mois après son kidnapping, l'ambassade des Pays Bas à Belgrade
a accumulé les difficultés d'obtention de visas pour les membres de sa
famille et ses conseillers. Le pouvoir du tribunal s'étendait jusqu'à
contrôler la politique de visas du ministère néerlandais des Affaires
étrangères. L'accusation du TPI dispose de toute la place nécessaire
dans les médias pour attaquer Milosevic. Le tribunal met à leur
disposition une salle spéciale dans laquelle il peut tenir des
conférences de presse. Il est strictement interdit à Milosevic, par
contre, de parler aux médias. On a tellement peur de ce qu'il pourrait
dire qu'on a même étendu la même interdiction aux gens qui le visitent.
Le régime-croupion de Belgrade a lui aussi joué son rôle dans les
brimades destinées à venir à bout de Milosevic en lui refusant la
possibilité de voir sa femme. Il a lancé une chasse aux sorcières
contre elle, en se servant de fausses accusations pour la mettre sur la
liste d'Interpol, ce qui signifie qu'elle serait arrêtée si elle
essayait de rencontrer son mari. On a défendu aux membres du parti de
Milosevic, le SPS, de le voir, sous prétexte qu'ils ont parlé aux
médias. Milosevic a été placé sous une interdiction totale de
communication, sauf avec ses conseillers juridiques, parce qu'il s'est
porté candidat aux élections parlementaires en Serbie.
Milosevic doit affronter la machinerie du tribunal, les milliers de
membres de son personnel et son budget de millions de dollars, avec
seulement un téléphone public. Milosevic n'a pas les moyens de se payer
des assistants pour mettre de l'ordre dans près d'un million de pages
de documents et des milliers d'enregistrements audio et vidéo. Sa
cellule est littéralement bourrée de papiers, et souvent il ne peut
disposer du matériel dont il a besoin qu'à la dernière minute. Le plus
récent exemple, loin d'être le seul, a été le témoignage du général
français Philippe Morillon. En raison de sa position importante de
commandant de l'UNPROFOR en Bosnie-Herzégovine, le tribunal savait
depuis longtemps qu'il serait convoqué, mais il n'a fourni le texte de
son témoignage à Milosevic qu'au dernier moment, compromettant ainsi
son contre-interrogatoire.
Un autre truc fréquemment employé est le changement de l'ordre des
témoins sans prévenir. On espère ainsi prendre Milosevic à
l'improviste, mais cela rate toujours, parce que Milosevic est plus
malin que tous ses accusateurs réunis.
On cherche aussi à saboter sa défense en le maintenant au tribunal,
quelquefois pendant plusieurs heures après la fin de l'audience. On le
garde sur un banc en bois sans nourriture ni boisson, en lui disant
qu'on ne peut pas le ramener à la prison parce qu'on manque de moyen de
transport. En retardant ainsi le retour dans sa cellule, on peut
refuser à ses conseillers juridiques de le rencontrer parce que l'heure
des visites est passée. Personne de sensé ne peut prétendre que le
procès de Milosevic est équitable. L'accusation prépare son dossier
depuis des années, alors qu'on n'a alloué à Milosevic que trois mois
pour préparer sa défense, ses premiers témoins devant être cités le 8
juin. Ce ne sont que quelques-unes des méthodes utilisées par cette
instance illégale pour briser un homme innocent. Il est honteux que les
médias se taisent et que pas un seul membre du parlement à La Haye ne
proteste contre ce flagrant déni de justice qui se déroule aux Pays Bas.
Malgré le traitement auquel il est soumis. Slobodan Milosevic ne cède
pas. Il est vrai qu'il a des problèmes cardiaques, et il est sûr que
son emprisonnement illégal l'a affaibli, mais sa vigueur et son esprit
restent intacts. L'auteur de cet article a eu le privilège de lui
rendre visite trois fois l'année dernière et s'est entretenu avec lui
de nombreuses fois au téléphone. Ce n'est pas un homme vaincu. Il se
battra jusqu'à la fin. A ses yeux, ce n'est pas un combat personnel -
il se bat pour la survie de son pays et de son peuple.
C'est le cœur de l'affaire. Ce procès n'a rien à voir avec le fait de
rendre justice aux victimes des tragédies qui ont eu lieu dans
l'ex-Yougoslavie. Son but est de dissimuler la politique occidentale de
destruction d'un Etat multiethnique qui avait émergé à la suite de la
défaite de l'Allemagne lors de la Première guerre mondiale, à l'aide
des forces les plus réactionnaires : les fascistes en Croatie et les
terroristes musulmans en Bosnie et au Kosovo. Il vise a créer le cadre
légal des futurs pillages et colonisations par l'Occident. La
condamnation de Milosevic servira à désigner le peuple serbe comme
coupable des guerres. La Serbie sera forcée de payer des réparations à
ses soi-disant "victimes", la Croatie et la Bosnie ont déjà réclamé des
milliards de dollars. De plus, si l'ex-chef d'Etat est condamné, son
pays sera tenu pour "légalement responsable" non seulement des morts
causées par les "bombes humanitaires" de l'OTAN, mais de toutes les
dépenses de guerre et de maintien de la paix encourues depuis 1992.
La Serbie, sans argent et dépouillée de ses biens publics, devra
emprunter aux banques occidentales pour payer la Bosnie et la Croatie
qui, à leur tour, se serviront de cet argent pour payer leurs dettes
aux banques occidentales. Le cercle sera bouclé et les Balkans seront
pillés. C'est la "justice" que rend l'OTAN et son tribunal-croupion.
Cela servira aussi d'instrument à une intervention permanente dans les
affaires intérieures de la Serbie, à son maintien sous contrôle, au
soutien de l'indépendance du Kosovo et, si nécessaire, à un nouveau
démembrement de la Serbie en plusieurs protectorats. Slobodan Milosevic
a clairement déclaré qu'il ne se déroberait pas à son procès, tout ce
qu'il veut c'est qu'on lui permette de préparer sa défense dans des
conditions acceptables. Il réclame la liberté d'assurer la défense de
son peuple. Il a dit au tribunal : "Je ne vais pas fuir ce lieu de
force et d'injustice, où l'on calomnie mon peuple et mon pays, parce
que ce sont des accusations d'une gravité extrême." Il a promis de
rester et de combattre l'injustice. "Je ne fuirai pas ce tribunal,
a-t-il dit. Je le détruirai."
Nico Varkevisser
Targets, mensuel hollandais d'affaires internationales,
mars 2004.
=== 3 ===
L'échec du procès Milosevic
20/02/2004
source : Réseau Voltaire
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22867
http://www.reseauvoltaire.net/article12604.html
C'est le 29 juin 2001 que Slobodan Milosevic a été transféré de la
République fédérale de Yougoslavie et placé sous la garde du Tribunal
pénal international ad hoc pour l'ex-Yougoslavie(TPIY). Il faisait
l'objet de trois actes d'accusation distincts relatifs aux crimes
commis au Kosovo, en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Les trois
affaires ont finalement été confondues pour ne donner lieu qu'à un seul
méga-procès qui s'est ouvert le 12 février 2002. Il devait clore une
décennie de barbarie et manifester le triomphe des démocraties.
Deux ans plus tard, le procureur, malgré des moyens propres démesurés
(262 millions de dollars de budget pour la période et 1881 salariés)
auxquels s'ajoutent tous les moyens militaires de l'OTAN, et après
l'audition de près de 300 témoins, est dans l'incapacité de démontrer
le bien-fondé de ses accusations. On évoque désormais un possible
acquittement de Slobodan Milosevic, au moins des chefs d'accusation les
plus graves portés à son encontre, notamment celui de génocide.
Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a été créé, le
25 mai 1993, par la résolution 827 du Conseil de sécurité. Un second
tribunal fut créé peu après pour le Rwanda (résolution 955 du 8
novembre 1994). Cet effort s'est prolongé plus tard avec la création
d'une Cour pénale internationale (TPI), non pas consacrée à juger les
acteurs d'un conflit particulier, mais avec compétence universelle.
Pour renforcer son autorité, le Conseil de sécurité entendait doter
l'ONU d'une instance judiciaire capable de sanctionner les individus
ayant violé ses résolutions.
Cet objectif paraît simple et évident, mais il est en fait incohérent
car les résolutions du Conseil s'adressent aux États, tandis que les
tribunaux internationaux jugent des individus.
Rapidement ce système hybride a posé plus de problèmes aux membres
permanents du Conseil de sécurité qu'ils n'en a résolu. Au point que
des États-Unis, après avoir joué un rôle actif, ont essayé par tous les
moyens de saboter la création de la Cour pénale internationale.
La résolution 827 fonde le TPIY sur le chapitre VII de la Charte des
Nations unies qui ne porte pas sur le pouvoir judiciaire, mais sur
l'action exécutive de défense de la paix. En droit, le TPIY n'a donc de
tribunal que le nom, puisqu'il est un prolongement de l'exécutif. Il ne
s'appuie pas sur une loi, ni une procédure préexistants dans un traité
international, mais les invente lui-même selon ses besoins. Le
président peut les modifier en cours d'application et n'a besoin pour
cela que de l'approbation des autres juges transmise par fax. D'une
manière générale, le TPIY s'est aligné sur les normes états-uniennes
les plus dures : détention prolongée jusqu'à 90 jours des suspects en
attente d'inculpation, acceptation de témoignages de repentis, voire de
personnes anonymes, acceptation de preuves d'origine secrète et donc
non-soumise à contestation par la défense.
L'activité du TPIY s'est d'abord heurtée à la raison d'État des
grandes puissances dont il est la manifestation. Celles-ci ont refusé
d'exécuter nombre de mandats d'arrêt qui leur étaient transmis. Elles
continuent de protéger certains acteurs du drame ou de craindre leurs
révélations. Dix-huit accusés, dont Radovan Karadzic et Ratko Mladic,
courent toujours.
Juges et parties
Au demeurant, le TPIY ne donne aucun des gages d'impartialité que l'on
attend d'une telle juridiction. Son budget n'est pas seulement abondé
par des États dans le cadre de l'ONU, mais aussi par des donateurs
privés, principalement les Fondations Carnegie, MacArthur, Rockefeller
et Soros. Les procureurs successifs ont été choisis sur proposition des
États-Unis et avaient pris position publiquement, avant leur
nomination, sur la culpabilité de Milosevic. Plusieurs juges
entretiennent des contacts avec des parties au conflit, au vu et au su
de tous.
Surtout, le TPIY souffre de maux anciens, comme ses prédécesseurs, les
tribunaux de Nuremberg et de Tokyo : ils rendent la justice des
vainqueurs. À Nuremberg, le procureur soviétique était l'organisateur
des grandes purges staliniennes, tandis que les juges états-uniens
s'efforçaient de faire oublier les crimes contre l'humanité d'Hiroshima
et Nagasaki. Au TPIY, le procureur a écarté d'emblée toute mise en
accusation des responsables de l'OTAN.
Condamner les vaincus pour justifier l'action des vainqueurs
Au moins, à Nuremberg et à Tokyo, les vainqueurs avaient veillé à
garantir les droits des accusés à se défendre. Il est vrai que cela ne
comportait aucun risque, puisque leur culpabilité était établie. La
justice était sélective, mais ses décisions étaient impartiales. Elle
avait un rôle pédagogique pour les peuples vaincus. Au contraire, le
TPIY ne vise pas à faire connaître a posteriori des crimes à l'opinion
publique, mais à établir l'authenticité de crimes dont l'évocation
avait emporté des décisions politiques. Il doit condamner les vaincus
pour justifier l'action des vainqueurs.
Or, Slobodan Milosevic est poursuivi pour des crimes commis en Croatie
et en Bosnie-Herzégovine, notamment le « génocide » de la population de
Srebrenica, en juillet 1995, alors même que les États-Unis et l'Europe
lui demandèrent d'être le principal garant des Accords de paix de
Dayton, le 21 novembre 1995. En d'autres termes, on lui reproche
aujourd'hui des crimes, y compris le plus grave de tous, le génocide,
dont on le considérait innocent à l'époque. Ce qui a changé, c'est
qu'entre temps, il est devenu l'adversaire de l'OTAN et a perdu la
guerre du Kosovo. On lui reproche donc également des crimes commis au
Kosovo. Mais sachant que l'OTAN a assené pendant des mois que Milosevic
était un nouvel Hitler et qu'il fallait intervenir militairement pour
arrêter le nettoyage ethnique du Kosovo, la barre a été placée beaucoup
trop haute. Que Slobodan Milosevic ait sa part de responsabilité dans
une décennie de barbarie, nul n'en doute. Qu'il ait commis un génocide
et se soit préparé à en perpétrer un second, voilà qui reste à établir
et que le procureur Carla del Ponte ne parvient pas à étayer.
Si les puissances de l'OTAN rechignent à arrêter certains suspects,
ils n'ont pas ménagé leurs efforts pour faire comparaître Slobodan
Milosevic. Au point que les États-Unis ont apporté une aide d'un
million de dollars à la Serbie en échange de sa remise. Or, la Cour
constitutionnelle yougoslave s'étant opposée à son extradition, le
Premier ministre Zoran Djindjic l'a fait enlever et transférer.
Le tribunal n'arrive pas à prouver la culpabilité de Milosevic dans
les crimes dont l'accusait l'OTAN
En définitive, Madame Del Ponte et ses 400 enquêteurs n'ont toujours
pas réussi à étayer l'accusation selon laquelle Milosevic aurait
poursuivi un dessein continu, à travers trois guerres successives, pour
créer la Grande Serbie. Pour le moment, les documents et témoignages
ont montré un Milosevic réagissant aux événements au coup par coup,
avec la plus grande brutalité.
Ils n'ont pas non plus étayé qu'il ait été le donneur d'ordre de
différents massacres, y compris celui de Srebrenica. Au contraire, il
est apparu que Milosevic avait une influence, mais pas d'autorité
réelle sur les Serbes de Bosnie et de Croatie.
Pire, les enquêtes du TPIY sur le nettoyage ethnique du Kosovo ont
montré que le massacre de centaines de milliers de Kosovars, évoqué par
le président Bill Clinton dans son discours d'entrée en guerre et
repris à satiété par les médias atlantistes, n'a jamais existé.
À l'issue de deux ans d'audiences, le tribunal a montré que la partie
la plus importante des crimes reprochés à Milosevic n'a pas plus existé
que les armes de destruction massive irakiennes. Et qu'il n'était qu'un
dirigeant de faible envergure, ayant provoqué bien des cataclysmes sans
jamais les maîtriser, et ne pouvant donc qu'avoir une responsabilité
partielle dans la décennie d'atrocités qui a meurtri la Yougoslavie. Le
TPIY qui devait manifester le triomphe des démocraties sur la barbarie
aura surtout démontré que, pour l'OTAN, la justice n'était qu'un alibi
et qu'il n'existe d'autre droit que celui du plus fort.
=== 4 ===
Deux ans de procès Milosevic : fiasco à La Haye ?
19/02/2004
source : Vreme - Le Courrier des Balkans
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22888
Traduit Par Persa Aligrudic
Deux ans après le début du « procès du siècle », presque tous les
acteurs sont toujours là, sauf le juge Richard May, malade, qui a jeté
l’éponge. Pourtant, l’atmosphère n’est plus la même qu’au début. Autour
de la salle d’audience, on note beaucoup de nervosité, et ceux qui
prétendent tout savoir à l’avance sont de moins en moins nombreux.
Par le reporter de Vreme à La Haye
La Procureure générale Carla del Ponte ne donnera pas d’interviews aux
médias belgradois jusqu’à nouvel ordre. Sa porte-parole Florence
Hartmann l’a dit ouvertement à ceux qui attendaient dans la file :
« mais que voulez-vous, vous n’avez même pas de gouvernement ! »
Si la formation du gouvernement est une condition pour que Carla donne
une interview aux médias locaux, Vojislav Kostunica pourrait bien
éviter de se presser pour le former. Après la dernière déclaration de
la Procureure, qui a dit que Radovan Karadzic et Ratko Mladic étaient
surement à Belgrade (sans preuves à l’appui), le professeur Vojin
Dimitrijevic fait remarquer que Carla del Ponte ne se calmera pas tant
que Belgrade n’aura pas obtenu un gouvernement de droite qui refusera
toute collaboration avec elle. Donc, pas d’interview en perspective.
Ni pour Belgrade, ni pour le Guardian
Aucune chance non plus pour le Guardian de Londres d’obtenir une
entrevue avec la Procureure de La Haye (même si les Britanniques ont un
gouvernement), car ce journal a estimé d’une manière plutot sévère que
le procès contre l’ancien Président Slobodan Milosevic s’était
transformé en une sorte de « parodie de la justice internationale ».
L’auteur, Neal Clark, qui était défavorable à l’extradition de
Milosevic, reproche à Carla Del Ponte de n’avoir pas bien travaillé :
elle a d’abord accusé Milosevic puis, au cours du procès, elle a essayé
de trouver les preuves à l’appui des 66 points de l’acte d’accusation.
Clark accumule les reproches : trop de faux témoins non convaincants,
insuffisamment de preuves établissant que ce sont les dirigeants de
Belgrade qui ont ordonné le massacre de Srebrenica, l’affront de faire
comparaitre Wesley Clarke comme témoin, le silence sur les crimes
commis par l’OTAN lors des bombardements de 1999... Finalement, selon
lui, le TPI travaille dans l’intérêt des grandes puissances, alors que
l’idéal de la justice internationale qui devrait être la même pour tous
n’a jamais été si éloigné qu’aujourd’hui.
À propos du génocide
Le 12 février dernier, le général français Philippe Morillon
comparaissait comme témoin à l’audience du Tribunal. Il parle en détail
du « cercle infernal du sang et de vengeance », et de la haine et qu‘on
ne voit « qu’entre frères et voisins ». Le général Morillon affirme que
Milosevic avait grandement influencé le général Ratko Mladic en 1993 en
l’empêchant de conquérir la zone protégée autour de Srebrenica. D’après
les allégations du général français, au moment du massacre de
Srebrenica en 1995, Mladic agissait en solitaire et n’obéissait à
personne. En soulignant les mérites de Milosevic pour une « solution
pacifique » de la situation autour de Srebrenica en 1993 et son
influence déterminante sur les Serbes de Bosnie, le parquet a essayé
néanmoins de l’accuser de « complicité de génocide ».
Il semble que le point le plus important, sur les 66 contenus dans
l’acte d’accusation, celui de la responsabilité directe du génocide
imputé à Milosevic et que le Parquet essaie depuis deux ans de mettre
sur son dos, soit assez difficile à tenir à la veille de la deuxième
partie du procès. Même la Procureure Del Ponte, dans un entretien avec
AFP la semaine dernière, se voulant apparemment très satisfaite de
l’avancée du procès, a remarqué qu’elle savait depuis le début qu’il
serait très difficile de prouver le génocide, car « c’est toujours
diablement difficile de prouver l’intention ». Interrogée pour savoir
si elle allait considérer comme une défaite personnelle un éventuel
échec à fournir les preuves sur ce point crucial de l’acte
d’accusation, la Procureure générale a souri en disant que la décision
revenait maintenant aux juges.
Retours sur l’affaire Plavsic
La fin de la première phase du procès contre l’ancien président
yougoslave et l’annonce que des témoins importants comparaitront à
l’audience ont fait revenir à La Haye certains envoyés spéciaux. La
plupart s’attendait à voir apparaître Biljana Plavsic comme témoin à
charge contre Milosevic. Elle était arrivée la semaine dernière de
Suède, où elle purge sa peine de onze années de prison, après avoir
reçu une convocation à témoigner. Au bout de quelques jours, Biljana
Plavsic a eté ramenée en Suède, et la seule explication fournie par
Carla del Ponte a été que l’ancienne Présidente de la Republika Srspka
n’avait pas eu le temps de témoigner car il ne restait que deux jours
pour interroger les témoins de l’accusation.
Il est fort possible que l’accusation ait pensé que le témoignagne de
cette femme pouvait être nuisible sur le cours du procès de Milosevic,
alors qu’on avait compté qu’il serait grandement profitable.. Biljana
Plavsic avit dit dans sa déposition que Milosevic était l’architecte de
la politique de séparation ethnique de la population en
Bosnie-Herzégovine, qu’il avait mise en oeuvre avec Karadzic, Krajisnik
et Mladic. Elle mentionnait aussi la participation du ministère de
l’Intérieur de Serbie (MUP), des dirigeants politiques et de la
direction militaire de Belgrade dans l’accomplissement du plan de
séparation des communautés ethniques et de l’expulsion forcée de la
population non serbe des territoires que les Serbes voulaient garder.
Ces aveux auraient dû faire de Milosevic un coupable, car il était au
centre des agissements mentionnés dans l’acte d’accusation comme « le
plan criminel commun ». En l’absence de comparution de Plavsic, le
texte de ses aveux devient quasiment nul dans le procès de Slobodan
Milosevic, et il ne sera pas classé dans les documents judiciaires.
Quelques jours avant la fin de la première phase du procès, Milosevic
a reçu du renfort. On a de nouveau entendu les membres du Comité
international pour sa défense, dont l’un des membres, le professeur
Velko Valkanov de Bulgarie, a fait remarquer qu’en moins d’un an, 24
personnes avaient été condamnées lors du procès de Nuremberg, alors que
le procès d’un seul homme dure plus de deux ans devant « un tribunal
illégal et faux ». Bien sur, cela ne signifie pas que le procès de
Nuremberg était parfait du point de vue juridique, et encore moins que
Milosevic est innocent, comme l’affirment Valkanov et ceux qui
partagent son avis.
Mais il semble bien que les discussions au sujet de la crédibilité du
TPI soient de plus en plus fréquentes. Les capitales mondiales ont de
plus en plus d’objections sur le travail de la procureure générale de
La Haye, à qui l’on attribue une influence négative sur la stabilité de
la région à cause de ses déclarations. Par exemple, en deux jours,
Carla del Ponte a déclaré que la communauté internationale « avait
certainement la volonté » d’arrêter Karadzic et Mladic, et que cette
même communauté internationale « n’avait pas, semble-t-il,la volonté »
de s’occuper des crimes de guerre des Albanais du Kosovo. Or, il
faudrait que tous se souviennent que jusqu’à une époque récente, la
Procureure générale répétait que les pressions politiques ne
l’intéressaient pas, car elle ne faisait que son travail...
Belgrade aura finalement son gouvernement. Il se pourrait alors que
Carla del Ponte dise enfin quelque chose en première main à notre
opinion. Evidemment si elle en a la volonté.
=== 5 ===
Une honteuse parodie de justice
Cathrin Schütz 19/08/2003
source : Balkans-Info / Jünge Welt
URL :
http://www.anti-imperialism.net/lai/
texte.phtml?section=BBBL&object_id=22899
Selon les déclarations de la chef procureur Caria del Ponte,
l'accusation va se concentrer durant les prochains mois du procès de
Milosevic sur Sarajevo et Srebrenica(l). Certains rapports officiels
affirment que 7 à 8.000 musulmans bosniaques ont été tués en juillet
1995, quand les unités serbes ont lancé l'assaut de la "zone protégée"
de Srebrenica. Mais des doutes continuent à faire surface quant à
l'étendue et la nature de ce prétendu crime parce que la version
officielle de l'affaire manque à beaucoup d'égards de vérification
factuelle (2). Après que del Ponte a dû admettre elle-même que le
chapitre Kosovo (qui a servi à l'origine de base à l'inculpation de
Milosevic, ainsi qu'à son enlèvement et sa livraison au tribunal de La
Haye) ne pouvait étayer la qualification de génocide en l'absence de
toute preuve, l'accusation a produit de nouvelles inculpations pour la
Croatie et la Bosnie en attribuant à Milosevic un génocide en Bosnie,
fondé en majeure partie sur les événements de Srebrenica.
Récemment l'accusation a subi un nouveau déboire quand le prédécesseur
de Milosevic, l'ex-président yougoslave Zoran Lilic, a témoigné à La
Haye le 17 juin. Lilic a déclaré que Milosevic n'avait pas été impliqué
dans le massacre de Srebrenica. Le jour suivant, les titres des médias
affirmaient que Srebrenica avait "indigné" Milosevic.
Mais un jour plus tard, cette information favorable à Milosevic avait
disparu, et la presse internationale titrait sur le contraire, disant
"un document pourrait relier Milosevic au massacre" (4). Le document en
question est un texte officiel fourni à l'accusation par le Institute
for War and Peace Reporting (IWPR) de Londres. C'est un ordre du 10
juillet 1995, signé du ministre de l'Intérieur bosno-serbe Tomislav
Kovac, à une unité de la police serbe de faire mouvement de Sarajevo à
Srebrenica pour "écraser l'offensive ennemie menée à partir de la zone
protégée de Srebrenica" (5).
Mais les commentaires paraissant à propos de la présentation de ce
document semblent être à l'avantage de l'ex-président Milosevic. Des
observations inhabituelles ont paru concernant le manque de toute
preuve de l'implication de Milosevic, à l'exception de cet ordre
opportunément découvert. Le chef du bureau de L'IWPR à La Haye, Stacey
Sullivan, tout en signalant la valeur du document, a déclaré : "Jusqu'à
présent, il était généralement admis qu'il n'y avait aucun lien entre
ce qui est arrivé à Srebrenica et Belgrade." Selon le New York Times du
19 juin 2003, un responsable du bureau du procureur a dit : "Pour le
moment, c'est le premier document se rapportant au massacre de juillet
1995." (6). SFOR News le confirme en déclarant, le 20 juin : "A ce
jour, il était généralement considéré que jusqu'à l'été 1995, la Serbie
avait coupé toutes relations avec la direction bosno-serbe et que les
forces serbes n'avaient pas participé à l'opération militaire de
Srebrenica." (7).
Selon Sullivan, ce document montre pour la première fois que la police
serbe a participé à cette opération. La Coalition for International
Justice de Washington affirme le contraire en disant que ce document ne
prouve en aucune façon l'engagement de ces unités. Et ce qu'on ne sait
pas encore - Sullivan lui-même a dû l'avouer - c'est si Milosevic
connaissait la position de ces troupes. Le New York Times, généralement
d'accord avec les autres grands médias pour préjuger de la culpabilité
de Milosevic, a tout à coup choisi de ne laisser aucun doute sur
l'absence de preuves contre Milosevic dans l'affaire de Srebrenica.
"Des témoins et même des participants au massacre ont décrit au
tribunal le rôle joué dans le bain de sang par l'armée, la police et
les combattants paramilitaires. Mais même pendant le procès du général
Radislav Krstic, un des commandants à Srebrenica qui a été condamné à
46 ans de prison pour génocide, le procureur ne disposait d'aucun
document reliant les atrocités à Belgrade." Au vu des réactions à la
première présentation du nouveau document, il semble aujourd'hui qu'il
ait attiré plus d'attention qu'il n'en méritait. Apparemment il ne
révèle aucune "nouvelle preuve" contre Milosevic. Florence Hartmann, la
porte-parole du procureur, a dit par la suite que le document n'était
qu'"un élément" et a annoncé qu'il y en aurait d'autres, ainsi que des
témoins spéciaux pour Srebrenica. Mais on peut constater que le
document a été sorti au moment exact où le témoignage de Lilic sur
l'innocence de Milosevic était l'information principale, de façon à
détourner l'attention des titres qui pouvaient saper la crédibilité de
l'accusation. L'affirmation de l'IWPR qu'on ne s'était pas aperçu de
son existence est pour le moins douteuse. La probabilité que l'IWPR
(dont le bureau de La Haye est à proximité du tribunal) joue le jeu de
l'accusation, est confirmée par sa propre liste d'organisations
associées et de partenaires. Parmi ceux-ci se trouve l'Open Society
Imtitute du milliardaire américain George Soros, qui finance
directement le tribunal. Par USAID, l'institut reçoit de l'argent du
gouvernement américain. Des soutiens proviennent aussi de
l'organisation américaine International Research & Exchanges Board
(IREX). En même temps, IREX finance une longue liste de journalistes de
l'ex-Yougoslavie qui couvrent le procès de La Haye, leur fournissant
entraînement, appartements, ordinateurs, etc. Selon des informations de
son propre site internet, l'IREX reçoit des fonds du Département d'Etat
US et du géant médiatique CNN-AOL-Time Warner. Ce dernier contribue
aussi financièrement au tribunal (8).
Etant donné que le tribunal ne permet plus à Milosevic de communiquer
avec la presse, Vladimir Krsljanin, un de ses assistants de Belgrade, a
déclaré à Junge Welt ; "Carla del Ponte s'est vantée récemment devant
la presse de pouvoir prouver toutes ses accusations -sauf celle de
génocide qui serait plus difficile. Mais même pour cela, elle a dit
qu'elle réussirait dans les prochains mois. Ce n'était qu'un essai de
dissimuler son échec complet aux yeux du public parce que sa position
de chef-procureur a été mise en question. La culpabilité de Slobodan
Milosevic ne peut pas être prouvée parce qu'elle n'existe pas. Tout le
monde sait qu'il a constamment et publiquement condamné tous les
extrémismes et les crimes. Dans sa déclaration d'ouverture, il a
annoncé qu'il prouverait la complicité des services secrets occidentaux
dans les pires atrocités en Bosnie et Croatie." En effet, cette
entreprise semble promise à plus de succès que la tentative de
l'accusation de prouver un lien entre Milosevic et le prétendu massacre
de Srebrenica. Le rapport de la commission du Dutch Instituts for War
Documentation (NIOD), dirigé par Cees Wiebes, le confirme. "Pendant
cinq ans, le Pr Cees Wiebes, de l'université d'Amsterdam, a eu un accès
illimité aux archives des services de renseignement hollandais et a
arpenté les couloirs des quartiers généraux des services secrets
occidentaux, ainsi que ceux de Bosnie, et a posé des questions." (9).
Le Berliner Zeitung allemand d'avril 2002, se référant au rapport
hollandais, a affirmé qu'il n'y avait "aucune suggestion d'implication
directe de Milosevic ou des autorités serbes de Belgrade dans l'attaque
de Srebrenica." Le même rapport, selon le Guardian, révèle par contre
l'implication de forces extérieures. "Les USA se sont servis
d'islamistes pour armer les musulmans de Bosnie. Le rapport sur
Srebrenica dévoile le rôle du Pentagone dans une sale guerre. L'enquête
officielle des Pays-Bas sur le massacre de Srebrenica en 1995, sortie
la semaine dernière, contient un des comptes rendus jamais publiés sur
les services de renseignement occidentaux. (...) Les armes introduites
par avion pendant le printemps de 1995 ont émergé seulement deux
semaines plus tard dans l'enclave assiégée et démilitarisée de
Srebrenica. Quand on s'est aperçu de ces livraisons, les Américains ont
fait pression sur l'UNPROFOR pour que les rapports soient récrits, et
quand les responsables norvégiens ont protesté à propos des vols, ils
ont été réduits au silence par des menaces répétées." Si Caria del
Ponte veut tenir sa promesse de prouver l'accusation de génocide, elle
devra se livrer à ce qui semble son habitude, c'est-à-dire manipuler
les témoins, comme elle l'a fait pour Rade Markovic. L'ex-chef de la
sécurité d'Etat, prévu comme témoin de l'accusation, a déclaré dans son
témoignage qu'on lui avait proposé un marché pour témoigner contre
Milosevic (10).
La déclaration de del Ponte de la mi-juillet - dans laquelle elle dit
espérer que les responsables politiques et militaires des 13 années du
régime de Milosevic témoigneront contre leur ex-leader (11) - paraît de
plus en plus être l'annonce que de nouvelles tentatives vont être
faites d'incriminer ceux qui oseront faire état de circonstances
atténuantes.
Cathrin Schütz
Junge Welt, "Beweisnot in Den Haag ",
19 août 2003.
(1) In : Arthur Max, "UN Prosecutor to show Milosevic Evidence",
Associated Press. 16 juillet 2003.
(2) Entre beaucoup d'autres, cf. Jürgen Elsässer, "Anatomie einer
Tragödie, der Fall von Srebrenica : Horrorzahlen und seriöse
Untersuchungen", Junge Welt. 10 juillet 2003, et Jürgen Elsässer,
"Srebrenica, kein Völkermord, Jahrestag der Einnahme durch serbische
Truppen : Massakeropfer und Gefechtstote auf beiden Seiten", Junge
Welt. 11 juillet 2003. Cf. aussi George Pumphrey, "Srebrenica, Five
Years Later and still Searching", www.balkanpeace.org
(3) "Srebrenica a indigné Milosevic", The Guardian, 18 juin 2003.
(4) Marlise Simons, "Prosecutors say Document links Milosevic to
Génocide", New York Times, 19 juin 2003.
(5) "Milosevic linked to Srebrenica", Radio Netherlands Wereldomroep,
20 juin 2003.
(6) Marlise Simons, op. cité.
(7) SFOR Main News. 20 juin 2003.
(8) cf. www.irex.org pour les fonds versés au TPI, et Christopher
Black, "An Impartial tribunal, Really ?"
www.swans.com:library:art5:zig036.html
(9) Richard Aidrich, "America used Islamists to arm the Bosnian
Muslims, the Srebrenica Report reveals the Pentagon role in a Dirty
War", The Guardian, 22 avril 2003.
(10) Klaus Hartmann, "Wegshauprozess geht weiter", Junge Welt, 26
septembre 2002.
(11) Arthur Max, op. cité.