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2009:15:24&log=invites

Kosovo ou Unmikistan : le royaume de la corruption, de l’illégalité
et du crime

Maciej Zaremba


Maciej Zaremba, le réputé journaliste du Dagens Nyheter, le très
influent quotidien suédois, brosse un portrait de l'incapacité et des
abus de l'UNMIK (Mission d'administration intérimaire des Nations
Unies au Kosovo-Métochie).

Cette mission, la plus grande de l'histoire de l’ONU, agit en tant
que “premier Etat des Nations Unies au monde”, dans lequel les forces
internationales n'assurent pas seulement la paix et l'eau potable,
mais établissent un tout nouvel ordre. Mais dans ce nouvel ordre
règne la corruption et l'illégalité, écrit Maciej Zaremba, après
avoir séjourné six mois dans la province serbe, qu'il surnomme
“Unmikistan, pays d’avenir”.
Après avoir parlé avec les citoyens du Kosovo, les officiels actuels
et ceux qui les ont précédés, ainsi qu'avec les représentants des
pouvoirs locaux et des organisations internationales, se référant aux
comptes rendus, mais également à tout ce qu’il a vu de ses “propres
yeux” sur le terrain, Zaremba a découvert avec stupéfaction les liens
des officiels de l'UNMIK et de la mafia locale albanaise sous la
protection des Nations Unies. S’ajoutent également les masses d'abus
financiers restés sans jugement, les cas de violation des droits de
l'homme, la corruption et l'incompétence des officiels. Selon le
journaliste suédois d’origine polonaise, l'organisation mondiale dont
le rôle est d'assurer la protection des biens et des droits de
l’homme des habitants du Kosovo, de préparer les fondements de la
démocratie, d’assurer une justice efficace et une économie
fonctionnelle de marché, a obtenu des résultats contraires à ceux qui
étaient programmés dans sa mission. Le Kosovo est devenu un repaire
d’injustice et de criminalité, un lieu sans loi, le centre européen
du commerce des femmes et de la drogue ! ! !

Le règne du marché noir

Dans la première des quatre parties qui composent son texte sur
“l’Unmikistan”, l’auteur présente aux lecteurs la vie quotidienne au
Kosovo. On commence par l’aérodrome sur lequel s’est posé son avion
et qui est dirigé par la direction islandaise pour l’aviation civile,
les services de téléphonie mobile sont assurés par une compagnie
française avec comme code d’accès celui de Monaco. On trouve tous les
six kilomètres des pompes à essence, “un record fantastique, qui
malheureusement ne sert que pour le blanchiment d’argent de la
contrebande, de la drogue, des armes et de l’esclavage sexuel” dit
Zaremba.
Dans les magasins le savon est de Bulgarie, les chemises de Taiwan,
la farine de la Tchéquie, l’eau de Hongrie. Après huit ans et 22
milliards d’euros dépensés, règne le marché noir, alors que le marché
légal est en collapsus total !
La plupart des habitants ont l’électricité seulement quelques heures
par jour et certains encore moins. Comment, se demande-t-on, “alors
que l’Etat est dirigé par les Nations Unies qui ont investi 700
millions d’euros dans les deux centrales électriques dans une région
si riche en lignite qu’elle pourrait éclairer tous les Balkans, le
Kosovo ne peut-il pas produire suffisamment d’électricité, mais
pollue l’air 70 fois plus que la norme permise par l’Union Européenne ?”
En étudiant comment fonctionne le système au Kosovo, Zaremba a
compris que les officiels trop payés de l’UNMIK ne sont pas sur place
pour lutter contre la criminalité, le plus grand fléau au Kosovo, car
une telle mission nécessiterait une stratégie, du courage, du
dévouement et de la responsabilité, mais “ne ressentent de
responsabilité que pour leurs propres carrières, où le Kosovo n’est
qu’une épisode.”
Ainsi, les sept “gouverneurs”, les chefs de l’UNMIK, n’ont parlé dans
leurs rapports que de la stabilité et des progrès de la situation.
“C’était la seule manière qui leur permettait d’avancer et de faire
carrière.”
“Vous vous attendriez à ce que la mission de l’ONU soit comme une
expédition polaire, avec des buts précis, un commandement décidé, des
moyens appropriés, des experts assidus. Vous auriez tout le droit de
le penser, compte tenu de leurs énormes salaires, et du fait que pour
chaque poste dans la mission ont postulé 229 candidats. Mais la
mission n’a aucune de ces qualités. Qui peut encore croire
sérieusement que les forces de police, composées de ressortissants de
44 nations – dont la moitié provient de pays semi-démocratiques –
vont risquer leurs vies pour appliquer l’ordre et la loi dans une
région qui n’en a jamais eus ?”
Les sources britanniques ont confié à Zaremba que le siège des forces
de polices de l’ONU croule sous des rapports sur la criminalité, que
personne n’a jamais ouverts. “La plupart des crimes n’ont jamais été
investigués, mais qui saurait le faire, quand on voit la composition
de l’UNMIK, même s’il en avait l’envie ?”
Pour les habitants du Kosovo l’instruction destinée à leur apprendre
à conduire les trains est faite par un “expert” du port de Sierra
Leone où le dernier train a disparu en 1975. Un gardien de parking du
Bengladesh n’a pas de permis de conduire et parle seulement le
bengali .Il a du bien graisser des pattes pour être embauché par
l’ONU...
La plupart des citoyens ne font pas confiance aux officiels de
l’UNMIK. Zaremba a découvert pourquoi. “Chaque vache en France est
subventionnée 3 euros par jour, tandis qu’un habitant de Kosovo sur
deux vit avec un tiers de cette somme par jour. Si quelqu’un le vole,
il n’a pratiquement aucune chance qu’on retrouve le voleur, bien que
le Kosovo ait le plus grand nombre de policiers par habitant en
Europe. 300.000 cas non résolus attendent dans les tribunaux. Si vous
êtes Serbe ou Rom on peut brûler votre maison, tandis que les soldats
de l’OTAN regardent calmement l’incendie. Et ceci est arrivé de
nombreuses fois.”.

L’Etat des Nations Unies et les sept pillards

Dans la seconde partie du texte de Zaremba, qui porte ce titre, il ne
s‘agit pas des sept chefs de l’UNMIK), mais des malheurs de Madame
Hisari, dame d'un certain âge et sans fortune, qui a perdu sa ligne
téléphonique, car son locataire, un certain Jo Truchler, directeur de
la KEK (la Compagnie d'Électricité du Kosovo) n’a pas payé sa facture
d’électricité qui s’élevait à 6.900 euros, soit la valeur d’un
salaire et demi moyen annuel, tandis que son salaire en tant que
fonctionnaire de l’UNMIK s’élevait à 20.000 euros par mois. La
propriétaire désespérée s’est adressée au tribunal, mais on lui a dit
que le tribunal n’avait aucune compétence pour juger le personnel de
l’UNMIK. La dame a écrit à l’UNMIK , qui lui a répondu que l’UNMIK
n’était pas responsable des affaires privées de ses fonctionnaires .
Entre temps, le locataire sans scrupules a quitté le Kosovo, avec 4,3
millions de $ qui sont apparus plus tard sur son compte dans une
banque à Gibraltar. Les investigations ont démontré que Truchler, à
qui on a confié la direction d’une des plus importantes compagnies
(celle-là même qui ne procure aux habitants que quelques heures
d’électricité par jour), a obtenu ce poste en falsifiant des
documents, n’étant ni économiste, ni ingénieur, mais un petit escroc
allemand !
“Ceux qui ne rentrent pas du Kosovo les poches remplies d’argent sont
des idiots ou des saints” a dit sous couvert d’anonymat un
interlocuteur de Zaremba. Un autre décrit le Kosovo comme “un
Eldorado pour les voleurs”, et un troisième lui a confié qu’il avait
été dans plusieurs missions des Nations Unies à travers le monde,
mais “qu’aucune n’était aussi pourrie que celle de Kosovo”. Les trois
personnes provenant de pays différents, sont ou ont été à des postes
importants dans la hiérarchie de l’UNMIK. Marie Fuchi, qui a dirigé
la Kosovo Trust Agency en 2003-2004, est formelle : l’aide parvenue
au Kosovo s’est retrouvée dans les mains de la mafia locale, et des
sommes énormes ont été dépensées pour des activités qui n’ont rien à
voir avec l’économie du Kosovo, mais ont servi à l’enrichissement de
la “nomenklatura” kosovare et des hauts fonctionnaires de l’UNMIK.
Dans “L’histoire des sept pillards, Zaremba nous explique comment ils
ont procédé. Bo Olsen (le nom est inventé) était un petit employé
dans son pays d’origine et, au Kosovo, il devient conseiller
international dans la Compagnie de télécommunications PTK. Il ne
mérite même pas le tiers de son salaire (11.000 euros mensuels), mais
il réussit à se maintenir grâce au “vautour”, une Albanaise du Kosovo
adjointe d’Olsen, qui touche “seulement” 1;000 euros, mais qui d’un
autre côté peut librement employer un nombre illimité de
fonctionnaires étrangers pour des salaires dix fois plus élevés que
le sien, à la condition qu’Olsen et elle en touchent une partie.
Le troisième complice est un certain Kevin Jeffry, directeur dans la
même Compagnie PTK .Il amène de Londres un de ses amis, en tant qu’
“expert financier”, qui touche 16.000 euros par mois, avec des
suppléments pour sa voiture de fonction et celle privée pour le week-
end, et qui en guise de travail joue pendant six mois au poker sur
internet.
Apparait le Britannique Roger Reynolds qui, par l’intermédiaire de la
PTK qui l’emploie, trouve la Compagnie Norway Invest et, pour 300.000
euros investis, lui procure un contrat avec l’UNMIK pour 10 millions
d’euros. Ensuite, il quitte la PTK pour Norway-Invest avec un salaire
de 20.000 euros mensuels payés par le juteux contrat. La police
financière italienne (“un rayon de lumière dans l’histoire noire du
Kosovo”, remarque Zaremba) découvre que le directeur de la compagnie
norvégienne qui a obtenu le contrat avec l’UNMIK est un criminel
ordinaire .Le contrat a été annulé, mais le Kosovo n’a jamais
récupéré les 300.000 euros .
Pour améliorer la distribution d’énergie électrique au Kosovo,
l’UNMIK engage la compagnie irlandaise ESB International pour aider
la KEK qui a 70.000 euros de pertes par an, qui coupe l’électricité
aux utilisateurs cinq fois par jour et réussi à se faire payer un
kilowatt utilisé sur deux. Les Irlandais restent trois ans, ramassent
10 millions d’euros et laissent la KEK dans le même état où ils l’ont
trouvée.
Zaremba consacre une partie importante de son texte à la France. En
se référant à des do-cuments officiels, il note qu'en 1999, il paraît
évident que Bernard Kouchner va être nommé achef de la mission. Le
Premier ministre Lionel Jospin et le gouvernement français formé une
mission spéciale afin “d'éviter les erreurs de la Bosnie”, c'est-à-
dire d'obtenir la possibilité que la France récupère une grande
partie de l'aide qu'elle envoie au Kosovo. En clair, les compagnies
françaises doivent avoir la primauté pour obtenir les marchés au
Kosovo. Kouchner s'est bien employé à le faire. Il a rejeté la
proposition des experts locaux de confier la téléphonie mobile au
Kosovo à Siemens et l'a accordée à la société française Alcatel . “Le
résultat : Le Kosovo a depuis sept ans la téléphonie mobile la moins
performante et la plus chère de toute la région’, a conclu le Conseil
de l'Europe. On téléphone au Kosovo, mais toutes les fois qu'on le
fait, l'argent tombe dans les caisses de la France et de Monaco, avec
la bénédiction de l'Agence des Nations Unies pour les
télécommunications, ITU, qui a “prêté” son numéro d’appel 0377.

Injustices à répétition

Zaremba continue à nous donner une longue liste d'exemples des
illégalités, de la criminalité et de la corruption qui règnent au
Kosovo. Djezide Zodjani, qui travaillait aux chemins de fer, à été
licenciée après avoir travaillé pendant 29 ans, en compagnie d'autres
employées. L'UNMIK a mis à la porte des femmes qui avait une grande
expérience de l'entreprise, et pris à la place des jeunes gens qui
n’en ont aucune. Les femmes licenciées se sont plaintes au tribunal
pour la discrimination frappante. Elles ont été déboutées car “les
décisions de l'UNMIK ne peuvent pas être mises en question, au Kosovo
elles sont au-dessus des lois.” Madame Zodjani s’étonne : “Est-t-il
possible que l’ONU nous enseigne d’une part des principes qui d’autre
part ne peuvent pas lui être appliqués ?” Et Zaremba de préciser :
“C’est exactement comme cela. Il existe seulement deux régions en
Europe, dont les citoyens ne peuvent pas porter plainte au tribunal
pour les droits de l’homme à Strasbourg : la Biélorussie et le Kosovo.”
En continuant sa série d’articles, le journaliste narre le cas
instructif de Bedri Shabani, emplo-yé de douane qui a perdu son
travail pour avoir dénoncé un abus de pouvoir dans les dou-anes. Muni
d’une documentation irréfutable qui prouvait que ses chefs avaient
touché des pots de vin de contrebandiers, il est allé à la police des
Nations Unies.
Le temps a passé, mais il n’a eu aucune nouvelle. Il s’est alors
adressé aux journalistes.
“C’était très courageux et en accord avec ce que les Nations Unies
préconisent au Kosovo, mais, d’une certaine manière, irréfléchi, car
au Kosovo on tue pour des choses beaucoup moins graves. Cela a tout
de même porté ses fruits. Le chef de la douane a été emprisonné. Mais
bientôt il a été relâché car, à ce moment là, le chef de l’UNMIK
était le diplomate allemand Michael Steiner qui entretenait des
relations intimes avec la fille d’un des responsables de la douane,
qui était le meilleur ami du chef emprisonné. ”
Shabani a écrit au Secrétaire général des Nations Unies Kofi Anan,
car on lui avait dit que le Secrétaire général était la plus haute
instance au Kosovo.
Grande erreur. Le pauvre Shabani a été renvoyé de son travail. Le
tribunal de Pristina a jugé ce renvoi illégal, mais le chef de la
douane de l’Unmik a refusé d’appliquer le jugement du tribunal
instauré par l’ONU et qui juge d’après les lois édictées par cette
même ONU.
Au Kosovo, il y a des milliers de Shabani et de Zodjani pour lesquels
les Nations Unies représentent l’illégalité et la perte de toutes
illusions, dit Zaremba.
A la fin de sa série d’articles sur les abus de pouvoir au Kosovo,
Zaremba avertit ses lecteurs :
“Si vous croyez que ces problèmes n’ont aucun rapport avec vous,
permettez-moi de vous informer que la mafia du Kosovo vend de
l’héroïne à Kalmar (port de la Suède), Saint Saint-Denis, Lyon etc.,
et fait le trafic de la prostitution à Oslo, à Paris, à Londres etc.
Et selon toute vraisemblance, elle va sponsoriser le gouvernement à
Pristina quand cette région obtiendra son indépendance.” … Si
l’obtient ???

Les courageux Suédois

Un point positif dans la sombre description de Zaremba a été la
défense de Caglavica et Gracanica, le 17 mars 2004, par les soldats
suédois.
Sous le titre “La bravoure, le courage et les guêtres”, le
journaliste s’indigne que malgré la présence de 17.000 soldats de
l’OTAN et 4.000 policiers des Nations Unies, 200 extrémistes albanais
aient pu provoquer des émeutes où furent tuées 19 personnes, blessées
900 autres, détruites une trentaines d’églses et incendiées 700 maisons.
Quand les Albanais commencèrent à jeter des cocktails Molotov sur un
monastère serbe du XIVe siècle, un message fût envoyé aux soldats
Allemands que pas un seul cheveu ne manquera sur leurs têtes s’ils
quittaient leur position, car dans le cas contraire ils en
pâtiraient. Les Allemands retirèrent leurs véhicules blindés et
regardèrent le monastère brûler. Leur commandant, le général Hölger
Kamerhof, expliqua que les soldats avaient suivi le règlement, qui
prescrivait de sauver les vies humaines, et non les bâtiments ! Les
Français firent de même avec le monastère de Devic, qui était sous
leur protection, ainsi que toutes les maisons serbes à Svinjare,
relate Zaremba.
Le détachement suédois, sous le commandement du colonel Hans
Hekanson, et qui comportait des soldats Tchèques, Finlandais,
Slovaques et Irlandais, intervint selon sa conscience.
35 soldats sur 700 furent blessés mais défendirent courageusement
Caglavica et le monastère de Gracanica.
Le courage du colonel et de ses 20 soldats a été récompensé par la
médaille du courage de la Suède, et leur commandant, le général
Anders Brenstrom, a été décoré par l’OTAN.

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Traduit par Vera Uskokovic.
B. I . N° 127, décembre 2007.