[À ecouter aussi l'entretien de Daniel Salvatore Schiffer à la radio française RFI (Radio France Internationale), à l'occasion de la parution de son livre "Le Testament du Kosovo - Journal de guerre" (Ed. du Rocher) et du dix-septième anniversaire des bombardements de l'OTAN contre la Serbie:
http://www.rfi.fr/emission/20160326-le-testament-kosovo-journal-guerre-daniel-salvatore-schiffer-editions-rocher 
Cet entretien a été diffusé à trois reprises, depuis ce samedi 26 mars 2016, sur les ondes de RFI ]


=== Le Kosovo libéré, ce succès édifiant de l'Otan
posté par Roland Marounek, 27 mars 2016, dans


« Avec 16 combattants pour 100.000 habitants, letaux de recrutement au Kosovo est huit fois supérieur à celui de la France, qui est pourtant le plus gros fournisseur de djihadistes en Europe » (sept 2015)

 

« M.F. raconte qu’il a choisi de rejoindre le combat "après avoir vu sur internet des enfants syriens dont les droits étaient violés".[…]"Notre gouvernement nous a dit qu’il fallait se battre contre Assad et une fois là-bas on se fait bombarder par les Américains, vous trouvez ça normal?" »
« Longtemps, les autorités n’ont pas voulu s’attaquer au problème […]Il y a un peu plus d’un an (2014), le gouvernement se résout à agir »
Cela ressemble fort au timing belge : encouragement direct à aller se battre «contre le régime », en grande partie grâce à la propagande de guerre (« les enfants syriens… »), puis on se réalise que la sauce ‘printemps syrien n’a pas pris comme espéré, et que les jihadistes rentrent…

 

« Ce dimanche a donc vu la naissance d'un nouvel État sur le sol de l'Europe. C'est le dernier soubresaut d'une fédération yougoslave qui avait su faire cohabiter ses peuples. C'est un succès pour la communauté internationale et c'est un grand succès pour l'Europe. »(Bernard Kouchner, « Indépendance, le joli mot », le 19/02/2008)

 

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extrait d'un article de novembre 2014  - http://www.slate.fr/story/93961/kosovo-extremisme
[…]
Selon la Banque mondiale, le taux de chômage atteint les 45% au Kosovo; chez les jeunes, il grimpe à 60%. La moitié de la population a moins de 25 ans. Ce qui ont un travail gagnent en moyenne 370 euros par mois.
Muhamet, l'aîné de la fratrie Musliu, dit que la situation économique désastreuse du Kosovo est en partie responsable de la mort de son frère. «Le Kosovo marche sur la tête», dit-il. «Si mes frères avaient pu trouver du travail ici, jamais ils n'auraient pensé à partir là-bas

 

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Quand Daech recrute au Kosovo
27 septembre 2015

 

Dans le registre de l’abomination, Lavdrim Muhaxheri n’a pas de leçons à recevoir. En mai dernier, ce combattant de l’Etat islamique (EI), 26 ans, visage replet et tignasse rousse, apparaît dans l’une de ces vidéos de propagande du groupe terroriste tournées en Syrie : on le voit, un lance-roquette sur l’épaule, tirer sur un prisonnier attaché à un poteau. Un an auparavant, il s’était illustré dans un autre document où il décapitait un soldat du régime de Bachar el Assad. Au Kosovo, ces images ont abasourdi une population qui découvre que l’horreur est aussi perpétrée par l’un des siens. Et même si T.D., un autre kosovar lui aussi passé par la Syrie, décrit Muhaxheri comme "un clown décridibilisé au sein de Daech qui passe son temps à regarder le nombre de like qu’il récolte sur Facebook", le bourreau est devenu la tête de gondole du djihad made in Kosovo.

 

Selon les chiffres officiels, depuis 2011, 300 Kosovars se sont rendus en Syrie et en Irak et 80 y combattraient encore aujourd’hui, principalement chez Daech et Jabhat al-Nosra (JAN), organisation liée à Al-Qaïda. Des chiffres inquiétants. "Avec 16 combattants pour 100.000 habitants, le taux de recrutement au Kosovo est huit fois supérieur à celui de la France, qui est pourtant le plus gros fournisseur de djihadistes en Europe", rapporte dans une note l’institut CTC (Combatting terrorism Center) rattaché à l’académie militaire de West Point. Le gouvernement minimise le phénomène en expliquant que le Kosovo est un pays à majorité musulmane et que ces chiffres doivent être comparés davantage à ceux de la Tunisie ou du Maroc qu’aux pays de l’UE. Il n’empêche. Le Kosovo est un territoire où la laïcité est très répandue. L’influence américaine y est aussi importante. Et dans les autres pays de la région à majorité musulmane comme la Bosnie, les engagés du djihad ne sont pas aussi nombreux.

 

"Longtemps, les autorités n’ont pas voulu s’attaquer au problème, explique Florian Qehaja, directeur du think tank KCSS qui a publié au printemps dernier un rapport sur le sujet. Les politiques avaient trop peur de se mettre à dos la population musulmane (si la laïcité est très répandue au Kosovo, 90% de la population est dite de tradition musulmane)." Il y a un peu plus d’un an, le gouvernement se résout à agir. En août 2014, la police procède à un vaste coup de filet. Une soixantaine de personnes sont arrêtées - des combattants revenus au pays, huit imams dont le grand Mufti de Pristina, des responsables d’ONG...

 

Le coup porté a-t-il été suffisant? "Non, estime la journaliste Serbeze Haxhiaj, qui a travaillé sur ce dossier. Même si le nombre de départs a drastiquement baissé (seulement une grosse vingtaine depuis le début de l’année), on a frappé trop tard et laissé les réseaux djihadistes s’implanter." "On a coupé la tête du serpent mais le corps bouge encore", résume Florian Qehaja.

 

Le réseau a eu effectivement le temps de s’enraciner. A la fin de la guerre contre la Serbie, le Kosovo s’ouvre, à tout, et notamment aux thèses wahhabites venues d’Arabie saoudite. Des mosquées, financées par les pays du Golfe, sortent de terre, des associations caritatives saoudiennes prennent pied dans le pays. En 2005, s’implante un autre courant de l’islam radical, le takfirisme, idéologie qui fait de la violence sa pierre angulaire. Des imams, formés en Egypte, reviennent dans les Balkans. En Macédoine d’abord. Puis au Kosovo. Ils infiltrent les mosquées, certaines ONG saoudiennes.

 

"Le djihadiste kosovar type a 28 ans et n’est pas allé au-delà du lycée"

 

Quand apparaît JAN et Daech en Syrie et en Irak, ces prédicateurs takfiristes jouent les recruteurs. Ils fréquentent les mosquées quand ils ne sont pas eux-mêmes imams, organisent des réunions dans des appartements privés. Un dortoir à Pristina accueillent les étudiants et tentent de les endoctriner. La propagande sur internet fait le reste. Leur cible? Les jeunes ruraux désœuvrés, qui sont nombreux dans un pays où le chômage frappe 35% de la population. "Le djihadiste kosovar type a 28 ans et n’est pas allé au-delà du lycée, explique Florian Qehaja. 40% d’entre eux possède aussi un passé criminel", poursuit le responsable du think tank. La zone d’action? Les villes, Pristina ou Prizren, mais surtout la zone frontalière avec la Macédoine, cette région montagneuse traditionnellement très croyante et davantage tournée vers la Macédoine où officient des imams radicaux. C’est d’ailleurs via les réseaux macédoniens que 80% des djihadistes rejoignent la Syrie.

 

Le "monstre" Lavdrim Muhaxheri. [formé au camp Bondsteel

 

C’est dans cette région, au cœur d’une vallée encaissée, que situe Kaçanik, 35.000 habitants. Cette bourgade est l’une des places fortes du djihadisme kosovar. C’est là qu’est né "le monstre" Lavdrim Muhaxheri, "un gamin qui était normal, plutôt poli", dit-on en ville. Comme lui, 23 autres jeunes ont quitté la ville pour rallier la Syrie ou l’Irak. Le maire, Besim Ilazi, semble presque s’en accommoder : "7 à 8% des combattants kosovars en Syrie viennent de ma commune, ce n’est pas si important." Si des réunions sur la sécurité sont désormais organisées chaque mois avec le grand imam de la ville, l’édile explique qu’il n’en parle pas vraiment du problème avec ses administrés, n’a pas cherché à le comprendre en visitant les familles des djihadistes, n’a pas vu sa ville se radicaliser et les associations humanitaires douteuses s’implanter. Il avance quelques arguments pour expliquer le phénomène, la pauvreté de Kaçanik, la religiosité aussi de la région et estime que la question n’est plus vraiment d’actualité puisqu’aucun départ n’a été enregistré ces derniers mois. Visiblement, le sujet dérange tout comme il indispose les autorités de la grande mosquée, où l’on accuse plutôt les médias d’avoir trop "sali l’image de l’islam".

 

Raif Dema, ancien président de la mosquée du quartier Bob, lui, s’inquiète depuis longtemps de cette radicalisation : "Les barbus, on les a vus arriver après la guerre, lâche ce sexagénaire jovial. A l’époque, je les avais chassés de la mosquée. Mais c’est comme une mauvaise herbe, ils se sont répandus partout." L’un de ses cousins a ainsi été converti et est parti en Syrie où il a été tué. Selon lui, malgré de nombreuses arrestations, le réseau dans la ville n’a pas été totalement décapité : "Ils sont encore là. Ils travaillent en souterrain."

 

"Notre gouvernement nous a dit qu’il fallait se battre contre Assad et une fois là-bas on se fait bombarder par les Américains"

 

Ce milieu ultra radical, M.F., 27 ans qui vit aujourd’hui à Kaçanik, jure qu’il ne le fréquente plus. Entre novembre 2013 et août 2014, le jeune homme a séjourné en Syrie, à Kafr Hamrah, au nord d’Alep. De ces huit mois de djihad, il a gardé une barbe rousse éparse et une colère incroyable dans le regard. M.F. raconte qu’il a choisi de rejoindre le combat "après avoir vu sur internet des enfants syriens dont les droits étaient violés". Même s’il a bénéficié de deux mois d’entraînement militaire, il assure n’avoir jamais combattu, s’est contenté de faire le planton dans un camp d’Ahrar al-Cham, un groupe salafiste. "Avec mon ami, on était les seuls Albanais du Kosovo. Tous les autres étaient syriens." Pourquoi dans ce cas est-il incapable de prononcer un seul mot en arabe? Parce qu’il ment, assure un expertqui a travaillé sur son cas et qui souhaite rester anonyme : le jeune homme a en réalité officié chez Daech. Aujourd’hui, M.F dit regretter énormément "le mal qu’il a pu faire à sa famille".

 

Mais tous les djihadistes ne font pas tous leur mea culpa. A quelques kilomètres de Kaçanik, dans le village de Elez Han, Muxhahid, qui refuse de s’exprimer, laisse comprendre qu’il ne regrette rien de son passage chez Daech : "Notre gouvernement nous a dit qu’il fallait se battre contre Assad et une fois là-bas on se fait bombarder par les Américains, vous trouvez ça normal?", lâche-t-il avant de tourner les talons.

 

Quel danger représente ces djihadistes non repentis? "Le Kosovo est davantage une terre de recrutement que d’opération pour Daech. Le niveau d’alerte reste modéré", estime Florian. Reste que le pays a eu aussi droit à des menaces de ses ressortissants via des vidéos postées par l’EI depuis le Levant. En juillet, une panique s’est emparée du pays quand la police a arrêté cinq individus, liés à l’EI, qui auraient envisagé d’empoisonner le lac qui approvisionne une partie du pays en eau. Le pouvoir de nuisance des takfiristes et autres radicaux reste certain. T.D., le djihadiste repenti, raconte ainsi qu’il est menacé par d’anciens compagnons d’armes. Ceux qui travaillent de près sur le sujet le sont aussi. D’autant que tous les djihadistes ne sont pas repérés à leur retour du djihad. Ainsi cet ancien de combattant de l’UCK, devenu très croyant, parti se battre en Syrie est passé sous le radar des services secrets. Aujourd’hui, il se cache dans la région de Prizren, la deuxième ville du pays.

 

Comment contrer efficacement ce radicalisme? Florian Qehaja estime que le gouvernement kosovar devrait faire davantage. "Aujourd’hui, c’est l’option sécuritaire qui est privilégiée. Or, il faudrait aussi agir dans les domaines de l’éducation ou de la culture. Mais pour l’instant, rien n’est fait."

 

Antoine Malo, envoyé spécial à Pristina et Kaçanik (Kosovo) - Le Journal du Dimanche - dimanche 27 septembre 2015

 

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Le propre frère du Premier ministre du Kosovo fait partie des migrants qui ont demandé asile en Allemagne !
20 mars 2016

 

Le Premier ministre du Kosovo a annoncé sur sa page Facebook que son propre frère faisait partie des milliers de migrants qui avaient demandé asile en Allemagne l'an dernier.

 

"Oui, c'est vrai. J'ai été informé par ma famille et mon frère qu'il avait demandé asile à l'étranger de manière à recevoir une assistance médicale pour une maladie difficile qui ne peut pas être soignée au Kosovo", écrit Isa Mustafa, confirmant des informations de presse.

 

Ce Premier ministre d'un des pays les plus pauvres des Balkans a précisé qu'outre son frère Ragip, ses neveux et nièces avaient eux aussi tenté la route de l'exil, avant d'être reconduits dans leur pays.

 

"Cela prouve seulement que ma famille partage le même destin que le reste des citoyens du Kosovo et les problèmes auxquels ils sont confrontés", ajoute-t-il.

 

Selon le site d'informations kosovar Insajderi.com, Ragip Mustafa a traversé Serbie et Hongrie pour gagner la France où sa demande d'asile a été rejetée.

 

Il a formulé une nouvelle demande auprès du land de Rhénanie-Palatinat, dans le sud-ouest de l'Allemagne.

 

L'an dernier, plus d'un million de migrants, dont une majorité de Syriens fuyant la guerre, ont traversé les Balkans pour demander asile en Europe occidentale.

 

Selon les statistiques de l'Union européenne, quelque 70.000 Kosovars ont déposé des demandes d'asile ces deux dernières années, faisant de leur pays la quatrième nation derrière la Syrie, l'Afghanistan et l'Irak.