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Le 14ème sommet des pays non alignés

Ababacar Fall


Dans quelques jours s’ouvrira à la Havane, Cuba, le 14 eme Sommet des
Pays Non Alignés. Cette rencontre qui se tiendra du 11 au 16
septembre va réunir 116 pays et se déroulera dans un contexte
international tout à fait particulier.


Parce que caractérisé depuis la chute de Berlin, par l’offensive du
néolibéralisme portée par ce qu’il convient d’appeler l’idéologie de
la pensée unique incarnée par le pole occidentale dirigée par
Washington. En face de l’Empire et de ses satellites se trouve ce
camp historique des Pays Non Alignés. Bien qu’il faille relativiser
le concept pour ne considérer que sa valeur symbolique. Toutefois ce
symbole est porté par le camp des pays d’Amérique Latine à la tête
desquelles, se dressent ostensiblement, Cuba, le Venezuela et la
Bolivie, dirigés par les Présidents Fidel Castro, Hugo Chavez et Evo
Morales. Car dans quel état se retrouverait le monde actuellement, si
après la disparition du Bloc de l’Est, personne ne se mettait à se
battre et à résister? C’est justement ce que fait le camp dans lequel
Cuba et le Venezuela jouent un rôle prépondérant.
Pour mieux camper ce contexte donnons un instant la parole M. Robert
SAE, porte parole du Conseil National des Comités Populaires de la
Martinique qui lors d’une d’une interview saisissante accordée au
mensuel « Ase Plere Annou Lite »(reprise de Haïti Progrès de ce
mois), disait ceci au journaliste qui lui demandait s’il n’était pas
exagéré de prétendre qu’une troisième guerre mondiale menace le
monde: « Il faut bien comprendre que le déclenchement des guerres
n’est pas seulement dû à la « folie des hommes ». Elles sont le fruit
de contradictions qui existent au sein de la société et elles
éclatent quand un certains nombre de conditions sont réunies, en
particulier quand des classes dirigeantes d’un ou plusieurs Etats ont
impérativement besoin, pour la garantir leur domination, de contrôler
des zones stratégiques du point de vue militaire, des régions riches
en matières premières ou des marchés. Les USA étaient parvenus à
imposer une domination sans partage sur le reste du monde, notamment
après l’effondrement du bloc soviétique dans les années 90’, mais la
situation a profondément évolué et leur domination est plus que
compromise. Alors ils feront tout pour le maintenir. (…) On ne peut,
hélas compter sur l’ONU ni sur l’Union européenne pour s’opposer aux
Etats-Unis. Il est facile de vérifier que les Usa se moquent
totalement du droit international et que l’Onu s’agenouille devant
eux. Regardez le cas de l’agression contre l’Irak. Regardez l’affaire
des centres de tortures clandestins. Quant à l’UE, c’est une alliée
stratégique des USA. La France ne s’est pas engagée en Irak,
simplement parce que les USA avaient été trop gourmands dans le
partage après la première guerre du Golfe, mais les Européens sont
présents en Afghanistan et sont aux côtés des Etats-uniens à tous les
niveaux d’application de leur stratégie impérialiste. Leur complicité
commune est évidente avec l’Etat terroriste israélien.».

Après la mort du « Chat noir » : le Communisme, il fallait un autre
spectre pour hanter le sommeil des peuples d’occident, maintenir la
terreur, perpétuer l’exploitation des pays et des peuples. Bref, un
autre cri de ralliement pour occulter tous les forfaits du passé, du
présent, et du futur. Naturellement l’avant garde dans ce domaine,
c’est Washington qui ne cesse d’asseoir toute une stratégie pour
dominer le monde. Cela depuis Monroe, le Maccartisme en passant la
fameuse commission « La Trilatérale ». Le cri de ralliement c’est : «
lutter contre le terrorisme ». Tout le monde sait qu’après le 11
septembre, les guerres en Afghanistan, en Irak, en Palestine, les
menaces envers l’Iran, ne visent qu’un objectif : faire main base sur
les réserves pétrolières de cette région du monde qui se trouvent en
Mer caspienne, en Irak, et en Arabie Saoudite, notamment.

Mais en Amérique latine et centrale, en dépit de sa volonté de
saboter le processus démocratique en Haïti, de pacifier la Colombie à
travers son plan du même nom, Washington rencontre une résistance
farouche des peuples d’Amérique aux traditions de lutte légendaire,
incarnées par Bolivar San Martin, Gomez, Macéo, le célèbre Poète
cubain José Marti etc. Cette résistance qui se manifeste au plan
politique, économique et diplomatique est soutenue par l’opinion
publique mondiale, consciente et mobilisée. D’ailleurs Noam Chomsky,
professeur à MITI, considère ce phénomène comme la nouvelle
superpuissance capable de sauver le monde.

Au plan politique, les latinos ont fait bon usage des legs des pères
de la résistance et de l’indépendance d’Amérique latine que nous
venons de nommer. Car Fidel Castro, Hugo Chavez, EVO Morales arborent
les drapeaux de la souveraineté et de l’indépendance pour lesquels
luttaient leurs devanciers.

Alors que la prétention des Etats Unis d’imposer la Zone de « Libre-
échange » pour les Amériques (ZLEA) essuie des coups de boutoir tout
azimut, l’Alternative Bolivarienne pour les Amérique (ALBA) vole de
succès en succès et se renforce de jour en jour. Pêle-mêle,
mentionnons le projet de construction d’un gazoduc qui reliera 6 pays
dont le Venezuela, l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Paraguay et
l’Uruguay. Au plan de la santé et de l’éducation, «la Mission Milagro
» ou ( Opération miracle, ces charters sur la Havane pour soigner
gratuitement de la cataracte à des milliers de malades-220 571-
Latinos), la « Mission Adentro », couplée avec la méthode
d’alphabétisation prodigieuse, « Yo si puedo », qui a fait du
Venezuela un territoire libre d’analphabétisme en arrivant à faire
lire et écrire (1 482 543) vénézuéliens, achèvent de dispenser Chavez
et Castro, pendant des décennies, de campagnes électorales. Tout
simplement parce qu’ils sont plébicité à tous les coins d’Amérique.
Du Nord au Sud. C’est pourquoi lors du VI ème Forum Mondial à
Caracas, le président du Venezuela Hugo Chavez avait assuré « qu’une
nouvelle offensive contre l’impérialisme s’est déclenchée depuis
l’Amérique Latine, l’Afrique et l’Asie ». Avant d’ajouter que « le
système va subir la plus grande défaite de son histoire ».(cf.www.
Granami.cu). Ce que du reste suggère M. Emmanuel Todd, ingénieur de
recherche, historien auteur de « Après l’empire » dans une interview
accordée au journal le Figaro : « Le système social (des USA,
s’entend), ne repose plus sur l’éthique du travail et le goût de
l’épargne du calvinisme des pères fondateurs- mais au contraire sur
un nouvel idéal (je n’ose pas parler d’éthique ou de morale) : la
recherche du meilleur gain pour le moindre effort. L’argent vite
gagné par la spéculation et pourquoi pas le vol. La bande de chômeurs
noirs qui pille un supermarché et le groupes d’oligarques qui tente
d’organiser le « casse » du siècle sur la réserve d’hydrocarbures de
l’Irak ont un principe d’action en commun : la prédation. Les
dysfonctionnements de la Nouvel Orléans renvoient à quelques éléments
centraux de la culture américaine actuelle ». (in Figaro 13-09-05,
cité par HP du 28-09-05)

Mais si les leaders politiques et les intellectuels d’Amérique latine
iront à ce XIV ème sommet des Non Alignés la tête haute, en sera t-il
de même pour ceux d’Afrique ? En tout cas si le président Chavez a
usé de langage diplomatique pour inclure l’Afrique dans l’offensive
déclenchée, ce n’est pas à ces leaders féodaux corrompus aux
pouvoirs, ces gourous de chefs d’Etat, anti démocrates les uns les
autres, qu’il pense. Mais aux peuples, algérien, de la Guinée Bissau,
de l’Angola, du Mozambique, d’Afrique du Sud, de la « Francophonie »,
dont les indépendances, la souveraineté ont été confisquées et
dévoyées. Mais qui somme toute continuent de résister et de lutter.
Lors du dernier sommet de l’Union Africaine, à Banjul, en juillet
dernier, le président CHAVEZ, conscient des enjeux politiques,
économiques et stratégiques n’a pas hésité de faire le déplacement
pour y assister et marquer sa solidarité aux peuples africains. Mais
à coté du jeune ALBA qui a mis en place une politique de coopération
intégrationniste Sud/Sud sans précèdent, au plan économique et
social, qui va bouleverser toutes les données des plans
d’exploitation de Washington, quelles propositions en terme de
perspectives pour éliminer et non réduire la pauvreté, les dictateurs
africains pour la plupart vont mettre sur la table à la HAVANE ?
Rien, sinon un bilan de « désastre généralisé et coordonné ».
D’ailleurs même le «Modéré » Alpha Oumar Konaré, Président de la
Commission de l’Union africaine n’ a pas manqué de tonner devant de
ce désastre,illustré par l’émigration de la jeunesse africaine : «
Les dirigeants africains sont interpellés pour lutter contre les
causes structurelles de la pauvreté(souligné par nous), pour mettre
en œuvre les programmes de création de richesses et de promotion de
l’emploi tels que recommandé par le sommet extraordinaire sur
l’emploi et la réduction de la pauvreté, tenu à Ouagadougou, en
septembre 2004, et cela conformément aux attentes des jeunes et des
promesses qui leur ont été faites ».(cf. Le Soleil du 11 juillet 2006).

Ce qui est notable dans le discours de nos « philanthropes
politiciens » , de nos économistes et autres hommes de science, c’est
leur habilité à esquiver, à biaiser le débat de fond qui est celui de
recouvrer la souveraineté, l’indépendance, la dignité africaines,
gage de la libération et de la Renaissance Africaine.

Bien évidemment, nous soulignons ce que nous cessons de dire. Si
l’élite n’a pour autres préoccupations que la recherche d’un « Bien
Etre cybernétique » (Villa à Los Angeles, comptes alimentés par des
officines de financement occulte, Rolls, gadgets de « tenagers »),
ils ne peuvent que tourner le dos aux intérêts de leurs peuples.

On peut comprendre par conséquent à posteriori, tout le « malentendu
» qui a eu entre Sékou Touré et les intellectuels africains, quelques
soient par ailleurs ses erreurs, ses fautes auxquelles il a été
poussé, en complicité avec ceux qui lui vouaient « humiliation et
mépris. »

Mépris ? on est tenté de le penser, à propos du comportement de nos
chefs d’Etats africains envers le XIV sommet qui se tient à la
Havane. Car quel est le citoyen sénégalais, africain qui est au
courant des préparatifs africains en direction de ce sommet, encore
moins de la signification de l’événement ?

Peut être que le sémillant Ministre sénégalais des affaires
étrangères tachera de sommet les meubles avant qu’il soit trop tard.


Dakar le 8 septembre 2006

Ababacar FALL-Barros

Coordonnateur général du GRILA
DAKAR (R. Sénégal)