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1) Bandera et le nazisme ukrainien champions de l’« Occident »  / Bandera und der ukrainische nazismus: champions des « Westens » / Bandera y el nazismo ucraniano campeones del “Occidente” (21.1.2023.)

2) "C'è un contesto storico che spiega perché la Russia è stata messa all'angolo" / « Il y a un contexte historique qui explique que la Russie était acculée » (28 mars 2022)

 

 

À voir aussi:

 

UKRAINE, HISTOIRE D'UNE GUERRE IMPÉRIALISTE ? (ET SYNARCHIE) | Annie Lacroix-Riz (29 gen 2023)

Annie Lacroix-Riz est professeur émérite d'histoire contemporaine à l'université Paris 7. Elle a notamment écrit sur l'histoire politique, économique et sociale de la Troisième République et du régime de Vichy, sur la collaboration pendant la Seconde Guerre mondiale, sur les relations entre le Vatican et l'Allemagne nazie, ainsi que sur la stratégie des élites politiques et économiques françaises avant et après le conflit mondial. Elle est également connue pour son engagement politique en faveur du marxisme.

Sommaire: 00:00 Intro 02:49 Une historienne marxiste 08:14 L'Ukraine, son histoire et la guerre 21:55 Exfiltration des criminels nazis 27:41 Stepan Bandera 40:09 Victoria Nuland 45:43 Guerre en Ukraine, quelles responsabilités ? 52:42 La synarchie, définition et controverses 1:33:33 Carte blanche - affaiblir le "bourrage de crâne"

VIDEO: https://www.youtube.com/watch?v=slfmANDzWO4

 

MICHEL MIDI AVEC ANNIE LACROIX-RIZ: USA-UKRAINE, LA RELATION SECRÈTE (Michel Collon, 

7 Avr 2022)


VIDEO: https://www.youtube.com/watch?v=nsh7RuhyAhg&t=4s   ou
https://www.investigaction.net/fr/michel-midi-avec-annie-lacroix-riz-usa-ukraine-la-relation-secrete/

 

 

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Deutsche Übersetzung: BANDERA UND DER UKRAINISCHE NAZISMUS: CHAMPIONS DES « WESTENS »

Annie Lacroix-Riz, emeritierte Professorin für neuzeitliche Geschichte, Universität Paris 7

https://www.initiative-communiste.fr/articles/bandera-et-le-nazisme-ukrainien-champions-de-l-occident-par-annie-lacroix-riz-historienne/

 

 

BANDERA Y EL NAZISMO UCRANIANO CAMPEONES DEL “OCCIDENTE” – POR ANNIE LACROIX-RIZ – HISTORIADORA (FR)

La guerra de Ucrania fue lanzada por Rusia después de ocho años de agresión de Ucrania occidental (2014-2022) contra los ucranianos orientales de habla rusa. Sus 14.000 muertos, en su mayoría civiles, habían interesado tan poco a nuestros grandes medios como los de Irak, Serbia, Afganistán y Siria, atacados desde 1991 por Estados Unidos en una búsqueda global por el control del petróleo y el gas y otras materias primas, al amparo de la OTAN sujeto a un solo comando estadounidense desde su fundación (1950) .

La coalición occidental, que desde el principio ridiculizó el objetivo oficial ruso de “desnazificación” anunciado en febrero de 2022 –de acuerdo con los “principios políticos” consagrados en el Protocolo de la Conferencia de Potsdam (1 de agosto de 1945)–, pretende actuar contra Rusia en nombre de la "democracia" (nuevo nombre para el "Mundo Libre" de la era soviética) ‑‑ . A medida que avanza la guerra, 'Occidente' desarrolla el concepto de 'democracia' y 'encubre' la reverencia del estado ucraniano 'aliado' de sus criminales de guerra y de antes de la guerra...

https://albagranadanorthafrica.wordpress.com/2023/01/25/bandera-et-le-nazisme-ukrainien-champions-de-l-occident-par-annie-lacroix-riz-historienne

 

 

https://www.initiative-communiste.fr/articles/bandera-et-le-nazisme-ukrainien-champions-de-l-occident-par-annie-lacroix-riz-historienne/

 

BANDERA ET LE NAZISME UKRAINIEN CHAMPIONS DE L’« OCCIDENT » 

 

par Annie Lacroix-Riz – historienne
21 janvier 2023

 

Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine, université Paris 7

Texte soutenu par 

  • Léon Landini, président de l’Amicale Carmagnole-Liberté (anciens FTP-MOI), président du PRCF, ancien officier FTP-MOI, Grand Mutilé de Guerre, Médaille de la Résistance, Officier de la Légion d’honneur, décoré par l’URSS pour faits de Résistance
  • Pierre Pranchère, ancien Franc-Tireur et Partisan français des Maquis de Corrèze, Combattant volontaire de la Résistance, ancien député de la Nation, ancien député européen, ancien membre du Comité central du PCF, vice-président du PRCF
  • Hermine Pulvermacher, ancien agent de liaison des FTP-MOI, ancienne secrétaire générale du Groupe communiste à l’Assemblée nationale, Chevalier de la Légion d’honneur au titre de la Résistance, titulaire de l’Ordre national du Mérite 

Les illustrations ne sont pas le fait de l’auteur mais de la rédaction.

 

La guerre d’Ukraine a été lancée par la Russie après huit ans d’agression ukraino-occidentale (2014-2022) contre les russophones de l’Est ukrainien. Leurs 14 000 morts, en majorité des civils, avaient intéressé nos grands médias aussi peu que ceux d’Irak, de Serbie, d’Afghanistan et de Syrie, attaqués, depuis 1991, par les États-Unis en quête mondiale de contrôle pétrolier et gazier et autres matières premières, sous couvert de l’OTAN soumis à commandement unique américain depuis sa fondation (1950). La coalition occidentale, qui a d’emblée ridiculisé l’objectif officiel russe de « dénazification » annoncé en février 2022 – conforme aux « principes politiques » inscrits dans le Protocole de la Conférence de Potsdam (1er août 1945) [1] ‑‑, affirme agir contre la Russie au nom de la « démocratie » (nouveau nom du « Monde libre » de l’époque soviétique) ‑‑ . La guerre se prolongeant, l’« Occident » fait évoluer le concept de « démocratie » et « couvre » la vénération de l’État ukrainien « allié » pour ses criminels de guerre et d’avant-guerre. Ainsi érige-t-il le nazi ukrainien Stepan Bandera (1909-1959) en héraut de l’« indépendance ukrainienne » : léger défaut qu’il lui pardonne autant qu’à la « démocratie » ukrainienne post-Maïdan la promotion des groupements nazis et les coups de gourdin que le multi-millionaire Zelenski, digne successeur du milliardaire Porochenko, administre au peuple ukrainien : destruction du code du travail, des horaires aux salaires, et interdiction des partis et journaux d’opposition, requis par les « investisseurs » états-uniens.

 

La « démocratie » ukraino-américaine depuis 2004 : « héros national » et majors pétrolières américaines

 

Bandera n’est devenu un « héros national » que depuis la « Révolution orange » américaine de 2004, et surtout depuis le coup d’État de Maïdan organisé en février 2014 par Washington contre un intolérable gouvernement ukrainien, légal mais prorusse. Sa cheffe d’orchestre la vice-secrétaire d’État aux affaires politiques, Victoria Nuland, madone néo-conservatrice du National Endowment for Democracy (CIA) et russophobe (et sinophobe) compulsive, assure son poste ukrainien depuis 1993, sous gestion démocrate ou républicaine (hors présidence Trump). Elle a avoué le 13 décembre 2013 devant le National Press Club, dans une conférence financée par le groupe pétrolier Chevron[2], puis le 15 janvier 2014 devant le comité de politique extérieure du Sénat, que le gouvernement américain avait, depuis la chute de l’URSS, « dépensé cinq milliards de dollars » pour faire triompher la « démocratie » en Ukraine ‑‑ et que Chevron avait signé le 5 novembre précédent un accord pour dix milliards de dollars d’investissement en vue de forages qui mettraient fin à la « dépendance du pays envers la Russie »[3]. Mme Nuland, cantinière des putschistes de Maïdan, a depuis lors fabriqué les gouvernements ukrainiens et présidé, avec le reste de l’appareil d’État, au réarmement jusqu’aux dents de l’Ukraine, que Washington a intégrée de fait aux opérations de l’OTAN depuis juillet 2021[4].

 

[PHOTO: Le chef d’état major de l’armée de Kiev posant avec les néo nazis de Secteur Droit dans une pièce remplis de portraits et de statues des leaders collaborateurs ukrainiens du IIIe Reich]

 

[PHOTO: Inventaire de quelques uns des monuments nazis en Ukraine : https://forward.com/news/462916/nazi-collaborator-monuments-in-ukraine/ ]

 

L’intimité des États-Unis avec le nazisme ukrainien en général a précédé la chute de l’URSS. Leur intérêt pour la caverne d’Ali Baba ukrainienne, comme celui de tous les impérialismes, n’a jamais cessé depuis l’« ouverture » de la Russie tsariste, qui leur avait cédé son économie moderne et concentrée, de la banque aux matières premières. Comme le Reich occupa longtemps le devant de la scène ukrainienne, surtout depuis la Première Guerre mondiale, les banques américaines accompagnèrent celles du Reich dans l’entre-deux-guerres. Mais au rôle second que dictait alors le primat allemand.

 

L’ère allemande du nazisme ukrainien

Car le Reich, première puissance à reconnaître la Russie en 1922, tint le haut du pavé dans la Russie soviétique traitée en paria par la « communauté internationale » impérialiste. Même dans l’Ukraine qu’il avait arrachée, en 1918 (jusqu’à sa défaite de novembre), à la Russie assaillie de toutes parts par quatorze puissances impérialistes de 1918 à 1920[5], et que les bolcheviques reconquirent depuis 1920. En reconnaissant l’État soviétique, Berlin y récupéra sa capacité de nuisance, « couvert » par le Vatican : auxiliaire du Reich depuis la fin du 19e siècle et plus encore depuis 1914, la Curie mandata le clergé catholique germanique à l’espionnage militaire préparatoire au nouvel assaut projeté[6].

 

Les nazis bandéristes dans l’avant-guerre

C’est dans ce contexte que grandit Bandera, produit-type de l’uniatisme de Galicie orientale (Ukraine occidentale), arme de guerre de l’Église romaine contre l’orthodoxie depuis 1595-1596. Fils d’un prêtre uniate, il fut élevé comme ses pareils dans la haine fanatique des Polonais, des Russes, des juifs et des opposants, sous l’autorité d’Andreï Szepticky évêque uniate de Lemberg (Lwow en polonais, Lvov en russe, Lviv en ukrainien) nommé en 1900. Russophobe, polonophobe et antisémite de choc, Szepticky devait comme tous ses prédécesseurs convertir les orthodoxes de l’Est, mission liée à la conquête germanique. Ce fut d’abord au service de Vienne, maîtresse de la Galicie orientale, puis, Pie X préférant depuis 1907 les puissants Hohenzollern aux Habsbourg moribonds, l’évêque accompagna jusqu’à sa mort (novembre 1944) le Drang nach Osten (« poussée vers l’Est ») du Reich, impérial, « républicain » et hitlérien.

Le Reich, qui finançait avant 1914 « l’autonomisme ukrainien » contre la Russie, transforma l’Ukraine en fief militaire pendant la Première Guerre mondiale. Il accrut ensuite l’effort dans la Galicie orientale, dévolue en 1921 par la France antisoviétique à la Pologne réactionnaire Depuis 1929, Berlin entretenait l’« Organisation des Ukrainiens nationalistes » (OUN) que Stefan Bandera (20 ans), « chef de l’organisation terroriste ukrainienne en Pologne », avait fondée avec ses fidèles lieutenants Mykola Lebed et Iaroslav Stetsko. Ils participèrent, à la campagne antisoviétique sur « la famine génocidaire en Ukraine » décrite dès 1987 par le photographe et militant syndicaliste canadien Douglas Tottle, pionnier de l’étude du nazisme ukrainien[7]. Lancée par le Reich et le Vatican, à l’été 1933, c’est-à-dire après que l’excellente récolte de juillet eut mis fin à la disette ou à la famine, répercutée avec zèle par tous leurs alliés, dont la Pologne, avec pour centre Lwow, elle prépara idéologiquement la conquête de l’Ukraine. Berlin et le Vatican s’étaient engagés par un des deux articles secrets du Concordat du Reich de juillet 1933 à la mener ensemble [8].

Les bandéristes rendirent en Pologne aussi de grands services, non seulement contre les juifs mais aussi contre l’État. Bandera et Lebed assassinèrent le 15 juin 1934, année faste des attentats allemands contre les chefs d’État et ministres, le ministre de l’Intérieur polonais, Bronisław Pieracki, pourtant en extase, comme ses chefs, Pilsudski et Beck, devant « l’ami allemand ». Les nazis de l’OUN jouaient en Galicie orientale, a écrit Grzegorz Rossolinski-Liebe en 2014 dans sa thèse de référence sur Bandera, le même rôle que les oustachis croates d’Ante Pavelitch, les nazis slovaques du Parti Hlinka, les Gardes de fer roumains et autres nazis d’Europe orientale : gavés de marks, ils avaient tous « adopté le fascisme, l’antisémitisme, le suprématisme racial, le culte de la guerre et toute une gamme de valeurs d’extrême droite »[9]. Pour ne pas froisser ses « amis » allemands, Varsovie commua la peine de mort de Bandera et Lebed édictée (seulement) en 1936 en prison à vie. L’occupant allemand les en libéra dès l’invasion de septembre 1939.

 

Les nazis bandéristes dans la Deuxième Guerre mondiale

Depuis lors, l’OUN uniate, puissante en Ukraine slovaque et polonaise (absente d’Ukraine soviétique), fut le laquais du Reich. Elle fut subdivisée en 1939-1940 en OUN-M et OUN-B, respectivement dirigés par Andrei Melnik et par le trio Bandera-Lebed-Stetsko, divisés seulement par leur désaccord, de façade, sur « l’indépendance ukrainienne » : Melnik n’en parlait plus, Bandera chérissait par le verbe « l’indépendance » dont le Reich ne voulait à aucun prix.

Les deux OUN aidèrent le Sipo-SD (la Gestapo) et l’Abwehr à préparer l’occupation de la Pologne, puis de l’URSS. Ses membres peuplèrent les « académies [allemandes] de police » de Pologne occupée et accrurent leurs ravages après Barbarossa : aux côtés de la Wehrmacht, ils liquidèrent immédiatement 12 000 juifs en Galicie orientale, et ne cessèrent plus. Supplétifs du Sipo-SD, ils torturèrent et exterminèrent sans répit avec la bénédiction des clercs uniates, dont Szepticky, bénisseur des bandéristes de la 14e Légion des Waffen SS Galicia (1943-1944) et d’ailleurs. Dans les Einsatzkommandos, les prisons, les camps de concentration et ailleurs, les deux OUN massacraient les « ennemis de la nation ukrainienne » : Ukrainiens « non loyaux », juifs de toute nationalité, Russes et Polonais non juifs, dont les 100 000 de Volhynie, exploit de Bandera qui perturbe les actuels rapports (faussement) idylliques Varsovie-Kiev. En Pologne et en URSS, jusqu’à la libération soviétique complète de l’Ukraine (Lvov, juillet 1944), ces champions du « nettoyage ethnique » jouèrent dans « la destruction des juifs » le rôle des « États satellites [du Reich] par excellence » (Croatie et Slovaquie)[10]. Le conflit officiel, très secondaire, entre Berlin et les bandéristes, sur « l’indépendance » ukrainienne, valut en 1942 à Bandera et Stetsko l’emprisonnement en « camp d’honneur » à Sachsenhausen (à 30 km de Berlin). Lebed, en fuite, dirigea en leur nom l’« armée insurrectionnelle ukrainienne » (UPA) : formée en 1942 de ces polices auxiliaires de la Wehrmacht et de la SS, l’UPA liquidait les ennemis communs.

Bandera et Stetsko auraient été libérés de leur « bunker d’honneur » hôtelier jusqu’en septembre 1944, contèrent-ils a posteriori à la CIA. En juillet 1944, une grande partie des massacreurs avait quitté l’Ukraine dans les fourgons allemands. Berlin fonda pour ses nazis ukrainiens le « Conseil suprême ukrainien de libération » (UHVR), puis, en novembre 1944 un « Comité national ukrainien » ‑‑ à majorité bandériste. Haute preuve de « résistance nationale et antinazie »! La prise soviétique de Berlin les précipita à Munich, centre historique du nazisme intérieur et de l’expansion du Deutschtum depuis l’entre-deux-guerres[11], devenu au printemps 1945 une des capitales de la zone d’occupation américaine. Sur les « 250 000 Ukrainiens » établis en 1947 « en Allemagne, en Autriche et en Italie », prétendues « personnes déplacées », « un grand nombre étaient des membres avérés ou des sympathisants de l’OUN »[12].

Le reste des criminels de l’OUN-UPA étaient restés en Galicie orientale désormais soviétique où, clandestins, ils massacrèrent encore, sous la houlette de leurs clercs uniates : « en Ukraine occidentale », des « dizaines de milliers » d’entre eux tuèrent « 35 000 cadres de l’armée et du parti soviétiques entre 1945 et 1951 »[13], dirigés par leurs amis étrangers, non plus seulement allemands, mais aussi américains.

 

De la légende post-Stalingrad du combat pour l’indépendance nationale aux articles du Monde de janvier 2023

La défaite du Reich se profilant après Stalingrad, l’OUN-UPA commença à s’inventer une histoire « résistante » : clé de la propagande russophobe actuelle, cette légende fut diffusée dans tout l’« Occident » quand la clique Bandera devint officiellement « alliée » contre l’URSS. Ainsi se développa le mythe d’une « résistance des nationalistes ukrainiens » aussi antinazie qu’antibolchevique, qu’entretient désormais la grande presse « occidentale ». Le Monde a consacré les 7 et 8 janvier à Bandera, deux articles à ce héros naïf de l’indépendance ukrainienne. Le premier, « Stepan Bandera, l’antihéros ukrainien glorifié après l’agression russe » poussait l’indulgence à tel point qu’il y en eut, peut-être devant des réactions nombreuses, un second. Le titre fut plus engageant ‑‑ « Guerre en Ukraine : le mythe Bandera et la réalité d’un collaborateur des nazis » ‑‑, pas le contenu : Bandera « luttait par tous les moyens pour libérer l’Ukraine des jougs successifs de la Pologne et de l’Union soviétique ». Il ne collabora avec « l’Allemagne nazie » que pour ce noble objectif qui lui fit voir en Hitler « un allié possible pour lancer la révolution nationale ukrainienne contre l’oppresseur soviétique qui avait orchestré, entre autres atrocités, la grande famine de 1932-1933, l’Holodomor, décimant de 3 à 5 millions d’Ukrainiens. » Il avait donc bien des excuses.

Les deux articles, truffés de gros mensonges et de mensonges par omission, font de Bandera « un symbole de résistance et d’unité nationale », un héros complexe et « contesté ». Ce qualificatif a indigné Arno Klarsfeld, qu’alarme désormais la glorification « occidentale » des nazis ukrainiens : « Le Monde devient un journal partial et mensonger : Bandera n’est pas une figure “controversée”, il a activement participé à la Shoah. Comment Le Monde qualifierait Goring ? “controversé” lui aussi ? honte pour un journal sérieux !!! c’est réellement honteux. » Le 15 mars 2014, le journal admettait encore que le coup d’État de Maïdan avait mis les nazis à la tête de l’Ukraine. Certes, avec sa russophobie héritée de l’organe du Comité des Forges, Le Temps, son prédécesseur : « L’extrême droite ukrainienne, cible inespérée pour Moscou. La visibilité sur Maïdan des groupuscules néonazis, ultra-minoritaires, nourrit la propagande russe contre le nouveau pouvoir à Kiev ». Alors, fondée ou pas? La science historique avait avancé dès 1987, avec Tottle sur la « famine génocidaire », sur les massacres et sur les escroqueries de l’OUN-OPA sur ses activités de 1929 à 1945[14]. Rossolinski-Liebe ‑‑ dont l’après-« révolution orange » en Ukraine a menacé la sécurité personnelle et interdit les conférences ‑‑, a complété le tableau sur le criminel absolu Bandera. L’article du Monde du 8 janvier mentionne sa thèse, sans mot dire, et pour cause, de son contenu.

 

La tutelle américaine sur le dossier ukrainien depuis 1944-1945

Les héros ukraino-nazis de « l’indépendance nationale » ont compté beaucoup dans les longs préparatifs de la présente ère américaine de l’Ukraine. Dans leur objectif de conquête mondiale, les États-Unis incluaient la Russie en général, et l’Ukraine en particulier, mais durent ici se contenter à l’ère allemande de « l’Europe » d’un rôle mineur[15]. Le capital financier américain s’était, depuis 1919, associé aux capitaux allemands en Europe orientale. Sa grande presse, dont Hearst, porte-parole des milieux germano-américains, participa à la campagne sur « la famine génocidaire en Ukraine » à partir de 1935 – cinquante ans avant le tapage reaganien sur « l’Holodomor » (son nouveau nom)[16]. La fin de la Deuxième Guerre mondiale sonna l’heure, sinon de la relève du Reich, de la collaboration avec les héritiers du Reich en vue, notamment, de la conquête de l’Ukraine.

La stratégie américaine de conquête de l’Europe entière se dévoila entre le compromis territorial de Yalta en février 1945, haï d’emblée, et la décision définitive, en 1947-1948, de liquider, non seulement la zone d’influence soviétique, mais l’État soviétique avec. La tâche fut confiée à Frank Wisner et George Kennan. Wisner, avocat d’affaires de Wall Street, avait été envoyé en 1944 en Roumanie par l’avocat d’affaires Allen Dulles, chef de l’OSS-Europe depuis novembre 1942, à Berne : il fallait éviter un avenir soviétique à ce pays champion des massacres antisémites en négociant avec ses élites qui y avaient trempé[17]. Kennan, diplomate, avait passé sa carrière, depuis 1931 à Riga (Lettonie) puis dans divers postes, à combattre l’URSS[18]. Le Département d’État confia donc à ce tandem, dans le cadre de la CIA (successeur officiel de l’OSS) fondée en juillet 1947, l’application de la directive 10/2 du National Security Council du 18 juin 1948 qui prescrivait la liquidation générale du socialisme européen[19]. Vedette de la Guerre froide, Kennan, raisonnable depuis sa retraite, mit, en vain, Washington en garde contre l’expansion de l’OTAN à l’Est, contre la Russie, après 1991[20].

L’Ukraine occupait dans cette ligne un rôle central, et Washington s’appuya sur l’expérience de l’Allemagne (occidentale) redevenue alliée à peine vaincue (comme après la Grande Guerre). L’historien Christopher Simpson a décrit dès 1988 l’incroyable sauvetage-recyclage par l’OSS et ses successeurs (« Strategic Services Unit » puis CIA) des criminels de guerre européens, Allemands et Ukrainiens en-tête. Harry Rositzke, chef depuis 1945, à Munich, des « opérations secrètes à l’intérieur de l’URSS » des nazis ukrainiens – et agent loyal qui ne cita aucun nom ‑‑, fit cet aveu en 1985 : « Nous savions parfaitement ce que nous faisions. La base du boulot était de se servir de n’importe quelle ordure du moment qu’elle était anticommuniste »[21]. Les historiens américains Breitman et Goda, spécialistes de la « Shoah » collaborateurs réguliers du Département d’État, ont complété le dossier en 2010.

Washington eut grand besoin du Vatican qui, sauveteur de masse des criminels de guerre via le clergé européen, maintint sa collaboration avec les héritiers du Reich mais l’adapta à son alignement sur les États-Unis maîtres de l’« Europe occidentale » et grands bailleurs de fonds (à usage intérieur, italien, et international). La Curie continua à gérer son vivier uniate de Lvov, via les prélats et les prêtres clandestins. Avait succédé à Szepticky décédé en novembre 1944 le chef bandériste Ivan Bucko, ancien « évêque auxiliaire de Lvov » (depuis 1929), associé aux préparatifs de Barbarossa puis à la « rechristianisation » ratée des Russes. Washington agréa dès l’été 1945 cet « expert du Vatican sur les questions ukrainiennes [d’]opinions radicalement antirusses », comme « visiteur apostolique des Ruthènes de l’armée d’Ukraine » (l’OUN-UPA), chef, à Rome, jusqu’en 1971, « des Ukrainiens en Europe occidentale »[22].

Dès juillet 1944, juste avant l’entrée de l’Armée rouge à Lvov, les massacreurs du « Conseil suprême ukrainien de libération » (UHVR) avaient, prélats compris, traité, sous l’aile romaine, « avec les gouvernements occidentaux ». Les alliés-rivaux anglais et américains collaborèrent avec les groupes dirigés, d’une part, par Bandera-Stetsko (80% des effectifs ukrainiens des « camps de personnes déplacées en Australie, au Canada, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et autres pays occidentaux à la fin des années 1940 ») et, d’autre part, par Lebed et le prélat uniate Ivan Hrinioch, agent de liaison avec le Vatican[23].

Les Américains avaient dès mai 1945 récupéré et installé, tout près de Munich, comme espion en chef, le général nazi (membre du NSDAP) de la Wehrmacht Reinhard Gehlen : chef du « renseignement militaire allemand sur le front de l’Est » dans l’URSS occupée (Fremde Heere Ost, FHO), Gehlen, responsable des « interrogatoires », avait dirigé les collaborateurs soviétiques de toutes les régions occupées, dont l’Ukraine et fabriqué depuis 1942 l’armée Vlassov. Ces soldats de l’Armée rouge ralliés à la Wehrmacht pour ne pas périr formèrent des bandes criminelles qui rendirent, en URSS et jusque contre les résistants français en 1943-1944[24], les mêmes services que les nazis uniates. Gehlen, grand criminel de guerre, reçut en 1945 d’immenses responsabilités : l’espionnage de renseignement et d’agression contre l’URSS, mais aussi l’action anticommuniste en zone américaine. Adenauer, qui l’appréciait autant, lui confia, à la fondation de la RFA, à l’automne 1949, ses services secrets : le grand nazi Gehlen dirigea donc le Bundesnachrichtendienst (BND) jusqu’à sa retraite en 1968[25]. Vu l’expérience allemande acquise depuis la décennie 1930, son apport en Ukraine fut décisif. Entouré exclusivement d’anciens nazis, dont ses anciens adjoints en URSS occupée, Gehlen maintint donc sans rupture la collaboration germano-ukrainienne.

Londres et Washington collaborèrent et rivalisèrent dans l’usage de Bandera et de ses sbires. Washington fut plus discret mais laissa les bandéristes (majoritaires) et autres membres de l’OUN se reconstituer à Munich et alentour. Les alliés-rivaux refusèrent sous tous les prétextes de livrer Bandera et autres criminels de guerre ukrainiens « réfugiés » à l’URSS, qui les réclamait depuis le début de 1946 pour les juger. Les Américains aidèrent Bandera à s’installer à Munich dès août 1945, lui forgèrent des papiers d’identité (au nom de Stefan Popel) et autres faux documents, dont l’un d’« interné dans les camps de concentration nazis du 15 septembre 1941 au 6 mai 1945 [et] libéré du camp de concentration de Mauthausen » ‑‑ une des légendes de la presse « occidentale » actuelle. Ils le logèrent et lui procurèrent maintes facilités, dont un lot de cartes de journaliste, y compris pour un journal « français ».

La CIA confia à Gehlen et à son BND le soin de « traiter » le compromettant Bandera, au service des « opérations » militaires en Ukraine – toujours classifiées. Bandera rapportait directement à Heinz Danko Herre, ancien second de Gehlen à la Fremde Heere Ost affecté entre autres à l’armée Vlassov et qui, « principal conseiller de Gehlen » au BND, adorait Bandera : « nous le connaissons depuis à peu près 20 ans, et, il dispose en Allemagne et en dehors, de plus d’un demi-million de partisans. » Washington fit traîner la demande de visa pour séjour aux États-Unis déposée par Bandera depuis 1955, mais le BND voulait mettre en contact direct son cher Bandera et les nazis ukrainiens d’Amérique, immigrés par dizaines de milliers depuis la fin des années 1940 : la complicité entre CIA et ministère de la Justice américain permit de violer la loi interdisant l’immigration aux nazis. « Les responsables de la CIA de Munich » finirent par accepter « l’octroi du[dit] visa en 1959 », mais Bandera ne put gagner les États-Unis : un agent du KGB l’exécuta à Munich, le 15 octobre 1959, « les Soviétiques ayant décidé qu’ils ne pouvaient se permettre la résurrection de l’alliance entre l’espionnage allemand et les fanatiques ukrainiens » (Breitman et Goda). Voilà pourquoi l’actuel « héros national » de l’Ukraine « indépendante » n’étendit pas ses activités outre-Atlantique.

Washington avait poursuivi, toujours en collaboration avec le BND, ses œuvres en Ukraine et alentour, notamment en Tchécoslovaquie, « la CIA fournissant l’argent, les approvisionnements, l’entraînement, les facilités radio et les parachutages des agents entraînés » de l’UPA. Aux États-Unis mêmes, la CIA promut d’autres alliés bandéristes en hérauts de la « démocratie » ukrainienne, tel Mykola Lebed, « sadique notoire et collaborateur des Allemands », qui avait début 1945 pris contact avec Allen Dulles à Berne : elle fit immigrer ce « chef responsable d’“assassinats de masse d’Ukrainiens, de Polonais et de juifs” », dénoncé par des immigrés d’Europe orientale, l’installa à New York en « résident permanent », puis fit naturaliser ce chef de la propagande « nationale ukrainienne » aux États-Unis. Depuis 1955, « des tracts furent jetés par avion au-dessus de l’Ukraine, et des émissions de radio intitulées Nova Ukraina furent diffusées depuis Athènes pour consommation ukrainienne ». Tous les pays de l’OTAN furent mobilisés à cet effet.

Quand le fiasco hongrois de novembre 1956 eut stoppé les actions militaires en Europe orientale (et poussé l’obsessionnel Wisner à la folie[26]), fleurit une prétendue « association sans but lucratif » (financée, comme le reste, par la CIA), dite Prolog, chargée d’inonder l’Ukraine de propagande antisoviétique. Hrinioch, second de Lebed, en dirigea l’antenne de Munich, l’« Ukrainische Gesellschaft für Auslandsstudien » (Société ukrainienne pour les études sur l’étranger). En « 1957, Prolog diffusa 1 200 programmes radiophoniques à raison de 70 heures par mois, et distribua 200 000 journaux et 5 000 tracts. » Elle organisait la distribution des « livres d’écrivains et poètes ukrainiens nationalistes », y compris en Ukraine soviétique, « jusqu’à la fin de la Guerre froide ». Elle « finançait le voyage des étudiants et des universitaires ukrainiens aux conférences universitaires, aux festivals internationaux de la jeunesse » et autres manifestations : à leur retour, les subventionnés rendaient compte à la CIA. Prolog était le seul « truchement des opérations de la CIA en direction de la République soviétique d’Ukraine et de ses quarante millions de citoyens ukrainiens. »

Dans les années 1960, les bandéristes américains, dont Lebed, firent leur conversion publique au philosémitisme, dénonçant systématiquement « les Soviétiques pour leur antisémitisme » ‑‑ thème très en vogue ces temps-ci. L’aristocrate catholique polono-américain Zbigniew Brzezinski, pilier depuis les années 1950 de la subversion permanente de l’URSS et de la scission Ukraine-Russie[27], préconisa en 1977, comme conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter, l’extension de ce magnifique programme. Dans les années 1980, entre Carter et Ronald Reagan, Prolog se diversifia en direction des « autres nationalités soviétiques, qui incluaient les dissidents soviétiques juifs, suprême ironie », selon Breitman et Goda. Tactique géniale, après des décennies d’hostilité ou d’indifférence aux juifs européens[28], puisque la propagande « occidentale » transforma une URSS jadis haïe comme judéo-bolchevique en symbole de l’antisémitisme.

Les opérations américano-germano-ukraino-nazies contre l’URSS et l’Europe orientale, nommées « Cartel » puis « Aerodynamic » puis, dans les années 1980, « Qrdynamic », « Pddynamic » et « Qrplumb »[29] n’avaient jamais cessé. L’étude de Breitman et Goda s’achève en 1990, « au seuil de l’effondrement » de l’URSS : tout était alors prêt, en Ukraine, pour la phase suivante, gérée par Mme Nuland et les siens.

 

[1] La Documentation français, n° 664, 10 juillet 1947, en ligne.

[2] https://www.youtube.com/watch?v=rPVs5VuI8XI

[3] https://www.govinfo.gov/content/pkg/CHRG-113shrg91859/html/CHRG-113shrg91859.htm

[4] Traduire son effarante fiche Wikipédia en anglais, https://en.wikipedia.org/wiki/Victoria_Nuland, plus précise qu’en français ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Victoria_Nuland 

[5] Sauf la Chine, désormais « populaire », s’y retrouvent es puissances « démocratiques » de la coalition russophobe de l’OTAN de 2022, dont les États-Unis, l’ex-Empire britannique (Canada et Australie inclus), la France, le Japon, la Pologne, l’Italie (liste complète : https://fr.wikipedia.org/wiki/Intervention_alli%C3%A9e_pendant_la_guerre_civile_russe )

[6] Lacroix-Riz, Le Vatican, l’Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre froide (1914-1955), Paris, Armand Colin, 2010, chapitre 6 et passim.

[7]  Tottle, Fraud, Famine and FascismThe Ukrainian Genocide Myth from Hitler to Harvard, Toronto, Progress Book, 1987, en ligne, chapitres 1-2.

[8] Le Vatican, l’Europe et le Reich, chapitre 7, dont p. 332-333 ; et https://www.historiographie.info/ukr33maj2008.pdf

[9] Stepan Bandera, The Life and Afterlife of a Ukrainian Nationalist.Fascism, Genocide and Cult, Stuttgart, ibidem Press, 2014, , pas traduite en français

[10] Raùl Hilberg, La destruction des juifs d’Europe, Paris, Gallimard, 1991, 2 vol., vol. 2, p. 612-642.

[11] Le Vatican, l’Europe et le Reichpassim.

[12] Richard Breitman et Norman Goda, Hitler’s Shadow : Nazi War Criminals, US Intelligence and the Cold War, National Archives, 2010, http://www.archives.gov/iwg/reports/hitlers-shadow.pdf, p. 76, et tout ce chapitre 5 « Collaborators : Allied intelligence and the Organization of Ukrainian Nationalists », p. 73-97 (désormais traduit, À l’ombre d’Hitler. Les services secrets américains et les criminels nazis pendant la Guerre froide, Paris, J.-C. Godefroy, 2022, ce chapitre 5 : « Collaborateurs : l’espionnage allié et l’organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) »).

[13] Geoffrey Roberts, Les guerres de Staline, Paris, Delga, 2014 p. 437 (1e édition, Stalin’s Wars, 2006).

[14] Tottle, Fraud, Famine and Fascism, chapitre 9, « Collaboration and collusion »

[15] Roman Dmowski, L’avenir de la Pologne, chap. « La question ukrainienne », traduction annexée à la lettre 396 de Jules Laroche, Varsovie, 24 août 1930, URSS 1918-1940, vol. 678, archives diplomatiques.

[16] « The Hearst press. The campaign continues »,Tottle, Fraud, Famine and Fascism, chapitre 2, p. 13-21.

[17] Burton Hersh, The American Elite and the origins of the CIA, New York, Scribners, 1992, index Wisner.

[18] https://en.wikipedia.org/wiki/George_F._Kennan#Diplomatic_career, bibliographie énorme.

[19] Bibliographie Lacroix-Riz. « Impérialismes dominants en Ukraine de l’avant 1914 au sauvetage-recyclage germano-américain des criminels de guerre bandéristes (1890-1990) », chapitre de La Russie sans œillères, Paris, Delga, p. 145-169, 2022.

[20] Entretien James Peck, professeur d’histoire adjoint, New York University, collaborateur de Kennan pour ses ouvrages depuis les années 1980, avec le journaliste chinois Xia Wenxin, Global Times (GT), 29 mars 2022, https://www.globaltimes.cn/page/202203/1257094.shtml

[21] Interview du 16 janvier 1985, citée in Simpson, Blowback, p. 159, ce chapitre 12, et index Bandera et Lebed ; Rositzke, The CIA’s Secret Operations : espionage, counterespionage, and covert action, New York, Routledge, 2019 (1e édition, 1977).

[22] Le Vatican, l’Europe et le Reich, chap. 10-11, sur l’Ukraine soviétique, p. 614-615 et index Bucko.

[23] Mêlés, Breitman et Goda, Hitler’s Shadow, p. 77, et Rossolinski-Liebe, Stepan Bandera, plus précis, p. 280.

[24] Lacroix-Riz, La Non-épuration en France de 1943 aux années 1950, Paris, Dunod-Armand Colin, 2019, poche, 2022, p. 47, 82.

[25] Simpson, Blowback ; Naftali, « Reinhard Gehlen and the United States », in Breitman et al., U.S. Intelligence and the Nazis, p. 375-418. Pionnier, le journaliste E.H. Cookridge, agent de renseignements des Anglo-Américains pendant la guerre, Gehlen, spy of the century, London, Hodder and Stoughton, 1971.

[26] Puis au suicide (1965), Hersh, The old boys, et Simpson, Blowback, index Wisner.

[27] https://en.wikipedia.org/wiki/Zbigniew_Brzezinski

[28] Cette seule incidente, Peter Novick, The Holocaust in American Life, Boston, Houghton Mifflin, 1999, devenu L’holocauste dans la vie américaine, Paris, Gallimard, 2001, indispensable, et David Wyman, The Abandonment of the Jews : America and the Holocaust 1941-1945, New York, Pantheon Books, 1984, devenu L’abandon des juifs. Les Américains et la Solution finale, Paris, Flammarion, 1987.

[29] Breitman et Goda, Hitler’s Shadow, chapitre 5, passim, (et Simpson, Blowback, chapitre 12 et Rossolinski-Liebe, Bandera, chapitre 7).

 

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EN FRANÇAIS: Annie Lacroix-Riz: « Il y a un contexte historique qui explique que la Russie était acculée » (28 mars 2022)
Professeure d’Histoire contemporaine à l’université Paris VII-Denis Diderot, Annie Lacroix-Riz a écrit plusieurs livres sur les deux guerres mondiales et les dominations politiques et économiques. Elle a un oeil avisé sur la situation en Ukraine au regard de l’histoire des impérialismes du début du 20ème siècle et de leur continuation. Ce qui nous est raconté trop souvent dans les médias ne nous permet pas de comprendre le conflit et donc, de chercher une solution pour la paix. Dans cet entretien, elle propose un coup d’oeil dans le rétroviseur utile pour la compréhension des événements et de l’histoire récente de la région...
https://www.investigaction.net/fr/annie-lacroix-riz-il-y-a-un-contexte-historique-qui-explique-que-la-russie-etait-acculee/
 
 
www.resistenze.org - cultura e memoria resistenti - storia - 30-03-22 - n. 823

Annie Lacroix-Riz: "C'è un contesto storico che spiega perché la Russia è stata messa all'angolo"

Robin Delobel | investigaction.net
Traduzione per Resistenze.org a cura del Centro di Cultura e Documentazione Popolare

28/03/2022

Annie Lacroix-Riz, docente di storia contemporanea all'Università di Parigi VII-Denis Diderot, ha scritto diversi libri sulle due guerre mondiali e la dominazione politica ed economica. Guarda con attenzione la situazione in Ucraina ponendola in relazione alla storia dell'imperialismo di inizio XX secolo e la sua continuazione. Quello che ci viene raccontato troppo spesso dai media non ci permette di capire il conflitto, quindi di cercare una soluzione per la pace. In questa intervista, ci viene offerto uno sguardo retrospettivo utile per comprendere gli eventi e la storia recente della regione.

Nei media, si ha l'impressione che la guerra in Ucraina sia scaturita dal nulla. Cosa può dirci del suo contesto storico?

Prima di tutto, gli elementi storici sono quasi assenti da quella che è difficile definire una "analisi" della situazione. Tuttavia, ci sono due aspetti importanti da prendere in considerazione negli eventi attuali. In primo luogo, c'è una situazione generale, cioè l'aggressione della Nato contro la Russia. In secondo luogo, c'è una sorta di ossessione contro la Russia - e anche contro la Cina. Questa ossessione non è nuova, quindi permette di relativizzare l'attuale frenesia anti-Putin. L'essenza della presunta "analisi occidentale" è che Putin sia un pazzo paranoico e (o) un nuovo Hitler. Ma l'odio per la Russia e il fatto di non sopportare che la Russia eserciti un ruolo mondiale è riconducibile all'imperialismo statunitense.

Come si spiega questa ossessione?

È un'ossessione caratteristica di un imperialismo dominante che è stato egemone per quasi tutto il XX secolo. Questo imperialismo non vuole perdere la propria egemonia, che però sta perdendo. In effetti, oggi non siamo più nella stessa situazione degli anni '50, quando gli Stati Uniti rappresentavano il 50% della produzione mondiale. La Cina si sta avvicinando alla posizione di primo produttore del mondo, e questo non piace agli Stati Uniti. Negli ultimi anni abbiamo raggiunto un momento particolarmente acuto del confronto, segnato da una serie di aggressioni sconcertanti.
Anche la Russia viene presa di mira. Si ha l'impressione che ci sia ancora una sorta di rancore contro i bolscevichi, ma è importante rendersi conto che questa russofobia dell'imperialismo statunitense è iniziata in epoca zarista ed è continuata in seguito, anche dopo la dissoluzione dell'Unione Sovietica. Gli impegni presi dagli Stati Uniti di non avanzare militarmente nella zona ex sovietica sono stati tutti violati. Dal 1991 al febbraio 2022, siamo così arrivati a un momento in cui la prospettiva per la Russia di vedere la Nato alle sue porte e di un'Ucraina nuclearizzata è divenuta una realtà immediata.

Qual è il posto dell'Ucraina nel confronto fra potenze imperialiste?

L'Ucraina è inseparabile dalla storia della Russia fin dall'alto Medioevo. La Russia con tutte le sue ricchezze naturali è una caverna di Alì Babà e l'Ucraina è stata il suo gioiello più grande: è una fonte straordinaria di carbone, ferro e tante altre risorse minerali, oltre che un formidabile deposito di grano e altri cereali. Cosa che ha attratto a lungo i desideri di molti.
Se ci atteniamo al periodo imperialista (dal 1880), possiamo dire che è stata la Germania a essere inizialmente interessata all'Ucraina. Prima della guerra del 1914, il Reich tedesco decise di controllare l'impero russo assicurandosi il controllo delle sue "marche" più sviluppate, l'Ucraina e gli Stati baltici. Durante il conflitto, la Germania trasformò questi Stati e l'Ucraina in una roccaforte militare, la base per il suo assalto all'Impero russo. Durante la Prima guerra mondiale, mentre la Germania fallì sul fronte occidentale già nel 1917, lo stesso non si può dire del fronte orientale, che dominò fino alla sua sconfitta. E anche se, dal gennaio 1918, la Russia da poco sovietica era sottoposta a ulteriori aggressioni da parte di tutte le altre potenze imperialiste (14 paesi la invasero senza dichiarazione di guerra), Berlino riuscì a imporle, nel marzo 1918, il trattato di Brest-Litovsk, che ne confiscò l'Ucraina. La sconfitta della Germania alla fine della Prima guerra mondiale non è valsa a restituirla, vista la guerra condotta sul suo suolo dagli "Alleati", sostenuti da tutti gli elementi antibolscevichi, russi e ucraini.

L'Ucraina ha poi goduto di un breve periodo di indipendenza...

Dal 1918 al 1920, ci fu effettivamente un breve periodo di "indipendenza" folcloristica, sullo sfondo dell'aggressione delle armate bianche (pogromiste) di Denikin, e del pogromista Petliura, ufficialmente "indipendentista" e alleato della Polonia (che mirava a tutta l'Ucraina occidentale). L'Ucraina rimase l'obiettivo del Reich, che aveva preso il sopravvento sull'impero austriaco, poi gli "austro-ungarici" degli Asburgo, possessori della Galizia orientale, nell'ovest dell'Ucraina, dopo la spartizione della Polonia. Questa tutela germanica fornì una base preziosa per l'indebolimento della Russia e dello slavismo ortodosso, dal tempo degli Asburgo, con l'uniatismo come strumento principale, guidato dal Vaticano.

Che ruolo ha avuto il Vaticano?

L'uniatismo cattolico, supporto ideologico della conquista germanica, aveva sedotto una parte della popolazione ucraina occidentale, grazie al suo aspetto formale molto vicino all'ortodossia. Questo strumento di conquista austriaco fu ripreso dalla Germania in epoca imperialista: il Vaticano, capendo che non poteva più contare sul moribondo impero cattolico, si sottomise definitivamente al potente Reich protestante all'inizio del XX secolo, anche in Ucraina.
Nel periodo tra le due guerre, l'Ucraina giocò quindi un ruolo decisivo nell'alleanza tra la Germania e il Vaticano, al quale Berlino affidò lo spionaggio militare attraverso i chierici uniati. Possiamo vedere come fu organizzato allora il tentativo di conquistare l'Ucraina, consacrato dalla firma del Concordato del Reich del luglio 1933. Uno dei suoi due articoli segreti stabiliva che la Germania e il Vaticano si sarebbero alleati nella presa dell'Ucraina, che era uno dei principali obiettivi di guerra della Germania, sia nella Prima guerra mondiale che nella Seconda. L'assalto militare, l'occupazione e lo sfruttamento economico sarebbero spettati alla Germania, la "ricristianizzazione" cattolica al Vaticano.

Anche gli Stati Uniti erano interessati...

L'Ucraina è una questione importante in sé, ma è anche la porta d'accesso al Caucaso ricco di petrolio. Gli Stati Uniti si sono uniti all'imperialismo tedesco per entrare in Russia e specialmente in Ucraina dopo la fine della Prima guerra mondiale. Nel 1930, tutti gli imperialismi sognavano di abbuffarsi nella ricca Ucraina. Nel mio libro Aux origines du carcan européen, ho mostrato come Roman Dmovski, uomo politico polacco di estrema destra, aveva analizzato perfettamente la "questione ucraina" nel 1930. Scrisse che i grandi imperialismi volevano tutti mangiarsi l'Ucraina, con in testa i due più febbrilmente impegnati nel compito: il tedesco e l'americano. Diceva anche che se l'Ucraina fosse strappata dalla Russia, questa sarebbe diventata un paese puramente "consumatore", costretta a comprare i suoi prodotti industriali altrove. Non avrebbe mai potuto sostenere una tale perdita, aggiungeva.

Non ha funzionato, l'Ucraina è rimasta nell'Unione Sovietica. Ma c'era ancora il nazionalismo ucraino, giusto?

Il nazionalismo ucraino è stato prima tedesco e poi statunitense (o meglio entrambi), perché non aveva una reale capacità di indipendenza: il Reich lo ha finanziato prima del 1914, e da allora non ha mai smesso. Infatti, coloro che sostenevano di volere l'Ucraina "indipendente" (Bandera più di alcuni dei suoi, che non pretendevano nemmeno di rivendicarla "immediatamente") appartenevano tutti all'uniatismo, che nel periodo tra le due guerre, e per tutta la Seconda guerra mondiale, fu confuso con il nazismo.
È difficile non fare il collegamento con i movimenti che troviamo oggi: il battaglione Azov, Pravy Sektor, ecc., sono gli eredi diretti e rivendicati del movimento autonomista ucraino del periodo tra le due guerre, che vide la creazione, già nel 1929, del movimento banderista. Chiamata "Organizzazione dei Nazionalisti Ucraini" (OUN), fu interamente finanziata dal Reich di Weimar e poi di Hitler (dopo che l'"autonomismo" era stato sovvenzionato dal Reich guglielmino).

Come si è sviluppato questo movimento?

Il movimento di Stepan Bandera, ora "eroe nazionale" ufficiale dell'Ucraina statale, e al quale il battaglione Azov e altri raggruppamenti filonazisti rendono costantemente omaggio, si diffuse a partire dal 1929 nell'Ucraina polacca e slovacca. Non era presente nell'Ucraina sovietica e ortodossa. I "banderisti", come altre correnti del "nazionalismo ucraino", erano anti-ebraici, anti-russi e anche violentemente anti-polacchi. Hanno anche attaccato radicalmente gli ucraini non autonomisti e gli ucraini che erano rimasti vicini alla Russia.

Queste bande di ausiliari della polizia tedesca, dal 1939 nella Polonia occupata, poi dal 22 giugno 1941 nell'URSS occupata, formarono un "esercito [cosiddetto] insurrezionale", l'UPA. Questi 150-200.000 criminali di guerra massacrarono indiscriminatamente centinaia di migliaia di loro "nemici": ebrei, ucraini fedeli al regime sovietico, russi e polacchi, che odiavano come gli altri. Per prendere solo l'esempio dei polacchi, tra 70.000 e 100.000 civili furono uccisi dalle milizie banderiste durante la guerra. L'argomento propagandistico in voga secondo cui lo Stato polacco ha accolto calorosamente gli ucraini "vicini" sentimentalmente è, alla luce di questa lunga storia criminale (che inizia prima della guerra), assurdo.
Nel 1944, quando l'Unione Sovietica riprese il controllo di tutta l'Ucraina, compresa Lvov (in luglio), 120.000 di questi criminali di guerra fuggirono in Germania. Gli Stati Uniti li hanno usati quando sono arrivati nella primavera del 1945.
Un libro sull'argomento, Hitler's Shadow, è stato pubblicato da due storici americani ed è disponibile online in inglese. È tanto più interessante perché i suoi due autori sono storici approvati dal Dipartimento di Stato, con il quale lavorano ufficialmente sulla storia dello sterminio degli ebrei: Richard Breitman e Norman J.W. Goda. Mostravano come gli americani, appena arrivati in Germania nella primavera del 1945, avevano rintracciato tutti i criminali di guerra, tedeschi e non. Una parte dei banderisti rimase in Germania, nelle zone occidentali, soprattutto nella zona americana, con un grande raggruppamento a Monaco. Un altro è stato accolto a braccia aperte negli Stati Uniti, tramite la Cia, in barba alle leggi sull'immigrazione, e un altro ancora è rimasto nell'Ucraina occidentale.

Quest'ultimo gruppo, forte di decine di migliaia di persone, ha condotto una guerra inespicabile contro l'Unione Sovietica: tra l'estate del 1944 e l'inizio degli anni '50, ha assassinato 35.000 funzionari civili e militari, con il sostegno finanziario tedesco e americano, in particolare dal 1947-48. Un eccellente storico tedesco-polacco che ha avuto grossi problemi di censura dopo la "rivoluzione arancione" del 2004, Grzegorz Rossolinski-Liebe, ha dimostrato che il banderismo rimane un inestinguibile terreno di coltura filonazista: i molti eredi di Bandera nutrono un odio uguale per polacchi, russi, ebrei e ucraini che non sono fascisti. Inutile dire che questo ricercatore ha avuto grossi problemi di censura dalla "rivoluzione arancione" del 2004, e ancora di più nell'era di Maidan, soprattutto perché la sua tesi studiava come, dal 1943, i banderisti avevano creato una propria leggenda di "resistenza ai nazisti" tanto quanto ai rossi che agli ebrei. Una leggenda che è stata molto utile per l'inclusione nella lista dei gruppi "democratici" sostenuti da Washington.

Quali sono state le conseguenze di questa collusione?

Tra i criminali di guerra accolti calorosamente negli Stati Uniti, gli intellettuali contavano molto. Dal 1948, sono stati reclutati in gran numero dalle università americane, quella dell'Ivy League in testa, tra cui Harvard e Columbia. Nei "centri di ricerca sulla Russia" che sono proliferati dal 1946-1947, hanno partecipato, insieme ai loro prestigiosi colleghi americani, a una frenetica guerra ideologica contro la Russia. Fu in questo contesto che si diffuse la leggenda del "l'Holodomor", i cui eventi hanno poi segnato le tappe decisive della conquista dell'Ucraina. Questa "ricerca" e questo "insegnamento", impiegati per più di 70 anni, e diffusi in massa, con l'aiuto dei grandi media, nel corso dei decenni nell'Europa americana, hanno letteralmente "imputridito" la conoscenza "occidentale" della storia dell'Ucraina (e, più in generale, dell'URSS).

I sostenitori politici di Euromaidan, avatar delle innumerevoli "rivoluzioni arancioni" degli ultimi vent'anni, hanno formato la spina dorsale del 2014, alleandosi con gli oligarchi che, dal 1991, avevano monopolizzato tutta la ricchezza dell'Ucraina. Va notato che questo tipo di saccheggio non è proprio della Russia di Putin; può essere osservato in quasi tutti i paesi usciti dall'Unione Sovietica. In Ucraina, gli oligarchi hanno fatto affidamento su questi elementi banderisti. Lo Stato ucraino di Poroshenko e dei suoi successori dal 2014 si appoggia apertamente su questi movimenti nazisti che gli Stati Uniti hanno pasciuto al loro seno, senza tregua dal 1944-1945.

Gli Stati Uniti avevano infatti un programma esplicito, codificato nel giugno 1948 nel quadro della Cia, per liquidare puramente e semplicemente non solo la zona di influenza sovietica ma lo stesso Stato sovietico. Fu sotto l'amministrazione democratica che venne messa in atto la politica del "rollback" [annullamento] per schiacciare il comunismo dovunque si fosse stabilito (e per impedire che si stabilisse ovunque nella zona d'influenza americana). Come tutta una serie di lavori storici hanno dimostrato, compresi lavori di ricercatori americani con forti legami con l'apparato statale e robusti sentimenti antisovietici, questo programma è stato sicuramente attuato con la Cia fin dalla sua nascita, nel luglio 1947.

Possiamo cogliere tutta la portata del programma nel testo del febbraio 1952 di Armand Bérard, diplomatico francese distaccato a Bonn, che cito per esteso in Aux origines du Carcan européen. Bérard profetizzava che la Russia, così indebolita dalla guerra di logoramento tedesca condotta contro di lei dal 1941 al 1945 (27-30 milioni di morti, l'URSS europea devastata) avrebbe capitolato sotto i colpi degli Stati Uniti e della Germania di Adenauer, ufficialmente perdonata per i suoi crimini e riarmata fino ai denti: Mosca avrebbe finito per cedere tutta l'Europa centrale e orientale, che costituiva la sua "zona d'influenza" e che era stata oggetto "dei cambiamenti fondamentali, in particolare di natura democratica, che, dal 1940, hanno avuto luogo nell'Europa orientale", nelle parole di questo diplomatico molto "occidentale". E la data del 1940 si riferisce alla sovietizzazione degli Stati baltici e di parti della Romania e della Polonia, gli uni più fascisti degli altri.

Ma ci sono voluti alcuni anni.

Dopo il 1945, questo tipo di progetto ha richiesto tempo, poiché il governo sovietico era meno indifferente al proprio popolo e ai popoli circostanti di quanto la storia della propaganda "occidentale" sostenga. Ma è stato portato avanti con notevole continuità e con enormi risorse finanziarie. L'intera popolazione fu presa di mira, ma un'attenzione particolare fu dedicata alle élite statali e intellettuali del paese, che, come priorità, dovevano essere distaccate dallo Stato sovietico. Lo sforzo è accelerato considerevolmente dopo la vittoria degli Stati Uniti nel 1989, e con maggiore efficienza, mentre la Russia attraversava un decennio di completa decadenza. Bisogna ricordare che sotto Eltsin, le potenze straniere, in primo luogo gli Stati Uniti, hanno governato il paese, l'economia venduta all'asta è crollata, la popolazione diminuita dello 0,5% all'anno (drammaticamente in Siberia e nell'Estremo Oriente), e l'aspettativa di vita della popolazione russa era scesa drasticamente nel 1994 (di quasi dieci anni per gli uomini).

Durante questi anni, il lavoro delle termiti tedesco-americane che Breitman e Goda hanno descritto per gli anni 1945-1990 (perché i tedeschi erano strettamente coinvolti) si è ovviamente intensificato. È vero che il National Endowment for Democracy (NED), caro a Patricia Nuland, un'eminenza delle amministrazioni Bush e poi di tutti i suoi successori democratici, Biden compreso, ha appena cancellato dal proprio sito i suoi dossier sul finanziamento, che fino ad allora erano stati pubblici, almeno in parte, della secessione dell'Ucraina, e poi del suo inserimento nell'apparato di aggressione alla Russia. Ma il sito del Dipartimento di Stato non ha censurato l'ammissione del 13 dicembre 2013 del sottosegretario Nuland, la signora delle opere buone di Maidan, così presente a Kiev nel febbraio 2014, davanti al Congresso: lì ha dichiarato con orgoglio che dalla caduta dell'URSS (1991), "gli Stati Uniti" hanno "investito più di 5 miliardi di dollari per assistere l'Ucraina". Lo scopo era certamente quello di assicurarsi una presa definitiva sulla miniera d'oro agricola e industriale ucraina, obiettivo finale di questa lunga crociata. Ma era anche per portare l'Ucraina nella Nato, di cui quasi tutti i paesi dell'ex zona di influenza sovietica e molte delle ex repubbliche sovietiche sono già membri. Questo è stato riconosciuto da molti anni. È stato chiaramente riaffermato dalla "carta di partenariato strategico Stati Uniti-Ucraina firmata il 10 novembre 2021 dal segretario di Stato americano Antony Blinken e dal ministro degli Esteri ucraino Dmytro Kuleba": questa è la dicitura orgogliosamente esibita dal Parlamento europeo di Strasburgo nella sua "Risoluzione del 16 dicembre 2021 sulla situazione alla frontiera ucraina e nei territori occupati dell'Ucraina occupati dalla Russia".

Da quel momento in poi, Mosca doveva essere portata a cinque minuti dalle bombe atomiche che erano state conservate nei paesi membri della Nato fin dalle origini del Patto atlantico (in alcuni casi fin dai primi anni '50). C'era da esacerbare il contenzioso delle miserie inflitte dall'Ucraina di Maidan alle popolazioni del Donbass, in chiara violazione degli accordi di Minsk. La propaganda occidentale ha taciuto dal 2014 al febbraio 2022 su queste miserie e su questa violazione degli accordi di cui Parigi e Berlino erano "garanti".
La lunga congiuntura storica e gli sviluppi dal 1989, seriamente aggravati dal 2014, hanno messo all'angolo la Russia. Tutti gli osservatori ragionevoli sottolineano che ha lanciato la guerra contro l'Ucraina il 24 febbraio 2022, spinta ai suoi limiti estremi. Questo passo ricorda quello fatto dall'Unione Sovietica alla fine del 1939.

Che cosa intende con questo?

Questo è un elemento essenziale. Alla fine del 1939, l'Unione Sovietica fece un sincero tentativo di negoziare con la Finlandia, presentata negli archivi storici e militari come un puro e semplice alleato della Germania nazista. Dal 1935, la Germania aveva installato una serie di campi d'aviazione militare in Finlandia, che erano basi d'attacco dell'URSS cedute de facto alla Germania, e che furono effettivamente utilizzate durante la guerra per l'aggressione tedesca contro l'URSS. Per settimane, Mosca ha discusso invano con la Finlandia, che una volta era stata parte dell'Impero russo ma che era diventata un paese chiave del "cordone sanitario" antibolscevico nel 1918-1919. I sovietici chiesero alla Finlandia di scambiare parte del suo territorio per creare una forte zona cuscinetto difensiva intorno a Leningrado con un territorio (sovietico) più vasto. Le trattative fallirono, sotto la pressione della Germania e di tutti i paesi "democratici" che, come dichiarò all'epoca un diplomatico fascista italiano, sognavano una generale "Santa Alleanza" contro i sovietici.

L'URSS invase la Finlandia il 30 novembre 1939. Ha dovuto affrontare una propaganda del tipo di quella diffusa ora e delle sanzioni (compresa l'espulsione dalla Società delle Nazioni, ottenuta all'unanimità il 14 dicembre). Si trattava solo del mostro sovietico contro la povera piccola Finlandia, e il Vaticano del filo-nazista Pio XII era sbilanciato come il Papa attuale sui "fiumi di sangue" ucraini. La "guerra d'inverno", in un paese chiave del "cordone sanitario" dove la popolazione era stata "scaldata" contro il comunismo e l'URSS per oltre vent'anni, fu terribile.

Dolorosamente, l'Armata Rossa ha infine sconfitto la Finlandia. E il 12 marzo 1940, l'accordo raggiunto diede a Helsinki ciò che Mosca aveva già offerto nel 1939, né più né meno, e senza dubbio protesse Leningrado dall'invasione. È significativo che l'attuale campagna di propaganda vilipenda il lungo periodo di neutralità che la Finlandia del dopoguerra ha osservato, dopo che la Finlandia filonazista era passata, come previsto, in guerra dalla parte della Germania.

Quindi questo le ricorda l'attuale situazione in Ucraina?

Sì, se ci si attiene ai fatti storici e non ci si limita a dire che siamo di fronte a un mostro squilibrato. Leggo oggi in petizioni o giornali di riferimento che "Putin" sta incendiando un'Europa finora calma e pacifica. Ma non abbiamo sentito questi intellettuali, reclutati in massa dalla grande stampa e scatenati contro il "nuovo Hitler", protestare e manifestare contro le centinaia di migliaia di morti causati dai bombardamenti americani ed "europei" in Iraq, Libia, Afghanistan e Siria. Le stesse persone che maledicono "Putin" hanno trovato eccellenti i 78 giorni di bombardamenti contro Belgrado e il "nuovo Hitler" Milosevic. Il paragone, va notato, è stato applicato a tutti i "nemici" che l'Occidente si è creato da quando Nasser nazionalizzò il canale di Suez.

Né ricordo la forte indignazione di questi nuovi antinazisti per i 500.000 bambini morti in Iraq per mancanza di cibo e cure mediche come conseguenza immediata del blocco anglo-americano, bambini il cui sacrificio "valeva la pena" secondo l'ex segretario di Stato democratico Madeleine Albright, recentemente scomparsa. Cos'è questo sistematico doppio standard, applicato anche alle popolazioni martirizzate del Donbass, che Putin è accusato di aver strumentalizzato per otto anni contro la tanto simpatica Ucraina?

Questa guerra, per quanto deplorevole, è stata annunciata molto tempo fa, e le voci ragionevoli di militari, diplomatici e accademici in Occidente, che non hanno accesso a nessun grande organo di "informazione" privato o statale, sono categoriche sulle responsabilità esclusive e di lunga data degli Stati Uniti nello scoppio del conflitto che hanno reso inevitabile.

Come si svilupperanno le cose?

Non faccio commenti sul futuro, perché gli storici non dovrebbero fare previsioni, soprattutto data l'informazione, esecrabile, attualmente disponibile. Ma mi sento in diritto di affermare che gli Stati Uniti sono la potenza imperialista le cui guerre di aggressione hanno, dalla fine della Seconda guerra mondiale, accumulato milioni di morti. Raccomando il libro tradotto di William Blum, un ex funzionario della Cia (sono i migliori analisti), che ha stabilito una rigorosa cronologia dei crimini degli Stati Uniti contro una serie di stati cosiddetti "canaglia".

La Russia non è sempre stata vista come tale da "l'Occidente", dai tempi della "Grande alleanza" e dello "zio Joe" (Josif Stalin). Fino agli ultimi decenni di propaganda unilaterale "occidentale" sulla liberazione dell'Europa attraverso il solo sbarco americano nel giugno 1944, era ampiamente riconosciuto che solo l'Armata Rossa aveva sconfitto la Wehrmacht, e a quale prezzo! Secondo stime recenti, gli Stati Uniti hanno subito meno di 300.000 morti totali nella Seconda guerra mondiale sui fronti di Pacifico ed Europa, tutti morti militari. Ho ricordato prima il mostruoso bilancio di morti di parte sovietica: dieci milioni di vittime militari, da 17 a 20 milioni le vittime civili.
Finora la Russia, sovietica o no, non ha seminato rovine in guerre straniere. È stata oggetto di aggressioni ininterrotte da parte delle grandi potenze imperialiste dal gennaio 1918. Non lo dico perché sono una sostenitrice di Putin. Tutti i documenti d'archivio vanno in questa direzione, i diplomatici e i militari occidentali sono i primi a saperlo e ad ammetterlo nella loro corrispondenza non destinata alla pubblicazione. Questo è il tipo di documentazione che ho scavato per più di cinquant'anni. Non faccio, attraverso il mio lavoro e nel giudicare l'attuale congiuntura, che il mio mestiere di storico.