1. M. Collon: "Qui a tué Djindjic?"
2. A. Jejcic: "Non au régime d'exception à Belgrade!"
=== 1 ===
----- Original Message -----
From: Michel COLLON
Sent: Thursday, March 13, 2003 5:32 PM
Subject: Qui a tué Djindjic?
Qui a tué Djindjic?
Et quelles seront les répercussions dans les Balkans?
Sherlock Holmes aurait du travail à Belgrade. Et bien des suspects
sur les bras, car il serait difficile d'y trouver des amis de
Djindjic.
"Vous êtes le chef de la maffia, et j'en ai les preuves", venait de
lui lancer en plein parlement Vojislav Seselj. Beaucoup le pensaient
aussi. Où va la Serbie?
Michel Collon
Qui avait porté Zoran Djindjic au pouvoir? Le peuple serbe, nous
disaient les médias. En réalité, sa cote de popularité avait toujours
été proche du zéro (à l'inverse de Kostunica). Surtout après qu'il ait
soutenu l'Otan tandis que les bombes pleuvaient sur son pays.
Qui alors avait porté Djindjic au pouvoir? L'Occident. Grâce à 9
années d'un embargo épuisant (dicté par le FMI pour liquider
l'autogestion et imposer la globalisation). Plus 9 années d'une
guerre médiatique de diabolisation. Plus 78 jours de bombardements
de l'OTAN. Plus des dizaines de millions de dollars d'une
campagne de déstabilisation orchestrée par la CIA en 2000 pour
chasser Milosevic. Le même genre de campagne qui a jusqu'à
présent échoué contre Chavès.
Depuis, on ne nous parlait plus jamais de la Yougoslavie, ce pays
à qui l'Ouest avait généreusement offert le « marché libre », la
démocratie, et la promesse d'une entrée dans l'Otan et l'UE contre
l'abandon de toutes ses richesses aux multinationales. Depuis 2000,
plus un mot. Etait-ce la fin de l'Histoire, la globalisation ayant
triomphé jusqu'à Belgrade? Et au Kosovo où l'on venait,
discrètement, de privatiser 25% des entreprises en fermant tout le
reste?
Mais l'Histoire n'est jamais terminée. Le peuple serbe résistait
aux privatisations et aux trahisons. Les ouvriers de Zastava venaient
de faire grève, refusant d'être jetés à la poubelle pour qu'un groupe
canadien puisse faire main basse sur leur usine. L'Otan était
toujours qualifié comme il le mérite, à savoir « agresseur ». La
fierté restait debout attisant la crise du groupe au pouvoir.
Deux ou trois hypothèses?
Qui a tué Djindjic? Plusieurs hypothèses même si, à ce stade, il
convient de rester prudent. La méthode professionnelle employée
semble exclure l'idée d'un patriote voulant venger son pays trahi.
Restent: 1. Les rivalités au sein de la clique au pouvoir. 2. Un
règlement de comptes maffieux. Ou les deux ensemble.
Djindjic avait renversé Milosevic en construisant une coalition
hétéroclite de 18 partis dont le seul ciment était l'arrivisme. Une
fois arrivé au pouvoir, il s'était empressé de le confisquer,
suscitant le dépit car les privatisations profitaient surtout à ses
copains (voir notre article "Où en est la Yougoslavie?"). Les déçus de
son propre camp étaient donc nombreux et n'auraient sans doute pas
payé cent dinars pour augmenter le nombre de ses gardes du corps.
Mais qui étaient ces « copains » de feu Djindjic? Il y a
quelques mois, il avait étouffé une enquête sur la maffia et
les ministres du parti de Kostunica avaient démissionné
pour protester. Qui dit maffia, dit rivalités, intérêts lésés et
règlements de comptes. On ne spéculera pas sur la
question d'où viennent les balles. Mais on rappellera des
précédents: les protégés de l'Occident en ex-Yougoslavie
ont tous été liés à de sombres trafics, même si les médias
restent bien discrets là aussi. L'entourage du président
bosniaque Izetbegovic a détourné des millions de dollars
d' « aide internationale ». L'UCK, signalent tous les
services policiers européens, a transformé le Kosovo en
plaque tournante des trafics de drogue, armes et
prostitution. « L'Otan a fait un mariage de raison avec la
maffia », indiquions-nous dans notre film "Les Damnés du Kosovo" [1].
Dans la propagande occidentale, Djindjic était « l'homme qui
instaure la démocratie ». Or, ce bilan est tout aussi désastreux. Il a
supprimé l'Etat yougoslave juste pour priver de poste son rival
Kostunica. Il a illégalement fait exclure du parlement les députés du
plus grand parti, celui de Kostunica. Il a foulé aux pieds le jugement
de la Cour Suprême invalidant cette exclusion. Il avait fait pareil
lorsque la même Cour a rejeté la livraison - kidnapping de Milosevic
vers La Haye. Il a privé l'armée de ses budgets (y compris pour la
nourriture des soldats) parce que celle-ci avait démasqué des espions
étrangers au sein du gouvernement. L'homme providentiel de
l'Ouest était juste un gangster politique.
Washington contre Berlin?
En Serbie, la rue appelait Djindjic « l'homme des Allemands ». Ce
matin, une journaliste italienne nous a demandé: « Le meurtre
pourrait-il être lié à la rivalité Washington et Berlin dont vous avez
tant parlé depuis des années?» Ce n'est pas le genre de choses qui se
prouve facilement. Mais c'est en tout cas parfaitement possible.
Quelques indices?
Indice n° 1 : C'est le moment de rappeler pourquoi la guerre en
Bosnie a duré si longtemps. Dans ses mémoires, Lord Owen, envoyé
spécial européen, écrivit: « Je respecte beaucoup les Etats-Unis.
Mais durant ces dernières années (92-95), la diplomatie de ce pays
est coupable d'avoir prolongé inutilement la guerre en Bosnie. » [2]
Que visait-il? Ce que nous avons exposé dans notre livre Poker
menteur [3]: En 91, Berlin a fait éclater la Yougoslavie et pris le
contrôle des nouveaux régimes en Slovénie, Croatie et Bosnie.
D'abord prise de vitesse, Washington s'est efforcée de récupérer les
cartes en mains. La Yougoslavie, c'est le Danube, route stratégique
vers le Moyen-Orient et vers le Caucase, donc vers le pétrole et le
gaz. La voie que toutes les grandes puissances ont toujours voulu
contrôler.
Berlin veut amener son pétrole via le Danube et le Rhin. Par
contre, Washington veut construire un pipe-line plus au sud à
travers la Bulgarie, la Macédoine et l'Albanie. Car les Etats-Unis
entendent contrôler l'approvisionnement énergétique de leurs
rivaux, Europe et Japon. Ils ont construit au Kosovo la super-base
militaire de camp Bondsteel qu'ils comptent utiliser contre l'Irak.[4]
En Bosnie, Washington avait donc ordonné au président
bosniaque Izetbegovic de ne signer aucun accord de paix proposé par
les Européens en lui promettant de gagner la guerre sur le terrain.
Ce qui fut fait. Bref, les USA ont prolongé la guerre de deux années
et aussi les souffrances de toutes les populations. Dans la rivalité
entre grandes puissances, les pires coups sont permis.
Indice N° 2 : En 2000, Washington, qui contrôle les crédits accordés
ou non par le FMI, avait promis des flots de crédits pour aider le
nouveau régime et maintenir les illusions électorales créées dans la
population. Mais rien ne venait. Dans une interview au Spiegel, un
hebdo allemand précisément, Djindjic s'était plaint d'être ainsi mis
en danger: « J'avertis l'Occident ». Prémonitoire. Tout ce qu'on
peut dire à ce stade, c'est que Djindjic sera davantage regretté à
Berlin qu'à Washington.
Indice N° 3 : Que se passe-t-il ces temps-ci entre les grands alliés
de toujours, USA d'un côté, Allemagne et France de l'autre? La plus
grande dispute depuis la 2ème guerre mondiale. Si Washington veut
absolument attaquer l'Irak, et puis l'Iran, c'est aussi pour affaiblir
ses rivaux européens. Les multinationales anglo-américaines Esso,
BP, Shell veulent évincer d'Irak la société française Total. Et aussi
évincer d'Iran son partenaire économique numéro un: l'Allemagne.
Au moment où Berlin et Paris dérangent Bush, le coup porté à leur
pion serbe pourrait très bien être un avertissement dans cette
cynique partie d'échecs que constitue la guerre globale.
Et maintenant?
Quelles seront les conséquences de la disparition de Djindjic? 1. La
crise au sein du régime va encore s'aggraver. Kostunica tentera de
récupérer son pouvoir perdu. Les divers clans vont s'affronter pour
prendre le contrôle de l'économie et des trafics. 2. Un danger
fasciste guette la Serbie car le nouveau pouvoir aura fort à faire
pour briser les résistances ouvrières. 3. Les Balkans pourraient
replonger dans la déstabilisation.
Les Balkans pacifiés par l'intervention humanitaire de l'Ouest?
Le mythe aura du mal à se maintenir. Après la guerre déclenchée en
Macédoine en 2001 par les protégés des Etats-Unis, c'est le Sandjak
qui pourrait s'embraser avec une nouvelle menace de séparatisme à
base « nationaliste », en réalité manipulée de l'extérieur. Au
Kosovo, Washington continue à protéger l'UCK et son nettoyage
ethnique qui chasse les Serbes, mais aussi les Juifs, les Roms, les
Musulmans, bref toutes les minorités non albanaises. Ca gêne de
plus en plus certains puissances européennes qui aimeraient
stabiliser la zone et construire leur « corridor énergétique ».
D'autres régions voisines pourraient basculer. Une région où
s'affrontent les projets de pipe-lines ne saurait rester calme
longtemps.
Avec ce bilan catastrophique, il serait temps que la gauche
occidentale sorte de son silence et dresse le bilan de quatre années
d'occupation OTAN au Kosovo. C'est une catastrophe. Au moment
où Washington prépare d'autres occupations, la vérité doit
absolument être connue et reconnue. Que le débat s'ouvre enfin!
13 mars 2003
(Existe aussi en anglais, espagnol...)
==========================================
Voir aussi, du même auteur :
www.lesdamnesdukosovo.chiffonrouge.org
- Deux ans après, où en est la Yougoslavie ?
- Kosovo, testez vos connaissances
- Interview : Que se passe-t-il à présent au Kosovo ? Un film
brise le silence.
==========================================
[1] Les Damnés du Kosovo, film de Michel Collon et Vanessa
Stojilkovic, disponible en vidéo en français, espagnol, italien,
néerlandais, anglais, serbe... cfr: lesdamnesdukosovo.chiffonrouge.org
[2] El Pais, 12 novembre 1995.
[3] Michel Collon, Poker menteur, EPO, Bruxelles, 1998, chap. 9.
En anglais: Liars' Poker. En espagnol: El juego de la mentira.
[4] Voir Les Damnés du Kosovo. Et Michel Collon, Monopoly,
Bruxelles, 2000, p. 98, 120, 122.
=== 2 ===
Non au régime d'exception à Belgrade!
Avec l'assassinat de Zoran Djindjic ce 12 mars 2003 s'achève en Serbie
une période historique qui débuta le 5 octobre 2001 dans les
circonstances qu'on connait. Ce jour là, avec l'aide de l'étranger et
le soutien logistique de la mafia un groupe de politiciens serbes
rassemblés au sein de l'Opposition Démocratique Serbe (DOS) s'empara
du pouvoir.
Ce double parrainage devait orienter l'action des démocrates serbes et
du gouvernement, qu'ils constituèrent sous la présidence de Zoran
Djindjic.
Ainsi, ceux-ci ont-ils donné aux investisseurs occidentaux la
possibilité de mettre main basse sur nombre d'usines parmis les plus
importantes du pays.
Ainsi, ont-ils instauré la loi de la terreur en violant le
constitution et en abandonnant toute morale et éthique dans la
conduite des affaires publiques.
Ce qui devait arriver est arrivé: le pays est en ruine, ses
institutions sont démantelées. Sans Président de la République, depuis
hier sans Premier ministre, avec un parlement dépourvu de toute
légitimité démocratique, avec un état fédéral démantelé, la Serbie et
le peuple serbe se retrouvent dans à une situation dramatique lourde
de tous les dangers.
Désormais, la question se pose: la Serbie et son peuple vont-ils
renouveler leur démocratie pour reconstruire leur pays ruiné ou bien
vont-ils succomber à la terreur fasciste pour le plus grand bien des
tenants de l'impérialisme occidental et de la mafia locale.
Il faut croire que l'Opposition Démocratique Serbe au pouvoir à
Belgrade a tranché la question en instaurant la loi martiale dès hier
soir. De la sorte, essaie-t-elle de se maintenir à la tête du pays
pour assurer par la contrainte la continuation dans la voie
catastrophique qu'elle inaugura il y a deux ans et demi. Poursuivre
l'oeuvre désastreuse entreprise le 5 octobre 2001, quelques soient les
moyens employés, telle est l'unique ambition de ceux qui
insensiblement s'apprètent à revétir l'ignoble acoutrement gris olive
comme on dit en serbe.
Bien évidemment, la conduite des autorités belgradoises recontre
l'assentiment de l'ensemble des ennemis du peuple serbe avec à sa tête
Javier Solana, George W. Bush et quelques autres. Toutefois, s'il a su
garder son calme à l'annonce de l'asssassinat de Zoran Djindjic, le
peuple serbe ne saurait se soumettre à la loi du silence. Partout dans
le pays, chaque jour depuis des mois, de dix à quinze mille
travailleurs font grève et manifestent, c'est dire que la révolte des
classes laborieuses ne cesse de s'exprimer. Elle continuera, comme à
Kragujevac, où sont situées les usines automobiles Zastava. Après des
jours et des jours de manifestations, la ville entière attend avec
fermeté la venue prochaine du ministre de l'économie Bozidar Djelic.
Loi martiale ou pas, ce qui compte pour les habitants cette ville de
Serbie centrale c'est leur usines. Et le message qu'ils ne cessent de
clamer depuis des semaines en parcourant le pays exprime déjà
l'opposition populaire aux projets séditieux.
Barrer la route à la sédition, telle est la tâche des patriotes serbes
à présent. En informant le public francais sur la réalité tragique de
l'affrontement qui se déroule dans ce pays ami, en dénoncant la mise
en place d'un régime d'exception on défend la démocratie en Serbie et,
par voie de conséquence, on la défend également chez nous.
A. Jejcic, Paris
2. A. Jejcic: "Non au régime d'exception à Belgrade!"
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----- Original Message -----
From: Michel COLLON
Sent: Thursday, March 13, 2003 5:32 PM
Subject: Qui a tué Djindjic?
Qui a tué Djindjic?
Et quelles seront les répercussions dans les Balkans?
Sherlock Holmes aurait du travail à Belgrade. Et bien des suspects
sur les bras, car il serait difficile d'y trouver des amis de
Djindjic.
"Vous êtes le chef de la maffia, et j'en ai les preuves", venait de
lui lancer en plein parlement Vojislav Seselj. Beaucoup le pensaient
aussi. Où va la Serbie?
Michel Collon
Qui avait porté Zoran Djindjic au pouvoir? Le peuple serbe, nous
disaient les médias. En réalité, sa cote de popularité avait toujours
été proche du zéro (à l'inverse de Kostunica). Surtout après qu'il ait
soutenu l'Otan tandis que les bombes pleuvaient sur son pays.
Qui alors avait porté Djindjic au pouvoir? L'Occident. Grâce à 9
années d'un embargo épuisant (dicté par le FMI pour liquider
l'autogestion et imposer la globalisation). Plus 9 années d'une
guerre médiatique de diabolisation. Plus 78 jours de bombardements
de l'OTAN. Plus des dizaines de millions de dollars d'une
campagne de déstabilisation orchestrée par la CIA en 2000 pour
chasser Milosevic. Le même genre de campagne qui a jusqu'à
présent échoué contre Chavès.
Depuis, on ne nous parlait plus jamais de la Yougoslavie, ce pays
à qui l'Ouest avait généreusement offert le « marché libre », la
démocratie, et la promesse d'une entrée dans l'Otan et l'UE contre
l'abandon de toutes ses richesses aux multinationales. Depuis 2000,
plus un mot. Etait-ce la fin de l'Histoire, la globalisation ayant
triomphé jusqu'à Belgrade? Et au Kosovo où l'on venait,
discrètement, de privatiser 25% des entreprises en fermant tout le
reste?
Mais l'Histoire n'est jamais terminée. Le peuple serbe résistait
aux privatisations et aux trahisons. Les ouvriers de Zastava venaient
de faire grève, refusant d'être jetés à la poubelle pour qu'un groupe
canadien puisse faire main basse sur leur usine. L'Otan était
toujours qualifié comme il le mérite, à savoir « agresseur ». La
fierté restait debout attisant la crise du groupe au pouvoir.
Deux ou trois hypothèses?
Qui a tué Djindjic? Plusieurs hypothèses même si, à ce stade, il
convient de rester prudent. La méthode professionnelle employée
semble exclure l'idée d'un patriote voulant venger son pays trahi.
Restent: 1. Les rivalités au sein de la clique au pouvoir. 2. Un
règlement de comptes maffieux. Ou les deux ensemble.
Djindjic avait renversé Milosevic en construisant une coalition
hétéroclite de 18 partis dont le seul ciment était l'arrivisme. Une
fois arrivé au pouvoir, il s'était empressé de le confisquer,
suscitant le dépit car les privatisations profitaient surtout à ses
copains (voir notre article "Où en est la Yougoslavie?"). Les déçus de
son propre camp étaient donc nombreux et n'auraient sans doute pas
payé cent dinars pour augmenter le nombre de ses gardes du corps.
Mais qui étaient ces « copains » de feu Djindjic? Il y a
quelques mois, il avait étouffé une enquête sur la maffia et
les ministres du parti de Kostunica avaient démissionné
pour protester. Qui dit maffia, dit rivalités, intérêts lésés et
règlements de comptes. On ne spéculera pas sur la
question d'où viennent les balles. Mais on rappellera des
précédents: les protégés de l'Occident en ex-Yougoslavie
ont tous été liés à de sombres trafics, même si les médias
restent bien discrets là aussi. L'entourage du président
bosniaque Izetbegovic a détourné des millions de dollars
d' « aide internationale ». L'UCK, signalent tous les
services policiers européens, a transformé le Kosovo en
plaque tournante des trafics de drogue, armes et
prostitution. « L'Otan a fait un mariage de raison avec la
maffia », indiquions-nous dans notre film "Les Damnés du Kosovo" [1].
Dans la propagande occidentale, Djindjic était « l'homme qui
instaure la démocratie ». Or, ce bilan est tout aussi désastreux. Il a
supprimé l'Etat yougoslave juste pour priver de poste son rival
Kostunica. Il a illégalement fait exclure du parlement les députés du
plus grand parti, celui de Kostunica. Il a foulé aux pieds le jugement
de la Cour Suprême invalidant cette exclusion. Il avait fait pareil
lorsque la même Cour a rejeté la livraison - kidnapping de Milosevic
vers La Haye. Il a privé l'armée de ses budgets (y compris pour la
nourriture des soldats) parce que celle-ci avait démasqué des espions
étrangers au sein du gouvernement. L'homme providentiel de
l'Ouest était juste un gangster politique.
Washington contre Berlin?
En Serbie, la rue appelait Djindjic « l'homme des Allemands ». Ce
matin, une journaliste italienne nous a demandé: « Le meurtre
pourrait-il être lié à la rivalité Washington et Berlin dont vous avez
tant parlé depuis des années?» Ce n'est pas le genre de choses qui se
prouve facilement. Mais c'est en tout cas parfaitement possible.
Quelques indices?
Indice n° 1 : C'est le moment de rappeler pourquoi la guerre en
Bosnie a duré si longtemps. Dans ses mémoires, Lord Owen, envoyé
spécial européen, écrivit: « Je respecte beaucoup les Etats-Unis.
Mais durant ces dernières années (92-95), la diplomatie de ce pays
est coupable d'avoir prolongé inutilement la guerre en Bosnie. » [2]
Que visait-il? Ce que nous avons exposé dans notre livre Poker
menteur [3]: En 91, Berlin a fait éclater la Yougoslavie et pris le
contrôle des nouveaux régimes en Slovénie, Croatie et Bosnie.
D'abord prise de vitesse, Washington s'est efforcée de récupérer les
cartes en mains. La Yougoslavie, c'est le Danube, route stratégique
vers le Moyen-Orient et vers le Caucase, donc vers le pétrole et le
gaz. La voie que toutes les grandes puissances ont toujours voulu
contrôler.
Berlin veut amener son pétrole via le Danube et le Rhin. Par
contre, Washington veut construire un pipe-line plus au sud à
travers la Bulgarie, la Macédoine et l'Albanie. Car les Etats-Unis
entendent contrôler l'approvisionnement énergétique de leurs
rivaux, Europe et Japon. Ils ont construit au Kosovo la super-base
militaire de camp Bondsteel qu'ils comptent utiliser contre l'Irak.[4]
En Bosnie, Washington avait donc ordonné au président
bosniaque Izetbegovic de ne signer aucun accord de paix proposé par
les Européens en lui promettant de gagner la guerre sur le terrain.
Ce qui fut fait. Bref, les USA ont prolongé la guerre de deux années
et aussi les souffrances de toutes les populations. Dans la rivalité
entre grandes puissances, les pires coups sont permis.
Indice N° 2 : En 2000, Washington, qui contrôle les crédits accordés
ou non par le FMI, avait promis des flots de crédits pour aider le
nouveau régime et maintenir les illusions électorales créées dans la
population. Mais rien ne venait. Dans une interview au Spiegel, un
hebdo allemand précisément, Djindjic s'était plaint d'être ainsi mis
en danger: « J'avertis l'Occident ». Prémonitoire. Tout ce qu'on
peut dire à ce stade, c'est que Djindjic sera davantage regretté à
Berlin qu'à Washington.
Indice N° 3 : Que se passe-t-il ces temps-ci entre les grands alliés
de toujours, USA d'un côté, Allemagne et France de l'autre? La plus
grande dispute depuis la 2ème guerre mondiale. Si Washington veut
absolument attaquer l'Irak, et puis l'Iran, c'est aussi pour affaiblir
ses rivaux européens. Les multinationales anglo-américaines Esso,
BP, Shell veulent évincer d'Irak la société française Total. Et aussi
évincer d'Iran son partenaire économique numéro un: l'Allemagne.
Au moment où Berlin et Paris dérangent Bush, le coup porté à leur
pion serbe pourrait très bien être un avertissement dans cette
cynique partie d'échecs que constitue la guerre globale.
Et maintenant?
Quelles seront les conséquences de la disparition de Djindjic? 1. La
crise au sein du régime va encore s'aggraver. Kostunica tentera de
récupérer son pouvoir perdu. Les divers clans vont s'affronter pour
prendre le contrôle de l'économie et des trafics. 2. Un danger
fasciste guette la Serbie car le nouveau pouvoir aura fort à faire
pour briser les résistances ouvrières. 3. Les Balkans pourraient
replonger dans la déstabilisation.
Les Balkans pacifiés par l'intervention humanitaire de l'Ouest?
Le mythe aura du mal à se maintenir. Après la guerre déclenchée en
Macédoine en 2001 par les protégés des Etats-Unis, c'est le Sandjak
qui pourrait s'embraser avec une nouvelle menace de séparatisme à
base « nationaliste », en réalité manipulée de l'extérieur. Au
Kosovo, Washington continue à protéger l'UCK et son nettoyage
ethnique qui chasse les Serbes, mais aussi les Juifs, les Roms, les
Musulmans, bref toutes les minorités non albanaises. Ca gêne de
plus en plus certains puissances européennes qui aimeraient
stabiliser la zone et construire leur « corridor énergétique ».
D'autres régions voisines pourraient basculer. Une région où
s'affrontent les projets de pipe-lines ne saurait rester calme
longtemps.
Avec ce bilan catastrophique, il serait temps que la gauche
occidentale sorte de son silence et dresse le bilan de quatre années
d'occupation OTAN au Kosovo. C'est une catastrophe. Au moment
où Washington prépare d'autres occupations, la vérité doit
absolument être connue et reconnue. Que le débat s'ouvre enfin!
13 mars 2003
(Existe aussi en anglais, espagnol...)
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Voir aussi, du même auteur :
www.lesdamnesdukosovo.chiffonrouge.org
- Deux ans après, où en est la Yougoslavie ?
- Kosovo, testez vos connaissances
- Interview : Que se passe-t-il à présent au Kosovo ? Un film
brise le silence.
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[1] Les Damnés du Kosovo, film de Michel Collon et Vanessa
Stojilkovic, disponible en vidéo en français, espagnol, italien,
néerlandais, anglais, serbe... cfr: lesdamnesdukosovo.chiffonrouge.org
[2] El Pais, 12 novembre 1995.
[3] Michel Collon, Poker menteur, EPO, Bruxelles, 1998, chap. 9.
En anglais: Liars' Poker. En espagnol: El juego de la mentira.
[4] Voir Les Damnés du Kosovo. Et Michel Collon, Monopoly,
Bruxelles, 2000, p. 98, 120, 122.
=== 2 ===
Non au régime d'exception à Belgrade!
Avec l'assassinat de Zoran Djindjic ce 12 mars 2003 s'achève en Serbie
une période historique qui débuta le 5 octobre 2001 dans les
circonstances qu'on connait. Ce jour là, avec l'aide de l'étranger et
le soutien logistique de la mafia un groupe de politiciens serbes
rassemblés au sein de l'Opposition Démocratique Serbe (DOS) s'empara
du pouvoir.
Ce double parrainage devait orienter l'action des démocrates serbes et
du gouvernement, qu'ils constituèrent sous la présidence de Zoran
Djindjic.
Ainsi, ceux-ci ont-ils donné aux investisseurs occidentaux la
possibilité de mettre main basse sur nombre d'usines parmis les plus
importantes du pays.
Ainsi, ont-ils instauré la loi de la terreur en violant le
constitution et en abandonnant toute morale et éthique dans la
conduite des affaires publiques.
Ce qui devait arriver est arrivé: le pays est en ruine, ses
institutions sont démantelées. Sans Président de la République, depuis
hier sans Premier ministre, avec un parlement dépourvu de toute
légitimité démocratique, avec un état fédéral démantelé, la Serbie et
le peuple serbe se retrouvent dans à une situation dramatique lourde
de tous les dangers.
Désormais, la question se pose: la Serbie et son peuple vont-ils
renouveler leur démocratie pour reconstruire leur pays ruiné ou bien
vont-ils succomber à la terreur fasciste pour le plus grand bien des
tenants de l'impérialisme occidental et de la mafia locale.
Il faut croire que l'Opposition Démocratique Serbe au pouvoir à
Belgrade a tranché la question en instaurant la loi martiale dès hier
soir. De la sorte, essaie-t-elle de se maintenir à la tête du pays
pour assurer par la contrainte la continuation dans la voie
catastrophique qu'elle inaugura il y a deux ans et demi. Poursuivre
l'oeuvre désastreuse entreprise le 5 octobre 2001, quelques soient les
moyens employés, telle est l'unique ambition de ceux qui
insensiblement s'apprètent à revétir l'ignoble acoutrement gris olive
comme on dit en serbe.
Bien évidemment, la conduite des autorités belgradoises recontre
l'assentiment de l'ensemble des ennemis du peuple serbe avec à sa tête
Javier Solana, George W. Bush et quelques autres. Toutefois, s'il a su
garder son calme à l'annonce de l'asssassinat de Zoran Djindjic, le
peuple serbe ne saurait se soumettre à la loi du silence. Partout dans
le pays, chaque jour depuis des mois, de dix à quinze mille
travailleurs font grève et manifestent, c'est dire que la révolte des
classes laborieuses ne cesse de s'exprimer. Elle continuera, comme à
Kragujevac, où sont situées les usines automobiles Zastava. Après des
jours et des jours de manifestations, la ville entière attend avec
fermeté la venue prochaine du ministre de l'économie Bozidar Djelic.
Loi martiale ou pas, ce qui compte pour les habitants cette ville de
Serbie centrale c'est leur usines. Et le message qu'ils ne cessent de
clamer depuis des semaines en parcourant le pays exprime déjà
l'opposition populaire aux projets séditieux.
Barrer la route à la sédition, telle est la tâche des patriotes serbes
à présent. En informant le public francais sur la réalité tragique de
l'affrontement qui se déroule dans ce pays ami, en dénoncant la mise
en place d'un régime d'exception on défend la démocratie en Serbie et,
par voie de conséquence, on la défend également chez nous.
A. Jejcic, Paris