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B. I. Balkans-Infos est un mensuel de politique internationale
totalement indépendant de tout gouvernement, institution ou parti, qui
paraît depuis près de sept ans. Il n'est diffusé que sur abonnements.
Fondé à l'origine pour réagir aux mensonges des grands médias
concernant la Yougoslavie et les Balkans, il est devenu un organe de
référence dans une dénonciation d'ensemble de l'impérialisme
économique, du fanatisme religieux et de la désinformation.
B.I. Balkans - Infos N° 77 mai 2003
SOMMAIRE DU N° 77
Deux articles passionnants sur les coulisses de la guerre à l'Irak.
Le premier explique qu'un des buts de l'agression américaine - avec le
contrôle du pétrole - a été le sauvetage du dollar.
Le second dévoile le secret de la résistance inattendue de la France,
de l'Allemagne et de la Russie.
Des révélations sur les projets américains de protectorat militaire en
Irak et de pressions sur la Syrie.
Kosta Christitch analyse la situation en Serbie après l'assassinat du
Premier ministre Zoran Djindjic et Alain Jejcic traite des dangers de
l'état d'exception.
Un des ex-rédacteurs en chef de la chaîne nationale serbe, rescapé du
drame, fait un récit émouvant de la nuit où l'OTAN a bombardé
l'immeuble de la télévision à Belgrade, faisant plus d'une dizaine de
morts.
Jean-Michel Bérard dénonce la régionalisation envisagée de la
Roumanie, et le Dr Rajko Dolecek fait le procès de la vénalité des
politiciens.
Et de nombreux témoignages de nos lecteurs sur les évènements
d'actualité.
Le quatrième roman d'Ivanka Mikic, " Komarac ", remporte un succès
mérité à Belgrade. Le livre en serbe est disponible en France pour le
prix de 15 euros (envoi compris). Le commander au journal.
EDITORIAL N 77
LES NEOCONS
Je n'invente rien. C'est ain-si que les Américains appellent la clique
de Bush. The "Neocons". The "New Con-servatives". Les nouveaux
conservateurs. Un savoureux hasard linguistique fait que l'appellation
leur va à ravir en français.
Ces neocons sont l'incarnation de ce que l'Amérique peut produire de
plus sinistrement réactionnaire : un mélange d'ignorance, d'avidité et
de bigoterie.
Malheureusement pour l'hu-manité, ils sont aujourd'hui les maîtres du
monde.
Leurs méfaits sont connus. Ils ont déclenché quatre guerres,
progressivement de plus en plus seuls. Ils ont ravagé la Yougoslavie,
l'Af-ghanistan et l'Irak. Ils me-nacent aujourd'hui de se-mer leur
chaos impérial dans d'autres pays. Au mépris croissant de la légalité
internationale et de l'ONU.
Qui sont donc ces Attilas du XXIe siècle ? Une morphologie sommaire
pourrait distinguer quatre types principaux.
Le capitaliste rapace.
Il est le militant du mondialisme militarisé, du libéralisme sauvage
imposé par la force. Ses égéries sont les pétroliers, les
multinationales, les industriels de l'armement. A son image, la
plupart des hauts responsables du gouvernement Bush sont liés aux
grandes compagnies américaines, dont ils défendent cyniquement les
intérêts. Sa cause est la préservation du monopole commercial du
dollar, le contrôle des sour-ces d'énergie, la réduction à la
dépendance des économies nationales, la colonisation et le pillage des
Etats indépendants.
Le shérif dément.
Son monde manichéen est divisé en adjoints et en barbares. Sa loi est
la seule va-lable, en vertu du droit du plus fort. Sont agrées les
domestiques qui le servent les yeux fermés, sont combattus les égarés
qui ne pensent pas comme lui. A son image, les faucons du Bureau Ovale
et du Pentagone, les Rumsfeld, Cheney ou Rice, rêvent d'enfoncer leur
"démocratie" dans la gorge de tous les récalcitrants au moyen d'un
cocktail de chantages et de bom-bes, pour faire régner la "pax
americana" sur une planète à leurs genoux.
Le dévôt abruti.
Il passe son temps en prières et oblige tout le monde à prier avec
lui. Son Dieu, drapé dans la bannière étoilée, a défini "l'axe du mal"
conformément à l'étroite morale d'un quarteron de puritains exaltés.
Sa mission est la croisade, sa vocation l'extermination des
hérétiques. Pour lui, c'est-à-dire pour Bush, l'épée flamboyante de sa
secte religieuse doit embrocher les méchants pour offrir au Seigneur
le chachlik de la rédemption.
Le camelot zélé.
En fait, il y en deux, de mo-dèles de camelots zélés, dans le lobby de
Washington.
D'abord l'avocat de l'islam, qui s'est toujours trompé dans le choix
de ses protégés. Il a soutenu, financé et armé les fondamentalistes
antiserbes en Bosnie, les terroristes albanais au Kosovo, les
fanatiques anti-russes en Af-ghanistan. A chaque fois, la pire
régression confessionnelle contre la modernité pluraliste et laïque.
Aujourd'hui, il favorise les chiites en Irak, qui sont loin d'être les
moins durs des musulmans.
Puis il y a le porte parole de Sharon, c'est-à-dire du pendant juif de
l'intransigeance islamique. Pour ce second ca-melot, Israël et les
Etats-Unis sont deux oasis de démocratie qui ne peuvent se maintenir
dans le désert hostile de l'intégrisme anti-occidental que par leur
puissance militaire. A son image, les Wolfowitz, Per-le ou Feith,
pensent que la po-litique américaine doit avoir pour but principal
l'anéantissement des ennemis d'Israêl : ils sablent le champagne en
voyant les Palestiniens étranglés, Saddam Hussein terrassé et les
autres régimes arabes directement menacés.
Ce recensement des "influen-ces" washingtoniennes appelle une
précision. Le quatuor ci-dessus symbolise un groupe au pouvoir, pas
l'ensemble qu'il prétend représenter. On n'insistera jamais assez sur
ce point, car dissocier les deux est difficile. Le jeu du groupe au
pouvoir est de s'identifier à son ensemble pour valider sa politique,
comme le jeu de toute opposition est de se servir de cette identité
pour attaquer l'ensemble.
D'où les amalgames intolérables. Dénoncer Bush et ses néocons devient
de l'anti-américanisme primaire, com-me condamner Sharon et ses
sponsors d'outre-Atlantique devient de l'anti-sémitisme, ou rejeter la
shariah devient la haine des Arabes.
Accusations d'une rare stupidité, car trouver que les intérêts d'une
nation ou d'un peuple sont mal défendus par ses dirigeants est plutôt
prendre ces intérêts à c?ur.
De plus, la raison critique est un acquis majeur du progrès. On se
bétonne dans la sclérose mentale si on ne peut pas faire le procès de
l'impérialisme sans être anti-américain, celui de la répression
sharonienne sans être raciste et celui du fondamentalisme musulman
sans préparer le futur "choc des civilisations". Ce qui oblige à
cerner nettement ces procès : non à Bush, mais l'Amé-rique est un pays
qu'on continue à admirer, à imiter et même à aimer ; non à Sharon,
mais l'existence d'Israêl ne peut être remise en question et personne
ne méconnaît les atrocités du terrorisme palestinien ; non aux
nouvelles croisades, mais l'islam, dans sa forme dominante actuelle,
est une religion offensive, prosélytique et inacceptable.
Trois observations qui tempèrent certaines convictions manichéennes et
affermissent le réquisitoire contre les chefs qui, par leur
aveuglement, leur sectarisme, leur avidité ou leur violence,
trahissent les Américains, les juifs et les musulmans.
Cette mise au point étant faite, revenons à nos néocons. La
justification "idéologique" de leur politique est une notion qui est
probablement la plus catastrophique de tou-te la géostratégie moderne
: la notion du droit, ou du devoir d'ingérence.
Pourquoi cette notion est-elle une aberration ?
1) - Elle implique un jugement de valeur porté sur des nations ou des
régimes.
Au nom d'une "moralité" occidentale, dont le moins qu'on puisse dire
est qu'elle n'est pas toujours mise en pratique par les Etats qui la
prônent, et d'un système politique - à base de démocratie
parlementaire, de libéralisme économique et d'égalitarisme cito-yen -
qui n'est pas forcément adapté au niveau de développement de tous les
pays de la planète. Les critères de répartition des pays en "bons" et
"mauvais", déjà au départ, ne font pas l'unanimité.
2) - Qui va porter ce jugement ? Il faut un référent suprême qui
s'arroge - ou à qui on reconnaît - le droit de le faire. Un rôle qui
pourrait en partie - idéalement - être joué par les Nations Unies.
Mais malheureusement la realpolitik n'est pas une utopie. Nous vivons
dans un monde où le droit revient au plus fort. En fin de compte,
toute intervention ne peut être décidée - et réalisée - que par la
première puissance du monde, les Etats-Unis. La liste d'"Etats-voyous"
n'est pas établie par André Glucksmann ou Ber-nard-Henri Lévy, ni même
par Kofi Annan, elle est établie par les stratèges du Bu-reau ovale et
du Département d'Etat. C'est l'allumé du Te-xas et sa CIA qui décident
de qui peut continuer à exister.
3) - Cette liste, pour des raisons diplomatiques, stratégiques ou
militaires, entraîne des injustices qui ne peuvent que discréditer la
morale qu'elle prétend représenter. Tel pays doit être mis au pas tout
de suite, comme l'Irak, alors que tel autre paraît plus dangereux,
com-me la Corée du Nord ; telle nation est piétinée parce qu'elle est
indocile, comme la You-goslavie, alors que tel-le autre est cajolée
com-me pilier de l'OTAN, comme la Turquie ; tel chef d'Etat doit être
abattu parce qu'il rue dans les brancards, comme Milosevic ou Saddam
Hus-sein, alors que beaucoup d'autres, bien plus dictatoriaux, sont
épargnés parce qu'ils se montrent coopératifs.
4) - Plus grave encore, la notion d'ingérence conduit, par définition,
à la guerre, au mépris d'un des acquis les plus importants de la
civilisation : la différence entre la guerre offensive et la guerre
défensive. Un progrès de l'humanité a été d'honorer la résistance en
condamnant l'attaque. Or l'ingérence, quel qu'en soit le motif, est
toujours une agression. Un engrenage se met en route, qui mène
inéluctablement de la guerre d'intervention à la guerre de prévention,
c'est à dire à l'initiation des hostilités. On ne réagit plus, on
prend les devants. On ne se défend pas, on attaque. Or l'attaque est
le privilège du plus fort. Désormais, la vie et la mort des peuples
dépendent du bon plaisir de celui, même si c'est un débile mental, qui
peut déclencher l'apocalypse quand il le veut.
5) - Ce pouvoir démesuré cherche à se justifier par la nécessité de
combattre le terrorisme. Mais la guerre en elle-même est une horreur.
Surtout celle qui se fixe ouvertement comme objectif de frapper la
population civile de stupeur en la privant d'eau, d'électricité, de
transports, de nourriture et d'abris. Cette guerre-là, qui prétend
combattre le terrorisme, n'est qu'un terrorisme elle-même. La seule
différence, c'est qu'au lieu d'être un terrorisme de désespoir et de
misère, elle est un terrorisme de puissance et de gros budget.
6) - La notion d'ingérence pose un problème éthique. Dans le mesure où
il ne menace pas le monde de conquêtes continentales, comme Hitler,
quel hom-me, si autoritaire ou cruel qu'il soit, mérite qu'on sacrifie
des milliers de victimes à son expulsion ? Quel homme, si dictatorial
qu'on l'accuse d'être, vaut qu'on écrase son peuple pour s'en
débarrasser ? Comment ces soit-disant humanistes peuvent-ils se
permettre d'affirmer froidement, du haut de leur arrogance : "il vaut
mieux mourir bombardé ou affamé que vivre dans la servitude" ? De quel
droit décident-ils de ce qui est bon ou mauvais pour les peuples,
ressuscitant ainsi l'ancien colonialisme des con-quistadors, qui
massacraient les indigènes en prétendant faire le salut des sauvages
malgré eux ?
Voilà l'aberration qui sert de bible aux néocons. Elle aboutit à une
formule qui est un sommet de confusion mentale, une perversion
ahurissante à la fois de la morale et du langage, la formule : "Il
faut faire la guerre pour faire la paix". Et à une conception
originale dont les policiers et magistrats apprécieront la subtilité,
celle de "l'attaque préventive par auto-dé-fense". Les agressions sont
pardonnées d'avance, elles ne sont plus des délits, mais des
précautions. Si on tire le premier en massacrant tout le monde autour
de soi, c'est seulement pour se protéger. Les partisans de ce délire
sont plus que des imbéciles qui se trompent, ils sont des criminels,
responsables de plus de morts que les dictateurs qu'ils prétendent
combattre.
Ils ne cessent de se tromper de bataille. Ce n'est pas Milose-vic ou
Saddam Hussein qui menaçaient la paix. Ce sont les néocons de
Washington qui sont des dangers pour l'humanité.
Louis DALMAS.
B I
Rédaction / Administration
CAP 8 BP 391 75869 PARIS cedex 18
lodalmas@...
Tel : 01 42 54 25 01
Fax : 01 42 23 07 30
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totalement indépendant de tout gouvernement, institution ou parti, qui
paraît depuis près de sept ans. Il n'est diffusé que sur abonnements.
Fondé à l'origine pour réagir aux mensonges des grands médias
concernant la Yougoslavie et les Balkans, il est devenu un organe de
référence dans une dénonciation d'ensemble de l'impérialisme
économique, du fanatisme religieux et de la désinformation.
B.I. Balkans - Infos N° 77 mai 2003
SOMMAIRE DU N° 77
Deux articles passionnants sur les coulisses de la guerre à l'Irak.
Le premier explique qu'un des buts de l'agression américaine - avec le
contrôle du pétrole - a été le sauvetage du dollar.
Le second dévoile le secret de la résistance inattendue de la France,
de l'Allemagne et de la Russie.
Des révélations sur les projets américains de protectorat militaire en
Irak et de pressions sur la Syrie.
Kosta Christitch analyse la situation en Serbie après l'assassinat du
Premier ministre Zoran Djindjic et Alain Jejcic traite des dangers de
l'état d'exception.
Un des ex-rédacteurs en chef de la chaîne nationale serbe, rescapé du
drame, fait un récit émouvant de la nuit où l'OTAN a bombardé
l'immeuble de la télévision à Belgrade, faisant plus d'une dizaine de
morts.
Jean-Michel Bérard dénonce la régionalisation envisagée de la
Roumanie, et le Dr Rajko Dolecek fait le procès de la vénalité des
politiciens.
Et de nombreux témoignages de nos lecteurs sur les évènements
d'actualité.
Le quatrième roman d'Ivanka Mikic, " Komarac ", remporte un succès
mérité à Belgrade. Le livre en serbe est disponible en France pour le
prix de 15 euros (envoi compris). Le commander au journal.
EDITORIAL N 77
LES NEOCONS
Je n'invente rien. C'est ain-si que les Américains appellent la clique
de Bush. The "Neocons". The "New Con-servatives". Les nouveaux
conservateurs. Un savoureux hasard linguistique fait que l'appellation
leur va à ravir en français.
Ces neocons sont l'incarnation de ce que l'Amérique peut produire de
plus sinistrement réactionnaire : un mélange d'ignorance, d'avidité et
de bigoterie.
Malheureusement pour l'hu-manité, ils sont aujourd'hui les maîtres du
monde.
Leurs méfaits sont connus. Ils ont déclenché quatre guerres,
progressivement de plus en plus seuls. Ils ont ravagé la Yougoslavie,
l'Af-ghanistan et l'Irak. Ils me-nacent aujourd'hui de se-mer leur
chaos impérial dans d'autres pays. Au mépris croissant de la légalité
internationale et de l'ONU.
Qui sont donc ces Attilas du XXIe siècle ? Une morphologie sommaire
pourrait distinguer quatre types principaux.
Le capitaliste rapace.
Il est le militant du mondialisme militarisé, du libéralisme sauvage
imposé par la force. Ses égéries sont les pétroliers, les
multinationales, les industriels de l'armement. A son image, la
plupart des hauts responsables du gouvernement Bush sont liés aux
grandes compagnies américaines, dont ils défendent cyniquement les
intérêts. Sa cause est la préservation du monopole commercial du
dollar, le contrôle des sour-ces d'énergie, la réduction à la
dépendance des économies nationales, la colonisation et le pillage des
Etats indépendants.
Le shérif dément.
Son monde manichéen est divisé en adjoints et en barbares. Sa loi est
la seule va-lable, en vertu du droit du plus fort. Sont agrées les
domestiques qui le servent les yeux fermés, sont combattus les égarés
qui ne pensent pas comme lui. A son image, les faucons du Bureau Ovale
et du Pentagone, les Rumsfeld, Cheney ou Rice, rêvent d'enfoncer leur
"démocratie" dans la gorge de tous les récalcitrants au moyen d'un
cocktail de chantages et de bom-bes, pour faire régner la "pax
americana" sur une planète à leurs genoux.
Le dévôt abruti.
Il passe son temps en prières et oblige tout le monde à prier avec
lui. Son Dieu, drapé dans la bannière étoilée, a défini "l'axe du mal"
conformément à l'étroite morale d'un quarteron de puritains exaltés.
Sa mission est la croisade, sa vocation l'extermination des
hérétiques. Pour lui, c'est-à-dire pour Bush, l'épée flamboyante de sa
secte religieuse doit embrocher les méchants pour offrir au Seigneur
le chachlik de la rédemption.
Le camelot zélé.
En fait, il y en deux, de mo-dèles de camelots zélés, dans le lobby de
Washington.
D'abord l'avocat de l'islam, qui s'est toujours trompé dans le choix
de ses protégés. Il a soutenu, financé et armé les fondamentalistes
antiserbes en Bosnie, les terroristes albanais au Kosovo, les
fanatiques anti-russes en Af-ghanistan. A chaque fois, la pire
régression confessionnelle contre la modernité pluraliste et laïque.
Aujourd'hui, il favorise les chiites en Irak, qui sont loin d'être les
moins durs des musulmans.
Puis il y a le porte parole de Sharon, c'est-à-dire du pendant juif de
l'intransigeance islamique. Pour ce second ca-melot, Israël et les
Etats-Unis sont deux oasis de démocratie qui ne peuvent se maintenir
dans le désert hostile de l'intégrisme anti-occidental que par leur
puissance militaire. A son image, les Wolfowitz, Per-le ou Feith,
pensent que la po-litique américaine doit avoir pour but principal
l'anéantissement des ennemis d'Israêl : ils sablent le champagne en
voyant les Palestiniens étranglés, Saddam Hussein terrassé et les
autres régimes arabes directement menacés.
Ce recensement des "influen-ces" washingtoniennes appelle une
précision. Le quatuor ci-dessus symbolise un groupe au pouvoir, pas
l'ensemble qu'il prétend représenter. On n'insistera jamais assez sur
ce point, car dissocier les deux est difficile. Le jeu du groupe au
pouvoir est de s'identifier à son ensemble pour valider sa politique,
comme le jeu de toute opposition est de se servir de cette identité
pour attaquer l'ensemble.
D'où les amalgames intolérables. Dénoncer Bush et ses néocons devient
de l'anti-américanisme primaire, com-me condamner Sharon et ses
sponsors d'outre-Atlantique devient de l'anti-sémitisme, ou rejeter la
shariah devient la haine des Arabes.
Accusations d'une rare stupidité, car trouver que les intérêts d'une
nation ou d'un peuple sont mal défendus par ses dirigeants est plutôt
prendre ces intérêts à c?ur.
De plus, la raison critique est un acquis majeur du progrès. On se
bétonne dans la sclérose mentale si on ne peut pas faire le procès de
l'impérialisme sans être anti-américain, celui de la répression
sharonienne sans être raciste et celui du fondamentalisme musulman
sans préparer le futur "choc des civilisations". Ce qui oblige à
cerner nettement ces procès : non à Bush, mais l'Amé-rique est un pays
qu'on continue à admirer, à imiter et même à aimer ; non à Sharon,
mais l'existence d'Israêl ne peut être remise en question et personne
ne méconnaît les atrocités du terrorisme palestinien ; non aux
nouvelles croisades, mais l'islam, dans sa forme dominante actuelle,
est une religion offensive, prosélytique et inacceptable.
Trois observations qui tempèrent certaines convictions manichéennes et
affermissent le réquisitoire contre les chefs qui, par leur
aveuglement, leur sectarisme, leur avidité ou leur violence,
trahissent les Américains, les juifs et les musulmans.
Cette mise au point étant faite, revenons à nos néocons. La
justification "idéologique" de leur politique est une notion qui est
probablement la plus catastrophique de tou-te la géostratégie moderne
: la notion du droit, ou du devoir d'ingérence.
Pourquoi cette notion est-elle une aberration ?
1) - Elle implique un jugement de valeur porté sur des nations ou des
régimes.
Au nom d'une "moralité" occidentale, dont le moins qu'on puisse dire
est qu'elle n'est pas toujours mise en pratique par les Etats qui la
prônent, et d'un système politique - à base de démocratie
parlementaire, de libéralisme économique et d'égalitarisme cito-yen -
qui n'est pas forcément adapté au niveau de développement de tous les
pays de la planète. Les critères de répartition des pays en "bons" et
"mauvais", déjà au départ, ne font pas l'unanimité.
2) - Qui va porter ce jugement ? Il faut un référent suprême qui
s'arroge - ou à qui on reconnaît - le droit de le faire. Un rôle qui
pourrait en partie - idéalement - être joué par les Nations Unies.
Mais malheureusement la realpolitik n'est pas une utopie. Nous vivons
dans un monde où le droit revient au plus fort. En fin de compte,
toute intervention ne peut être décidée - et réalisée - que par la
première puissance du monde, les Etats-Unis. La liste d'"Etats-voyous"
n'est pas établie par André Glucksmann ou Ber-nard-Henri Lévy, ni même
par Kofi Annan, elle est établie par les stratèges du Bu-reau ovale et
du Département d'Etat. C'est l'allumé du Te-xas et sa CIA qui décident
de qui peut continuer à exister.
3) - Cette liste, pour des raisons diplomatiques, stratégiques ou
militaires, entraîne des injustices qui ne peuvent que discréditer la
morale qu'elle prétend représenter. Tel pays doit être mis au pas tout
de suite, comme l'Irak, alors que tel autre paraît plus dangereux,
com-me la Corée du Nord ; telle nation est piétinée parce qu'elle est
indocile, comme la You-goslavie, alors que tel-le autre est cajolée
com-me pilier de l'OTAN, comme la Turquie ; tel chef d'Etat doit être
abattu parce qu'il rue dans les brancards, comme Milosevic ou Saddam
Hus-sein, alors que beaucoup d'autres, bien plus dictatoriaux, sont
épargnés parce qu'ils se montrent coopératifs.
4) - Plus grave encore, la notion d'ingérence conduit, par définition,
à la guerre, au mépris d'un des acquis les plus importants de la
civilisation : la différence entre la guerre offensive et la guerre
défensive. Un progrès de l'humanité a été d'honorer la résistance en
condamnant l'attaque. Or l'ingérence, quel qu'en soit le motif, est
toujours une agression. Un engrenage se met en route, qui mène
inéluctablement de la guerre d'intervention à la guerre de prévention,
c'est à dire à l'initiation des hostilités. On ne réagit plus, on
prend les devants. On ne se défend pas, on attaque. Or l'attaque est
le privilège du plus fort. Désormais, la vie et la mort des peuples
dépendent du bon plaisir de celui, même si c'est un débile mental, qui
peut déclencher l'apocalypse quand il le veut.
5) - Ce pouvoir démesuré cherche à se justifier par la nécessité de
combattre le terrorisme. Mais la guerre en elle-même est une horreur.
Surtout celle qui se fixe ouvertement comme objectif de frapper la
population civile de stupeur en la privant d'eau, d'électricité, de
transports, de nourriture et d'abris. Cette guerre-là, qui prétend
combattre le terrorisme, n'est qu'un terrorisme elle-même. La seule
différence, c'est qu'au lieu d'être un terrorisme de désespoir et de
misère, elle est un terrorisme de puissance et de gros budget.
6) - La notion d'ingérence pose un problème éthique. Dans le mesure où
il ne menace pas le monde de conquêtes continentales, comme Hitler,
quel hom-me, si autoritaire ou cruel qu'il soit, mérite qu'on sacrifie
des milliers de victimes à son expulsion ? Quel homme, si dictatorial
qu'on l'accuse d'être, vaut qu'on écrase son peuple pour s'en
débarrasser ? Comment ces soit-disant humanistes peuvent-ils se
permettre d'affirmer froidement, du haut de leur arrogance : "il vaut
mieux mourir bombardé ou affamé que vivre dans la servitude" ? De quel
droit décident-ils de ce qui est bon ou mauvais pour les peuples,
ressuscitant ainsi l'ancien colonialisme des con-quistadors, qui
massacraient les indigènes en prétendant faire le salut des sauvages
malgré eux ?
Voilà l'aberration qui sert de bible aux néocons. Elle aboutit à une
formule qui est un sommet de confusion mentale, une perversion
ahurissante à la fois de la morale et du langage, la formule : "Il
faut faire la guerre pour faire la paix". Et à une conception
originale dont les policiers et magistrats apprécieront la subtilité,
celle de "l'attaque préventive par auto-dé-fense". Les agressions sont
pardonnées d'avance, elles ne sont plus des délits, mais des
précautions. Si on tire le premier en massacrant tout le monde autour
de soi, c'est seulement pour se protéger. Les partisans de ce délire
sont plus que des imbéciles qui se trompent, ils sont des criminels,
responsables de plus de morts que les dictateurs qu'ils prétendent
combattre.
Ils ne cessent de se tromper de bataille. Ce n'est pas Milose-vic ou
Saddam Hussein qui menaçaient la paix. Ce sont les néocons de
Washington qui sont des dangers pour l'humanité.
Louis DALMAS.
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