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"Investigations Scrupuleuses"

"Balkans Info" sur "La RFA dans la guerre du Kosovo" par JÍrgen
Els´sser, Editions de l'Harmattan

M¹me le lecteur bien averti des in-nombrables mensonges et
alt¸rations auxquels se sont livr¸s les m¸dias occidentaux
pendant les conflits yougoslaves reste ¸baubi aprÅs avoir pris
connaissance du travail d'investigations scrupuleusement et
m¸thodiquement accompli par l'auteur, r¸dacteur au mensuel
allemand Konkret, pour d¸montrer leur inanit¸. Il passe au
crible, sour-ces Î l'appui, les principaux ¸vÅnements qui
furent exploit¸s frauduleusement par les pouvoirs politiques
occidentaux pour circonvenir leurs opinions et leur faire
accepter comme l¸gitimes et humainement n¸cessaires toutes les
mesures de r¸torsion Î l'¸gard des Serbes et de la Serbie, qui
devaient aboutir Î l'agression du 24 mars 1999.

En Allemagne, le pr¸jug¸ anti-serbe ¸tait certes fort r¸pandu ;
cependant l'ancien chancelier, malgr¸ son rÂle d¸terminant dans
les s¸paratismes slovÅne et croate, s'¸tait toujours refus¸ Î
ce que l'arm¸e allemande, en raison de son pass¸, participe aux
forces d'interposition envoy¸es dans les Balkans sous l'¸gide
de l'ONU. Et ceux qui devaient lui succ¸der, l'infernal trio
Schroeder-Fis-cher-Sharping (Î qui ses homologues francais du
moment n'ont rien Î envier), s'¸taient ralli¸s Î sa position.
Mais ils changÅrent radicalement d'attitude aprÅs la prise de
Srebrenica par les Serbes de Bosnie en juillet 1995, et
militÅrent activement en faveur de la version qui en fut
officiellement donn¸e alors.

Pourtant, comme l'auteur le rappelle aprÅs une enqu¹te
approfondie, il est de plus en plus vraisemblable que la
plupart des victimes, dont le nombre est revu continuellement Î
la baisse, sont tomb¸es au cours de combats r¸guliers entre
Serbes et musulmans bosniaques. D¸sormais, et aprÅs une
r¸vision de la constitution en ce sens, rien n'emp¹chait plus
l'Allemagne de s¸vir Î nouveau sur le sol yougoslave .A partir
de 1998, lorsque l'UCK entre en scÅne, c'est le "vert" Fischer
qui mettra fi¸vreusement l'accent sur les pers¸cutions que
pr¸tendaient subir les Albanais au Kosovo de la part de
l'administration serbe. Ceci bien qu'un document in¸dit de son
propre ministÅre eut donn¸ des affrontements une approche bien
diff¸rente. On y apprend que l'UCK ,qui passait alors du statut
d'organisation terroriste Î celui de prot¸g¸e de l'OTAN, tuait
plus d'Albanais et de membres des autres communaut¸s, que de
Serbes. Tous les subterfuges sur lesquels s'appuieront les USA
et leurs sicaires europ¸en

s pour donner Î leur l±che attaque un semblant de l¸galit¸ sont
ici diss¸qu¸s et d¸mont¸s: Le soit-disant massacre de Racak, le
diktat de Rambouillet, l'invention de l'op¸ration dite "fer Î
cheval", dans sa forme nominative croato-bulgare, autant de
sinistres canulars que gobaient consciencieusement les publics
occidentaux. Le r¸sultat de cette ¸norme mystification est que,
au lieu du demi-million de morts annonc¸, la trÅs s¸-rieuse et
officielle OSCE en d¸-nombre aujourd'hui autour de 2.000, et
encore de toutes ethnies, civils et militaires confondus. Les
bombardements de l'OTAN ont occasionn¸ plus de victimes que les
affrontements entre l'UCK et les forces serbes. Depuis l'entr¸e
en force de la KFOR et son occupation du Ko-sovo serbe, l'arm¸e
allemande privil¸gie ouvertement dans son secteur le
s¸paratisme albanais et ferme les yeux sur ses crimes, Î tel
point que les victimes de ce laxisme volontaire sont les m¸mes
que du temps de l'occupation de la province par la Wehrmacht.
L'au

teur a eu l'excellente id¸e de conclure son livre par un
judicieux rappel d'extraits de presse internationaux des ann¸es
70-90, dont il se d¸gage un sentiment de grande compassion Î
l'¸gard des Serbes du Kosovo, maltrait¸s et souvent contraints
au d¸part par la majorit¸ albanaise.

Autor: Maurice LIVERNAULT; in: Balkans Info (Paris), Juin 2003



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"La Rampe de Srebrenica"

Chronique d'une manipulation: Chapitre I du livre "La
RFA dans la Guerre au Kosovo" de Jürgen Elsässer

Si l'on demandait à un lecteur de journaux moyen pourquoi
la faute de toutes ces guerres et souffrances des dix
dernières années en Yougoslavie serait principalement due
aux Serbes, il répéterait certainement un certain nombre
d'explications qu'il a pu trouver dans les médias
occidentaux durant ces années : parce que Milosevic avait,
dès 1989 lors de son discours sanguinaire au Champ des
Merles, attisé le nationalisme en vue de créer une grande
Serbie ; parce que les Serbes avaient attaqué l'innocente
Vukovar, la paisible Dubrovnik ; parce que, en Bosnie, ils
avaient installé des camps de viols et de mort pour des
dizaines de milliers de personnes ; parce qu'ils avaient
assiégé Sarajevo trois années durant et commis au moins
trois massacres épouvantables avec leur artillerie ; à cause
de leur politique d'apartheid au Kosovo. Tous ces récits ont
contribué à diaboliser les Serbes. Par-dessus tout, un fait
détermina la politique étrangère des pays de l'OTAN,
entraînant dans son sillon la première participation de
l'Allemagne à une guerre depuis 1945 : le prétendu
génocide serbe, en juillet 1995, à Srebrenica en Bosnie.

Ce mensonge fut déterminant dans la mesure où il existait,
certes, des préjugés anti-serbes soutenus par les politiques
et la société allemande jusqu'à l'été 1995 ; néanmoins, on
s'en tenait au principe défini par le chancelier allemand
d'alors, Helmut Kohl : ne jamais engager des soldats
allemands là où autrefois la Wehrmacht avait sévi. La forte
résistance de l'opposition Rouge-Vert faisait obstacle à la
pression de l'Union de droite CDU/CSU et du cartel
conservateur des médias cherchant à saper ce principe et à
mettre en marche, pour la troisième fois en un siècle, des
soldats allemands contre la Serbie. Ainsi le SPD (Parti
Social-Démocrate) essaya d'empêcher la participation de la
Luftwaffe aux vols de surveillance de l'OTAN en Bosnie en
portant plainte devant la Cour constitutionnelle
d'Allemagne, et les Verts soulignaient leur non catégorique
à toute action hors des zones d'intervention de la
Bundeswehr - y compris à des missions des Casques Bleus !
Parfois même l'opposition Rouge-Vert organisait des
protestations hors du cadre parlementaire. Ce ne fut
nullement un pacifiste et un intégriste, mais Joschka
Fischer, aujourd'hui ministre allemand des Affaires
étrangères, qui avait, fin 1994, résumé les bonnes raisons
d'une telle retenue en politique étrangère : " J'ai la ferme
conviction qu'en allant là où la soldatesque hitlérienne a
sévi pendant la Seconde guerre mondiale, les soldats
allemands attiseraient le conflit au lieu d'en diminuer
l'ampleur. Si les Allemands commencent à se mêler
militairement de cette affaire, il y aura des réactions
complètement diverses. Tous ces engagements et les débats
dans leur sillage sont utilisés par le gouvernement fédéral
pour ouvrir des portes. On avance que l'Allemagne
réunifiée doit être mise en état d'agir en tenant compte de
ses intérêts en politique étrangère. J'aimerais que ceux qui
veulent cela ne se cachent pas continuellement derrière
l'humanisme pour imposer justement ces positions-là. "

Avec les événements de juillet 1995, ces déclarations sont
devenues une tache d'encre. "Depuis Srebrenica, j'ai changé
d'opinion" dit Joschka Fischer en examinant sa position
passée. Et il n'est pas le seul. L'opinion publique occidentale
en général réagit de la même façon. Le Neue Zürcher
Zeitung généralisa : " Le cas de Srebrenica est aussi devenu
un tournant dans la guerre en Bosnie parce que c'était un
événement médiatique. Certes, il n'y eut pas de journalistes
occidentaux sur les lieux. Ils se hâtèrent cependant par
centaines vers Tuzla, non loin de là, pour y filmer et
interviewer les réfugiés arrivant de Srebrenica. Les images
et les récits des survivants mobilisèrent l'opinion publique à
l'Ouest comme jamais auparavant et furent un puissant
détonateur. Sous cette pression, les politiciens se virent
contraints d'agir en Bosnie après des années d'hésitation et
de prendre partie pour les victimes, les musulmans. Avec ce
massacre, les Serbes ont été perçus comme principaux
coupables de la tragédie bosniaque. " Sur ces bases, la
propagande allemande pouvait ?uvrer pour une intervention
militaire au Kosovo.

Comptes et contes de Scharping

Le 28 mars 1999, quatre jours après le début des
bombardements de l'OTAN sur la Yougoslavie, le ministre
allemand de la Défense, Scharping, parla pour la première
fois de " génocide " de la part des Serbes à l'encontre des
Albanais du Kosovo. Ce fut dans le talkshow de l'ARD,
Christiansen. Il cachait alors l'absence de preuves en
s'appuyant sur des événements ayant eu lieu à peine quatre
ans auparavant. D'après Scharping, les Casques Bleus des
Nations Unies étaient alors obligés " d'assister à l'assassinat
de 30 000 hommes à Srebrenica".

La massue avec laquelle Scharping frappa au nom de la
moralité atteignit son but. Les invités du talkshow
acquiescèrent ou se turent, consternés ; pas un ne s'enquit
des sources, personne ne voulant être pris pour un
sympathisant des auteurs. Car il était tenu pour acquis que
les Serbes avaient commis un génocide à Srebrenica et
massacré des milliers et des milliers de civils innocents. N'y
avait-il pas eu, avant Scharping, des témoins innombrables
à la réputation irréprochable ? Entre autres, l'hebdomadaire
allemand, Der Spiegel, n'avait-il pas conclu, après examen
d'un dossier du BND (service de renseignements allemand),
que, dans cette petite ville à l'est de la Bosnie, avait eu lieu
"le pire crime de guerre en Europe depuis la Seconde guerre
mondiale" ? Dès l'été 1995, Freimut Duve du SPD
n'avait-il pas écrit, dans le Zeit, un article à propos de la "
rampe de Srebrenica " et, avec cette image, rappelé
Auschwitz ? David Rhode n'avait-il pas obtenu le prix
Pulitzer pour avoir écrit les histoires horribles des
survivants ? Le président des Serbes bosniaques, Radovan
Karadzic, et leur général en chef, Ratko Mladic,
n'étaient-ils pas sous le coup d'un mandat d'arrêt du
Tribunal Pénal International justement pour ces crimes ?

Avant d'aborder les événements de Srebrenica et leur
présentation au public occidental, il faut réfuter ces deux
mensonges : d'abord, celui des trente mille massacrés à
Srebrenica. D'après les chiffres officiels de la Croix Rouge
Internationale, 7333 habitants de Srebrenica sont portés
disparus. Si tous les disparus étaient morts, ce serait le
chiffre maximal de tués par les Serbes les jours en question.
Le restant des 22667 cadavres émane exclusivement des
comptes de Scharping. On n'avait pas besoin d'être un
opposant à la guerre pour reconnaître et écrire cela après le
talkshow de la fin mars 1999, il aurait suffi d'être un
journaliste sérieux, un politicien tenant à la vérité. L'autre
affirmation indigne de débat est le rapprochement entre
Srebrenica et Auschwitz. A la "rampe d'Auschwitz", ceux
qui étaient aptes au travail furent séparés des faibles - ces
derniers allant droit à la mort, les premiers ayant le droit de
s'épuiser au travail pendant quelques semaines avant de
mourir. A la "rampe de Srebrenica" régnait, selon Duve -
même si l'on prend pour véridiques tous les reportages
horribles - le principe inverse : tous les faibles - vieillards,
femmes, enfants, blessés - étaient épargnés, tous les
hommes valides, c'est-à-dire en âge de combattre, auraient
été exécutés. Ceci serait un crime de guerre prémédité : on
exécute ceux qui pourraient éventuellement reprendre les
armes. De l'autre côté (à Auschwitz) le génocide était
obsessionnel : on exécute tout le monde, et en premier les
femmes et les enfants, les garants du futur du peuple haï.
Que s'est-il passé à Srebrenica?

Lisons d'abord la version officielle du Tribunal Pénal
International de La Haye : " Le 6 juillet 1995, ou autour de
cette date, l'armée bosno-serbe tirait sur des postes
d'observation occupés par des soldats hollandais dans la
zone protégée. L'attaque sur la zone protégée de Srebrenica
continua jusqu'au 11 juillet 1995, date à laquelle les
premières unités de l'armée bosno-serbe pénétrèrent dans
Srebrenica. Les hommes, femmes et enfants
bosno-musulmans restés à Srebrenica après le début des
attaques serbes réagirent de deux façons : plusieurs milliers
de femmes, enfants et quelques hommes, d'un certain âge
surtout, se réfugièrent dans les locaux des Nations Unies à
Potocari, à l'intérieur de la zone protégée de Srebrenica.
Autour du 12 juillet, cinquante à soixante bus et camions
arrivèrent devant les locaux des Nations Unies à Potocari.
Des militaires bosno-serbes séparèrent les hommes des
femmes et des enfants (...). La plupart des hommes
musulmans (...) furent transportés à Bratunac et, de là,
dans la région de Karakaj, où ils furent massacrés par des
militaires bosno-serbes. Entre le 12 et le 13 juillet 1995, des
militaires bosno-serbes procédèrent à des exécutions en
masse d'hommes et de femmes musulmans dans différents
lieux autour de la base des Nations Unies (...)." D'autres
massacres auraient été perpétrés contre ceux qui ne
s'étaient pas réfugiés à Potocari, mais dans les bois : " Un
second groupe d'environ quinze mille hommes
bosno-musulmans avec quelques femmes et enfants (...)
s'est enfui à travers les forêts en direction de Tuzla,
formant une colonne gigantesque. Environ un tiers de ce
groupe était des militaires et des civils armés (...). Lorsque
cette colonne de réfugiés atteignit la région bosno-serbe
(...), des forces de l'armée bosno-serbe attaquèrent, (...) un
grand nombre de musulmans furent tués (...). Beaucoup de
musulmans bosniaques ayant été fait prisonniers ou s'étant
rendus furent exécutés en masse par des militaires
bosno-serbes. " Les procureurs de La Haye ne donnent
nulle part un chiffre précis des victimes, mais ils parlent de
"centaines" ou de "milliers" qui auraient été "massacrés"
dans différents lieux. Néanmoins, un langage en règle s'est
imposé - avant que Scharping ne gonfle toujours plus le
nombre de morts - affirmant qu'"approximativement huit
mille Bosniaques musulmans ont été assassinés." C'est
George Pumphrey qui a examiné la genèse de ce chiffre. Sa
recherche est citée dans la partie suivante.

Combien de disparus sont-ils morts?
par George Pumphrey

Le 13 septembre 1995, le Comité International de la Croix
Rouge (CICR) a déclaré : " Le directeur de la section
opérationnelle de l'Europe de l'Ouest du CICR, Angelo
Gnaedinger, a visité Pale (capitale des Serbes bosniaques)
et Belgrade du 2 au 7 septembre afin d'obtenir des
informations des autorités bosno-serbes sur le devenir de
trois mille personnes de Srebrenica qui, d'après des
témoignages des forces de sécurité bosno-serbes, auraient
été arrêtées. Le CICR a exigé des détails sur toutes les
personnes mortes et a demandé un accès aussi rapide que
possible aux prisonniers (jusque-là, on a pu rendre visite à
deux cents prisonniers seulement). Le CICR s'est aussi
adressé au gouvernement de la Bosnie-Herzégovine,
demandant des informations au sujet des cinq mille
personnes ayant fui Srebrenica et dont une partie aurait
atteint la Bosnie centrale (le côté bosno-musulman). "

Le 15 septembre 1995, un article paru dans le New York
Times donna déjà un ton tout autre concernant la nouvelle
: "Le CICR a expliqué aujourd'hui qu'environ huit mille
musulmans ont disparu, provenant de Srebrenica,
c'est-à-dire de la première des deux zones protégées ayant
été établies par les Nations Unies, mais prises par des
troupes serbes en juillet. Parmi les disparus se trouve aussi
un groupe d'environ trois mille hommes qui, d'après des
témoignages, auraient été fait prisonniers par les Serbes.
Après la chute de Srebrenica, la Croix Rouge a rassemblé
dix mille noms de personnes disparues, dit le porte-parole,
Jessica Barry. Elle rapporta qu'en plus des prisonniers, cinq
mille personnes supplémentaires auraient 'simplement
disparu'." Ici, on n'a pas seulement ajouté les trois mille
prisonniers aux cinq mille qui s'étaient enfuis - ce qui non
seulement gonflait le chiffre total, mais aggravait le poids
de l'accusation -, mais encore on a éliminé de la nouvelle le
fait que le CICR avait demandé au gouvernement
bosno-musulman de fournir des informations sur les cinq
mille personnes ayant "atteint en partie la Bosnie centrale".


En regardant de plus près le rapport du CICR originel, on
peut rapidement y discerner un manque d'objectivité. Avec
la remarque, faite en passant, que seuls "certains d'entre
eux ont atteint la Bosnie centrale", la Croix Rouge a donné
la fausse impression que seulement peu d'hommes disparus
avaient réussi, jusqu'à la mi-septembre, à se mettre en
sécurité. Le 18 juillet 1995, une semaine après la prise de
Srebrenica par les militaires serbes, le New York Times
avait cependant déjà rapporté qu'"entre trois et quatre mille
musulmans bosniaques ayant été enregistrés comme
disparus par les représentants des Nations Unies après la
chute de Srebrenica, se sont frayé un chemin à travers les
lignes ennemies jusqu'au territoire du gouvernement
bosniaque. Ce groupe, qui compte aussi des blessés, s'est
faufilé à travers les lignes serbes sous le feu ennemi et,
après une marche de 30 miles (environ 50 km) à travers les
forêts, a atteint l'abri."

Et le 2 août 1995, le Times de Londres a décrit cet
événement comme suit: " On peut partir du fait que des
milliers de soldats bosno-musulmans portés disparus et
ayant été l'objet de reportages sur de possibles exécutions en
masse par les Serbes se trouvent en sûreté au nord-ouest de
Tuzla. Il était extrêmement difficile pour les Nations Unies
et la Croix Rouge Internationale de chiffrer la fuite réussie
des soldats et civils bosno-musulmans. Hier cependant, la
Croix Rouge à Genève rapporta, pour la première fois et en
se référant à des sources en Bosnie, que jusqu'à deux mille
soldats gouvernementaux bosniaques de Srebrenica se
seraient frayé un chemin jusque dans la région au nord de
Tuzla - 'sans en informer leur famille'- et le porte-parole
de la Croix Rouge ajoute qu'il n'était pas possible de
vérifier ces rapports, le gouvernement bosno-musulman
refusant l'accès de cette région à la Croix Rouge. "

Deux semaines avant que les représentants de la Croix
Rouge, Angelo Gnaedinger et Jessica Barry, aient transmis
leurs chiffres à la presse, un autre porte-parole de la Croix
Rouge Internationale à Genève, Pierre Gaultier, mit en
évidence un détail important. " En tout, nous sommes
arrivés au chiffre d'environ dix mille (disparus de
Srebrenica). Il est cependant fort possible qu'il y ait, parmi
ces noms, un grand nombre de noms comptés deux fois (...).
Avant que l'examen (de ce décompte) ne soit terminé, nous
ne pouvons rien dire de précis. Notre travail est encore
compliqué par le fait que le gouvernement bosniaque nous a
fait savoir que plusieurs milliers de réfugiés se sont frayé un
chemin à travers les lignes ennemies, puis se sont réintégrés
à l'armée bosno-musulmane. Ces personnes n'ont donc pas
disparu, elles ne peuvent cependant pas non plus être rayées
des listes des disparus. "

Peu de jours après la prise de Srebrenica, une seconde
enclave musulmane (et zone protégée par les Nations
Unies), Zepa, fut prise par les forces bosno-serbes. Parmi
les défenseurs de Zepa se trouvaient des centaines de soldats
"disparus" de Srebrenica. Le New York Times rapporta : "
Les soldats musulmans (blessés) étaient abandonnés sur
place. Et lorsque les Serbes bosniaques prirent la ville
mardi, les blessés furent transportés à Sarajevo pour être
soignés à l'hôpital 'Kosovo'. Un grand nombre d'entre eux
étaient venus de Srebrenica. Lorsque cette zone protégée
tomba dans les mains des Serbes le 11 juillet, les
musulmans s'étaient enfuis dans les forêts. A la différence
de la plupart des autres réfugiés qui, après la chute de
Srebrenica, s'étaient frayé un passage jusqu'à Tuzla,
ceux-ci s'étaient joints aux défenseurs de Zepa. 'Environ
350 parmi nous avaient réussi à sortir de Srebrenica. Nous
avons atteint Zepa' dit Sadik Ahmetovic, l'une des 151
personnes qui ont été acheminées à l'hôpital de Sarajevo
(...). Ils disaient que dans leur captivité, ils n'avaient pas été
maltraités par les Serbes. "

Les chiffres de la Croix Rouge - un jeu de confusion

Devant cette toile de fond présentée par Pumphrey, le
chiffre d'environ 7400 disparus de Srebrenica, répandu
jusqu'aujourd'hui par la Croix Rouge Internationale, paraît
extraordinairement élevé. Il existe une multitude d'indices
permettant de croire que ce chiffre a été manipulé. Ainsi,
M. Milivoje Ivanisevic, professeur à l'Université de
Belgrade ayant "décrit les événements dans et autour de
Srebrenica depuis 1992, en donnant de minutieux détails" a
découvert que 500 des portés disparus, étaient déjà morts
avant la prise de Srebrenica. 3010 personnes
supplémentaires supposées disparues sont réapparues sur la
liste électorale de l'OSCE de l'année 1997 - deux ans après
le supposé massacre. Dragan Kalinic, président du
Parlement de la République Srpska, a transmis la liste à
l'OSCE avec tous les noms.

Darko Trifunovic a, en tant que membre d'une commission
d'experts de la République Srpska, fait des recherches sur
place, interrogé des témoins, comparé des documents et
inspecté des tombeaux. Il prétend que 3381 personnes
portées disparues sur les listes du CICR sont répertoriées
sans date de naissance. Sa supposition : ceux qui ont déclaré
la disparition n'avaient même pas cette information
fondamentale sur le disparu - par conséquent, ils n'ont pu
être des membres de la famille. En fait, le Spiegel avait
subrepticement réduit ses chiffres sur Srebrenica durant
l'été 2000 à "au moins 3000 " morts. A l'automne 1999 il
avait, comme presque tous les médias, parlé de plus de 7000
civils musulmans "abattus".

Les témoins bienvenus

Le procès contre Erdemovic était important pour mieux
comprendre ce qui s'était passé en juillet 1995, car l'accusé
ne soutenait pas moins que d'avoir participé
personnellement, ou d'avoir au moins assisté à la mort d'un
sur six des 7400 disparus enregistrés par la Croix Rouge
Internationale.

Erdemovic a déclaré devant le Tribunal avoir exécuté, le 16
juillet 1995, des musulmans par groupes de dix dans un
champ à Pilica, à proximité de la ferme de Branjevo et
conjointement avec d'autres membres de son unité, à partir
de 10 heures du matin environ jusque dans l'après-midi.
Au cours de cette seule journée, "1000 à 1200" hommes
auraient été exécutés, d'après Erdemovic. D'après d'autres
"estimations d'experts" datant de l'automne 1996, il devrait
y avoir "jusqu'à 1700 musulmans enterrés". Le lendemain
du massacre rapporté par Erdemovic, un avion espion
américain survola la région: " La comparaison avec des
photos plus anciennes et le calcul d'après les variations
angulaires des prises fournissent un état des lieux précis de
tout changement intervenu sur le lieu photographié. Ce que
les experts ont découvert de cette façon est extraordinaire :
la photo aérienne de la coopérative agricole de Branjevo
montre plus que la trace d'un crime de guerre, elle montre
le crime de guerre lui-même " dit en résumé le Spiegel.
Bien que les exécutions en masse soient donc "
extraordinairement " (Spiegel) étayées par des témoignages
et des photos aériennes, un nombre considérablement
moindre de cadavres furent mis au jour lors des fouilles.
Cinq ans après les événements, le Tribunal de La Haye tire
le bilan avec 132 cadavres exhumés à Branjevo; une partie
des morts aurait été déterrée par les Serbes et réenterrée au
bord de la route menant à Cancari - là, 174 cadavres
supplémentaires ont été retrouvés.

Fin novembre 1996, le Tribunal de La Haye rendit son
jugement : Erdemovic fut condamné à dix de prison (lors
d'un procès en appel, la peine fut diminuée de moitié). Fut
considéré comme circonstance atténuante l'aveu de sa
participation aux meurtres et "son courage d'avoir
gravement chargé l'ancien chef des Serbes, Radovan
Karadzic, et son chef militaire, Ratko Mladic, entre-temps
congédié" remarque le procureur des Nations Unies, Marc
Hamon. Outre la grande divergence entre le nombre
d'assassinats affirmé, d'une part, et les morts retrouvés, de
l'autre, la personne d'Erdemovic apparaît également
énigmatique. Il commença sa carrière militaire lors de la
guerre civile en 1992 en s'enrôlant comme simple soldat
dans la milice croate d'extrême-droite, HVO. Etant
lui-même Croate d'origine, ce geste semble moins
nécessiter une explication que le fait qu'il changea plus tard
de camp pour se mettre au service de l'ennemi juré - serbe
- mais uniquement pour - nouvelle volte-face - accuser
bientôt ses nouveaux commandants par son témoignage.
Dans cette guerre civile, dont le feu était entretenu par la
haine ethnique, ce changement de front répétitif semble
inhabituel.

En octobre 1996 et peu avant la condamnation
d'Erdemovic, la nouvelle se répandit qu'un autre témoin de
l'accusation à La Haye avait été contraint sous menace de
mort par des musulmans, à faire un faux témoignage contre
le Serbe Dusan Tadic. Pour les juges de La Haye, ce fait ne
constituait cependant pas une raison pour essayer
d'éclaircir les contradictions dans les témoignages
d'Erdemovic. De même, d'autres témoignages, souvent cités
par les médias, posaient plus d'énigmes qu'ils n'en
résolvaient. Tel Oric (Mevludin) qui, dans une interview
exclusive au journal croate Nedjeljne Dalmacija en 1995,
rapporta que 2000 meurtres ou plus avaient eu lieu dans et
autour du village de Karakaj (ce massacre apparaît
également dans l'acte d'accusation de La Haye, voir v.o.).
Ce témoin n'est pas seulement de la famille de Oric
(Naser), commandant suprême des musulmans de
Srebrenica dont il sera encore question dans ce chapitre ; il
combattait aussi, comme Erdemovic, d'abord du côté croate,
c'est-à-dire dans la brigade mal famée de volontaires,
appelée "Roi Tomislav". Dans la région de Posavina, il
aurait été lui-même mêlé à des massacres à l'encontre des
Serbes en 1992. Oric relate des exécutions en masse après
que la colonne des réfugiés se dirigeant vers Tuzla eut été
interceptée par les Serbes. L'école à Karakaj qui, entre
autres, aurait été un lieu de crimes, fut inspectée par Darko
Trifunovic. Il a retrouvé les cahiers de texte de l'école qui
montrent qu'au temps du crime supposé, les cours avaient
lieu comme d'habitude dans les salles de classe.

Les morts de Potocari

Alors que des témoins faisant des déclarations
contradictoires voire non crédibles bénéficiaient d'une
grande attention publique dans les pays occidentaux,
d'autres témoignages importants n'étaient pas du tout pris
en compte. Ce ne sont pas seulement les tentatives de
décharge du côté serbe qui se heurtaient au refus d'être pris
en compte, mais aussi les témoignages des Casques Bleus
hollandais stationnés à Srebrenica. Nous nous en souvenons
: environ 25000 musulmans de l'enclave cherchèrent
d'abord protection à l'intérieur de la base des Nations
Unies, à Potocari. La plupart des hommes auraient été
transportés, autour du 12 juillet, de Potocari à Bratunac, et
y auraient été " massacrés ". C'est ce que dit l'acte
d'accusation contre Karadzic et Mladic. Le capitaine
Schouten cependant, le seul officier des Nations Unies
ayant été, pendant plusieurs jours, sur le lieu du prétendu
carnage, dit : " Chacun jacassait et répétait ce que disait
l'autre, mais personne n'apportait de preuves concluantes.
Je remarque que le peuple hollandais veut à tout prix
prouver qu'un carnage a eu lieu (...). Si des exécutions ont
eu lieu, les Serbes les ont diablement bien cachées. C'est
pourquoi je n'en crois rien. Après la chute de Srebrenica, je
suis arrivé le 13 juillet 1995 à Bratunac et j'y suis resté huit
jours, je pouvais aller partout où je voulais. Je bénéficiais de
tous les soutiens possibles ; nulle part je ne fus arrêté. "

De même, le journal Die Welt, en s'enquérant auprès des
soldats hollandais rentrant dans leur pays, recevait toujours
les mêmes réponses : "Ni le sous-officier Struik ni d'autres
soldats hollandais stationnés sous le drapeau des Nations
Unies à Srebrenica, ne veulent confirmer publiquement ce
qu'avaient affirmé le ministre pour l'Aide au
développement, Jan Pronk, et ensuite aussi le ministre de la
Défense, Joris Voorhoeve, à savoir qu'à Srebrenica aurait
eu lieu un génocide." Le journal de renom NRC
Handelsblad résuma l'ambiance qui régnait parmi les
soldats du bataillon UN-Dutch, appelés les Dutchbatters,
titrant : "Les Serbes sont à présent les bons gars pour les
Casques Bleus hollandais." Le journal citait une foule de
propos. Ainsi, le soldat Karel Mulder dit par exemple : "
Beaucoup de ce qu'on dit sur les Serbes, ce sont des bêtises
(...). J'étais avec les réfugiés pendant trois jours, et les
Serbes les ont bien traités. " Le soldat Arnold Blom : "
Lorsque nous faisions nos patrouilles dans l'enclave, les
musulmans provoquaient le feu serbe. Ils tiraient au-dessus
de nos têtes en espérant que les Serbes toucheraient un des
nôtres - de sorte que, pour le public, la bête noire serait
encore les Serbes. " Le commandant des Dutchbatters, Tom
Karremans, fit sensation avec son opinion : " La bataille
pour Srebrenica était une action militaire correctement
conduite par les Serbes. C'est intentionnellement qu'ils
n'ont pas tiré sur le bataillon directement. Mladic nous a
évincés par la ruse. " Une crise politique intérieure se
dessina lorsque le commandement néerlandais contesta le
génocide même à l'époque où tout le gouvernement du pays
avait adhéré à la version des faits de l'OTAN. " Ainsi, le
général Couzy, devant se retirer officiellement du service le
1er août (1996), contredit publiquement (le ministre de la
Défense) Voorhoeve. Il affirme que les troupes
bosno-serbes n'avaient pas commis de génocide à
l'encontre des musulmans après la chute de Srebrenica. "
Couzy avait encore, tout juste avant sa retraite, promu le
commandant des Dutchbatters, Karremans. Voorhoeve s'en
indigna, mais ne prit pas de mesure disciplinaire. Il faut
retenir que lui aussi parla, au moins jusqu'à l'automne
1995, d'un chiffre moindre de civils musulmans assassinés
que celui que le public occidental en général mettait en
avant, à savoir deux à trois mille morts.

Afin d'obtenir une vision plus claire des événements, tous
les 460 Dutchbatters de Srebrenica furent réunis pour un
interrogatoire. Avant la publication des résultats sous le
nom de Debriefing Report, des oppositions violentes eurent
lieu en coulisse; le ministre des Affaires étrangères, Hans
van Mierlo, et le ministre pour l'Aide au développement,
Jan Pronk, demandèrent une nouvelle rédaction du rapport.
Lorsque le Debriefing Report fut finalement présenté par le
ministre Voorhoeve le 30 octobre 1995, une contradiction
criante (et cependant à peine relevée par les médias)
apparut entre ses conclusions et les témoignages oculaires
des soldats. Alors que le ministre de la Défense parlait de "
plusieurs milliers " de victimes faites par les Serbes, les
observations des soldats indiquaient, au pire, quelques
centaines, jusqu'à un millier. A Potocari, des témoins virent
"selon toute probabilité" quatorze exécutions, cinq autres
exécutions ne purent être vérifiées. Plusieurs morts, dont au
moins deux en uniforme, furent vus dans la ville de
Srebrenica , et cent autres dans une benne à tracteurs sur le
chemin menant de la ville à la base des Nations Unies. A
proximité de Nova Kasaba et de Bratunac, trente-cinq
témoins ont vu de " nombreux " cadavres. Seuls deux
témoins cependant avancèrent le chiffre très élevé de 500 ou
700 cadavres, disant qu'ils auraient porté "des vêtements
civils ou semi-militaires". "Pendant le 'Debriefing' (des 460
Dutchbatters), il n'y eut pas d'information laissant penser à
une possible existence de charniers."

Si l'on étudie les images télévisées de l'époque, on peut
constater sans peine qu'il y eut en effet presque
exclusivement des femmes, des enfants et des vieillards à
Potocari. Comme le général des Dutchbatters, Karremans,
l'exposa au Tribunal de La Haye , il y eut parmi les 25 000
réfugiés environ se trouvant dans la base des Nations Unies
à Potocari, seulement 2 à 3% d'hommes aptes à porter des
armes, donc autour de cinq à sept cents - la majorité des
combattants se frayant, comme on l'a vu, un passage à
travers les forêts vers Tuzla. Ce que Freimut Duve désigne
comme "rampe de Srebrenica", ce fut le tri de ces hommes
aptes au combat. Ils furent emmenés vers d'autres lieux
comme par exemple Bratunac et Batkovic. De là, la Croix
Rouge Internationale a évacué, dès le 19 juillet , 88 blessés.
En outre, il y eut là, d'après le CICR, 164 musulmans en
captivité le 26 juillet , et 193 en novembre. Ces chiffres
partiels de blessés ou prisonniers enregistrés doivent
probablement être déduits du chiffre maximum des 750
personnes qu'on suppose avoir été assassinées à
Potocari/Bratunac. Trifunovic avance que, du restant des
prisonniers mêmes, seule une petite partie fut victime de
meurtres commis par des soldats serbes. La très grande
majorité aurait été échangée contre des prisonniers serbes
entre les mains des musulmans. C'est ce que confirment
aussi, bien que contre leur gré, Jan Willem Honig et
Norbert Both, dans leur ouvrage de référence Srebrenica,
qui, par ailleurs, soutient la version officielle de La Haye : "
Les Serbes ont arrêté au moins un gros calibre: Ibran
Mustafic, le chef du SDA (parti musulman principal autour
du président Izetbegovic, J.E.) à Srebrenica et numéro trois
sur la liste serbe Organisateurs de crimes de guerre
musulmans. Et cependant, comme cela se passe souvent
dans la guerre, l'importance d'une personne, ou l'apparence
d'importance, fut la meilleure assurance-vie : en avril 1996,
Mustafic fut échangé contre un prisonnier serbe important,
le colonel Aleksa Krsmanovic. Quelques hommes blessés
que les Serbes avaient fait descendre de deux transports de
malades, survécurent apparemment pour les mêmes raisons.
Les Serbes étaient particulièrement méfiants envers les
blessés, croyant que des musulmans 'criminels' et douteux
simulant des blessures pourraient se trouver parmi eux.

Ainsi, environ cinquante musulmans blessés qui étaient
restés avec les Hollandais à Potocari jusqu'au 17 juillet,
furent soigneusement photographiés et filmés par les
Serbes. Sept d'entre eux furent par la suite identifiés
comme des criminels de guerre potentiels et emmenés dans
un hôpital à Bratunac avec d'autres blessés. Un médecin
hollandais qui les y vit, fut, à un moment donné, invité à
s'éloigner pour une raison quelconque et les sept blessés
disparurent. A la fin du mois, la Croix Rouge les retrouva
dans la prison de Batkovic. Ils furent échangés contre des
prisonniers de guerre serbes. "

Une indication sur le nombre de victimes à Potocari résulte
aussi du calcul suivant : le soir du 12 juillet, les
Dutchbatters dressèrent une liste de tous les hommes aptes
au combat et ayant trouvé refuge à Potocari. Ils en
comptèrent 239 ; 60 hommes supplémentaires refusèrent de
se faire enregistrer. A ce chiffre, il faut ajouter les hommes
qui, auparavant, avaient déjà été emmenés en bus.
Jusque-là, seul un cinquième des réfugiés se trouvant à
Potocari avaient toutefois été emmenés. Quel qu'ait été leur
sort, sur ces 239 hommes, 103 réapparurent sur la liste des
disparus de la Croix Rouge.

Les morts du convoi vers Tuzla

Comme il est rappelé au début de ce livre dans l'acte
d'accusation du Tribunal de La Haye, les victimes qui,
d'abord, avaient trouvé refuge à Potocari, ne sont qu'une
partie de ceux qu'on impute aux Serbes. Les Serbes
auraient commis un nombre égal, si ce n'est plus grand, de
meurtres envers les musulmans en fuite, qui allaient à
marche forcée de Srebrenica à Tuzla. Ici aussi il y a
cependant des témoins qui ne soutiennent pas la version des
faits donnée par La Haye - et ce qui est proprement
sensationnel, c'est qu'il s'agit de témoins musulmans. De
leur témoignage, l'opinion publique occidentale en apprit
encore moins qu'à propos de celui des Casques Bleus
hollandais. Qui aurait donc pu, durant l'automne 1996,
suivre les débats instructifs dans les grands journaux
musulmans en Bosnie à propos desquels les médias
occidentaux sont restés silencieux ?

Dans ces débats, essentiellement deux groupes s'opposèrent
: d'un côté, le groupe au pouvoir à Sarajevo autour du
président Izetbegovic, aujourd'hui remplacé, son bras droit
Ejup Ganic et le commandant de l'état-major de l'armée,
Rasim Delic, ayant comme porte-parole l'hebdomadaire
Ljiljan. De l'autre côté, le groupe autour du commandant
de l'armée de la ville de Srebrenica, Oric (Naser), et ses
officiers avec le soutien de l'ex-chef d'état-major
bosniaque, Sefer Halilovic, qui publia des thèses opposées
dans le quotidien Oslobodjenje jusqu'en juillet 1995,
donnant ainsi le ton à Srebrenica. C'est Ibran Mustafic
dont on a déjà évoqué le destin ci-dessus qui témoigna d'un
intérêt en soi pour faire la lumière sur la situation.

C'est d'abord le commandant de l'armée de Srebrenica qui
se trouva au centre de la critique. "Des témoins affirment
que les hommes de Oric (Naser) sont à l'origine de 19
attentats" qui auraient été commis dès avant l'entrée des
Serbes dans Srebrenica, lit-on dans Ljiljan. Ce groupe
aurait aussi commis des assassinats lorsque, après l'entrée
des Serbes, les musulmans fuyaient la ville : " Quant aux
meurtres, même aujourd'hui on n'a pas encore le droit d'en
parler. Quelques-unes des personnes particulièrement bien
informées sur la situation militaire et politique à Srebrenica
osent affirmer que des 'témoins' avaient même été liquidés
lorsque le contingent principal s'était assuré une sortie de
Srebrenica par les armes. Lors de cette percée vers un
territoire libre, Azem Bajramovic, un membre de la
présidence du parti musulman SDA au pouvoir, fut tué
dans la région de Baljkovici. Sa mort est donnée en exemple
pour la manière dont on réduit au silence des témoins venus
de Srebrenica " écrivit Ljiljan. Cette vue coïncide avec des
déclarations de personnes fuyant Srebrenica, déclarations
reproduites dans le journal Oslobodjenje : " C'est pourquoi
les musulmans fuyant Srebrenica accusent leur
commandement d'être responsable de la disparition ou de la
mort de nombreuses personnes qui se sont retirées en
territoire libre avec les combattants. " Les indications les
plus précises viennent d'Ibran Mustafic. Dans une interview
donnée au magazine Slobodna Bosna, proche du cercle de
policiers musulmans, il raconte sa fuite hors de la ville et sa
capture par les Serbes. " Personnellement, je crois que la
plupart des personnes qui se sont rendues (aux Serbes) sont
en vie " dit Mustafic. Dans la même interview, il précise : "
J'ai entendu dire par des gens proches du service de sécurité
croate et qui avaient des contacts avec les Serbes, que 5600
survivants de Srebrenica se trouvaient encore dans
différents lieux. " Mustafic ne croit pas à la thèse courante
de milliers de tués pour le plaisir par les attaquants serbes,
parce que ceux-ci l'avaient relâché, même lui, l'activiste le
plus en vue du parti musulman dans l'enclave. Mustafic
jugea avec une sévérité particulière "un groupe privilégié"
parmi les musulmans ("un groupe de mafiosi invétérés"),
qui serait responsable des victimes lors du retrait d'une
colonne de réfugiés après la chute de l'enclave. Ce groupe
voulait " semer la plus forte confusion parmi les hommes
qui voulaient le suivre. La colonne a été coupée et les
personnes ont perdu la tête. J'ai parlé à beaucoup de
personnes qui sont sorties saines et sauves de Srebrenica et
qui n'ont pas fait partie de ce groupe, et lorsqu'ils m'ont
raconté tout ce qui s'était produit sur le chemin, j'étais
stupéfait. La tête me tourne quand j'y pense et surtout je ne
peux pas en parler. Ce sont des choses effroyables. "

Massacres ou combats?

Les sombres allusions de Mustafic portent sur le destin de
la colonne qui voulait atteindre Tuzla en traversant la forêt.
Les Casques Bleus ont également vu "en deux endroits des
combats entre ceux (des musulmans) qui voulaient rester et
ceux (des musulmans) qui voulaient partir." Honig et Both
rapportent, d'après les déclarations des survivants, d'autres
causes de décès : " La combinaison de peur, de manque de
nourriture et d'épuisement conduisit à une grande
désorientation et confusion, et quelques hommes sont
apparemment devenus fous. D'autres, ne voyant plus
d'issue, commencèrent à se suicider (...). Dans quelques cas,
les uns tuèrent les autres parce qu'ils ne se reconnaissaient
pas et se prenaient pour des Serbes déguisés. " Ilijas Pilav,
un des médecins parmi les réfugiés, rapporte : " Quelques
personnes dans le groupe ont commencé à avoir des
hallucinations. La peur. Le stress. Ces personnes
représentaient un danger pour leurs compagnons de route :
ils criaient et hurlaient et pouvaient révéler notre position
aux Tschetniks. Quelques hommes armés se sont mis à
paniquer complètement et ont ouvert le feu sans
discernement. Ils ont tué quelques-uns de leurs
compatriotes. Nous avons dû les maîtriser en employant la
force. "

La plupart des victimes cependant pourraient avoir péri
sous des balles serbes dans la marche vers la mort - mais, à
la différence de ce que suppose l'opinion publique
occidentale, pas seulement lors de massacres et
d'exécutions, mais aussi lors de combats acharnés. Même
l'acte d'accusation de La Haye, cité au début, relève qu'un
tiers des 15 000 âmes que comptait la colonne de réfugiés
étaient armées. L'ex-chef d'état-major Sefer Halilovic s'est
même vanté du fait que 6000 de ses soldats auraient percé
les lignes serbes près de Srebrenica et qu'ainsi, la 28e
division de l'armée musulmane aurait pu être réorganisée.
Les forces serbes qui avaient pris Srebrenica n'étaient en
aucun cas plus fortes: "Il y eut des rapports selon lesquels
jusqu'à 1500 Serbes étaient impliqués dans les attaques sur
Srebrenica, mais les services de renseignements évaluent la
force de combat à seulement 200 hommes, cinq chars
conduisant l'attaque de front" écrivit le Times de Londres.
En raison de ces seules proportions il est invraisemblable
que les musulmans en retraite se soient laissé massacrer
sans se défendre. Pour Trifunovic, les choses se sont passées
ainsi : " Comme tous les soldats musulmans voulaient
atteindre le territoire musulman à Tuzla ou à Kladanj en
traversant la forêt, ils devaient traverser des rues qui
coupent la forêt selon un axe nord-sud (...) ; comme les
forces bosno-serbes avaient des canons antiaériens, elles
n'avaient qu'à attendre et tirer sur les soldats musulmans
qui sortaient de la forêt, au cas où ils n'acceptaient pas de
se rendre. Et pourtant, les forces bosno-serbes ont été
vaincues en certains endroits, comme à Baljkovica,
Krizevac, etc, et ont perdu de 300 à 500 hommes parce que
les Serbes en sous-effectif ne pouvaient pas se mesurer à
des centaines voire des milliers de soldats musulmans qui
traversaient les rues en même temps, même s'ils avaient de
l'artillerie lourde. Parmi les pertes des forces bosno-serbes,
il y avait aussi quelques soldats d'élite, et les journaux
locaux serbes publiaient souvent, à cette époque, des
histoires et des photos de ces soldats. Si l'on considère
maintenant les pertes importantes que les Serbes ont subies
dans des conditions qui leur étaient favorables, on peut
évaluer, d'après une perspective militaire, les pertes des
musulmans à approximativement 2000 soldats. "

Le Debriefing Report des Casques Bleus hollandais fait
également état de " combats entre les armées bosno-serbe
et bosno-musulmane. " Le nombre le plus élevé de cadavres
dont le rapport fait état, c'est-à-dire les 500 ou 700
évoqués ci-dessus, furent vus aux alentours de la rue
principale, lieu de combats, entre Kravica et Nova Kasaba.
Honig et Both évoquent de lourds combats, le 14 juillet,
dans la région de Liplje, au sud-ouest de Zvornik, entre la
28e division des musulmans et 300 soldats serbes avec des
canons antiaériens. " Après une fusillade qui a duré deux
heures, les musulmans purent se dégager et poursuivre leur
marche. " Le lendemain, les combats s'intensifièrent. " Le
contact fut établi avec les troupes bosno-musulmanes de
l'autre côté des lignes serbes. L'après-midi du 15 juillet,
une tentative coordonnée pour percer les lignes serbes fut
entreprise. Le combat dura plus d'une journée. " Bien que
Honig et Both admettent donc des conflits armés, ils en
tirent la conclusion - comme le Tribunal de La Haye -
qu'une bien plus grande partie des réfugiés de la colonne en
route vers Tuzla furent exécutés après avoir été fait
prisonniers. " Une chose est claire, c'est que les plaintes
officielles des Serbes bosniaques, selon lesquelles la plupart
des hommes ont été tués au combat, ne peuvent pas être
fondées. Bien qu'il y ait des signes de combats dans la nuit
et le matin de la tentative de percée, les convois avec les
femmes et les enfants venant de Potocari n'en ont rien vu.
Tous les convois passèrent par la même région, où des
combats auraient eu lieu. Ce qu'ils virent, ce sont des
cadavres et des prisonniers. " La raison pour laquelle les
femmes et les enfants ne remarquèrent pas les combats
pourrait être la suivante : leur évacuation de Potocari eut
lieu le jour. Les soldats musulmans cependant attendirent la
tombée de la nuit pour leur tentative de percée en sortant de
l'abri de la forêt vers les rues surveillées par les Serbes.
Pour Honig et Both, les coups de feu dans la nuit aussi bien
que les nombreuses victimes que les Casques Bleus virent
sur la route entre Bratunac et Nova Kasaba, prouvent les
exécutions de prisonniers. Mais pourquoi n'auraient-ils pas
été les victimes des combats de la nuit ? Trifunovic effectua
une inspection à Cancari où (voir ci-dessus) une partie des
hommes exécutés à Branjevo auraient été cachés dans une
" deuxième tombe " : " Il n'est pas difficile de distinguer les
soldats musulmans, exécutés après avoir été fait prisonniers,
des soldats musulmans tués au combat. Les charniers le
démontreront (...). Le charnier à Cancari se trouvait le long
des deux rues du village. Au moment de l'exhumation, six
familles vivaient derrière le charnier. Les os étaient
complètement en désordre, leur disposition pas naturelle.
C'est pourquoi le Tribunal de La Haye menant les
investigations concernant ce charnier, supposa que les
cadavres avaient été apportés de quelque part pour être
cachés ici. Cependant, les détails ne correspondaient pas
nécessairement à cette version. Premièrement, l'endroit
était si proche des rues du village qu'il n'était pas possible
d'y cacher quoi que ce soit. Deuxièmement, les os sont
également déplacés quand un camion ramasse les morts
d'un champ de bataille. Les charniers ne signifient pas
toujours des exécutions en masse. Un villageois s'est plaint
à l'auteur en disant que son champ de blé aurait été
tellement piétiné par les musulmans pendant la nuit qu'il ne
pouvait pas faire sa récolte. Les combats auraient été si
violents que les cadavres des soldats tués au combat étaient
répandus sur tout le lieu (...). " Même le TPI à La Haye dut
constater : "Le Tribunal ne peut exclure la possibilité qu'un
certain pourcentage dans les tombes examinées étaient des
hommes tombés au combat."

Néanmoins, restent accablantes les preuves selon lesquelles
des centaines, voire même bien plus d'un millier de
musulmans ont été exécutés par les Serbes. Naturellement,
de durs combats ont eu lieu, naturellement, il y eut de
nombreux morts des deux côtés. Cependant, des musulmans
qui s'étaient déjà rendus furent liquidés, très probablement
à plus grande échelle. Cette évidence résulte des cordes
attachant les corps et des bandeaux trouvés sur leurs yeux
lors des deux travaux d'exhumation - les combattants ne se
les seraient guère mis eux-mêmes durant le combat. Les
chiffres nus : dans les tombes à et autour de Srebrenica, les
experts de La Haye trouvèrent, jusqu'à la fin 2001, 2361
cadavres. 199 cadavres portaient des bandeaux sur les yeux,
25 d'entre eux étaient ligotés. Dans 314 cas, on a décelé des
empreintes de ligotements sur les poignets. En outre, on a
trouvé 47 bandeaux et 29 ligotements éparpillés dans les
fosses communes. Puisque les morts avaient souvent un
Coran ou quelque chose de semblable sur eux, on peut
supposer qu'il s'agit de musulmans. Un grand nombre des
morts restant ont probablement aussi été exécutés - on
n'est pas obligé de ligoter des personnes et de leur bander
les yeux pour les fusiller. Des morts tués au combat
pourraient tout au plus encore se trouver dans des charniers
où l'on n'a remarqué ni cordes ni yeux bandés. Quatre des
vingt tombes examinées jusqu'ici sont concernées (Glogova
deux, Nova Kasaba 1999, Konjevic Polje un et deux) avec
en tout 208 cadavres. Dans un autre charnier (Dam près de
Petkovci) avec 43 cadavres, il y avait une corde juste sur la
tombe. Certes, on ne peut pas exclure que des musulmans
aient aussi été exécutés par des musulmans, quand on tient
compte de la déclaration ci-dessus d'Ibran Mustafic.
Cependant, eu égard aux circonstances - les musulmans
étaient en fuite et exposés aux tirs - cela pourrait tout au
plus expliquer une petite partie des exécutions. Karadzic
lui-même aurait d'ailleurs tout à fait reconnu des
massacres. Honig et Both le citent dans les termes suivants
: " Ce n'était pas une boucherie organisée par l'armée, mais
ce furent des réactions de vengeance de la part de Serbes
bosniaques dont les proches parents avaient auparavant été
tués par des musulmans. " Même si cela était exact, la
responsabilité de l'armée bosno-serbe n'en serait pas
moindre puisqu'une armée est responsable de la sécurité et
de l'intégrité corporelle de ses prisonniers de guerre. Et
pourtant, Karadzic renvoie ici à l'autre face de la médaille
dont on ne dit pas un mot à l'Ouest.

Les morts serbes

Dans Ljiljan, d'anciens habitants de Srebrenica témoignent
de la manière dont une mafia autour de Oric (Naser)
s'empara du pouvoir dans la ville pendant le siège mené par
les Serbes, à partir du printemps 1993. Elle aurait pris sous
son contrôle les livraisons d'aide humanitaire et les aurait
vendues aux prix les plus élevés au marché noir tandis que
la population était affamée. Mustafic dit à propos de
l'époque du siège : " A Srebrenica, on pouvait toujours tout
acheter au marché. Rarement il a manqué quelque chose.
L'unique source de ravitaillement était l'aide humanitaire.
Car jamais un convoi commercial n'est parvenu à
Srebrenica. Il y a aussi eu des contacts de part et d'autre des
lignes de front, mais dès que le commandement officiel a eu
vent que quelqu'un pouvait vendre quelque chose à un
moindre prix, on intervint immédiatement, car on essayait
par tous les moyens de garder le monopole sur le marché de
Srebrenica et d'être la seule source d'approvisionnement. "

Après que même le Parlement à Sarajevo eut critiqué Oric
au début d'octobre 1996 - comme on peut s'y attendre, pour
le plus grand désintérêt des médias occidentaux - le
quotidien Oslobodjenje publia une sorte de justification de
l'accusé qui, toutefois, se lit plutôt comme le contraire pour
un observateur sans idée préconçue. Ainsi il désigne Ibran
Mustafic comme la "cinquième colonne", celui qui aurait
"trahi et abandonné le peuple". Lui, en revanche, aurait, en
mai 1992, " d'abord nettoyé les villages tschetnik, et ensuite
nous avons attaqué la ville (c'est-à-dire Srebrenica) et
l'avons conquise. " Cette auto-louange d'Oric renvoie au
fait que, dans la région de Srebrenica et de Bratunac, de
très nombreux morts sont à mettre sur le compte de
meurtriers musulmans. De ces crimes aussi, les Casques
Bleus hollandais témoignent, par exemple le lieutenant
Jasper Verplanke de l'unité d'élite du Korps
Commandotroepen : " Oric (Naser) s'assura le contrôle
d'une grande partie de la Bosnie par la tactique de la terre
brûlée. C'est pourquoi (le général) Karremans a raison
quand il dit que de grands massacres ont été commis envers
la population serbe. On demande des preuves, car il n'y a
naturellement pas de homevideos comiques avec des
femmes violées et des hommes tués. Mais ces choses sont
réellement arrivées. "

Verplanke ne se trompe que sur un point : au moins une
"homevideo comique" existe effectivement. Naser Oric l'a
montrée, plein de fierté, aux représentants de la presse
occidentale : " Les trophées de Naser Oric ne sont pas
accrochés au mur de son confortable appartement, ils sont
sur vidéocassette : maisons brûlées, hommes serbes sans
tête, leurs corps empilés en un tas pitoyable. - Le prochain
chargement de morts est dû à la dynamite. 'Nous les avons
chassés jusqu'à la lune' explosa-t-il. Lorsque des images
d'une ville fantôme avec beaucoup d'impacts de balle
apparurent, mais qu'on ne vit pas de cadavres, Oric
s'empressa de dire: 'Là-bas, nous avons tué 114 Serbes.'
Plus tard, on lui fit la fête, des chanteurs à la voix huileuse
chantèrent sa gloire. " Lors du déclenchement de la guerre
au printemps 1992, Srebrenica comptait environ un tiers de
Serbes. Jusqu'à la fin de l'année, presque tous ont été
intimidés et chassés avec les méthodes de terreur décrites
ci-dessus. Pour l'évaluation du nombre de victimes,
imputables aux campagnes d'Oric, nous sommes obligés de
nous référer à des sources serbes. L'hebdomadaire
bosno-serbe, Javnost, rapporta, le 23 décembre 1995, que
dans la région de Podrinje - la région du côté bosniaque de
la Drina entre Zvornik au nord et Visegrad au sud - 192
villages furent brûlés, 2800 Serbes tués et 6000 blessés. Le
chiffre des villages brûlés fut confirmé par le général des
Dutchbatters, Karremans. D'après les informations du
professeur Milivoje Ivanisevic de Belgrade, déjà cité,
uniquement dans un périmètre proche de Srebrenica,
environ cent villages furent concernés. Le pathologiste
serbe, Zoran Stankovic, rapporte : " A l'époque, nous avons
identifié, justement dans cette région, mille Serbes tués à
propos desquels nous avons averti Richard Goldstone
(ancien procureur à La Haye, J.E.), mais personne ne s'est
intéressé à ces données. " C'est le professeur Cherif
Bassiouni de Chicago qui était nommé président d'une
commission d'experts des Nations Unies pour les
événements à Srebrenica dans les années 1992/1993. Dans
son rapport final du 27 mai 1994 au secrétaire général, il
dissimula les preuves portant sur la terreur des musulmans,
présentées par les Serbes. Quand on sait que Bassiouni
louait par ailleurs la Charia comme une "législation
flexible" et ne pouvait découvrir "aucune contradiction
entre le concept du Djihad et la Charte des Nations Unies" ,
sa manière d'agir devient compréhensible. Le général
français Philippe Morillon, ayant séjourné à Srebrenica et
dans ses alentours pendant plusieurs semaines en 1993,
confirma cependant les plaintes serbes devant la
commission d'enquête du Parlement français : " Il y eut de
monstrueux massacres commis par les troupes de Oric
(Naser), dans tous les villages des alentours (?). J'ai vécu la
crise depuis son commencement en avril 1992 et je me suis
toujours refusé d'affirmer qu'il y eut des attaquants et des
attaqués. "

En janvier 1993, une armée bosno-serbe constituée dans la
région à partir du reste de l'armée yougoslave qui s'était
retirée, commença la contre-offensive. En avril 1993, le
Conseil de Sécurité des Nations Unies déclara Srebrenica
zone protégée ; cependant la démilitarisation, promise dans
la résolution des Nations Unies ne fut pas mise à exécution.
En conséquence, la terreur des milices d'Oric s'accrut. Un
Casque Bleu hollandais se rappelle : " Les musulmans
attaquaient systématiquement à partir de l'enclave, puis ils
revenaient sur le territoire sous protection des Nations
Unies. " A cette époque, encore plus de 500 Serbes furent
assassinés par les troupes d'Oric. Il en ressort que 1500
Serbes furent victimes d'actes de violence de la part des
musulmans ; plus de mille de ces morts sont nommément
identifiés. De l'autre côté, les travaux d'exhumation
effectués à et autour de Srebrenica par le Tribunal
International pour les crimes de guerre ont, jusqu'à présent,
mis au jour 2361 cadavres musulmans. Sur ces cadavres, 72
sont nommément identifiés. Est-ce être pro-serbe que de
constater : la souffrance avait, des deux côtés, à peu près la
même dimension ? Et les victimes serbes de l'offensive sur
la Krajina par les Croates, qui commença peu après les
événements à Srebrenica, n'ont même pas encore été prises
en compte ici. Cependant, les chiffres de victimes
musulmanes sont gonflés , ceux des Serbes, ignorés. Ainsi
s'affine l'image de l'ennemi - la condition sine qua non de
toute guerre à l'ère des médias.

Jürgen Elsässer, La RFA dans la Guere au Kosovo -
Chronique d'une manipulation (L'Harmattan, Paris, 2002)