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Alexandre Loukachenko : "l'OTAN est une organisation illégale"


Envoyé par : "Roland Marounek" 

Dimanche 22. Juillet 2007  14:36

Interview interressante sur differents points du président biélorusse, ci-dessous dans son entièreté. Le passage concernant directement l'Otan et le "bouclier" anti-missiles est celui-ci
Q : Avez-vous la même compréhension pour ce qui concerne l'extension de l'OTAN ? [que pour l'élargissement de l'UE]

A. Loukachenko : L'OTAN, c'est une autre histoire. Nous la considérons comme une organisation illégale. Nous étions d'accord avec les Etats-Unis : nous dissolvons le Pacte de Varsovie, vous anéantissez l'OTAN. Le Pacte de Varsovie a disparu. L'OTAN se renforce. Pire, les Américains ne demandent même pas l'avis de ses partenaires européens. Vous [les Européens] faites semblant de ne pas le voir et vous vous taisez. Vous connaissez pourtant le prix du silence, qui a conduit à la seconde guerre mondiale. Dans ces conditions, le déploiement de missiles américains sur les territoires tchèques et polonais est une question pour la sécurité de l'Europe, pas seulement de la Biélorussie.

Cela comporte-t-il un risque de conflit ?

Je crois que oui. On ne peut pas garantir que ce ne soit pas le début d'un processus destructeur, de déstabilisation de notre continent tranquille. D'autres pays pourraient se joindre à ce conflit, surtout en tenant compte des guerres et des points chauds diplomatiques aux frontières de la Russie. Cela pourrait aboutir à un conflit global dont on sait comment il se finirait.

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Alexandre Loukachenko : "l'OTAN est une organisation illégale"

LE MONDE | 20.07.07 | 13h49 . Mis à jour le 20.07.07 | 14h32
MINSK, ENVOYE SPECIAL 
Christophe Chatelot


Vos voisins de l'Union européenne et de la Russie vous critiquent. Ne vous sentez-vous pas isolé ?

Il y a longtemps que l'on dit que la Biélorussie est un pays isolé. Mais alors comment se fait-il que notre produit intérieur brut augmente [9% sur les six premiers mois] ? L'isolement du pays n'existe pas. Si vous croyez que vous avez isolé le président et des ministres, nous ne répondrons pas de la même façon. Nous allons bien sûr donner le visa au président Sarkozy s'il décide de venir en Biélorussie. S'il ne me donne pas de visa pour aller en France, c'est son problème, sa conscience mais ce ne sera pas une bonne chose pour nos deux pays, ni pour l'Union européenne.

Nous avons des relations politiques et économiques excellentes avec beaucoup d'autres pays dans le monde. Le mot "isolement", lui-même, est un anachronisme. Difficile de comprendre comment isoler un pays qui se trouve au centre de l'Europe où se croisent les intérêts de grandes puissances comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne ou la France.

Etes-vous prêts à répondre aux exigences posées par l'Union européenne, en terme d'amélioration des libertés individuelles, pour renouer ses relations avec votre pays ?

Les mesures recommandées par l'Union européenne sont risibles. On nous demande des réformes qui ont déjà été faites depuis longtemps. Ils exigent plus de libertés publiques en Biélorussie alors qu'il n'en existe pas moins qu'en France. Nous étions prêts à entamer ce dialogue. Pourtant, il y a une certaine incompréhension de la part des fonctionnaires européens : d'un côté ils nous engagent au dialogue, et de l'autre ils interdisent de visas les dirigeants qui doivent le mener. Comprennent-ils que sanction et dialogue sont incompatibles ? Mon sentiment est qu'il y a un double langage de la part de l'Union européenne qui finance l'opposition. Veut-elle discuter avec la Biélorussie ou servir d'intermédiaire entre nous et l'opposition ?

Comment expliquer de décalage entre les condamnations européennes, les Etats-Unis qui parlent de dictature et votre présentation d'une Biélorussie démocratique ?

Il est facile, en se promenant, de voir la différence entre la réalité sociale et ce que décrivent l'Europe et les Etats-Unis. Je ne comprends pas de quelle dictature on parle. J'aimerais qu'on me montre la différence entre notre soit-disant dictature et d'autres régimes politiques avec lesquels vous avez d'excellentes relations.

Ce n'est pas seulement une question de rhétorique mais personne ne nous a expliqué sur quels critères on se base pour nous qualifier de dictature. Si quelqu'un me le dit, nous aurons au moins une base de travail. Ici, il n'y a aucun indice de conflit religieux entre les 20 confessions présentes dans le pays. N'importe où - à Minsk, comme dans les villages - les gens se promènent sans crainte. Les structures criminelles sont combattues. Il n'y a pas de délits de corruption qui ne restent impunis. Nous n'avons aucun problème de coopération avec les pays voisins. Nous ne sommes pas de ces Etats agressifs qui envoient, à l'étranger, leurs soldats tuer des vieillards et des enfants.

Et quand l'opposition politique descend dans les rues, nous n'utilisons ni gaz lacrymogène ni balles en caoutchouc pour les réprimer. On peut regarder sans problème n'importe quelle chaîne de télévision étrangère ou toutes les chaînes russes que vous croyez démocratiques. Deux tiers des éditions en Biélorussie sont non officielles et on peut acheter des journaux opposés au président au siège de l'administration présidentielle. Pourquoi cela ne correspond-il donc pas aux critères démocratiques que vous exigez de nous ? Quel est le sens de cette dictature ?

Il ne s'agit pas de dictature mais de notre politique, dictée par notre sens de l'indépendance et de notre fierté pour le présent et notre passé. Un Biélorusse sur trois est mort pendant la seconde guerre mondiale. Nous avons beaucoup fait pour sauver le monde du nazisme, y compris pour la France. Au moins pour cela nous méritons le respect. Les Européens l'ont oublié. Pas nous. Nous sommes fiers: nous n'aimons pas être bousculés et qu'on nous impose notre conduite. Nous ne vivons pas sur le dos des crédits comme vous en accordez à d'autres. Notre dette extérieure est inférieure à 2% du PIB. Certains de vos amis démocratiques ont 100% de dette. Quelle est donc notre faute aux yeux de l'Europe ? Si des faucons en Europe veulent qu'ici règnent le chaos et l'instabilité, nous ne l'accepterons pas.

La dictature en Biélorussie est impossible, au regard de sa mentalité et de son histoire. Les gens qui la qualifient ainsi montrent leur stupidité. Les Biélorusses ne supportent pas le diktat, l'histoire l'a montré. Peut-être y-a-t-il des éléments de rigidité ou d'autoritarisme en Biélorussie, mais tout cela est dans le cadre de la constitution, adoptée par référendum. Le peuple a soutenu le pouvoir parce que dans les années 1990 nous avons vécu une situation anarchique comparable à l'Ukraine actuellement et personne ne veut revivre ça.

Vous avez pourtant perdu votre statut d'observateur au Conseil de l'Europe. Ne voulez-vous pas réintégrer cette assemblée ?

Cela ne dépend pas de nous. Ce sont les mêmes conditions que celles de l'Union européenne et qui nous font rire. Ils exigent de nous d'appliquer des standards qui n'existent même pas en Europe. C'est une double langage. Quand des manifestants provoquent la police et qu'il s'en suit des échauffourées, on hurle aux atteintes à la démocratie, aux libertés, et tout ce qui s'en suit. Pourtant, il y a peu, on a vu comment la France et l'Allemagne réagissent quand la loi est violée. Cela ne pose alors aucun problème à l'Europe. Aucun journaliste n'a versé de larmes de crocodile. Et c'est normal parce que vous voulez vivre dans un pays stable et où la sécurité des citoyens est garantie. Mais si une chose pareille s'était passée ici, je ne sais pas quels mots vous auriez trouvé pour qualifier le président. C'est peut-être une question de mentalité, pas de standards démocratiques.

Pourtant les ONG dénoncent la présence de détenus politiques dans les prisons biélorusses ?

Il n'existe pas de délit politique dans le code criminel biélorusse. Donc nous n'avons pas de prisonniers politiques. Ce sont des fantaisies. Ceux qui ont été condamnés l'ont été parce qu'ils ont violé le code pénal, il est même possible de le prouver par les faits concrets.

Etes-vous disposé à répondre à la proposition de dialogue constructif de l'opposition ?

En effet, j'ai entendu dire que quelqu'un voulait dialoguer avec les autorités. Mais un des dirigeants de l'opposition a lui-même reconnu que l'opposition est laminée, sans d'ailleurs que l'on ait besoin de s'en mêler. Il existe quinze oppositions. Avec qui dialoguer ? Sur quel sujet ? Que proposent-ils ? Et puis vous, les Européens, vous menez déjà ce dialogue avec nous au nom de l'opposition. Je doute fort que nous ayons donc besoin d'un entretien. Nous avons une opposition qui n'a rien contre l'argent que vous lui donnez et qui doit, de temps en temps, vous montrer ce qu'elle fait de cet argent. Si l'opposition apprenait demain qu'elle peut prendre le pouvoir, elle refuserait. Nous avons une opposition qui n'a pas besoin du pouvoir mais n'a rien contre l'argent que vous lui donnez. Aucun de leurs slogans n'est adressé à la population, mais à l'Ouest.

N'êtes-vous pas tenté de créer votre propre parti politique ?

Alors que je remporte facilement les élections, pourquoi irais-je dépenser du temps, de l'esprit, et de l'argent pour créer un parti politique. On ne peut pas "créer" un parti parce que cela viendrait d'en haut. Un parti doit naître d'un vou populaire. Pour le moment ce n'est pas le cas et je ne veux pas le faire d'une façon artificielle. Sinon, cela serait un nouvel appareil d'Etat derrière un paravent populaire. L'appareil qui existe actuellement suffit pour exercer le pouvoir. Nous avons suffisamment de partis dans le pays : dix-sept pour 10 millions d'habitants. Faut-il en avoir plus ? Je dis : "Je suis un président populaire et le peuple est mon parti." C'est pathétique mais c'est le fond de ma politique.

Votre fils, Viktor, est-il votre successeur désigné depuis sa nomination au Conseil national de sécurité ?

Il n'a pas d'ambition politique. J'ai deux fils qui n'ont pas envie du travail présidentiel. Ce qu'on dit à l'Ouest - "si Loukachenko part, son fils arrive" - est faux. En nommant mon fils comme assistant, mon intention était d'ouvrir un canal d'information supplémentaire et cela fonctionne efficacement. Il est compétent et il m'aide à prendre des décisions.

Est-ce la preuve d'un manque de confiance vis-à-vis de votre entourage ?

Aucun dirigeant dans le monde ne peut se targuer d'accorder une confiance totale à tous ceux qui l'entourent. C'est pourquoi mon fils m'assiste.

Après treize ans de pouvoir, le temps n'est-il pas venu de passer la main et n'avez-vous pas de regrets ?

Trop peu de temps s'est écoulé pour les regrets. Nous ne nous sommes pas trompés de système. C'est le peuple biélorusse qui décide si je reste ou si je dois partir. Et les Européens le savent. Ma seule ambition est d'embellir la Biélorussie. Ma mission sera accomplie lorsque la Biélorussie pourra bénéficier du même bien-être qu'en France, le plus beau pays d'Europe. Nous n'avons pas besoin de beaucoup de temps pour le faire et quand cela aura lieu, alors, ma mission aura été accomplie.

Quel a été l'impact de l'augmentation des prix de l'énergie russe au début 2007 ?

Cette augmentation de prix est un pas sans précédent entre deux pays alliés, pas seulement dicté par des objectifs économiques. Les Russes expliquent qu'ils se conforment aux lois du marché. Mais le marché suppose une concurrence libre. Or, nous nous trouvons face à un monopole russe, celui de Gazprom. On ne peut donc pas parler de marché, ni de concurrence, mais d'un fournisseur qui a voulu gagner sur notre dos 1,5 milliard de dollars de plus sur les livraisons, et peut-être 2 milliards de dollars dans le futur. Cela ne concerne pas seulement la Biélorussie, mais également le Kazakhstan, la Géorgie, l'Arménie, l'Ukraine. Ce sont pourtant nous, Biélorusses ou Ukrainiens, qui, au sein de l'URSS, avons aussi créé Gazprom. Nous avons aussi construit leurs gazoducs et foré en Sibérie. C'est pourquoi nous avons le droit d'obtenir de l'énergie au même prix que les Russes.

Si l'on parle d'union entre la Biélorussie et la Russie, les entreprises aussi bien que les gens doivent bénéficier du même prix pour l'énergie. Tout cela fait d'ailleurs partie de l'accord de projet d'union sauf que la Russie a détruit cet accord. Mais notre économie et notre Etat sont assez forts pour résister, ce que la situation des six derniers mois prouve.

Je ne sais pas quel intérêt politique a dicté la décision des Russes mais personne ne peut imaginer que Gazprom n'a pas été autorisée par les autorités avant de la prendre.

Quant au gazoduc sous la Baltique, c'est un projet stupide. C'est comme choisir de marcher à genou dans la boue plutôt que chaussé sur un tapis. Ceux qui ont inventé ce projet ont sans doute de l'argent à gaspiller. La Russie n'a pas de problème avec le transit des hydrocarbures en Biélorussie. C'est beaucoup moins cher de passer ici que par d'autres pays, ou, surtout, sous la Baltique.

Croyez-vous toujours à ce projet d'union russo-biélorusse ?

Bien sûr que ce projet a un avenir. Il correspond à la volonté de nos deux peuples. La balle est, maintenant, dans le camp de la Russie qui, tout simplement, doit respecter l'accord qu'elle a signé sur la création de l'union. Mais attention : la Biélorussie ne sera jamais une partie intégrante de la Russie. Les relations dans l'union se feront entre partenaires égaux. Nous défendrons notre souveraineté et notre indépendance.

On verra si l'élection [présidentielle russe de 2008] changera quelques choses. Mais si vous croyez que M. Poutine est un ennemi acharné de cette union, vous vous trompez. Vladimir Poutine comprend très bien tout le profit à tirer de cette union. Vladimir Poutine est un soviétique. Il le restera, même s'il a changé - disons - de costume. Il connaît les avantages de notre passé commun.

Vladimir Poutine est un ami. S'il y a quoi que ce soit, j'ai une ligne directe pour l'appeler. Nous n'avons pas d'autres choix que d'être amis même si chacun défend ses intérêts, ses opinions et sa diplomatie. Et si parfois nous nous disputons, y compris en économie, notre volonté est tellement forte que nous surmontons ces difficultés.

L'Union européenne partage avec vous les problèmes d'approvisionnement avec la Russie.

La question de l'approvisionnement énergétique est centrale pour les Européens, qui auraient d'ailleurs dû s'en préoccuper bien avant que la crise n'éclate entre la Russie et la Biélorussie. Nous avons mis sur la table la question énergétique comme élément central et non cette question éphémère des libertés démocratiques et tout ça. Peut-être que l'inertie européenne empêche de percevoir cette question. J'espère que la nouvelle présidence française qui a de l'énergie et des ambitions verra ce problème et appréciera la Biélorussie.

L'élargissement de l'Union européenne à vos voisins a fait venir à Bruxelles des pays qui ne sont pas vos meilleurs avocats.

La vieille Europe connaît la Biélorussie. Nous n'avons pas besoin d'intermédiaires entre l'Europe et la Biélorussie et sûrement pas de ceux qui nous font de la mauvaise publicité. Mais nous sommes voisins et nous n'avons pas le choix. Nos échanges commerciaux sont d'ailleurs très bons avec la Lituanie [transport], même chose en Lettonie ou la Pologne. Et il serait très difficile et très coûteux de détruire ces liens économiques. Leur entrée dans l'Union européenne n'a rien changé sur le plan politique: ils sont obligés de suivre la même politique et les mêmes valeurs que l'Europe. Nous ne leur demandons pas de faire l'inverse.

Avez-vous la même compréhension pour ce qui concerne l'extension de l'OTAN ?

L'OTAN, c'est une autre histoire. Nous la considérons comme une organisation illégale. Nous étions d'accord avec les Etats-Unis : nous dissolvons le Pacte de Varsovie, vous anéantissez l'OTAN. Le Pacte de Varsovie a disparu. L'OTAN se renforce. Pire, les Américains ne demandent même pas l'avis de ses partenaires européens. Vous [les Européens] faites semblant de ne pas le voir et vous vous taisez. Vous connaissez pourtant le prix du silence, qui a conduit à la seconde guerre mondiale. Dans ces conditions, le déploiement de missiles américains sur les territoires tchèques et polonais est une question pour la sécurité de l'Europe, pas seulement de la Biélorussie.

Cela comporte-t-il un risque de conflit ?

Je crois que oui. On ne peut pas garantir que ce ne soit pas le début d'un processus destructeur, de déstabilisation de notre continent tranquille. D'autres pays pourraient se joindre à ce conflit, surtout en tenant compte des guerres et des points chauds diplomatiques aux frontières de la Russie. Cela pourrait aboutir à un conflit global dont on sait comment il se finirait.

Qu'attendez-vous de la nouvelle présidence française sur le plan bilatéral ?

J'aimerais que la France perçoive différemment la Biélorussie, que la nouvelle présidence, après avoir examiné la situation, tire des conclusions justes et change son attitude. Que l'on revienne à la période de dialogue sérieux qui prévalait il y a cinq, sept ou dix ans.

Nous ne cachons pas notre intention de construire une centrale nucléaire, de façon transparente. Nous invitons tous ceux intéressés - dont la France - à venir ici. Les mours sont certes différents en Biélorussie depuis Tchernobyl, mais nous n'aurons pas besoin de beaucoup de temps pour convaincre la population. D'autant que nous sommes déjà encerclés par des centrales nucléaires. Autant en avoir une sur notre sol. L'objectif est de réduire notre dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Nous suivons la voie de l'Europe, qui est aussi préoccupée par la recherche de sources alternatives d'énergie, y compris nucléaire.

Quel est le résultat de la visite du président Hugo Chavez à Minsk ?

Nous aimerions avoir les mêmes relations, excellentes, avec tous les autres pays. La vérité est que nous sommes au début du chemin de notre coopération avec ce riche pays d'Amérique latine. La sphère d'intérêt est très variée : sphère militaire - nous ne le cachons pas - mais aussi high-tech, exploration pétrolière... Nous avons ce que le Venezuela n'a pas, lui, qui, en revanche, dispose d'argent et le pétrole. Toutes les conditions sont donc réunies pour coopérer.

Est-ce une amitié dictée par la constitution d'un front anti-américain ?

Nous ne construisons pas nos relations d'amitiés contre un pays. Jusqu'à présent, nous menions notre politique extérieure en fonction des relations commerciales avec nos voisins. Maintenant nous les construisons suivant un axe géographique allant de l'Amérique latine à l'Afrique du sud jusqu'à l'Inde, le Vietnam, la Malaisie, la Chine et l'Iran. On ne se pose pas pour but d'être ami du Venezuela contre les Etats-Unis.

Mais si quelqu'un cherche à nous étouffer avec des sanctions, on est obligé de chercher notre salut hors de l'Europe, sur d'autres continents. Ce n'est pas violer le droit international, il me semble. Nous sommes un pays souverain et indépendant, qui compte parmi les membres fondateurs de l'ONU. Vous, Français, pouvez le comprendre, vous, qui avez de bonnes relations avec tous les pays cités dont le Venezuela. M. Chavez m'a d'ailleurs dit qu'il est très intéressé à poursuivre ces relations.

Quelles sont les conséquences de la révolution orange en Ukraine (hiver 2004-2005) ?

Si on parle de l'économie, les conséquences du changement du pouvoir sont positives : nos échanges sont passés de 500 millions de dollars avant, à deux milliards maintenant !

Et pour ce qui concerne la chute du régime de l'ancien président Koutchma ?

Je préfère ne pas utiliser les termes "chute du régime Koutchma". Il n'y a pas eu de "chute", ni de "régime". Quant à la couleur orange, beaucoup d'Ukrainiens auraient préféré ne pas la voir se déverser sur leur pays. Tous les politiciens ukrainiens disent : "Dieu garde tous les pays d'une telle vie politique !" Par cet exemple, l'Ukraine a a montré à tout le monde ce qui est à éviter. Elle a sauvé d'autres Etats de telles révolutions.

L'Occident, a imposé à l'Ukraine, par le biais des hommes politiques ukrainiens, un système de pouvoir qui n'a jamais existé et qui n'existe pas en Ukraine. L'Ukraine est maintenant dirigée par un serpent à plusieurs têtes qui regardent dans des directions opposées. Tout, avant et après la révolution, a été dicté par les Américains. Comme tout ce que vous faites en Europe où les Etats-Unis pèsent sur toutes les questions importantes.

Mais grâce à la crise ukrainienne, notre peuple a eu le temps de comprendre que ce virus n'est pas pour lui. Proposez ce changement à n'importe qui, même à ceux qui sont proches de l'opposition, et ils diront "non merci !", nous ne voulons pas changer l'ordre constitutionnel contre l'anarchie.

Quel est le sens de la réforme sociale que vous avez entrepris ? N'est-elle pas impopulaire ?

Nous avons entamé, il y a cinq ans, la réforme du système social. Il n'est pas normal dans un pays de 10 millions d'habitants que 7,5 millions d'entre-eux vivent du système social. Mais nous ne priverons ni les enfants, ni les personnes âgées, ni les handicapés, ni les anciens combattants de cette assistance au nom de je ne sais quelle difficulté économique. L'argent est pris à ceux qui peuvent travailler pour ceux qui en ont besoin.

La population est assez sage pour comprendre la nécessité de cette réforme. Quand les gens gagnaient 20 ou 30 dollars par mois, nous ne nous posions pas la question. Maintenant, le pouvoir d'achat en Biélorussie a été multiplié par dix en treize ans. Nous menons les réformes en temps utile. A la fin de l'année, les retraites auront doublé pour que les retraités puissent compenser ce qu'ils ont perdu. Avec cet argent, les gens feront ce qu'ils veulent : prendre le bus le taxi ou bien marcher à pied. Le système public, y compris social, doit être équitable.

Entendez-vous développez une troisième voie économique, un modèle original ?

Nous prenons ce qu'il y a de mieux chez vous, en tenant compte de vos erreurs. Tout cela est adapté à nos conditions mais nous n'avons rien inventé. Nous cherchons une approche créative. Nous n'avons rien rejeté du capitalisme français ni du socialisme suédois, norvégien ou finlandais. Car on n'oublie pas tout ce qui a été bénéfique dans le socialisme soviétique. L'Etat français, lui aussi, intervient sérieusement dans la sphère économique, pas seulement dans les chemins de fer, mais aussi dans les domaines stratégiques pour la France.

Si l'Etat peut diriger telle ou telle sphère pourquoi pas, sinon il faut en partir. La différence c'est que vous avez construit ces relations de marché pendant des siècles. Nous, cela fait seulement une dizaine d'années. Nous avons le temps de quitter les sphères dans lesquelles nous sommes impliqués mais sans thérapie de choc, pas à pas, comme un bon manager.

Les privatisations sont-elles au programme ?

Dans certains domaines, c'est trop tôt mais il n'y a pas d'entreprises interdites de privatisation. A deux conditions, normales : que l'Etat veuille se retirer et à quel prix.

Le niveau des investissements étrangers est satisfaisant. Les pays occidentaux disposent de liquidités qu'ils doivent faire travailler dans le secteur réel. Les hommes d'affaires le comprennent et doivent prendre conscience que la Biélorussie est un marché bien situé géographiquement, intéressant pour la pétrochimie, la construction ou l'industrie mécanique.

L'entrée de la Russie dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) vous pose-t-elle un problème ?

Le commerce entre la Russie et la Biélorussie se fait aux conditions de l'OMC. Notre économie est ouverte : 85% de la production est vendue à l'extérieur. Si nous voulons protéger nos producteurs contre les producteurs étrangers, nous aurons à faire face à des mesures réciproques. En fait, nous vous ouvrons les bras et vous, vous érigez contre nous des obstacles non démocratiques.