Kosmet (textes en francais)

1. Occupations militaires - La prostitution érigée en système
(Richard Poulin, Le Devoir - Quebec - 26 mai 2004)

2. « Les Serbes du Kosovo n'ont plus d'autre droit que celui de mourir
». La vie impossible des Serbes du ghetto de Ljipljan

Voir aussi:
http://it.groups.yahoo.com/group/crj-mailinglist/message/3491
http://it.groups.yahoo.com/group/crj-mailinglist/message/3518
http://it.groups.yahoo.com/group/crj-mailinglist/message/3607


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Source: http://fr.groups.yahoo.com/group/alerte_otan/messages


Occupations militaires - La prostitution érigée en système


Richard Poulin

Professeur, département de sociologie, Université d'Ottawa; professeur
invité, Universität Innsbruck; auteur de La Mondialisation des
industries du sexe, à paraître à l'automne

http://www.ledevoir.com/cgi-bin/imprimer?path=/2004/05/26/55328.html

Le Devoir (Quebec)
Édition du mercredi 26 mai 2004


Les soldats de la force de l'OTAN au Kosovo (KFOR) et le personnel de
l'ONU contribuent à alimenter l'essor de la prostitution dans la
province de Serbie à majorité albanaise, affirme Amnesty International
dans un rapport rendu public le 6 mai dernier.


Selon l'organisation de défense des droits humains, 20 % des clients
des réseaux de prostitution au Kosovo sont des soldats de la KFOR et
des policiers de la MINUK (Mission des Nations unies), qui contribuent
de la sorte à fournir «une part substantielle des revenus», évaluée à
70 %, de l'industrie du sexe.

Il semble paradoxal que dans un pays qui a connu les horreurs de la
guerre civile, certaines des violations des droits humains les plus
élémentaires soient commises par la communauté internationale censée
apporter la paix et permettre la reconstruction du pays. Toutefois, ce
paradoxe n'en est pas un : le stationnement de troupes armées
d'occupation développe les infrastructures prostitutionnelles et, par
conséquent, la traite des femmes et des enfants aux fins de
prostitution. Cet essor se traduit également par une augmentation de la
clientèle locale et régionale.

La mise en place de telles infrastructures est encouragée, sinon
pilotée par les forces d'occupation. Elle est l'une des fondations sur
lesquelles se déploie le tourisme sexuel.


Les installations récréatives de la Corée

L'industrie massive de la prostitution et la traite des êtres humains
qui l'accompagne en Asie du Sud-Est a pris son essor grâce aux guerres
du Viêt-nam et de Corée.

À la fin des années 50, le gouvernement américain et la République de
Corée ont signé un traité de défense mutuel qui a formellement accordé
des bases militaires aux troupes américaines en Corée du Sud. Une des
clause du traité prévoyait la mise en place de Rest and Recreation
sites pour les soldats américains. Dans ces sites, les bordels étaient
subventionnés par le gouvernement coréen, qui a ainsi pu édicter ses
règles : il a estimé que des filles «de réconfort militaire» devaient
«servir» 29 militaires par jour. Le gouvernement a même évalué que les
contacts sexuels ne devaient pas dépasser les 30 minutes.

La pauvreté engendrée par la guerre ainsi que ses dislocations
familiales et sociales ont permis au gouvernement coréen de recruter
des femmes en promettant un emploi gouvernemental bien payé mais qui,
en fait, était celui de prostituée pour les soldats américains.

À la fin des années 90, on dénombrait 18 000 personnes prostituées
enregistrées et 9000 non enregistrées au service des 43 000 militaires
états-uniens stationnés en Corée. Aujourd'hui, 8500 femmes, originaires
surtout des Philippines et de la Russie, sont victimes de la traite aux
fins de prostitution pour les militaires américains de la Corée. Elles
ont pu entrer au pays au moyen de visas de «divertissement» délivrés
par le gouvernement à la suite de négociations avec l'association des
propriétaires de bars des camptowns.

En 2003, un rapport du ministère de la Défense américain reconnaissait
que les soldats américains avaient «encouragé» la traite de femmes aux
fins de prostitution en Corée.


Les bordels de réconfort nippons

Entre 1937 et 1945, l'armée japonaise d'occupation a utilisé entre
100 000 et 200 000 Coréennes qui ont été incarcérées dans des comfort
stations (bordels de réconfort). Ce système était institutionnalisé :
des officiers nippons recevaient une formation de l'armée pour
apprendre à bien gérer l'approvisionnement en marchandises inanimées et
vivantes pour le «réconfort» des soldats. La majorité des prostituées
(approximativement 80 %) était d'origine coréenne, la plus ancienne
colonie japonaise. Au fur et à mesure de la guerre et de l'occupation
de divers pays par les troupes impériales, des bordels ont été ouverts
et approvisionnés en femmes provenant des nouvelles colonies de Chine,
des Philippines, de Birmanie, d'Indonésie, de la Malaysia, de Singapour
et du Timor. Ces femmes étaient jugées inférieures d'un point de vue
racial, ce qui légitimait leur esclavage sexuel. Elles étaient
régulièrement battues et torturées. Si elles tombaient enceinte, elles
étaient assassinées.

Quelques jours seulement après la défaite japonaise, l'Association pour
la création d'installations récréatives spéciales, financée
indirectement par le gouvernement japonais, ouvrait un premier bordel
de réconfort pour les troupes américaines d'occupation. À son point
culminant, cette association «employait» 70 000 personnes prostituées
japonaises.


Les Rest and Recreation sites en Thaïlande

À la différence de la Corée, les Rest and Recreation sites développés
pendant la guerre du Viêt-nam n'ont pas été directement rattachés aux
bases militaires. Ces établissements se sont développés en Thaïlande et
aux Philippines. Les États-Unis ont conclu une entente avec la
Thaïlande en 1967 pour que le pays soit un lieu «de repos et de loisir»
pour ses soldats. C'est un général de la Royal Air Force thaïe qui a
négocié cette entente qui a permis un afflux énorme de devises fortes
dans l'économie du pays. Son épouse a dirigé la première agence de
tours sexuels de la Thaïlande pour les militaires américains.

Approximativement quatre millions $US ont été prêtés à l'époque au pays
pour financer la construction des nombreux Rest and Recreation sites.
Entre 1962 et 1976, environ 700 000 militaires américains sont allés
«se reposer et reprendre des forces» dans les bordels thaïlandais. On
estime aujourd'hui à deux millions le nombre de personnes prostituées,
dont 300 000 enfants, en Thaïlande, une destination prisée des
touristes sexuels.

L'utilisation d'«installations récréatives» fait encore partie des
politiques du Pentagone. Immédiatement après la première guerre contre
l'Irak, les troupes américaines ont été envoyées en Thaïlande pour y
prendre du «bon temps».


La Bosnie-Herzégovine

La traite des femmes a radicalement augmenté avec la présence de la
mission de pacification de l'ONU en Bosnie-Herzégovine. L'histoire de
la mise en place de l'Arizona Market en Bosnie est édifiante à cet
égard. Ce vaste marché détaxé, créé en 1992 par la SFOR (Force de
stabilisation de l'OTAN), porte le nom d'un désert américain car les
autorités militaires des États-Unis y ont piloté la création d'une zone
franche «pour réconcilier par le commerce» les populations serbo-croate
et bosniaque.

Dans cette zone du nord du pays, laissée sous autorité américaine et
internationale après 1999, le système proxénète a établi son marché.
Les femmes y sont vendues comme l'étaient les esclaves victimes de la
traite des négriers. Le processus de vente se déroule comme suit : les
jeunes femmes montent sur une scène d'un bar quelconque, y font
quelques pirouettes pendant que les acheteurs inspectent leur corps et
même leur bouche avant de faire une offre, entre 980 et 1967 $US pour
les plus convoitées. Les filles passent de main en main et sont vendues
plusieurs fois. Une des mineures rapatriées par l'Organisation
internationale pour les migrations (OIM), âgée de 14 ans, a été vendue
22 fois.

L'OIM évalue à 10 000 le nombre de personnes prostituées clandestines
en Bosnie. En 2002, un rapport de la MINUK suspectait 227 boîtes de
nuit et bars de Bosnie d'être partie prenante dans la traite des femmes
et des enfants aux fins de prostitution. L'OIM estime que 250 000
femmes et enfants de l'Europe de l'Est sont victimes de la traite via
la Serbie et les États voisins, dont un grand nombre se retrouve dans
les nouveaux protectorats internationaux de la Bosnie et du Kosovo pour
desservir soldats, policiers et membres des ONG.

Un certain nombre de rapports font état de dissimulation de la
participation d'équipes spéciales de la police de l'ONU ou de soldats
sous le commandement de l'OTAN dans la traite des femmes et des enfants
aux fins de prostitution. Mais peu à peu, la vérité s'est frayé un
chemin. Les soldats de la SFOR, le personnel de l'ONU ainsi que celui
des 400 ONG de Bosnie non seulement profitent du marché prostitutionnel
comme clients mais en sont même des trafiquants proxénètes dans
certains cas.

Un rapport de l'ONU, non publié à l'extérieur de la Bosnie, met en
évidence la complicité de la police locale, de la SFOR et même de
l'International Police Task Force (IPTF) dans de nombreuses affaires de
prostitution, de traite ou de «protection» de ces industries en échange
d'argent ou de passes gratuites.

Une ancienne employée de l'ONU, mise à pied après avoir dénoncé aux
plus hautes autorités de l'ONU et de la SFOR de la Bosnie-Herzégovine
l'implication de certains de leurs membres dans la traite, a intenté
une poursuite en justice contre son employeur, la société de sécurité
britannique DynCorp Aerospace, une filiale de la société américaine
DynCorp Incorporated, chargée, entre autres, du recrutement des
officiers de l'IPTF. Selon ses accusations, des employés de la DynCorp
ont contrefait des documents pour faciliter le transport de femmes
victimes de la traite en Bosnie.

En 1998, des accusations ont été portées contre des soldats italiens,
portugais et égyptiens, sous le commandement de l'OTAN, pour leur
implication dans un réseau de prostitution d'enfants -- des fillettes
âgées de 12 à 14 ans -- à Sarajevo. L'OTAN a écarté ces allégations du
revers de la main.

Ajoutons à ce sombre tableau le fait que les accords de paix de Dayton
de 1995 permettent à l'ONU «le mouvement complet et libre» et ne lui
confèrent «aucune responsabilité pour des dégâts à la propriété».
L'annexe B accorde l'immunité juridique au personnel de l'OTAN pour ses
actions «dans toutes les circonstances et à tout moment». Il est
désormais soumis «à l'autorité exclusive» de la justice des pays
d'origine, peu importe les infractions criminelles commises en Bosnie.

Au Kosovo, une loi interdisant le trafic des femmes a été promulguée en
février 2001. Toutefois, les dispositions visant à protéger les
victimes n'ont pas encore été mises en application. Des membres de la
force internationale de maintien de la paix et des forces de la police
civile qui ont été soupçonnés d'être impliqués dans la traite des
femmes n'ont pas été poursuivis malgré les dispositions juridiques
applicables en la matière. Pour l'instant, la MINUK n'a fait qu'édicter
un code de conduite et distribuer massivement des préservatifs à ses
troupes..Les pouvoirs occidentaux gouvernent les «protectorats» de la
région comme les anciens maîtres coloniaux dirigeaient leurs empires.
La prostitution y est érigée en système. La communauté internationale
est complice des trafiquants : la Bosnie et le Kosovo sont désormais
deux plaques tournantes de la traite d'êtres humains et de la
prostitution.


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Date : Wed, 28 Jul 2004 00:17:15 +0200
De : "Roland Marounek"
A: alerte_otan@...
Objet : [alerte_otan] RFI : « Les Serbes du Kosovo n'ont plus d'autre
droit que celui de mourir »

Kosovo : cinq ans après l'intervention de l'Otan

La vie impossible des Serbes du ghetto de Ljipljan

Après les émeutes du mois de mars, le sort des Serbes qui vivent dans
des enclaves du Kosovo central est de plus en plus menacé. Dans le
ghetto de Ljipljan, beaucoup ne croient plus en un règlement négocié,
et vendent leurs maisons

De notre envoyé spécial au Kosovo


Jusqu'aux émeutes du mois de mars dernier, le ghetto serbe du centre de
Lipljan comptait plus de 2 500 habitants. Dans cette commune située à
une vingtaine de kilomètres à l'est de Pristina, les soirs des 17 et 18
mars, un tiers des maisons du ghetto ont été détruites et incendiées
par des émeutiers albanais. Aujourd'hui, le ghetto ne compterait plus
qu'environ 800 habitants.

Alors que les Serbes ont été chassés de toutes les villes du Kosovo dès
juin 1999, après l'arrivée des forces de l'Otan, et se concentrent
aujourd'hui dans des villages gardés par les soldats de la KFOR,
Ljipljan était la seule ville où une importante communauté serbe avait
pu se maintenir. Les Serbes n'ont pas cependant plus accès au centre
ville depuis 1999, et vivent dans un quartier pavillonnaire qui s'étale
en longeant la ville devenue albanaise.

Des parcours secrets conduisent de maison en maison
Ici, la communauté serbe dispose de ses écoles et de son église,
entourée de barbelés et sévèrement gardée par les blindés de la KFOR.
Des itinéraires parallèles se sont mis en place pour passer d'une
maison à l'autre, en traversant les cours et les jardins. Le docteur
Zoran Trajkovic explique que « depuis cinq ans, les Serbes de Lipljan
ont oublié ce qu'était l'asphalte ». Lui-même assure une permanence de
santé dans le quartier, et travaille dans le village serbe de Gustarice
où il se rend quotidiennement dans un véhicule escorté par la KFOR.

Mirka Simeonovic, la cousine du docteur Zoran, fait partie des
irréductibles Serbes qui vivent toujours à Lipljan. Elle balaie d'un
revers de la main toutes les questions sur les risques qu'elle encourt.
« Mon fils unique était réserviste, il a été tué durant les
bombardements de l'OTAN. Mon mari est mort peu après, rongé par le
chagrin ». Mirka, 63 ans, doit subvenir aux besoins des trois enfants
de son fils, qu'elle avait pu mettre à l'abri chez un cousin, dans un
village serbe, juste avant que n'éclatent les émeutes.

« Je serai sûrement tuée par des extrémistes albanais »

« Je voudrais que les enfants de mon fils puissent partir à Belgrade
pour faire de bonnes études, en sécurité, mais je ne connais personne
en Serbie et je n'ai pas d'argent », soupire Mirka. « S'ils pouvaient
partir, je serai soulagée. Moi, je resterai ici tant que je pourrai,
pour aller fleurir tous les jours la tombe de mon fils. De toute façon,
je serai sûrement très vite tuée par les extrémistes albanais. Les
Serbes du Kosovo n'ont plus d'autre droit que celui de mourir .»

Malgré la timide normalisation amorcée depuis le mois de mars, les
conditions de vie des Serbes de Lipljan sont toujours plus difficiles.
Alors que les commerces de la rue centrale de Lipljan ne se trouvent
qu'à quelques dizaines de mètres du ghetto, les Serbes ne peuvent
sortir dans la ville albanaise que deux fois par semaines, le mercredi
et le samedi, de 10 heures à 14 heures, sous solide escorte des soldats
finlandais de la KFOR, qui sont déployés dans la ville. « Les Serbes du
Kosovo vivent en 2004 comme les Juifs durant la Seconde Guerre mondiale
», lâche le docteur Zoran.

« Dans un an, il n'y aura plus de Serbes ici.. »

Depuis mars, les maisons du ghetto serbe qui n'ont pas été détruites
sont bradées. La plupart des Serbes essaient de fuir et l'on peut
trouver une grande maison pour quelques dizaines de milliers d'euros. «
Les Albanais attendent que les prix baissent encore. Dans un an, il n'y
aura plus de Serbes à Lipljan, et les extrémistes albanais auront
obtenu ce qu'ils voulaient », estime le docteur Zoran.

Comme tous les Serbes du Kosovo, il n'espère rien de bon des
négociations sur l'avenir du Kosovo. « Pour les politiciens de
Belgrade, le Kosovo est un boulet. Si la province était partagée, le
nord serait rattaché à la Serbie, tandis que les enclaves seraient
liquidées. La communauté internationale aussi préférerait cette
solution, plutôt que de devoir continuer à mobiliser des milliers de
soldats pour faire semblant d'assurer notre protection ». Cent à
cent-vingt mille Serbes vivraient toujours au Kosovo, tandis que 250
000 sont réfugiés en Serbie et au Monténégro. La présence serbe au
Kosovo se partage entre le secteur nord, homogène et contigu à la
Serbie et un chapelets d'enclaves qui s'étalent à travers toute la
province. Quelque 20 000 Serbes vivent toujours dans le « secteur
central », qui regroupe une vingtaine de villages sur le territoire des
communes de Pristina, Obilic, Kosovo Polje et Lipljan.

Zoran Trajkovic exclut catégoriquement de vivre dans un Kosovo albanais
indépendant. « L'expérience nous a appris à ne plus croire les
engagements, les promesses ni les garanties de la communauté
internationale. Les Albanais veulent un Kosovo ethniquement pur, et ils
l'obtiendront ». Il n'a pas de famille ni de projets en Serbie, mais il
est convaincu que son tour de partir arrivera vite. « Pourtant, même si
nous partons, nous emporterons le Kosovo dans nos cours », conclut-il.