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Qui est le nouveau premier ministre du Kosovo?

LA RFA DANS LA GUERRE AU KOSOVO

de JÜRGEN ELSÄSSER

L'Harmattan 2002

Publié en 2000 à Hambourg par les éditions Konkret, cet ouvrage a
immédiatement connu un vif succès dans les pays de Langue allemande où
il s'est vendu à plus de 10000 exemplaires en un an et il en est
aujourd'hui à sa quarantième édition. Il a en outre été maintes fois
cité lors du procès Milosevic devant la Cour de Justice Internationale
de La Haye
Le lecteur y découvre des informations de première main sur un aspect
totalement ignoré en France de la politique étrangère de l'équipe
Schröder- Scharping- Fischer : comment l'opinion publique d'outre-Rhin
a été délibérément manipulée par les instances fédérales pour engager
la Bundeswehr dans le conflit du Kosovo.

Jürgen ELSÄSSER 45 ans est rédacteur du mensuel KONKRET. Il a publié
de nombreux ouvrages dont « la Face grimaçante de notre histoire »
(Berlin 1999) ; « Plus jamais la guerre sans nous – le Kosovo et la
nouvelle géopolitique allemande » (Hambourg 1999) « Make Love and War
– comment les verts et les soixante-huitards changent la république »
(Bonn- 2002)
Quelques extraits de ce livre très documenté

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Le loup déguisé en berger

Dès le tout début du stationnement de la Kfor, on pouvait lire dans
les journaux occidentaux dans quoi l'OTAN s'est embarquée en
collaborant avec l'UCK. Fin juin 1999, l'expert des Balkans Chris
Hedges rapporta dans le New York Times: "Les commandants en chef de
l'UCK (...) tuent, emprisonnent et font le ménage dans leurs propres
rangs pour intimider les rivaux potentiels; c'est ce que disent des
commandants de l'armée rebelle désormais hors fonction, de même que
des diplomates occidentaux. On rapporte que la campagne, au cours de
laquelle pas moins d'une demi- douzaine de commandants en chef ont été
abattus, était dirigée par Hashim Thaci et deux de ses lieutenants,
Azem Syla et Xhavit Haliti. "10 Un ancien officier de l'UCK témoigna
que deux exécutions eurent lieu après le début des bombardements en
avril 1999 et qu'elles furent mises sur le dos des Serbes. Malgré
cette déclaration, le Tribunal Pénal International de La Haye n'a pas
formulé, jusqu'à ce jour, d'accusation contre Thaci et a même démenti
enquêter sur cette affaire. Il serait probablement trop pénible de
publier un avis de recherche, comme pour Milosevic et Karadzic,
justement pour l'homme que Wolfgang Petritsch et Madeleine Albright
venaient de hisser sur le fauteuil de partenaire reconnu aux
pourparlers de Rambouillet.
Le cas d'Agim Ceku montre qu'il ne s'agit pas seulement, comme cela a
été dit jusqu'ici, de machinations et de guerres de gangs entre
groupes de mafia se faisant concurrence, mais que tout cela est un
aspect d'un système de domination raciste par la terreur. Ceku était
commandant en chef de l'UCK pendant la guerre et, en octobre 1999, il
fut nommé commandant du Corps de Protection du Kosovo (TMK) par la
Kfor, Corps qui devait absorber l'UCK. Avant de rejoindre 1'UCK, ce
Kosovar albanais avait servi comme général dans l'armée croate.
D'après des données du journal spécialisé dans les affaires
militaires, Jane`s Defence Weekly, Ceku était le "cerveau de
l'offensive réussie de l'armée croate à Medak" en septembre 1993. «
L'opération menée sous le nom de code Terre brûlée conduisit à la
destruction totale des villages serbes de Divoselo, Pocitelj et
Citluk, plus de cent civils furent assassinés ou tués. » Ceku était,
toujours d'après des données du fane `s Defence Weekly, aussi un des
responsables militaires de l'Opération Tempête lors de laquelle les
troupes de Zagreb prirent d'assaut la Krajina durant l'été 1995 et
expulsèrent les 200 000 Serbes qui y vivaient. « D'après le Comité
croate d'Helsinki pour les droits de l'homme, il y eut plusieurs
massacres pendant la guerre éclair de trois jours dont au moins 410
victimes civiles nommément identifiées. ». L'organisation serbe des
droits de l'homme, Veritas, rapporta qu'en 1995, 2101 civils serbes de
la Krajina et ailleurs en Croatie furent tués ou disparurent sans
laisser de trace la plupart d'entre eux pendant l'Opération Tempête.'
Des Casques Bleus canadiens furent témoins d'actes atroces commis par
les troupes croates:
"Tous les Serbes qui n'avaient pas quitté leur maison furent
systématiquement `nettoyés ethniquement' par des commandos de la mort
croates se déplaçant continuellement à travers le pays. On abattit
toute bête abandonnée, on pilla et mit le feu à toute habitation
supposée serbe." Contrairement aux événements s'étant produits peu
avant du côté bosniaque à Srebrenica, ceux-ci ne trouvèrent guère de
résonance dans l'opinion publique occidentale. Selon le Taz par
exemple, il n'y avait pas du tout eu d'expulsion hors de la Krajina.
"Pourquoi des personnes sur l'ordre de chefs fous quittent- elles leur
ferme, leur appartement, leur travail ?" cherche à savoir la
commentatrice du Taz, Dunja Melcic. Et Hans Koschnick du SPD, ancien
commissaire de l'Union Européenne à Mostar, applaudit à l'invasion de
la Krajina en l'appelant une "tentative pour rétablir la loi, une
unité étatique. "
Un rapport interne du Tribunal Pénal International de La Haye portant
le titre Acte d'accusation — Opération Tempête — Un cas unique,
remarque: "Pendant l'offensive militaire, l'armée croate et la police
spéciale commirent de nombreuses atteintes aux lois internationales
protégeant les droits de l'homme, entre autres le bombardement de Knin
et d'autres villes avec des grenades. Durant l'offensive militaire et
les cent jours qui suivirent, au moins 150 civils serbes furent
exécutés en masse et plusieurs centaines disparurent." Plus loin, on
lit qu"il y a suffisamment d'éléments contre trois généraux qui
avaient le commandement militaire de l'Opération Tempête" pour les
poursuivre pour crimes de guerre.
Le rapport interne de La Haye épais de 150 pages ne fut communiqué au
New York Times que juste avant le début des bombardements contre la
Yougoslavie et il y fut publié par extraits. C'était quelque peu
pénible pour l'OTAN, car Ceku venait tout juste de remplacer Suleiman
Selimi comme chef militaire de l'UCK lors des négociations de
Rambouillet, ce dernier ayant refusé l'accord proposé. Rapidement, la
porte-parole du Tribunal fit alors savoir que "les documents (ne
représenteraient) en aucune manière les conclusions de l'acte
d'accusation." Les déclarations des témoins et des collaborateurs du
Tribunal furent minimisées, il ne s'agirait que "de prises de
position, d'arguments et d'hypothèses." Le rapport interne n'a pas,
jusqu'à ce jour, été rendu public et le collaborateur qui l'avait
transmis au New York Times ne travaille plus pour le Tribunal.
Lorsqu'on demanda pendant la guerre au porte-parole de l'OTAN, Jamie
Shea, quelle était la relation de l'Occident avec un homme tel que
Ceku, qui aurait été impliqué dans des nettoyages ethniques, il
répondit: "Le chef qu'elle (l'UCK) se donne, c'est entièrement son
affaire." Ainsi, plus d'obstacle à la carrière ultérieure d'Agim Ceku.

Extrait du bulletin Comaguer n° 140.