http://balkans.courriers.info/article26014.html
Mardi 11 novembre, la Russie s’est abstenue lors du vote au Conseil de sécurité sur une prolongation de la mission de l’EUFOR en Bosnie-Herzégovine. L’ambassadeur russe à l’ONU, Vitali Tchourkine, a même souligné qu’il était « inacceptable que la Bosnie-Herzégovine soit poussée vers l’UE depuis l’étranger ».
Le ministère allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, à de son côté salué la prolongation du mandat de la mission militaire européenne. « Il est regrettable que, cette fois, tous les membres du Conseil de sécurité n’aient pas activement soutenu cette mission. La Grande-Bretagne et l’Allemagne ont récemment lancé une initiative pour engager des réformes visant à accélérer le rapprochement de la Bosnie-Herzégovine avec l’Union européenne. Mais l’avenir de ce pays est entre les mains de ses dirigeants », a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Berlin, faisant allusion à la déclaration de Vitali Tchourkine. Lors du débat sur la mission de l’EUFOR, l’ambassadeur russe a ainsi déclaré que l’on avait déjà constaté « de mauvais exemples, où l’intégration d’un pays à l’UE s’est faite sur la base de pressions exercées depuis l’étranger ».
Un signal clair à la Russie
Pour Tobias Flessenkemper, expert des Balkans auprès du Centre international de formation européenne (CIFE) à Nice, le vote de la Russie est le signe que ce pays a le potentiel d’influencer positivement ou négativement le cours des événements dans les Balkans. « Même en tenant compte de cette dernière abstention, jusqu’à maintenant, la Russie a soutenu le chemin de la Bosnie-Herzégovine vers l’Union européenne. Les déclarations récentes de Vitali Tchourkine sont un motif de préoccupation, puisque ce soutien ne semble plus d’actualité. Cependant, une grande majorité des citoyens de Bosnie-Herzégovine, les autorités, les partis qui négocient actuellement pour former un nouveau gouvernement et même le Président de Republika Srpska, Milorad Dodik, ont soutenu le processus d’intégration européenne. Je ne vois aucune raison de dramatiser », a-t-il déclaré. De fait, la Russie aurait pu amorcer un changement radical de stratégie sur le dossier bosnien, si elle avait mis son veto au Conseil de sécurité, pour empêcher la poursuite de la mission EUFOR.
La nouvelle stratégie russe
Pour Erich Rathfelder, correspondant à Sarajevo du journal allemand Tageszeitung, ces derniers évènements au sein du Conseil de sécurité et les déclarations de l’ambassadeur russe Tchourkine indiquent que la Russie n’est plus seulement de manière rhétorique « du côté serbe ». « La Russie soutient de plus en plus clairement Milorad Dodik sur les questions de politique intérieure. Cela pourrait favoriser à long terme une sécession de la Republika Srpska ».
Pour Erich Rathfelder, les embryons de cette nouvelle stratégie sont apparus dès 2011 et 2012, avant le début de la crise en Ukraine. En mai 2014, des désaccords sont apparus au sein du PIC (Peace Implementation Council – Conseil pour la mise en œuvre de la paix). La Russie n’était plus prête à garantir la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine. « Le fait que la Russie ait refusé de soutenir la prolongation du mandat de l’EUFOR est une continuation de cette nouvelle stratégie », explique-t-il. « La Russie a brisé le consensus qui existait au sein du PIC depuis la signature des Accords de Dayton. Cette stratégie vise à contrôler la Republika Srspka et la Serbie et à les pousser à s’interroger sur le bien fondé d’une intégration à l’Union européenne », affirme-t-il.
La réponse de l’Ouest
Tobias Flessenkemper croit néanmoins que les déclarations de Vitali Tchourkine vont avoir l’effet inverse. Les ministres des Affaires étrangères de l’UE discuteront cette semaine de l’initiative germano-britannique pour une nouvelle approche du processus d’intégration de la Bosnie-Herzégovine. Selon lui, il est nécessaire que l’Accord de stabilisation et d’association (ASA) prenne rapidement effet et que des réformes économiques et sociales soient rapidement appliquées en Bosnie-Herzégovine. « Je pense que les déclarations de Vitali Tchourkine vont favoriser l’initiative germano-britannique. Cela crée désormais une pression sur les épaules des chefs de la diplomatie européenne. Il est devenu encore plus clair que la Bosnie-Herzégovine a besoin de davantage de soutien pour intégrer l’UE ».
Erich Rathefelder souligne pourtant que les pays occidentaux sont toujours divisés sur la question bosnienne, tout comme sur les initiatives de la Russie dans les Balkans. « J’espère que l’initiative germano-britannique va renforcer le rôle de l’Allemagne en Bosnie-Herzégovine. J’espère que cette question ne sera plus abordée d’une façon aussi légère ».